De Sainte Eugénie à Noël
 
 
Il semble plausible que vers les VIII et IXeme siècle, des pèlerins nimois, rentrant de Terre Sainte, aient rapporté des reliques de la sainte martyre romaine décapitée en 257.
D’ailleurs, à cette époque, le culte de Sainte Eugénie était très répandu, tant en Occident qu’en Orient et surtout en Espagne.
En Italie, à Ravenne, dans l’église de Saint Appolinaire-le-neuf, (construite vers 520), la nef est ornée d’une mosaïque où Ste Eugénie figure dans le cortège. A Nîmes, la chapelle dédiée à la sainte, est le plus ancien lieu de culte toujours utilisé.
Dans toutes les archives consultées, sa fête est inscrite au 25 décembre, soit le VIII des calendes de janvier. Ce n’est qu’en 440 que le Pape Jules Ier institua la fête de la nativité (noël) sur l’ensemble de la chrétienté. Donc, dés cette époque, Noël repousse la célébration de la fête de Ste Eugénie au 8eme jour de janvier.
Le Missel de Nîmes, imprimé pour la première fois en 1511, garde au 8 janvier cet évènement. Il est resté propre au diocèse de Nîmes jusqu’à la réforme liturgique de Pie X, au XXeme siècle.
Aujourd’hui Ste Eugénie est honorée le 7 février.
Dans sa chapelle, rue Ste Eugénie à Nîmes, on retrouve dans le chœur, en soubassement de l'autel, sa représentation dans le tombeau.
Les événements qui ont marqué la vie de la sainte martyre d’un coté, et la plus ancienne chapelle nîmoise de l’autre sont liés par des anecdotes qui sortent de l’ordinaire.
 
Sainte Eugénie - Le personnage.
 
L’histoire.
Vierge martyre, Sainte Eugénie a été décapitée à Rome en 257 de notre ère, sous l’empereur Valérien.
D'après la liste des martyres romains, elle fut enterrée au cimetière d’Apronien sur la "Via latina".
Un document du VIIe siècle indique que son tombeau fut érigé en basilique Ste Eugénie, assez ancienne pour avoir été restaurée une première fois par le pape Jean VII (705-707) puis par le pape Hadrien Ier (772-795).
 
La légende.
Eugénie était fille de Philippe, gouverneur d’Alexandrie en Egypte. A 16 ans, elle avait lu tous les auteurs grecs et latins, et passait pour la plus jolie fille de la ville.
Elle se convertit en passant devant un couvent de moines qui chantaient les épîtres de Paul "selon le livre des Apôtres".
Ayant revêtu des habits d’hommes, elle entra au couvent et se fit recevoir parmi les moines, qui élurent bientôt Eugène comme leur abbé.
Plus tard une certaine Mélanthia, accuse le "père Eugène" de l’avoir violée et rendue mère. Elle s’en plaint au gouverneur Philippe, qui décide de "le" jeter aux lions. Mais Eugénie préfère révéler la vérité, déchire sa tunique, et montre à la foule un sein qui n’a rien de masculin. L’affaire s’arrête là… Eugénie est innocentée !
Par la suite elle regagne Rome pour y fonder un monastère de religieuses.
Accusée de Christianisme, elle est conduite au temple de Diane, dont l’idole disparaît subitement.
Attachée à une pierre, elle est jetée dans le Tibre, elle surnage.
Précipitée dans le feu, celui-ci s’éteint.
Laissée en prison sans nourriture, elle est rassasiée par le Christ.
Il fallut la décapiter en 257 pour mettre fin à ses prodiges.
 
Sainte Eugénie
 
L’édifice

 
On découvre l’existence de l’église Ste Eugénie, dans le cartulaire du Chapitre de Nîmes, lors d’une donation faite le 23 janvier 956. Cette information fait de Ste Eugénie le plus ancien édifice réservé au culte encore en activité de nos jours.
Même la cathédrale St Castor ne conserve qu’une partie infime de sa configuration romane. A la même époque, elle était inversée et son abside se trouve actuellement sous la place aux herbes.
De sa construction romane, la chapelle Ste Eugénie garde la structure de sa nef formée de 3 travées voûtées en berceau. Son chœur, fait apparaître un style ogival du XVeme siècle, et sa façade actuelle en ciment, cache les vestiges d’une façade romane très dégradée, avec notamment une pierre de forte assise pouvant dater de l’époque romaine.
Tout au long du moyen âge, on retrouve une vie liturgique très régulière dans cette chapelle dépendante du chapitre de Nîmes.
Le 15 décembre 1561, pendant les guerres de religions, les protestants obtiennent l’usage du bâtiment. Dés le printemps 1562 les églises sont rendues aux Catholiques, mais après la "Michelade" (prise de Nîmes et massacre des catholiques par les protestants le jour de la Saint Michel) du 30 septembre 1567, les protestants l'occupent à nouveau et la garderont pour y fabriquer de la poudre.
En septembre 1569, ils vendent l'église et le cloître attenant à Pierre Albenas et Jean Sabatier.
Après la paix d'Alès en 1629, elle sera rendue aux Catholiques et servira de paroisse le temps de la reconstruction de la cathédrale St Castor. Elle deviendra le centre de la vie paroissiale de Nîmes pour la fête de Noël 1687, et ce jusqu'au 17 janvier 1746, date à laquelle St Castor retrouve sa fonction première.
En 1664, l'évêque Cohon installe dans le cloître Ste Eugénie les religieuses de la Visitation de Sainte Marie.
En 1687, l'église recevra du Conseil de Ville la cloche du temple de la Calade. (emplacement de l'actuel théâtre municipal)
On notera qu'en septembre 1704, CATINAT, un des chefs camisards est arrêté dans l'église Ste Eugénie.
A l'aliénation des biens nationaux, la chapelle et la maison furent vendues le 21 mars 1792 à Jean Ducamp, négociant à Nîmes.
 
