EGLISE
SAINTE-PERPÉTUE
de Nîmes
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Extrait
de "Nîmes
Autrefois Aujourd'hui"
de Théodore Picard, 1901
La
nouvelle église paroissiale de Sainte-Perpétue fut construite de
1852 à 1864, sur les plans de l'architecte Léon Feuchère, au lieu
de l'ancienne chapelle conventuelle des Capucins, érigée en cure,
en 1803, sous le vocable de Sainte Perpétue. Il s'agissait d'abord
d'une simple restauration et d'une façade monumentale à édifier
d'après un dessin exposé en 1850, avec un devis de 130.302 fr. ; la
dépense finale, après trois devis supplérnentaires, a été de
près d'un million : la réfection a été complète. La première
pierre fut posée le 1er octobre 1852, au passage du Prince-Président
dle la République, en présence de Mgr Cart. Le 2 février 1864
, Mgr Plantier bénit la nouvelle église ; elle fut solennellement
consacrée le 8 juin suivant, par Mgr Dubreuil, Archevêque
d'Avignon.
Cet
édifice n'appartient à aucun style connu ; il est empreint
néanmoins d'une certaine originalité. C'est un joli monument qui ne
manque ni de grandeur, ni de charme ; mais il pêche par son défaut
de longueur (4I mètres) limité qu'il est a l'Est par la ruelle du
Louvre ; sa largeur est de 22 mètres. Dans le projet primitif, cette
ruelle devait être déplacée, et la longueur portée à 58
mètres. La superficie occupée est de 1050 mètres carrés.
Le
superbe clocher en avant-corps au milieu de la façade, constitue la
décoration essentielle de l'édifice. Il est solidement établi
au-dessus d'un porche de forme ogivale très-surhaussé, sous lequel
s'ouvre la porte principale, et flanqué, jusqu'à la hauteur du
pignon, de deux corps de bâtiments formant contreforts. En avant des
piédroits de ce porche, se détachent deux magnifiques colonnes de
marbre noir, ornées de chapiteaux richement sculptés, supportant un
entablement qui, de même que l'embasement, profile sur toute la
largeur de l'édifice, et sur lequel vient s'appuyer la retombée
d'une large archivolte. Le linteau de la porte principale est
accompagné d'un tympan en bas-relief, représentant la Mère de Dieu
offrant son Fils à l'adoration des Anges; dans le fond, un gable
très aigu, orné d'arabesques et de crochets, surmonte ce tympan et
vient compléter la décoration du porche.
Vers
le haut de la tour carrée qui supporte le clocher, une corniche
saillante, sur mâchicoulis à arcatures ogivales, orne et contourne
la partie supérieure de la façade. La décoration est complétée
par une superbe niche â ogive trilobée, en saillie au-dessus de
l'archivolte du porche, qui abrite une statue colossale du Christ,
œuvre de Félon, montrant d'une main le ciel, et de l'autre, à ses
pieds, le calice de la Rédemption. Ce sculpteur est également
l'auteur des deux statues, Sainte Félicité et Sainte-Perpétue,
martyres, qui ornent la partie médiane de la façade.
Le
clocher proprement dit, de forme quadrangulaire, flanqué de
colonnettes à clochetons dans les angles, se détache au-dessus du
pignon, avec ses deux étages à baies ogivales, couronnés de
frontons. Il est surmonté d'une flèche octogonale en pierre, d'une
très grande hardiesse, ornée de crochets, et couronnée par un
large fleuron aux feuilles épanouies, d'où s'élance, radieuse, à
68 mètres au-dessus du sol, une grande croix en fer, d'un travail
remarquable, de 8 mètres de hauteur, dont 5m dans œuvre.
Un
peu en arrière des contreforts du clocher, aux extrémités de la
façade, s'élèvent deux tourelles à huit pans, terminées chacune
par une courte flèche. Entre ces tourelles et les contreforts,
s'ouvrent les deux portes latérales donnant issue aux bas-côtés.
Elles sont ornées chacune d'un tympan en bas relief, représentant :
celui de gauche, les évangélistes Saint Mathieu et Saint Jean ;
celui de droite, Saint Luc et Saint Marc. La décoration de cette
partie de la façade se termine, de chaque côté, par une fenêtre
ogivale géminée, accompagnée d'un fronton aigu, et terminée par
un acrotère sur lequel se dressent les statues en marbre de deux
anges allégoriques de Bosc. Un magnifique perron de six marches
élève la façade, et contribue à en rehausser la belle structure.
-
Deux petites tourelles octogones terminées par une flèche
fleuronnée, encadrent la façade du chevet. Le mur semi-circulaire
qui le termine correspondant à la nef centrale, est percé de deux
rangs d'arcades ogivales trilobées ; chacune des baies est ornée de
deux meneaux.
L'intérieur
à trois nefs, comprend six travées sans transept ; vient ensuite le
chœur proprement dit, formé de deux petites travées, enfin, le
sanctuaire qui occupe le fond de l'abside en hémicycle ; sur le côté
droit s'ouvre la sacristie. Les absidioles des bas-côtés sont
terminées par des chapelles ajourées par le haut. Les six arcades
intérieures de chaque côté de la grande nef, correspondant aux six
travées, sont de forme ogivale, avec archivolte au-dessus très
surhaussée, simulant une arcature. Chacune de ces arcades est
supportée par un faisceau de quatre colonnettes très sveltes de
Barutel, avec chapiteaux ornés d'arabesques. La nef centrale a une
largeur de 9m30.
-
La décoration intérieure, surtout celle du chœur et de ses
tribunes, rappelle assez les dessins de l'Allambra. Le maître-autel,
en marbre blanc de Carrare, est orné aux extrémités de deux belles
statues d'anges dues au ciseau de Bosc. Les grandes orgues, établies
en encorbellement au-dessus du porche, sont l’œuvre de
Cavaillé-Coll de Paris. C'est la Maison Martin d'Avignon qui a
fourni la délicieuse verrière du fond et les vitraux de la nef. Ces
dix-huit tableaux délicatement modelés qui décorent le chevet
, encadrés chacun dans une ogive trilobée, font honneur à
l'artiste Félon qui en a dessiné les cartons. L'exécution du
mobilier, boiseries et ouvrages en fer a été confiée à des hommes
de choix. La gracieuse chaire à prêcher, œuvre de Hoën Bernard,
est particulièrement bien traitée.
On
a eu la pieuse pensée de réunir dans la chapelle dédiée aux âmes
du Purgatoire, au pied de l'ancien maître autel de l'église des
Capucins, les ossements des religieux massacrés en 1790, recueillis
au cour des travaux de reconstruction de l'église. Une inscription
sur plaque de marbre noir, relate cette translation. En face, est une
autre inscription qui se rapporte à la Croix élevée sur la place
publique en 1826 et renversée en 1831.
