ORIGINES DE L’ESPLANADE DE NIMES
par Adolphe Pieyre, 1886

 
Origine
 
En 1524 Jacques Albenas, consul, faisait construire une plate-forme au devant de la porte de la Couronne. Elle était faite pour les besoins de l'artillerie qui y était installée tantôt pour la réception des personnages à qui étaient dues les salves d'honneur, tantôt pour la défense de la ville.
 
C'est par cette porte que François Ier en 1533, Henri II en 1544 et Louis XIII en 1629 firent leur entrée solennelle dans la ville de Nimes.
C'est sur cet emplacement que se tenait au XVI° siècle le marché des chèvres et des brebis.
 
« L'an 1643, et à la fin du mois de février, a été fait dans le bastion de la Couronne au lieu et place des fumiers qui empoisonnaient les habitants, une allée d'ormeaux, plantés à la ligne et environnés de murailles avec trois sorties ».
 
Tel est le récit de la création de la promenade de l'Esplanade dans le journal anonyme que cite Ménard (1). Le bastion de la couronne avait été construit, en 1629, sur l'ordre de Rohan, général en chef des religionnaires alors soulevés contre l'autorité royale.
 
(1) Ménard, Histoire de la ville de Nîmes, tome 5, preuves journal II page 2, colonne 1.
 
Au commencement de 1666, les consuls firent unir la partie irrégulière et inégale de l'Esplanade, dit l'historien nîmois, et l'ornèrent de rangées d'arbres. Les pauvres de la ville furent employés à ce travail à raisons de dix sols par jour pour les hommes et quatre pour les femmes.
 
En 1724 la ville acheta le jardin des Augustins qui était contigu à l'Esplanade. Le couvent des Augustins était tout près de la maison des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (cette dernière était à l’emplacement actuel du Collège Feuchère). Il était situé à peu près à l'endroit où se trouve aujourd'hui la maison conventuelle des dames de Saint-Maur.
 
Les Capucins dont l'établissement se dressa en 1629 sur l'ancien cimetière de l'église Saint-Thomas, avaient un parloir qui faisait saillie sur l'Esplanade. M. de Merez, premier consul, acheta ce parloir en 1781 pour le compte de la ville.
A cette époque la promenade de l'Esplanade était comme aujourd'hui au niveau du sol.
 
Postérieurement à cette date elle fut surélevée et formait en 1841 un terre-plein qui dominait les jardins potagers situés dans la plaine. Pour arriver à ceux-ci, il n'y avait qu'un petit escalier très étroit et généralement malpropre.
 
Au milieu de la promenade se trouvait une fontaine monumentale ayant la forme d'une coquille.
 
Projet de réalisation de l’Esplanade moderne
 
En date du 20 novembre 1841, une délibération, fixait la direction de l'avenue future du chemin de fer, et des travaux à exécuteur sur l'Esplanade.
 
1° La promenade actuelle de l'Esplanade sera abaissée et son niveau général sera raccordé avec celui du boulevard du Palais de Justice et de l'avenue du chemin de fer, dont il sera fait mention ci-après.
 
2° Les terrains plantés actuellement en bosquets à l'est et à l'ouest de l'Esplanade seront réunis à la promenade qui aura en conséquence pour limites, au nord la route royale, et au sud, à l'est et à l'ouest, la place demi-circulaire et les voies de communication dont il sera fait mention ci-après.
 
3° Vis-à-vis la ligne sud de l'Esplanade, il sera créé une place demi-circulaire, ayant cinquante mètres de profondeur sur l'axe de la promenade et allant par ses deux extrémités toucher, à l'ouest la maison communale des Dames de Saint-Maur, et à l'est la maison de M. Bastide, en laissant entre ces deux points et la limite de l'Esplanade un espace consacré à la voie publique de douze mètres de largeur.
 
4° De ces deux points partiront deux rues de douze mètres de largeur ayant pour limites à l'ouest les maisons de Saint-Maur, Lecointe, Colomb et l'Esplanade; à l'est la Munitionnaire (1), l'église Sainte-Perpétue, l'hôtel du Luxembourg et l'Esplanade.
Ces deux rues sont destinées au passage des voitures entre la route royale et l'avenue du chemin de fer.
 
