Le Jeu du Mail à Nîmes

Plan de Nîmes 1775 - Quartier du Jeu de Mail

HISTOIRE DE LA VILLE DE NIMES
Léon Ménard, 1760 - Livre vingt-deuxième.

Création d'un Jeu de Mail à Nîmes en 1637.


VIII. - Un particulier de cette ville offre à ce conseil de faire. construire un jeu de mail. On nomme des commissaires pour examiner ces offres. (1636.)

Délibération lors de l'assemblée du dimanche 30 novembre 1636, sur la permission que lui fit demander Jean Guiraudenc, lieutenant du prévôt de la maréchaussée au diocèse de Nîmes, pour la construction d'un jeu de mail, appelé palemail dans les registres, comme on le disait anciennement.

Ce particulier se proposait de le bâtir dans une terre qu'il avait acquise, joignant les masures des anciennes murailles de la ville, au quartier appelé de Saint-Vincent. II avait remis les conditions auxquelles il se soumettait pour cela. II demandait aussi qu'il lui fût permis de faire usage des fonde­ments de ces anciennes murailles, et d'en prendre les pierres. Sur cette demande , on nomma les consuls et quelques-uns des conseillers de ville pour se transporter sur les lieux, examiner l'avantage ou le préjudice que la ville pourrait ressentir de l'établissement de ce jeu, et voir si ce particulier pourrait employer les pierres de ces fondements, sans ôter les marques d'antiquité des murailles.

XIV. - La ville donne son consentement à la construction d'un jeu de mail.

On n'avait pas perdu de vue l'affaire du jeu de mail que Jean Guiraudenc, lieutenant du prévôt diocésain, avait offert de construire, et pour raison de quoi le conseil de ville avait chargé quelques commissaires de vérifier l'em­placement.

Ceux-ci avaient en conséquence remis leur rapport le 5 de décembre 1636, et l'avaient donné favorable à ce particulier. Leur avis fut con­firmé par une assemblée de ville générale, qui se tint pour cela le lundi 6 d'avril 1637, en présence du juge-mage Charles de Roche­maure.

L'assemblée nomma en même temps d'autres commissaires pour examiner les articles et les conditions attachées à la requête qu'avait présentée Gui­raudenc sur ce sujet, pour lui accorder ce qu'ils trouveraient juste et raison­nable, et pour en passer ensuite un contrat avec lui, au nom de la ville.

Gravure ancienne XIXe, F. Meaulle - Le jeu de croquet.

C'est ici l'époque certaine de la construction du jeu de mail de Nîmes, l'un des plus beaux qu'il y ait en France, soit par l'étendue et la beauté de ses deux grandes allées, soit par la singularité de celles qui traversent et croisent ces deux-la dans toute leur longueur, en forme de labyrinthe, soit enfin par l'agrément du petit jeu où l'on fait passer les boules sous des arceaux de fer, dont le grand jeu est accompagné.

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­Extrait de Nîmes et ses rues, page 128 à 132.
Albin Michel, 1876

Origine du jeu du Mail.


Le jeu de mail ou de pallemalhe était au­trefois en grande faveur à Nîmes, et l'on avait prie l'habitude d'y jouer sur tous les chemins qui aboutissaient à la ville, ce qui occasionnait souvent des accidents et des plaintes des propriétaires dont on détruisait les clôtures et dont on violait les propriétés, pour aller chercher les boules égarées. Aussi, en 1636, le sieur Jean Guirauden, lieutenant du prévôt des maréchaux au diocèse de Ni­mes, adressa-t-il aux consuls et au gouver­neur de la ville une pétition pour être auto­risé à établir un jeu de mail sur une terre par lui acquise du sieur Escudier, au quartier appelé Saint-Vincens.