Un
ne saurait trop estimer ce bel édifice, dont l'exécution, dirigée,
successivement, par les architectes Monsimier et J. Lihourel, a été
hérissée de tant de difficultés, et au cours de laquelle l'imprévu
a joué un si grand rôle. On peut dire que c'est à l'entrepreneur
Granon que revient la plus large part du succès. C'est lui qui est
parvenu à dissimuler les points d'appui de la nef percée à jour,
et à résoudre tous les problèmes de coupe. Cette précision, ce
fini, se rencontrent rarement, aujourd'hui, parmi les bâtisseurs.
D'après
l'historien Ménard, les Capucins, dont l'ancien couvent avait été
dévasté le 21 décembre 1561, furent rappelés à Nîmes par brevet
du roi Louis XIII, le 15 juillet 1629. De là, ils rayonnèrent dans
les principales villes du diocèse pour y travailler à la conversion
des hérétiques.
Ils
établirent leur nouveau couvent sur l'ancien cimetière de l'église
Saint-Thomas, en face de la porte de la Couronne, en 1651, et leur
église, achevée en juin 1663, fut consacrée à saint Denis, en
souvenir de la protection dont l'évêque Denis Cohon les avait
toujours favorisés.
-
Après l'édit de 1787, favorable au culte de la religion dite
réformée, l'église et le couvent des Capucins devinrent l'objet
des convoitises des calvinistes. A la suite d'un complot ourdi
pendant la Bagarre, on désigne sous ce nom le massacre des
catholiques en juin 1790, les émeutiers pénétrèrent à
l'intérieur, s'emparèrent de l'église et du couvent qu'ils
pillèrent, et massacrèrent plusieurs religieux. Les Capucins
échappés à la mort et revenus à leur monastère dévasté, ne
pouvant obtenir justice, durent se disperser en mars 1791. L'église
conventuelle était destinée à servir de paroisse
constitutionnelle, comme cure, suivant décret de l'Assemblée
constituante du 5 mai 1791, sous le vocable de Saint -Denis. Pendant
la Terreur, et jusqu'au 9 thermidor, elle fut convertie en prison. A
la chute de Robespierre, l'église et le couvent renfermaient
près de 800 détenus. La nouvelle paroisse sécularisée fut
comprise dans le décret de 1802, comme succursale de Saint-Baudile,
et classée plus tard, comme simple chapelle, sous le vocable de
Sainte-Perpétue et Sainte-Félicité. Par ordonnance royale du 28
février 1821, elle reprit son titré de succursale ; un décret du
11 mai 1822 l'a rétablie en cure de deuxième classe.
Parmi
les anciennes chapelles situées sur cette paroisse, il faut nommer :
1°
Saint-Jean-de-Jérusalem, non loin de la porte de la Couronne, au
voisinage de la Maison de l'Assomption, détruite en 1562 ;
2°
La paroisse rurale de Sainte-Perpétue, mentionnée dès l'an 905 et
détruite au XVIe siècle ; elle était située sur le chemin qui
longe le jardin du Prieuré de l'Assomption.
Parmi
les anciens monastères, il faut citer :
1°
les Augustins, au-dessous de l'Esplanade, fondé vers l'an 1353, et
démoli par les protestants en 1567. À leur rentrée à Nîmes, en
1670, ces religieux s'établirent près de la Maison Carrée qui leur
servit d'église jusqu'à la Révolution ;
2°
les Ursulines du Petit-Couvent, à côté de l'hôtel du
Cheval-Blanc, fondé par Mgr Cohon en 1665, révolutionnairement
vendu vers la fin de 1792, après la dispersion des religieuses ;
3°
l'Hôpital Saint-Lazare, ou léproserie, situé dans les environs de
la Porte-Couverte, entre le chemin de Saint-Gilles et celui de
Générac, et qui fonctionnait en 1403. En 1640, Mgr Cohon obtint que
les biens de cette fondation fussent réunis à ceux des Ursulines.
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NOTICE
HISTORIQUE SUR LA NOUVELLE
ÉGLISE
SAINTE-PERPÉTUE
par
M. Charles Liotard
extrait
des « Mémoires de l’Académie de Nîmes », 1863
pages
315 à 339
L'ancienne église et le Couvent des Capucins avant les travaux
La
reconstruction de l'église Sainte-Perpétue touche à sa fin : Le
moment me paraît opportun pour raconter l'histoire assez compliquée
de ce nouvel édifice paroissial qui ajoute un fleuron à la couronne
monumentale de notre cité.
Ce
qui pourra donner un intérêt particulier à ce récit, c'est qu'un
mauvais génie semble avoir, dès le début, contrarié cette œuvre
religieuse qui se poursuit et se complète cependant, grâce à la
persévérance et au dévouement de tous ceux qui successivement y
mettent la main, et à l'intervention cachée d'une puissance
supérieure, sans laquelle les efforts de l'homme sont vains :
Nisi
Dominus œdificaverit domum, in vanum laboraverunt...
Comme
si ce n'était assez des difficultés imprévues et matérielles qui
ont plusieurs fois arrêté l'élan de la volonté humaine, une
disposition hostile s'est constamment manifestée, dans l'esprit
public, contre le projet en cours d'exécution ; et, pour comble de
disgrâce, un écrit, qui avait la prétention d'être instructif et
dans lequel s'accumulent les assertions erronées est encore venu
jeter d'autres doutes et de fausses idées au sein de notre
population.
Toutes
ces circonstances rendent donc ma tâche délicate et difficile,
parce que le récit que j'entreprends, avec la volonté et la
certitude d'être exact et sincère, doit prendre nécessairement sur
quelques points le caractère d'une réfutation.
Dix
ans à peine se sont écoulés depuis qu'ont été jetés les
fondements de l'église Sainte-Perpétue, et il importe déjà de
prémunir la postérité contre la fausseté de certaines assertions
au sujet de cette entreprise, dont la marche paraît avoir été
embrouillée à plaisir ; au point que, pour quelques détails, il
devient nécessaire de recourir à la tradition. Peut-être
voudra-t-on bien reconnaître que j'étais, mieux que personne, en
mesure d'en fixer les fugitives indications.
Je
me hâte de déblayer le terrain, en répondant à une première
accusation, dont je voudrais qu'il ne restât plus de traces parmi
les hommes éclairés du pays.
On
a dit (je
serais bien en peine de donner un corps à cette appellation vague et
indéterminée)
; on a dit et l'on répète chaque jour que l'ancienne église a été
démolie brusquement et prématurément, sans autorisation, pour
obliger l'administration municipale à la reconstruire.
