Origine de la Fête de Noël
par l'abbé Pierre Azaïs.
Extrait des Mémoires de l'Académie du Gard,
1867-1868, pages 217 à 230.


Cappadoce, fresque de Noël du XIIe siècle.

Première partie, texte de l'Abbé Azaïs.

C'est au travail de M. Viguié (Ariste Viguié, Pasteur et Président du Consistoire de Nîmes) sur Noël que j'ai emprunté le sujet de la lecture que j'ai l'honneur de faire aujourd'hui devant vous. Vous vous souvenez de l'intéressante étude de notre docte collègue sur l'origine de cette grande fête chrétienne. De quelle manière et à quelle époque a été instituée la solennité de Noël ? Telle est la double question que notre confrère essaie de résoudre dans son travail.


«
Noël , dit-il, est la plus jeune des fêtes chrétiennes ; elle est postérieure à Pâques et à la Pentecôte, et elle n'apparaît sous une forme régulière et générale que vers le milieu du IVe siècle. Cette apparition tardive ne doit pas nous surprendre ; car la conscience chrétienne s'attache d'abord à ce qui est essentiel ; et, dans la vie du Sauveur, continue notre auteur, ce qui touche à la Passion et à la Résurrection de Jésus-Christ a plus d'importance que ce gui se rapporte à son berceau. Et cependant, un besoin profond dut s'emparer de la conscience et du cœur de l’Église. Comme rien n'est plus doux que de se reporter vers l'origine de ce qui a droit à notre amour et à notre reconnaissance, la piété chrétienne voulut honorer la naissance de celui qu'elle saluait comme son Dieu. Mais le jour, la date précise de cette naissance est inconnue, les renseignements font défaut ; aucun des écrivains anciens n'a essayé de le découvrir, continue notre confrère. Cependant, comme il faut une date à la foi chrétienne, l'Église créera cette date dans un mouvement d'exaltation religieuse, et ce jour sortira avec une précision chronologique du cœur des fidèles, aussi réel, aussi sacré que le jour matériel ; il sera le fruit spontané de leurs adorations. L’Église orientale, avec ses tendances larges et idéales, honorera surtout l'apparition de Jésus-Christ comme Dieu. De là l’Épiphanie ou Théophanie, la fête de Noël en Orient. L’Église latine, plus pratique et plus réaliste, s'attachera à l'humanité du Sauveur, et elle célébrera l'anniversaire de sa naissance terrestre ».

Mais quelle est l'origine de cette date du 25 décembre assignée à cette naissance ? Il en est qui la placent dans une fête païenne, transformée en fête chrétienne. Mais notre confrère n'a pas de peine à démontrer que l'antagonisme entre l'idolâtrie et le christianisme était trop profond pour que celui-ci empruntât à l'autre ses fêtes. Une origine hérétique n'est pas plus fondée qu'une origine païenne.