 
 
Au cours du XIXeme siècle, la chapelle passa entre les mains de divers propriétaires. Le dernier était notamment fabriquant de billards, et monseigneur Besson lui acheta en 1877, en son nom personnel, mais avec les fonds versés par le chanoine Siméon Couran.
Plus tard, il céda ses droits à l'évêché et la chapelle devint "bien diocésain".
Les travaux de restructurations, de restaurations intérieures, et de reconstruction de la façade actuelle dureront jusqu'à la fin de 1884. Ils sont signés par M. Roy et Poitevin architectes et M. Royan sculpteur.
Vers 1903, à la séparation des biens de l'église et de l'Etat, la chapelle est confisquée et attribuée à la ville de Nîmes. Elle est cependant autorisée à rouvrir au culte à condition de supprimer les dévotions corporatistes (teinturiers, ferblantiers, rétameurs, maçons…).
L'Adoration du Saint Sacrement est maintenue.
Comme elle le faisait il y a plus de 1000 ans, Ste Eugénie reçoit toujours les nîmois, avec le même recueillement.
 
Article Philippe Ritter et Georges Mathon - Décembre 2004.
  
> Article du MIDI LIBRE du 24 décembre 2004

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Chapelle Sainte-Eugénie
Extrait de "Nîmes Autrefois Aujourd'hui de Théodore Picard, 1901

C'est encore à l'époque romane, mais postérieurement à l'édification de la Cathédrale, rebâtie au XIe siècle, qu'il faut rapporter la construction de l’Église Sainte-Eugénie. Aucun renseignement, aucune archive ne permet d'en préciser la date. La vue intérieure de l'édifice révèle seulement, par son ordonnance et la forme cintrée de la voûte, que sa partie antérieure doit appartenir à la période romane ; celle qui forme aujourd'hui le chœur, en prolongement de la nef, de forme ogivale, daterait du XIVe siècle.

Au moyen-âge, la ville de Nîmes n'avait qu'une paroisse, Saint-Castor unie à la Cathédrale, et dont le prévôt était le titulaire ; mais elle était partagée en dix rectories, sortes d'églises succursales à la Cure de la Cathédrale, gouvernées chacune par un prêtre recteur, présenté par le prévôt et approuvé annuellement par l’Évêque. Voici, d'après le procès-verbal de visite de Mgr Fléchier, les noms de ces rectories, pourvues chacune de leurs titulaires.
1° Saint-Etienne du Chemin, dans la rue des Lombards ; cette rue était habitée, dès le XIIIe siècle, par des Italiens.
2° Saint-Jean de la Courtine, dans l'ancien enclos du Chapitre.
3° Saint-Thomas, près de l'ancienne porte de la Couronne, attenante aux remparts,
4° Sainte-Eugénie, à son lieu actuel, dans la rue de ce nom.
5° Saint-Etienne de Capduel ou Capitolio, près de la Maison Carrée.
6° Sainte Marie Magdeleine, près de la porte de la Magdeleine.
7° Saint-Martin des Arènes, dans la galerie supérieure de l'Amphithéâtre romain.
8° Saint-Laurent du Mazet, sous les Récollets, près du Séminaire actuel.
9° Saint-Jacques de Porte-Couverte, ancienne léproserie adossée à la Porte de France.
10° Saint-Vincent, aux environs du Cours-Neuf, près les Ecorchoirs.
Ces quatre derniers rectories se trouvaient sur le territoire actuel de la paroisse Saint-Paul. Le procès-verbal de Mgr Fléchier mentionne, en plus de ces succursales, la Chapellenie de Saint-Nicolas, qui dépendait probablement de la Cathédrale. Toutes ces églises furent démolies au XVIe siècle, lors des troubles religieux. Sainte-Eugénie fut exceptée, les hérétiques avaient projeté d'y établir une manufacture de poudre.
Après la sécularisation des chanoines, en 1539, les fonctions curiales avaient été confiées à deux prêtres, curés amovibles, nommés par le Chapitre, et attachés au clergé de la Cathédrale. Celle-ci ayant été reconstruite en 1646, les exercices religieux y furent transférés, mais Sainte-Eugénie conserva son titre de cure. Un moment, il fut question de substituer à cette chapelle, trop humide et trop petite, l'ancien réfectoire du Chapitre, qui avait servi de Cathédrale provisoire après la Michelade, la Poissonnerie, aujourd'hui englobée dans la construction d'un groupe scolaire. Le refus des chanoines amena la démission du Curé perpétuel de la ville de Nîmes, M. Macary, en 1686, Mgr Fléchier étant évêque de Nîmes. En 1688, le service paroissial fut cependant établi à Sainte-Eugénie. Il est dit en effet que, le 25 janvier 1693, Mgr Esprit Fléchier, préconisé après cinq ans d'attente, fit son entrée à Nîmes, et que « le trentième de may après avoir fait sa visite solennelle dans la Cathédrale le jour précédent, est venu visiter la Chapelle Sainte-Eugénie destinée pour les fonctions curiales. »
Les chroniques de l'époque disent que, pendant la guerre des Camisards, les curés et les prieurs de la Gardonnenque et de la Vaunage quittaient leurs paroisses, pour éviter la fureur des rebelles, et venaient demander l'hospitalité à Sainte-Eugénie.
Les archives de l'évêché nous apprennent que, plus tard, Mgr Fléchier voyant l'exiguïté de cette chapelle, prit la résolution de faire construire, attenante à la Cathédrale, la chapelle du Saint-Sacrement, et qu'il eût le bonheur de la bénir solennellement le 7 juillet 1707.
- Depuis cette époque, la destinée de Sainte-Eugénie a subi les vicissitudes du temps et des révolutions. Dernièrement, elle était devenue une manufacture de billards. Heureusement, un prêtre aussi pieux que zélé, de très regrettée mémoire, l'abbé Couran, réalisant le vœu de son évêque, Mgr Plantier, a racheté en 1877, cet asile sacré, et y a établi l’œuvre de l'Adoration perpétuelle et sociale.