Qui
a formulé le premier cette accusation, et à qui s'adresse ce grave
reproche ? Le premier qui prononce une parole hasardée, une simple
supposition, ne se doute pas combien cette parole peut recevoir de
développement et devenir malveillante ; quel chemin parcourt, en peu
de temps, l'erreur ou la calomnie !
Ce
n'est pas sans raison que le fabuliste conclut un de ses apologues,
en disant :I
L'homme
est de glace aux vérités,
Il
est de feu pour le mensonge.
Quel
est donc ici l'accusé ? Hélas ! aucun des hommes en cause ne peut
répondre. L'impitoyable mort a emporté, non pas dans le même
tourbillon, mais par une suite de coups répétés et imprévus, de
1852 à 1856, d'abord le pasteur (1) qui provoqua la reconstruction
de l'église ; l'architecte (2), qui en conçut le plan ;
l'administrateur (3) qui le fit adopter ; et, peu après, de 1856 à
1861, le successeur du premier architecte (4) ; le troisième des
chefs de l'administration municipale (5), quatre fois renouvelée
depuis le commencement des travaux.
(1)
Le curé Goubier, 15 avril 1855.
(2)
Léon Feuchère, 4 janvier 1857.
(3)
M. Vidal, maire, 20 décembre 1854
(4)
M. Monsinier, 15 janvier 1860.
(5)
M. Duplan, maire, 21 janvier 1861.
Je
vais donc répondre pour les morts. J'examinerai, en tâchant de les
résoudre, les questions suivantes :
Pourquoi
a-t-on reconstruit l'église Sainte-Perpétue? Pourquoi n'a-t-on pas
mis le projet au concours, et pourquoi a-t-on adopté le plan actuel
?
Pourquoi
a-t-on conservé l'ancien emplacement ?
Comment
on aurait pu améliorer une disposition condamnée par les principes,
et pourquoi on ne l'a pas fait ?
Pourquoi
la dépense de cette construction sera relativement supérieure à
celle de l'église Saint-Paul, élevée de1836 à 1849 ?
J'abandonne
naturellement à celui de nos confrères qui se charge d'ordinaire et
qui s'acquitte si bien de l'appréciation de tout ce qui touche à
l'art pur, le jugement à porter sur l'œuvre architecturale et
sculpturale, et je me borne à présenter l'historique du monument.
L'idée
première de la réédification de l'église Sainte-Perpétue remonte
au-delà de la révolution de 1848, et il faut en faire honneur à
l'administration éclairée et si méritante de M. Girard.
Dans
la pensée du maire de Nîmes qui avait créé la belle place de
l'Esplanade, reliée par l'avenue Feuchères au chemin de fer,
l'érection d'une façade élégante et riche pour l'église
Sainte-Perpétue était le complément nécessaire de la décoration
de cette place, qui a pour ceinture l'Amphithéâtre romain, le
fronton du Palais de Justice, l'hôtel du Luxembourg ; pour débouché
et point de vue, un embarcadère monumental, et pour ornementation
dominante, une fontaine que nous envieraient certaines capitales (1).
(1)
Celle de Vienne, en projet ou en construction, n'en serait que la
reproduction : l'Autriche dominant les quatre figures symboliques des
grands cours d'eau de l'empire.
Cette
heureuse pensée était déposée en germe dans les cartons de
l'administration locale, lorsque, après l'apaisement des esprits,
elle se préoccupa de reprendre le cours des embellissements qui
provoquent l'admiration de l'étranger, aussitôt qu'il met pied à
terre dans nos murs.
Cette
pensée prit un corps à l'exposition des beaux-arts de 1850, où
l'on put remarquer, avec une agréable surprise, un splendide dessin
qui comprenait un système complet de décoration embrassant, au
levant de l'Esplanade, la ligne entière formée par, l'hôtel du
Luxembourg, la vieille église et la Manutention. Tout ce côté du
boulevard de l'Esplanade était transformé par des constructions de
bon goût, au milieu desquelles s'élevait la riche façade de
l'église dominée par un clocher unique placé au dessus de la porte
principale.
Cette
transformation est accomplie aujourd'hui pour deux édifices sur
trois. La Manutention reste encore, avec son aspect de vieux couvent
et la pauvreté de son caractère architectural. Ce bâtiment
devenait dans le projet dont M. Léon Feuchère avait tracé une
brillante esquisse , un établissement de bains publics, surmonté
d'une coupole, et _contribuait ainsi à l'ornementation générale.
Je
dirai pourquoi le projet est resté incomplet sur ce point : non pas
qu'on n’ait jamais eu l'idée de réaliser cette dernière
transformation ; mais un autre projet qui aurait eu le même
résultat, au point de vue de la décoration de la place, avait été
conçu par l'administration municipale , et ce n'est pas, sa faute
s'il a été abandonné .
En
ce qui
concerne la façade de l'église, lorsqu'en 1852 la mairie de Nîmes
ressuscita la proposition de lui donner des formes plus élégantes
et un caractère plus monumental, sa pensée se reporta naturellement
sur ce .riche dessin que son auteur transforma sans peine, en un
'projet
de construction un peu modifié dans quelques éléments, mais
conservant du type primitif l'effet essentiel d'une flèche élancée,
telle qu'on l'aperçoit aujourd'hui terminée et portée à 62 mètres
d’élévation au dessus du sol (62m
37 , y compris la croix).
C'était
au mois d'avril 1852, à la veille des élections pour le
renouvellement du Conseil municipal, en exécution de la loi
transitoire prescrivant la reconstitution générale de ces corps.
Les
plans de M. Feuchère étaient prêts. Le Maire de Nîmes lui avait
demandé un projet de façade riche et d'un aspect nouveau ; il
s'agissait de rhabiller cette devanture qui offensait le regard dans
le voisinage des belles constructions agglomérées sur la même
place. Le même architecte avait donné, dans le placage de la
nouvelle façade de l'hôtel du Luxembourg, contigu à l'église, et
dans d'autres projets de bâtiments privés érigés sur divers
points de la ville, la mesure de son talent, incontestablement
reconnu. Un concours pouvait, sans doute, produire des œuvres aussi
recommandables ; l'administration en avait fait deux fois l'heureuse
épreuve pour la construction de l'église Saint-Paul et l'érection
de la fontaine de l'Esplanade ; (épreuve
qui vient d'être d'ailleurs renouvelée, avec un plein succès, pour
la reconstruction prochaine de l'église Saint-Baudile).
Mais
la publicité à donner à l'annonce d'un concours, et la latitude de
temps à accorder pour de nouvelles études exigeaient au moins un
délai de six mois ; et, je le répète, le Conseil municipal
touchait à l'expiration de ses pouvoirs (1).
(1)
Les élections eurent lieu en août-septembre 1852.
Ce
fut là, il faut le reconnaître, le motif dominant de sa résolution.