Reste l'opinion, à laquelle se rallie notre confrère, qui trouve dans le judaïsme l'origine du 25 décembre. Mais cette origine juive a contre elle le silence des écrivains ecclésiastiques. On ne peut citer aucun témoignage formel, aucune preuve de quelque valeur en faveur d'un tel sentiment. Aussi, devant cette absence de déclarations, notre confrère conclut: « Oui, on voudrait plus de preuves ; on serait heureux d'arriver à un résultat incontestable. Mais il faut être discret en présence de ces manifestations religieuses : Noël est l'éclosion fraîche et pure d'un sentiment profond de l'âme chrétienne. Cela ne se documente pas ; cela ne s'analyse pas ; on le voit d'intuition ; on le pressent plutôt, qu'on ne le prouve ».
Je viens d'analyser rapidement, dans ces lignes, l'étude de notre confrère, et je tiens à rendre hommage à son érudition et à la richesse de sa parole. Mais l'admiration que je professe pour son talent ne saurait aller jusqu'à partager les idées qu'il a émises dans sa lecture, et il voudra bien permettre à un de ses confrères de soumettre à une critique loyale l'idée fondamentale de son système. Ce n'est pas une controverse religieuse que je prétends engager ; car, je ne saurais l'oublier, l'Académie est pour nous un terrain pacifique où une discussion amicale est permise ; elle ne saurait être une arène pour la lutte et l'attaque. Dans nos rangs, il n'y a que des collègues ; il ne peut y avoir d'adversaires. C'est à ce titre que je remercie mon confrère, M. Viguié de m'avoir permis de combattre quelques-unes de ses affirmations.
Mon confrère affirme que la date du 25 décembre n'a aucune valeur chronologique, qu'elle ne repose sur aucun document certain et qu'elle n'a d'autre origine que l'illusion pieuse des premiers chrétiens qui ont substitué cette fête à une fête juive.
J'avoue qu'une telle affirmation me parait insuffisante pour expliquer une institution devenue universelle. Je comprends qu'un mouvement d'exaltation religieuse entraîne quelques esprits ; mais il ne saurait s'étendre à l’Église entière. Il peut, je le veux, créer une institution qui soit acceptée par quelques personnes ; mais dans une Église qui se tient en garde contre toute innovation et qui proclame toujours ce grand principe : Nihil innovetur, une telle institution ne pouvait être acceptée et prendre racine.

En fait, ce n'est pas ainsi que la fête de Noël a été établie dons la société chrétienne. J'invoque, à l'appui de cette assertion , deux sortes de preuves : la tradition d'abord et ensuite le témoignage des écrivains des premiers siècles. Écoutons la tradition. On le sait, l’Église, comme toute société, a deux voies par lesquelles la vérité se transmet et se perpétue dans son sein , l’Écriture et la Tradition. A ses yeux, ce sont là comme deux ruisseaux dérivés de la même source, deux rayons émanés du même foyer. Or, un des caractères auxquels on reconnaît la tradition, c'est son universalité et sa permanence. C'est là la règle assignée par Tertullien, dans son livre des
Prescriptions ; par S. Augustin, dans ses Traités, et par Vincent de Lérins, dans son Commonitorium : Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus traditum est. Or, trouvons-nous dans la fête de Noël ce caractère d'universalité, de perpétuité qui constitue une tradition ? Voici la réponse de S. Augustin, dans son traité De Trinitate : « L’Église a reçu de l'antiquité et a gardé avec soin la tradition que le Christ a été conçu le 8 des calendes d'avril, le 25 mars, et qu'il est né le 8 des calendes de janvier, c'est-à-dire le 25 décembre ». Remarquons toute l'étendue du témoignage de cet illustre docteur : il ne se borne pas à dire que la fête de Noël est observée par la société chrétienne, il constate que « l’Église l'a reçue de l'antiquité » et qu'elle s'est transmise par voie de tradition.

Tous les écrivains s'accordent à reconnaitre que la fête de Noël, au IVe siècle, était célébrée dans toutes les Églises. Or, d'où peut venir cet accord unanime, cette universalité ? Quelle cause lui assigner, si ce n'est une origine apostolique ? Si, comme on le prétend, cette fête était née spontanément d'un mouvement d'exaltation religieuse, on rencontrerait quelques vestiges de sa première apparition ; on la verrait grandir et se propager peu à peu dans les diverses Églises. Or, l'histoire se tait sur ce développement ; elle ne donne aucune date, aucun nom de lieu, et ce silence est une preuve que ce n'est pas ainsi que la fête de Noël s'est établie au sein de l’Église. Il faut remonter plus haut pour trouver l'origine de cette institution ; il faut aller jusqu'au berceau de la société chrétienne. Oui, cette fête est née avec l’Église elle-même, et les touchants souvenirs du mystère de Bethléem, qui occupent une si grande place dans la piété chrétienne, ont dû être célébrés, avec leur date précise , en même temps que ceux du Calvaire et du Saint-Sépulcre. Répétons-le avec S. Augustin : Ce qui est partout établi, ce qui est observé dans toutes les Églises d'une manière permanente, remonte à une source apostolique.