L'église Sainte-Eugénie a été récemment décorée d'une haute façade en ciment, surmontée d'une statue du Sacré-Cœur. A l'intérieur, la première partie, incontestablement romane, est formée de trois travées ayant chacune 6m92, soit, en tout, une longueur de 20m75. La largeur proprement dite est de 8m22, y compris la saillie de chacun des piliers, qui est de 0m49. Il existe des deux côtés, entre ces saillies, un enfoncement de 0m50, en forme de plein cintre, sans piédroit, simulant une entrée de chapelle. Les piliers absolument frustes, d'une hauteur de 4m20 environ, supportent une voûte en berceau, ornée de trois arcs doubleaux, ce qui porte la hauteur sous-clef à 8m50 environ. Une seule ouverture à plein cintre existe sur le mur de façade. Le sol est inférieur de 0m50 environ à celui de la rue.
Cette construction primitive, qui constitue la nef, pouvait se continuer plus avant dans la rue Sainte-Eugénie. Son prolongement vers le haut, d'une longueur égale à une travée, a eu lieu à une date postérieure, probablement vers la fin du XIIIe siècle, ou au commencement du XIVe, à en juger par les deux baies ogivales qui éclairent cette partie, et aussi, par la forme particulière de la voûte, du profil des nervures qui la décorent, et de l'arc doubleau qui relie ce prolongement à la nef romane. La longueur totale dans œuvre, à partir du mur de façade, serait ainsi de 27m60. L'ornementation de la partie romane est à peu près nulle. Un tore ou boudin, épais et saillant, marque seulement la naissance de la voûte plein cintre. Les arcs doubleaux ne portent qu'un chanfrein. De nombreuses pierres tombales forment une partie du pavé de ce sanctuaire.
En outre de l'orientation liturgique de l'édifice, parfaitement observée, on peut constater ici l'application exagérée d'une règle adoptée par certains architectes du moyen-âge dans le plan des basiliques : c'est l'inclinaison du chœur sur les bras du transept : « Et inclinato capite, tradidit spiritum. » (St Jean, 19). Cette exagération a été rendue plus sensible par le prolongement du chevet de la chapelle.
La maison romane, située à l'entrée de la rue de la Magdeleine et du côté de la Cathédrale, appartenait, dit-on, à l'ancien Prieuré de Sainte-Eugénie ; corniches, meneaux et arcatures gardent leur finesse primitive.

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L'église St François de Salle
> Le 25 août 1866, érection en succursale l'église de Saint-François-de-Sales
L'église Saint-Luc au quartier de la Croix de Fer
> Origine et évolution de l'édifice de 1894 à 1934
La Chapelle Sainte Eugénie
> Une des plus anciennes Chapelle Nîmoise   (De Sainte Eugénie à Noël)
L'église Saint-Paul
> Eglise et paroisse Saint-Paul
L'église Saint-Charles
> Eglise et paroisse Saint-Charles
L'église Saint-Baudile
> Eglise et paroisse Saint-Baudile
L'église Sainte-Perpétue
> Construction de l'église Ste Perpétue de 1852 à 1862

 

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