Le Conseil municipal , décidé par l'appréhension de ne pas
rencontrer dans les nouveaux élus les mêmes sympathies pour l'idée
de la réédification du.
portail de Sainte-Perpétue, et
trouvant sous sa main un projet tout prêt et d'ailleurs fort
séduisant, adopta dans la séance du 26 avril 1852, avec une
certaine précipitation, le projet de M. Feuchère, qui s'annonçait
avec une prévision de dépense de 160000 fr.
Notons
bien que ce projet ne comportait que l'élévation,d'une façade. On
ne pouvait pas avoir la pensée de construire une église entière
avec 160000 fr ; on ne le voulait pas d'ailleurs, l'église étant
solide et suffisamment grande ; elle ne présentait pas, comme la
vieille église conventuelle des Récollets, une masure délabrée,
ni comme la chapelle des Carmes un édifice ébranlé par de
dangereuses annexions.
Le
but était bien déterminé et très franchement accusé, le
programme nettement posé : Compléter,
par une façade élégante de l'église , l'ornementation de la place
de l'Esplanade.
Le
projet, adopté dans ce sens restreint le 26 avril 1852, fut approuvé
le 1er juin, adjugé le 1er juillet pour la maçonnerie seulement.
L'entrepreneur ne mit la main à l’œuvre que le 2 août 1852. Le
Président de la République mourante posa la première pierre sur
l'avant-corps de la façade le 1er octobre 1852.
Mais,
dès le 12 novembre de la même année , l'architecte signalait, dans
une lettre adressée à l'administration, le défaut de proportion
entre les travaux neufs autorisés et les parties à conserver du
vieil édifice l'aspect écrasé que, présenterait le corps de
l'église contrastant avec la forme élancée de la façade, la
nécessité de prendre les points d'appui des œuvres nouvelles en
dedans et indépendamment des murs des .deux constructions contiguës
à droite et à gauche, le vice de la disposition intérieure qui,
plaçait la chapelle de
la Vierge derrière le sanctuaire. Il proposait par suite, des
modifications et des développements qui équivalaient ; comme il le
disait lui-même ; et comme le reconnut le Conseil municipal en
adoptant ses propositions, à la reconstruction totale de l'église,
puisque la suppression de la mitoyenneté de l'église avec les deux
bâtiments adjacents entraînait la nécessité de refaire les murs
latéraux sur de nouvelles fondations et, par conséquent, la
démolition des voûtes.
L'architecte
proposait aussi, par occasion, de remplacer les piliers de forme
carrée par ces colonnettes accouplées qui ont donné à l'édifice
actuel un aspect aérien et dégagé, dont l'effet hardi a provoqué
l'admiration des artistes étrangers qui ont visité les travaux en
cours d'exécution.
L'architecte
ne pouvait dissimuler les charges financières qui résulteraient de
l'adoption de ses propositions. Il terminait sa lettre du 12 novembre
1852 par cette observation :
«
Vous
penserez, comme moi, que léguer à l'avenir un monument incomplet
ferait peut-être naître un remords plus lourd que le chiffre porté
au devis que je vous soumets ».
Le
Conseil municipal ne put donc pas se faire illusion, et c'est là un
point capital que je tiens à mettre en relief. On lui proposait la
reconstruction de l'église ; fondée, il est vrai, sur des motifs
rationnels, mais qu'il était libre de repousser, en maintenant
purement et simplement le vote primitif restreint à la réédification
de la façade ; Le
corps de l'église n'était pas démoli, fallait-il
le démolir ? Le Conseil municipal pouvait dire : Non. Il dit : Oui.
Il alla même au-delà des demandes de l'architecte en décidant, par
sa délibération du 17 novembre 1852, qu'on emploierait pour
les nouveaux piliers la pierre de Barutel, au lieu de la pierre de
Beaucaire; et il ajouta, pour cet objet spécial, une somme de 4800
fr au chiffre de 95600 fr, résultant du second devis, dressé par
l'architecte,qui s'élevait ainsi à 100400 fr.
Le
nouveau crédit de100400 fr portait à 260400 fr la somme des
engagements qu'acceptait la ville pour la création complète d'un
édifice religieux, dont les plans se faisaient remarquer par un luxe
de sculpture inusité dans le pays, et qui contrastait singulièrement
avec la sobriété des détails du premier bâtiment de même nature
, élevé aux frais de la municipalité sur la place de la Madeleine.
Ici
est l'erreur, la faute peut-être. C'est d'avoir cru ou paru croire à
la possibilité d'une œuvre pareille au moyen d'une dépense de
260000 fr. (Je ne parle pas encore de l'ameublement que les deux
premiers votes, du 26 avril et du 17 novembre 1852, laissaient
complètement en dehors, et auquel il faudrait pourvoir plus tard,
contrairement à l'espérance qu'on essayait de formuler d'utiliser
l'ancien mobilier, mais simplement des grosses œuvres de maçonnerie
et de menuiserie.
L'expérience
ne tarda pas à démontrer cette erreur.
Les
travaux se poursuivirent sans interruption jusqu'à l'année 1857 ;
donc, les premiers jours virent finir prématurément l'existence de
l'architecte Feuchère.
La
tâche de continuer son œuvre échut naturellement à son
collaborateur ordinaire, M. Monsimier, qui avait été constamment
associé à ses œuvres, et qui allait aussi le remplacer, dans sa
position officielle d'architecte du département.
C'est
ici le lieu de faire remarquer que M. Feuchère, comme la plupart des
architectes de la capitale, employait dans la direction de ses
travaux , la surveillance de ses chantiers, et pour le métrage des
travaux exécutés, un praticien, un homme d'action, tandis qu'il se
chargeait, lui, spécialement, mais non exclusivement, du travail de
cabinet ce qui ne veut pas dire, comme on l'a trop complaisamment
insinué que Léon Feuchère ne fût qu'un simple dessinateur ou
décorateur.
Il
est bien vrai que la hardiesse de ses conceptions apprêtait à
l'entrepreneur, chargé de les exécuter, une tâche difficile, qui a
été habilement et très heureusement accomplie par M. Granon,
constructeur des plus intelligents et des plus consciencieux. Il est
certain que la légèreté excessive des élégants piliers qui
soutiennent tout l'édifice, et dont des précautions ingénieuses
garantissent néanmoins la solidité, a provoqué, de la part des
hommes spéciaux qui ont visité l'ouvre en construction, un
étonnement général, et qu'ils ont vu comme une espèce de prodige
la réussite de cette combinaison ; mais est-ce à dire qu'il faille
attribuer au constructeur tout l'honneur de cette remarquable
création ?
J'insiste
sur cette observation, parce que depuis la perte regrettable du
premier architecte on semble avoir pris à tâche de restreindre son
mérite et de le dépouiller de l'honneur légitime qui lui revient.