Et qu'on n'objecte pas : Mais comment a-t-on pu connaître la date de ce mystère, puisque les évangélistes se taisent ? Qui a pu le transmettre aux premiers fidèles ? La réponse est facile. Ce jour béni de ta naissance du Sauveur, le plus glorieux de tous dans la vie
de la sainte Vierge, avait été certainement remarque par Marie et désigné par elle aux Apôtres ; car une mère peut-elle oublier la date de la naissance de son fils, surtout lorsqu'elle sait que ce fils est appelé à des destinées si grandes ? N'est-ce pas cette mère qui a fait connaître aux Apôtres les diverses circonstances du mystère de Bethléem, l'apparition de l'ange aux bergers et les simples hommages de ces humbles pasteurs devenus les premiers adorateurs de la crèche ? N'a-t-elle pas dû révéler, non seulement l'heure, mais le jour de cette divine naissance ? Oui, c'est de la bouche de la mère que les disciples du Fils ont recueilli cette date, comme tant d'autres récits, et la tradition en est devenue dépositaire et l'a fidèlement conservée dans la société chrétienne. Une date si grande, si mémorable, qui a été le point de départ d'une ère nouvelle, ne pouvait pas périr ; et à défaut de l’Évangile, elle devait rester gravée au cœur des premiers chrétiens.