(1) La manutention militaire.
 
5° Sur l'axe de l'Esplanade et du débarcadère du chemin de fer, il sera créé une avenue large de soixante mètres et longue de trois cent partant de la place demi-circulaire et allant jusqu'au chemin de fer.
Cette avenue sera divisée en une voie pavée au milieu de seize mètres, deux allées de chaque côté de douze mètres et le long des maisons dont la construction pourrait être autorisée, un trottoir et une voie de service pavée de seize mètres chacun de largeur. Les trottoirs régneront également dans le pourtour de la place circulaire.
 
6° Les allées de l'avenue et la promenade de l'Esplanade seront plantées d'arbres, mais les plantations de l'Esplanade seront conduites de manière à laisser au milieu de l'Esplanade une place libre formant un rectangle d'environ cent mètres de côté ; ce sera sur les deux côtés de cette place que seront établies les deux fontaines monumentales proposées par la commission ; les parties irrégulières de la promenade, que la plantation des allées laisserait en dehors, seront garnies d'arbres verts formant massifs.
 
7° La promenade de l'Esplanade sera entourée dans tout son pourtour d'une balustrade en pierre de quatre-vingt centimètres de haut, posée sur un socle de quinze à vingt centimètres qui formera marche dans les parties de l'enceinte qui resteront ouvertes pour donner accès à la promenade ; l'ouverture du sud placée en face de l'avenue du chemin de fer, sera munie d'une chaîne ou d'une grille mobile en fer.
 
Il est facile, à la lecture de cette délibération d'apprécier les modifications qui ont été portées à la première décision du Conseil, et qui, heureusement, ont placé au centre de notre place d'arrivée le groupe splendide dû au ciseau de Pradier qui fait l'admiration des étrangers.
 
L'abaissement du sol de l'Esplanade rencontra une vive opposition dans le sein de l'assemblée municipale. On prétendait que cette opération devait la priver d'une partie de l'air rafraîchissant du soir que les promeneurs y viennent respirer en été. Les opposants affirmaient aussi que ce serait diminuer la surface de l'Esplanade que de la sillonner de nouvelles plantations. Enfin, on invoquait pour empêcher cette transformation, et les habitudes prises par les habitants depuis si longtemps, et le motif d'économie.
 
Ces diverses objections ne purent heureusement trouver dans le Conseil une majorité suffisante pour les faire triompher. L'Esplanade s'agrandissait en effet d'une partie du jardin de madame de Gineste et par sa fusion avec les bosquets latéraux, à cette époque annexes désertes et délaissées.
 
L'abaissement projeté ramenait le sol de la promenade à ce qu'il était en 1782, c'est-à-dire bien avant l'époque où l'Esplanade fut élevée, et la place réservée par le nouveau projet devait être bien plus considérable puisque, à cette époque, elle était resserrée à l'ouest et au nord par des remparts, des fossés et de vieilles masures.
 
A la suite de la délibération qui précède, le Conseil se réservait de régler ultérieurement les alignements des autres terrains compris entre la ligne de chemin de fer et les limites de la ville.
 
Les conditions de construction auxquelles seraient soumis les propriétaires, qui par dérogation à l’arrêter de 1782 pourraient être autorisés à bâtir au sud de l'Esplanade.
 
Enfin le Conseil priait le maire de s'adresser au ministre des travaux publics, pour obtenir de sa bienveillante justice que le chemin de fer dans sa traversée de Nimes fût construit en viaduc et non en remblais.
 
Telles sont les deux grosses décisions du Conseil municipal qui clôturent cette année de 1841. L'une d'elles ne put malheureusement aboutir ; quant à l'autre elle préparait l'agrandissement de la ville et sa transformation à peu près complète.
 
Extrait de Histoire de la Ville de Nîmes, par Adolphe Pieyre - 1886 - Tome I - page 151-154
 
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