Je
reprends le narré des faits.
Au
moment où M. Monsimier prit la direction des travaux qu'il devait
continuer sur les plans de son ancien chef, 200000 fr avaient été
dépensés pour les œuvres de Maçonnerie exécutées jusqu'au 31
décembre 1856 ; le
travail fait pouvait être approximativement évalué à 230000 fr ;
mais le bâtiment était à peine arrivé au tiers de son élévation,
et cependant la limite des crédits ouverts (260000 fr) était
presque atteinte.
Le
nouvel architecte s'empressa de présenter à la municipalité un
état de situation exact au moment où il allait 'entreprendre, sous
sa propre responsabilité, la continuation de l’œuvre entamée.
Le
troisième devis qu'il dressa au commencement de l'année 1857 devait
comprendre tous les travaux nécessaires à l'achèvement des grosses
œuvres de l'édifice. La dépense en prévision restant à faire,
d'après ce troisième devis, s'élevait à 322000 fr.
Naturellement
les édiles se récrièrent à cette révélation inattendue ; et
l'architecte, sommé de justifier ses appréciations nouvelles,
fournit des explications à l'appui qui attribuaient l'excédant de
dépense ;1
dont il démontrait la
nécessité :
.1°
A la profondeur excessive qu'il avait fallu donner aux fondations
pour trouver un sol suffisamment résistant.
.2°
Au surcroît d'élévation que M. Feuchère avait pris sur lui
d'attribuer aux arcatures de la grande nef, pour leur donner plus
d'élégance, ce qui augmentait
nécessairement dans une proportion considérable la masse générale
de la construction.
.3°
A l'abandon et au remplacement d'une partie des fondations de la
façade, par suite de' l'obligation où l'on s'était trouvé de
diminuer la saillie de l'édifice en
dehors des constructions privées qui lui sont contiguës.
Cette
dernière observation m'amène à -donner
la raison du
maintien de l'église sur son emplacement actuel, et à rappeler une
circonstance imprévue qui fut la conséquence de cette décision, et
qui contraria un moment la marche de l'entreprise.
C'est
un douloureux souvenir et une pensée pieuse et réparatrice qui ont
fait prévaloir l'idée de conserver à la nouvelle église
Sainte-Perpétue son emplacement actuel, contrairement à l'opinion
générale qui recommandait soit son isolement, soit sa translation
au cœur de la paroisse.
Quant
à son isolement, on pouvait l'obtenir sans déplacement, et il était
même dans la pensée de l'architecte. La translation de la
Manutention et le reculement de la ruelle du Louvre en fournissaient
les moyens.
Quant
au déplacement de l'église, la proposition en fut repoussée par le
motif que cet édifice religieux reposait sur un fonds arrosé du
sang des martyrs , et qu'il était bon de consacrer, par son maintien
sur la même place, le souvenir des infortunés qui avaient été
victimes des excès révolutionnaires dans les funestes journées de
juin 1790. (La
bagarre de Nîmes)
L'emplacement
de l'église étant imposé par cette considération, M. Feuchère
avait jugé convenable, pour établir de justes proportions entre
toutes les dimensions de l'église, d'en augmenter la longueur en
prolongeant le chœur et l'abside au-delà de la ruelle du Louvre, et
en occupant une partie de la cour de l'hôtel qui porte ce nom. Dans
cette pensée, la direction de la ruelle du Louvre devait être
changée, et, elle était avantageusement remplacée par une nouvelle
voie qui, prolongeant en
ligne droite la rue de la Servie, venait déboucher ainsi au fond de
la place de la Couronne. C'était, à tous les points de vue, une
très heureuse combinaison qui assurait, tout à la fois, les
avantages suivants :
1°
Agrandissement de l'église en longueur ;
2°
Suppression d'une rue étroite et tortueuse ;
3°
Prolongement direct de la rue de la Servie jusqu'à la place de la
Couronne.
Mais
des difficultés , qui furent révélées dans une enquête à ce
sujet, et qui naissaient principalement du sacrifice à imposer aux
intérêts privés, empêchèrent la réalisation de cette heureuse
idée à jamais regrettable.
Forcé,
dès lors, de renoncer à l'allongement de l'église dans le sens du
levant, l'architecte voulut , par compensation, en avancer la façade
au couchant.
Cette
disposition lui fournissait, en outre, l'avantage de mettre en
saillie la riche décoration qu'il préparait, et elle avait le
mérite de conjurer, en partie, le fâcheux effet d'un bâtiment
public engagé entre deux constructions privées.
Mais
à peine les constructions commençaient à s'élever sur les
fondations ainsi établies, que des réclamations très vives furent
formulées par le propriétaire de l'hôtel du Luxembourg, qui
craignait de voir son établissement masqué d'une façon très
désavantageuse par la saillie excessive de l'église.
L'administration
se vit obligée de céder, dans une certaine mesure, à cette crainte
exagérée, et c'est ainsi que le reculement de la masse de la façade
de l'église fit perdre la valeur d'une partie des œuvres
souterraines fondées, dans le principe, à neuf mètres en avant
pour en soutenir le poids. Au reste, l'effet général ne dut pas en
souffrir. La saillie de la façade de l'église étant conservée
encore sur une profondeur de 6m60 (1), on adopta un système
d'alignement qui imposait aux deux constructions adhérentes un
évasement symétrique, existant déjà sur l'hôtel du Luxembourg,
et qui, appliqué dans l'avenir à la façade de la Manutention,
donnera à la ligne brisée, formée par les trois édifices, un
aspect général assez satisfaisant.
(1)
6m 60 au milieu de la saillie totale ; 2m65 au point de jonction des
deux clochetons avec les bâtiments latéraux.
Il
me reste à dire pourquoi l'administration a renoncé à l'isolement
de l'église sur les côtés. On pouvait obtenir ce résultat par le
déplacement de la Manutention, et la municipalité s'était flattée
un moment d'y parvenir. La ville de Nîmes ne possède que la
nue-propriété de ce bâtiment, dont l'affectation est obligatoire
aux services du ministère de la guerre. Elle proposait, pour avoir
le droit de disposer du sol, de créer un nouvel établissement pour
la manutention sur l'emplacement de l'ancien cimetière du chemin
d'Uzès, presque contigu au quartier d'infanterie, dont la
Manutention devenait, pour ainsi dire, une annexe. Elle affectait dès
lors le sol de la Manutention à des constructions particulières, en
réservant la largeur nécessaire pour la création d'une rue au sud
de l'église.