Interrogeons maintenant, après la tradition, l'histoire, et consultons les écrivains des premiers siècles. Le plus ancien document qui s'offre à nous, est connu sous le nom de
Constitutions apostoliques. Quelle est la valeur de ce document qu'on fait remonter au premier siècle ? Il est considéré, par la critique moderne, comme un précieux monument pour l'intelligence des lois et des institutions de l’Église primitive, Le texte de ce recueil, tel que nous le possédons aujourd'hui, a été, il est vrai, altéré dans quelques-unes de ses parties, et c'est cette altération qui l'a fait ranger par quelques auteurs parmi les écrits apocryphes ; mais à la fin du dernier siècle, un savant critique, Simon de Magistris, publia une étude très remarquable sur les constitutions apostoliques et rétablit leur autorité. Il démontra avec une rare érudition qu'une partie de cet ouvrage appartenait à S. Clément , disciple et successeur de S. Pierre et remontait par conséquent aux temps apostoliques ; qu'une autre partie était l’œuvre de S. Hippolyte , évêque de Porto , vers la fin du second siècle, comme l'atteste l'inscription gravée sur la chaire de marbre de cet évêque, découverte au dernier siècle. Ce recueil, ii est vrai, fut interpolé, au IVe siècle, par une main hérétique, probablement par l'évêque arien Paul de Samosate. Mais cette interpolation, qui ne porte que sur quelques points de discipline et de doctrine altérés dans le sens de l'arianisme, ne saurait enlever à ce document toute sa valeur. Plusieurs écrivains protestants, tels que Grabe, Beveridge et Mosheim lui-même, conviennent que plusieurs passages des Constitutions apostoliques remontent au temps des Apôtres, et font connaître la discipline de cette époque. C'est aussi la conclusion de la critique moderne. Or, voici ce que nous lisons dans cet ouvrage : « Mes frères, observez les jours de fête, et en premier lieu celui de la Nativité, que vous devez célébrer le vingt-cinquième jour du neuvième mois ; après cette fête, vous donnerez la plus grande solennité au jour de l’Épiphanie, dans lequel le Seigneur nous a manifesté sa divinité : or, cette fête doit avoir lieu le sixième jour du dixième mois ».
Pour bien comprendre ce passage des Constitutions apostoliques, il faut observer due les mois sont comptés à la manière des Juifs, dont l'année commençait au retour du printemps. En appliquant cet usage au calendrier romain, les premiers chrétiens appelaient le mois d'avril le premier de l'année ecclésiastique.
Ainsi, le vingt-cinquième jour du neuvième mois se trouve être le 25 décembre, et le sixième jour du dixième mois est le 6 janvier.
Les mois sont toujours cités dans cet ordre dans les Constitutions, et le même usage a été adopté par quelques auteurs, notamment par S. Grégoire de Tours, le père de l'histoire de France. C'est en vertu du même principe que, pendant longtemps, plusieurs peuples chrétiens ont commencé l'année à la fête de Pâques.
Ce passage des Constitutions, que nous venons de citer, prouve que les deux fêtes qu'il mentionne remontent aux temps apostoliques ; car, bien que ce recueil n'ait pas été composé par les Apôtres eux-mêmes, il est certain que la date de sa composition s'éloigne peu des temps apostoliques, et la manière dont il est parlé des deux fûtes, de la Nativité et de l’Épiphanie, montre bien qu'elles existaient déjà dans l’Église, avant que l'auteur des Constitutions rappelât aux fidèles l'obligation de les célébrer.
Georges le Syncelle, écrivain grec du VIIIe siècle, auteur d'une chronographie qui s'étend depuis la création jusqu'au IIIe siècle après J.-G., assure que la tradition qui fixait au 25 décembre la naissance du Sauveur se trouvait consignée dans les ouvrages de S. Hippolyte, qui écrivait, comme nous l'avons déjà dit, vers la fin du second siècle. Or, la science chronologique de ce grand évêque, auteur d'un célèbre cycle papal qui porte son nom, donne un grand poids à son témoignage.
Clément d'Alexandrie mentionne quelques opinions particulières émises ou plutôt hasardées de son temps en Égypte, touchant l'anniversaire de la naissance du Sauveur: « Quelques esprits curieux, dit-il, prétendent que le Christ est né le 25 du mois de Pachon, c'est-à-dire le 20 mai ». Mais il paraît faire peu de cas de ce sentiment qui n'a laissé aucune trace dans l’Église.
Les chrétiens d'Orient, il est vrai, ont voulu honorer, le 6 janvier, la naissance du Sauveur sous le nom d’Épiphanie ; et notre collègue s'est attaché à nous montrer, dans son étude , que l’Église orientale , idéaliste et mystique par excellence, portée vers la haute spéculation et le monde transcendantal, voulut imprimer ce caractère à la fête de la naissance du Sauveur. Elle vit surtout en lui le côté divin, et elle honora sa manifestation comme Dieu. Mais je dois avouer que les écrivains ecclésiastiques sont bien loin de donner une signification et une importance semblable à l’Épiphanie des Orientaux. Tillemont, le célèbre auteur des Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, le plus complet et le plus savant travail qui existe sur cette époque, affirme que l'opinion qui fixe au 6 janvier la naissance du Sauveur était inconnue des trois premiers siècles, qu'il n'a trouvé aucune preuve qu'elle ait été suivie par Ies Églises d'Asie, et que S. Épiphane, au IVe siècle, est le premier qui ait émis ce sentiment.
Voici, d'après quelques critiques, quelle serait l'origine de l'opinion des Orientaux. Elle aurait pour cause ta substitution des mois juifs aux mois romains. L'année de !a naissance du Sauveur, le 25 décembre, correspondait au 6 du mois hébreu Tebeth, et ce mois est le dixième de l'année sainte des Juifs, de, même que janvier se trouvait être le dixième de l'année ecclésiastique primitive. C'est ainsi que, plus tard , le 6 janvier aura pu être pris pour le 6 Tebeth.
Le savant Képler pense que l'opinion qui place au 6 janvier la nativité du Sauveur a pu provenir d'une erreur de calendrier, et que les Orientaux ont pu confondre, par exemple, le 8 des calendes de janvier - 25 décembre - avec le 8 des ides de janvier - 6 janvier. Quand on voit encore aujourd'hui la différence qui existe entre les deux calendriers julien et grégorien, on comprend que l'opinion de l’Église orientale et de l’Église occidentale, relativement au jour de la naissance de Jésus, puisse provenir d'une cause semblable et ne pas indiquer primitivement deux traditions contradictoires.
On se laisse aller à des théories ingénieuses sur les tendances idéalistes de l'esprit de certains peuples, et voilà que la réalité vient leur donner un démenti : toutes ces considérations, tous ces systèmes, habilement combinés sur les aspirations de l'esprit humain, s'évanouissent au souffle de la critique ; et l'on est tout surpris de ne trouver souvent, au fond de ces théories qui nous séduisaient, qu'une pure illusion. Le transcendantalisme oriental sur la fête de l’Épiphanie ne me paraît pas autre chose qu'une illusion brillante et sans fondement.
Terminons par un témoignage plein d'autorité qui, quoiqu’appartenant à la fin du IVe siècle, s'appuie cependant sur les siècles antérieurs : c'est celui de S. Jean Chrysostome. Ce célèbre docteur adressait, l'an 386, au peuple d'Antioche, une homélie sur le jour de la naissance du Sauveur. Nous voyons, dans ce discours, que la célébration de la fête de Noël, le 25 décembre, n'était établie que depuis quelques années à Antioche.