On
aurait pu retrouver dans le produit de la vente des terrains de la
manutention la valeur des constructions du nouveau bâtiment
militaire, si la ville l'avait construit elle-même sur les bases de
prix ordinaire ; mais il fallait subir, pour cette nouvelle
construction, les séries de prix adoptées par le génie militaire,
qui sont établies dans des proportions bien supérieures à celles
que l'on applique, en général, aux travaux de l'architecture civile
; et, dès lors, le prix élevé qu'atteignaient en prévision ces
constructions ne permettait pas d'espérer qu'il fût compensé par
la vente du sol de la Manutention aux particuliers. C'est ce qui fit
échouer le projet.
Je
reprends, après cette digression nécessaire, la marche des travaux
de la construction de l'église.
Le
Conseil municipal, en présence du troisième vote qui lui était
demandé, voulut s'entourer de quelques garanties contre le retour de
pareils mécomptes, et fixer d'une manière définitive la limite de
ses sacrifices. Dans la session de février 1857, il confia à deux
architectes expérimentés un travail de contrôle, dont le résultat
devait être de constater si le troisième devis comprenait tous les
travaux à prévoir pour assurer l'achèvement des grosses œuvres de
l'église. Dans l'intervalle de la session de février à celle de
mai 1857, ces deux commissaires se livrèrent à une étude
approfondie des propositions de M. Monsimier, et le résultat de leur
contrôle fut d'élever, par la révision des séries de prix, la
nouvelle dépense prévue de 322000 à 357000 fr.
Conformément
aux conclusions des deux commissaires, le Conseil municipal approuva,
par une délibération du 27 mai 1857, le troisième devis, s'élevant
à 357000 fr, et comme un emprunt devenait nécessaire, pour se
procurer promptement les moyens de pourvoir à ce supplément de
dépenses, une délibération du 18 décembre 1857 autorisa cet
emprunt.
En
outre, et à cette occasion, l'administration supérieure ayant fait
l'observation judicieuse que cette troisième série de travaux
proposés ne comprenait pas encore le mobilier de l'église, le
Conseil municipal, par une autre délibération du 18 décembre 1857,
alloua un quatrième crédit de 100000 fr. affecté spécialement au
mobilier, d'après un état approximatif ou simple aperçu ,
comprenant les articles indispensables, tels que l'orgue, la chaire,
le maître-autel, les stalles, les confessionnaux, les grilles du
chœur et des chapelles, etc., avec la pensée que cette somme de
100000 fr ne serait pas rigoureusement suffisante pour l'ameublement
complet de l'église et des sacristies. En effet, une somme
complémentaire de 20 à 30000 fr sera probablement encore
nécessaire pour cet objet. Le chemin de croix n'entrait pas dans les
prévisions supplémentaires.
Enfin,
la situation actuelle des travaux, qui s'achèvent sous la direction
de M. Libouret, successeur de M. Monsimier, décédé, démontre,
malgré les assertions du troisième devis, l'insuffisance de
quelques appréciations sur lesquelles il y aura lieu de revenir, et
la nécessité d'une allocation nouvelle de fonds de 80000fr.
environ.
En
rapprochant les décisions successives dont je viens d'indiquer la
date et le but, voici le relevé exact et rigoureux des votes de
fonds consacrés de 1852 à 1862 à l'église Sainte-Perpétue :
26
avril 1852. Premier devis de M. Feuchère : 159330, 97 fr.
17
novembre 1852. Deuxième devis de M. Feuchère : 400418, 09 fr.
27
mars 1857. Troisième devis par M. Monsimier : 357166, 13 fr
18
décembre 1857. Première allocation pour le mobilier : 100000 fr
Total
716915, 19 fr
Il
y a lieu d'ajouter à ce total la valeur des travaux accessoires
exécutés à la Manutention et autorisés par une délibération du
Conseil municipal du 11 juillet 1853, pour remplacer un magasin,
absorbé par l'empiétement que forme dans cet établissement une des
chapelles latérales construites en hémicycle. Ces travaux sont
réglés à la somme de : 5479, 68 fr
Et
portent, en l'état (au 31/12/1862), la dépense totale régulièrement
autorisée à 722394, 87 fr
En
ajoutant, enfin, à cette dernière somme les augmentations en
prévision savoir :
Pour
l'achèvement des grosses œuvres : 80000 ff
Pour
le complément du mobilier : 20000 fr
On
arrive à la somme totale de : 822394,
87 fr pour exprimer
le chiffre probable de
la dépense de la nouvelle église Sainte-Perpétue.
On
se demande comment il se fait
que la dépense de l'église Sainte-Perpétue sera supérieure à
celle de Saint-Paul (1) qui est plus grande, isolée et dont les
façades latérales sont établies en pierre de taille.
L'explication
de cette différence résulte essentiellement du renchérissement de
la main d'œuvre de 1840 à 1860, et des conséquences du style
adopté pour la nouvelle église, qui comporte une surcharge
d'ornements et de détails de sculpture, tandis que toutes les faces
de l'église Saint-Paul ne présentent que des murailles nues, des
blocs de pierre réguliers et sans refouillement.
Il
ne faut pas perdre de vue, d'ailleurs, que l'église Sainte-Perpétue
est assise sur des murs latéraux qui lui sont propres et non
mitoyens et que la surface qu'elle occupe n'est pas très inférieure
à celle de l'église Saint-Paul.
Voici
les dimensions comparatives des deux églises :
Surface
totale intérieure ; Sainte-Perpétue, 1050 m2 ; Saint-Paul, 1370 m2.
Les
proportions en longueur pour Sainte-Perpétue, 45,30 m ;
Saint-Paul,57,50 m
La
largeur est à peu près la même, un peu supérieure pour
Sainte-Perpétue, ce qui aurait rendu très désirable l'allongement
dont j'ai parlé.
L'église
Saint-Paul a coûté :
Pour
les grosses œuvres : 506751, 23 fr. Pour le mobilier y compris plus
de 60000 fr. de peintures : 209505, 51 fr
Largeur
dans œuvre : Saint-Paul, 21,50 m ; Ste-Perpétue, 23,20m
Quant
aux dimensions de la façade, celle de Saint-Paul qui forme une ligne
droite ne mesure que 22,50 m. Tandis que celle de Sainte-Perpétue,
avec tous ses angles saillants et rentrants, présente en
construction un développement de 36 m.
Ma
tâche d'historien sera terminée, quand j'aurai relevé les
nombreuses erreurs accumulées dans une notice de deux pages, signée
Alfred Michiels, et placée en tête d'une collection de dessins où
M. Felon a reproduit, par la lithographie, les statues, les
bas-reliefs et les vitraux qu'il a composés pour l'église
Sainte-Perpétue.
Les
défauts dominants que je reproche à cette notice sont
l'insuffisance et l'inexactitude des détails, et en outre un excès
de personnalité qui affecte un peu trop le caractère de la réclame.
M. Felon est un artiste de beaucoup de talent ; il était inutile de
recourir à ce vulgaire moyen pour faire valoir son œuvre.
Il
avait annoncé, dans le principe, l'intention de publier, avec son
album de dessins, une monographie de l'église, dans laquelle il
aurait parlé nécessairement de tout et de tous. Son biographe a
trouvé plus avantageux, plus commode et plus court de ne parler que
des œuvres de M. Felon. Il eût été de bon goût cependant, à
propos de la partie sculpturale du monument, de consacrer quelques
mots au confrère qui travaillait à côté de lui (leurs
ateliers n'étaient séparés que par une cloison),
et dont les compositions font assez bonne figure auprès de celles de
son aîné dans la carrière.
Je
ne fais qu'indiquer et je me hâte d'abandonner cet exemple et ce
résultat regrettable des rivalités artistiques, pour revenir aux
erreurs et aux fausses interprétations que renferme la notice et
qu'il me paraîtrait fâcheux de laisser s'accréditer.
CITATIONS
|
RECTIFICATIONS
|
Mal
construit d'abord, le monument tombait alors en ruines, ou tout au
moins exigeait de promptes réparations ; le curé d'alors et M.
Vidal, maire de Nîmes, qui en voyaient tous les jours
l'impérieuse nécessité, demandèrent au Conseil municipal une
somme suffisante pour bâtir une nouvelle façade. Les maçons se
mirent à l'œuvre ; mais à peine eurent-ils touché au vieux
monument qu'il menaça de s'écrouler ; il était lézardé de
toute part.
|
Pas
une date, ni la décision, ni l'adjudication, ni le commencement
des travaux. Tout est inexact dans ce début. J'ai dit que
l'ancien bâtiment était loin de tomber en ruines. J’ai donné
les motifs de sa reconstruction, dont la première pensée
appartient à M. Girard et qui ne fut pas justifiée par
l'insolidité de l'église primitive, mais par le désir de
compléter la décoration de la place de l'Esplanade.
|
De
simples réparations ne suffisaient plus... Une nouvelle demande
tendant à obtenir l'autorisation de rebâtir le monument, fut
adressée au Conseil municipal.... M. Feuchère reprit ses
crayons, traça le plan d'une église complète, fit un autre
devis. Les dépenses approximatives s'élevaient à la somme de
130 000 fr.
|
L'auteur
donne ici le premier chiffre de l'entreprise adjugée, ne
comprenant que la façade, pour le chiffre de la reconstruction
totale de l'église résultant du second devis.
J'ai
dit que les deux premiers votes réunis d'avril et novembre 1852
élevaient la
dépense présumée à 260 000 fr (1).
|
Le 31
août 1852, la première pierre fut posée par Napoléon III,
alors Président de la République.
|
Etait-il
permis d'ignorer que le Président de la République n'a passé à
Nîmes que l'après-midi du 30 septembre et la matinée du 1er
octobre 1852.
|
La
propriétaire de l'hôtel du Luxembourg porta plainte....,
prétendit que le nouveau portail, faisant saillie sur
l'alignement, assombrissait ses chambres.
Pressée,
obsédée, l'administration décida qu'on céderait à la
propriétaire mécontente une portion du terrain où devait
s'élever la nouvelle église.
|
Ceci
est de pure invention ; l'administration n'a pas cédé la moindre
parcelle de terrain au propriétaire de l'hôtel du Luxembourg, à
qui l'on n'a fait d'autre concession que le reculement du porche,
en saillie sur la façade de l'Église. Le terrain ainsi mis à nu
profite à la circulation du public ; il n'est pas aliéné en
faveur du propriétaire voisin exclusivement.
|
Après
ce fâcheux incident, les travaux furent repris.... La mort de M.
Feuchère les arrêta de nouveau.... Malheur d'autant plus
regrettable qu'il dirigeait alors diverses constructions
importantes et qu'il se trouvait dans un notable embarras sous le
rapport des fonds.
|
Ceci
est incompréhensible. Les fonds n'ont jamais manqué, et pareille
circonstance n'a jamais arrêté ou ralenti la marche des travaux
(2).
|
M.
Feuchère laissait un grand nombre de croquis, mais aucune idée
bien arrêtée, aucun travail définitif.. ... Son successeur
devait se trouver dans une grande perplexité.... Il lui fallut
d'abord compléter les projets esquissés par le défunt....Il vit
alors que l'estimation des dépenses avait été beaucoup trop
faible… et jugea que les travaux exigeaient, au lieu de 130 000
fr, 617 166 fr.... non compris le mobilier.
|
Je
rectifie :
.1°
Le bâtiment de l'église s'est terminé, jusques et y compris la
flèche, sur les plans et dessins de M. Feuchére. On a tout
retrouvé dans ses cartons. M. Monsimier a dû seulement compléter
et réviser les devis. C'était son rôle du vivant même de M.
Feuchère.
.2°
La dépense ne s'est pas accrue dans le passage du 2° au 3e devis
dans la proportion de 130 000 à 617 1.00 fr, mais de 260 000 à
617 000 fr. et cet accroissement ne provient pas d'un défaut de
calcul au sujet d'un travail donné ou prévu, mais de
l'augmentation des proportions de l'édifice en hauteur.
|
Le
nouvel architecte ne devait pas, non plus, voir poser le
couronnement. La mort vint aussi l'arrêter en pleine tâche. Il
laissa les comptes dans un grand désordre.
|
Assertion
injuste à l'égard de M. Monsimier, comme auparavant à l'égard
de M. Feuchère.
De ce
que le décompte de l'entreprise n'était pas réglé et accepté,
on ne peut pas conclure que les comptes fussent en désordre.
|
Ce
fut en 1857, quelques mois après la mort de M. Feuchère, qu'on
désigna M. Joseph Félon pour exécuter une partie des
sculptures..., il avait connu le premier architecte du monument et
ses œuvres antérieures, sa
renommée justement acquise fixèrent sur lui l'attention de
M. Duplan, maire de Nîmes
Les
travaux de statuaire furent d'abord confiés à M. Felon.
Quoiqu'on lui offrit une somme très modique (25 000 fr), vu
l'importance du labeur, il accepta la proposition. Comme beaucoup
d'artistes, la
gloire le tente plus que l'argent. Bientôt
la même administration lui demanda des cartons de vitraux, et le
pria d'en surveiller l'exécution. Ayant ainsi la direction
absolue de
l'œuvre, M. Felon y mit tous ses soins et tout son amour. Il ne
calcula plus et entreprit de fréquents voyages pour assister au
travail des peintres verriers ; il finit même par travailler avec
eux. Leur chef était M. Frédéric Martin, d'Avignon... Il pria
M. Felon de donner
le sentiment aux
figures, d'en
accentuer les plans, de
modeler
les
nus
et
les extrémités
(3). Le peintre statuaire abordait
ainsi une carrière nouvelle; mais ce fut pour lui une occasion
d'agrandir
son domaine. Aidé
par les conseils de M. Martin, il apprit rapidement à
fa
ire usage de ressources qui lui étaient jusque-là demeurées
inconnues.