Or, les esprits étaient partagés à cette occasion. Il y en avait qui rejetaient cette fête comme une innovation récente ; d'autres , au contraire, l'acceptaient avec joie, parce qu'elle avait été solennisée, dès l'origine, par tous les peuples, depuis la Thrace jusqu'à Gadès. C'est pour faire tomber cette opposition que S. Jean Chrysostome prit la parole. Il montre que cette fête était à la fois nouvelle et ancienne ; nouvelle, par son introduction récente dans l’Église d'Antioche ; ancienne, parce qu'elle remontait aux premiers âges.
« La connaissance de ce jour (le 25 décembre) nous a été transmise, ajoute-t-il, par les chrétiens de Rome qui l'ont reçue de la tradition ». Il fait voir que, puisque le Sauveur est né pendant le recensement que fit faire l'empereur Auguste, on ne pouvait mieux connaître ailleurs qu'à Rome la date précise de cette naissance, puisque c'était là qu'étaient conservées les anciennes archives de l'empire (1).

(1) Homilia in Servatoris nostii J.-C. diem natalem , II.

Ce n'est pas sans raison que S. Jean Chrysostome invoque le témoignage des archives impériales qui relataient le recensement fait par Quirinus, et indiquaient par conséquent la date de la naissance du Sauveur. D'autres écrivains l'avaient fait avant lui. Voici un homme qui connaît le droit romain, un légiste : c'est Tertullien. Il va donner à son témoignage une précision juridique. Ii avait à répondre aux Marcionites qui niaient, non pas la divinité de Jésus-Christ, elle leur semblait incontestable, mais son humanité. Pour établir la réalité de la naissance du Sauveur, Tertullien disait aux disciples de Marcion :

«
La constatation vous est facile. Vous avez les Actes alors dressés en Judée par Sentius Saturninus, sous le règne d'Auguste ; vous y trouverez inscrite la naissance de Jésus-Christ » (1).
Ce n'est plus ici la désignation générale des registres du recensement de Quirinus, comme dans S. Jean Chrysostome, mais le titre particulier des actes compris clans ces registres sous le nom de Sentius Saturninus. Ce Sentius Saturninus, que mentionne également l'historien Josèphe, était gouverneur de la Syrie , tandis que Quirinus Publius Sulpitius était légat-censiteur dans la même province. Plus loin, Tertullien renvoie ses adversaires aux archives romaines, comme à un témoin fidèle de la naissance du Sauveur :

Do censu Augusti, quem testem fidelissimum Dominic
œ nativitatis romana archiva custodiunt (2).
Remontons encore plus haut : nous trouvons le même témoignage. Le philosophe S. Justin, dans son Apologie pour les chrétiens, présenté l'an 138 de notre ère à l'empereur Antonin-le-Pieux, s'exprimait en ces termes :
«
Jésus-Christ est né à Bethléem, petite bourgade de la Judée. Vous pouvez vous en assurer en consultant les tables du recensement de Quirinius (3) ».
Cette Apologie eut pour résultat de mettre fin à la troisième persécution. Comme toutes les requêtes officielles, celle de S. Justin avait dû passer, avant d'arriver à l'empereur Antonin, sous les yeux des officiers et des conseillers impériaux. Or, peut-on croire que S. Justin eut invoqué, devant de, tels juges, les registres de Quirinus,si ces registres n'eussent pas relaté la naissance du Sauveur à Bethléem ? Évidemment, donc, au temps de S. Justin, les pièces originales constatant la naissance de Jésus-Christ à Bethléem existaient dans les archives publiques de Rome. Ces archives, dont nous venons de suivre la trace dans les principaux docteurs de l’Église, depuis le IVe siècle jusqu'au IIe, ne se bornaient pas à mentionner la naissance du Christ à Bethléem et le recensement de Quirinus :
S. Jean Chrirsostome nous affirme que le jour de la naissance de l'enfant de Bethléem y était indiqué et qu'on y lisait la date du 25 décembre.


(1) Adversus Marcionem, lib. IV.
(2) Adversus Marcionem, lib, IV.
(3) Justin. Apoiog., 1. Pro christiants ad Antonium Pium, cap. XXXIV.

Cette date mémorable et sacrée nous apparaît donc partout, en Orient comme en Occident. Tous les siècles nous la redisent, et la tradition de l’Église romaine s'accorde avec l'histoire pour nous la montrer toujours honorée. Si, au IVe siècle, quelques Églises d'Orient célèbrent l’Épiphanie comme étant le jour de la naissance du Fils de Dieu, cette coutume n'est pas ancienne, et on n'en trouve aucun vestige dans les trois premiers siècles. Si Antioche célèbre cette naissance au jour de l’Épiphanie, S. Grégroire de Nysse nous atteste que, dès les temps les plus anciens, les Églises de Cappadoce avaient religieusement observé cette fête le 25 décembre. Nous avons dit, avec plusieurs critiques, que l'usage suivi par l’Église orientale reposait sur une erreur chronologique. C'est pour cela qu'il a rapidement disparu et qu'il a cédé la place sans résistance à la date adoptée par l’Église d'Occident. Cette coutume était sans racines profondes au cœur des populations ; et si le triomphe de la fête du 25 décembre a été si facile, c'est qu'elle revendiquait en sa faveur une origine apostolique.

Si j'ai combattu, dans cette lecture, les conclusions le mon honorable confrère, il est un point, je suis heureux de le proclamer, sur lequel je me rencontre avec lui dans une complète fraternité de pensées et de sentiments. La note dominante de l'étude qu'il a lue dans cette enceinte, c'était une profession de foi vive et sincère dans la divinité de cet Enfant mystérieux dont la première apparition sur la terre a fait l'objet de nos communes recherches. Si la date de sa naissance est encore enveloppée de quelque obscurité, il y a toujours une chose qui resplendit sans nuages aux yeux de notre foi. C'est la divine auréole du Sauveur Jésus, et mon âme fait écho à la sienne en saluant avec amour celui qui est notre Maître, notre Rédempteur et notre Dieu.

Pierre Azaïs, Abbé.

-oOo-


Nota nemausensis : Ce texte très fouillé de l'Abbé Azaïs, reste, par ses tournures de phrases, une profession de foi s'adressant essentiellement aux catholiques. Certes, l'honnêteté de l'auteur ne peut être mise en doute. Toutefois, ce texte ne doit pas être considéré comme : une étude contradictoire d'un historien moderne, neutre dans ses pensées et dans ses arguments.
En lien ci-dessous le texte intégral du Pasteur Viguié, cité de nombreuses fois par l'Abbé Azaïs. Dans de ce dossier, il manque la contre argumentation d'Aristide Viguié aux propos de l'abbé Azaïs. Toutefois ce débat local ne s'étant pas limité aux publications de l'Académie de Nîmes, tout un chacun peut, actuellement, trouver des réponses sur la connaissance du jour de la Nativité.
 
Deuxième partie, texte d'un Pasteur
>
Texte du Pasteur Ariste Viguié, publié dans les Mémoires de l'Académie de Nîmes

 

-oOo-

En savoir plus sur les moeurs et légendes du pays Nîmois


 

> Contact Webmaster