Des
peintures formant un chemin de croix devaient compléter œuvre de
M. Felon ; car il
manie le pinceau comme le ciseau ; le
manque de fonds a fait ajourner pour quelque temps ce travail,
mais M. Duplan a promis de ne pas le confier à d'autres mains…
|
Je me
borne ici à souligner quelques passages pour montrer à quel
degré d'aberration la complaisance ou la flatterie peut entraîner
un maladroit ami.
Je
terminerai cet examen en faisant remarquer, sans vouloir atténuer
en rien la portée du talent incontestable de M. Felon, et avec la
conviction d'être impartial et vrai, que l'administration n'a pas
été chercher M. Folon dans la capitale, à cause de sa renommée,
mais qu'il s'est offert et qu'on l'a accepté, parce qu'il se
trouvait accidentellement à Nîmes. J'ajouterai, quant au chemin
de croix, qu'aucun parti n'était arrêté, à cet égard, dans la
pensée du dernier maire de Nîmes, qui a opposé une dénégation
formelle à la dernière affirmation contenue dans le récit que
je viens d'examiner.
|
(1)
Les erreurs de chiffres sont d'autant plus étonnantes, que M. Felon
m'avait demandé des indications exactes que je lui avais transmises,
et dont l'auteur de la notice n'a tenu aucun compte.
(2)
Il n'est pas hors de propos de faire remarquer ici que, malgré le
désir de l'administration d'activer les travaux, et ses
recommandations très pressantes dans ce but, tant pour l'église
Saint-Paul que pour l'église Sainte-Perpétue, elle n'a jamais pu
obtenir que la somme de travail annuel pour le bâtiment dépassât
80 ou 100 000 fr. Les ressources annuelles du budget étaient
supérieures à ces exigences, et les crédits annuels ont presque
toujours été en partie annulés faute d'emploi.
(3)
M. Martin a réclamé contre cette assertion.
NDLR : L’église s’achèvera sous la direction de
M. Libourel, suite
au décès l’architecte Monsimier.
Seul
l’entrepreneur Granon (*) poursuivra cette œuvre de
bout en bout, jusqu’au 31 juillet 1862, date de la pose de la dernière
pierre disposée
pour recevoir la croix tout en haut de la flèche. Cette croix de 8
mètres de
haut qui pèse 600 kg, est l’œuvre de Marius Nicolas, entrepreneur de
serrurerie
d’art à Nîmes.
(*) Se
succèderont
pendant la construction de
l’église :
- 2 évêques
(Jean-François-Marie Cart, 1838-1855 et Claude-Henri-Augustin
Plantier, 1855-1875).
- 3
architectes
(Léon Feuchère, Monsimier et Libourel).
- 4 maires
(Frédéric Vidal, 1851-1854, Jean Philippe
Pérouse, 1854-1856, Jean Duplan, 1856-1861, Fortuné Paradan, 1861-1865)
|
-oOo-
RENSEIGNEMENTS
SUPPLÉMENTAIRES.
Cette
notice, rédigée en 1862, et soumise à l'Académie du Gard en
janvier 1863, était destinée à reproduire les faits relatifs à la
création de la nouvelle église Sainte-Perpétue, à l'exclusion de
toute appréciation sur le mérite des œuvres de détail qui entrent
dans l'ensemble de cette construction originale.
Le
retard apporté dans la publication ferait paraître par trop
incomplets les renseignements que j'ai voulu mettre à la disposition
des futurs historiens ou critiques. Je nie fais un devoir d'y ajouter
quelques indications utiles résultant des décisions
administratives, postérieures au mois de janvier 1863.
Œuvres
d'art comprises dans les devis des grosses œuvres :
TRAVAUX
DE SCULPTURE.
M.
Colin, ornementation générale intérieure et extérieurs
: 43672, 60 fr
M.
Felon, statues du Christ et des deux saintes et trois bas-reliefs
des tympans : 25000 fr
M.
Bosc, deux statues d'anges surmontant les pignons de la façade : 7000 fr
VITRAUX.
M.
Martin (d'Avignon), chargé de les exécuter d'après les cartons de
M. Felon, désintéressé moyennant la somme de 3000 fr : 16184 fr
Travaux
exécutés d'après un vote spécial et isolé après l'approbation
des devis généraux, sur les plans et devis de M. Libourel.
Délibération
du :
5
février 1863. Beffroi ou charpente du clocher, M. Bigeard : 11151,75
fr
20
février 1863. Hissage et mise en place des
statues de la façade, M. Bigeard 10000 fr
5
février 1863, Abat-voix
en fonte fermant les grandes baies du clocher, Dollet frères :
4059,80 fr
20
février 1863. Candélabres en bronze et bras de lumière, Ducal :
4200 fr
7
août 1863. Pavage en marbre du sanctuaire, Baussans et Bouvas : 3385
fr
7
août 1863. Perron extérieur, Granon 6011 25
fr
Emploi
des 100000 fr. votés le 18 octobre 1857 applicables au mobilier.
MENUISERIE.
Hoen
Bernard, Confessionnaux et buffet de l'orgue : 12500 fr,
Toquebeuf
et Nougaret : stalles du chœur, 10590 fr
; chaire
à prêcher, 7600 fr ; banc
d'œuvre, 1000 fr.
Soit
un total : 19190 fr
Colin
, sculpture des stalles & Bosc, sculpture des trois figures de la
chaire : 1965 fr.
ORGUE.
Cavaillé-Coll,
instrument, 25000 fr ; transport, 3000 fr. Soit un total de 28000 fr
SERRURERIE.
Marius
Nicolas, les quatre grilles du chœur : 5000 fr
; l'appui de communion : 4000 fr
Palloc, les six grilles des chapelles : 3600 fr
M.
Nicolas, croix de la flèche armatures du clocher, châssis des
vitraux : 493575 fr
MARBRERIE.
Sol,
maître-autel en marbre de Carrare : 5800 fr
Bosc,
les deux anges du maître-autel : 8000 fr
Vierne,
autels des chapelles : 3200 fr
Colin,
sculpture desdits autels : 925 fr
ORFÈVRERIE.
Chertier,
chandeliers et croix du maître-autel : 1400 fr
|
Les Eglises de Nîmes
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St François de Salle
>
Le
25 août 1866, érection
en succursale l'église de
Saint-François-de-Sales L'église
Saint-Luc au quartier de la Croix de Fer >
Origine
et évolution de l'édifice de 1894 à 1934 La
Chapelle Sainte Eugénie >
Une
des plus anciennes Chapelle Nîmoise (De
Sainte Eugénie à Noël)
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