Voici l'en-tête de cotte pétition qu'on peut lire dans les Archives de la ville de Nîmes, K. 10,164 :
"Messieurs les consuls et gouverneurs de la ville de Nismes, supplie humblement,  moi, Jean Gùirauden, lieutenant de prévost des maressaux au diocèse de Nismes, qu'il n'y a ville pour sy ehestisve et petite qu'elle soit en la province du Languedoc et autre a du royaulme de France, qu'elle n'ait quel­que lieu accordé et destiné pour le jeu de pallemailhe ; en considération de ce que l'exercisse est honneste et permis, néansmoyns en la présente ville de Nismes qui est une des plus considérables de lad. province et des plus anciens mesme du rohaulme, il n'y a aulcung lieu destiné pour led. exercicsse, en te le sorte, que les plus grans et fréquans chemins abordans lad. ville comme celluy d'Abvignon, de Montpellier, Beaucaire, Arles et autres infinis chemins sont occupés par lesd. joueurs aud. pallemalhe ou pour mieux dire à la chicquane, dont le public et particuliers reçoivent ung nottable injeure et prejudice ; car, en pre­mier lieu, pandan qu'on s'exerce en ses grands chemins, les passons, qu'elle hoste et affaires importans qu'ils aient, sont coutrainctz s'arrester, voire mesme, qui a pis est, s'ils s'opiniatrent à continuer leur chemin, courent fourtune d'estre offancés, ce quy es, grandement préjudiciable au négosse et commerce de lad. ville ; d'alheurs ont fait pleuzieurs desgats et domages aux  maisons, bleds, vignes et jardins qui con­frontent et abottissent lesd. chemins, dont ,  ordinairement les particuliers en font plaintes, pour les quelles faire cesser et autres incommoditez quy en arrivent et malheurs qui s'en peuvent ensuivre, vouldrait ledit suppliant qu'il feust vostre bon plaizir lui permettre faire faire ung jeu de pallemalhe en une terre qu'il a acquise y jougnant les vieilles mazures de l'ancienne muralhe, cartier appelé Saint-Vincens, et icelluy approuver, sous les modiffications, pactes et conditions cy apprés escriptes et les ordonnances et lès réglemans an folhet a cy attaché, et moyennant ce led. suppliant priera Dieu pour vos santés et prospérités."

Cette autorisation fut donnée au sieur Guirauden en 1637, on lui permit même de prendre dans les anciens murs détruits de la ville les pierres nécessaires pour construire les murs d'enceinte de son établissement.

Les statuts du jeu de mail furent approu­vés par le conseil de ville et durent être gravés sur un écriteau placé à l'entrée de l'enclos. Cette délibération fut prise et signée par MM. de Meretz, premier consul ; Alizon, J. Constant et Gervays, consuls.

Il serait trop long de donner ici le détail des dits règlements et des conditions du jeu qu'il suffise de savoir que ce document officiel existe aux Archives de la ville, vol, k. 10,164 et qu'on peut le lire au n° 27 des Chroniques du Languedoc, 1875, p. 145 et suivantes.

Le jeu de mail a été pratiqué pendant long­temps et il n'y a guère que trente ans environ qu'il a été délaissé, quant à la boule volante. Le jeu de labyrinthe qui était une variété du jeu de mail revient en faveur et n'est autre chose que le jeu de croquet d'aujourd'hui. L'ancien cirque romain existait sur cet empla­cement auquel on arrivait par l'ancienne rue Carreterie ou des Chars. M. Auguste Pellet dans son essai sur les Thermes de Nemausus, p. 26, dit qu'il existait encore en 1829, vers le centre du jeu de mail une partie de l'en­ceinte du cirque romain que l'on appelait la Tourmagnette. Je suppose que ces fragments de murs devaient être la muraille intérieure aux deux extrémités de laquelle se trouvaient les meta ou bornes autour desquelles tour­naient les chaos.

Ce qui confirme l'existence du cirque sur l'emplacement de la rue du Mail, c'est (nous dit M. Germer-Durand fils dans son livre, Promenade d'un curieux dans Nîmes, p. 19) qu'au moyen-Âge, le Cadereau ruisseau qui à cause du voisinage des collines alors boisées devait être plus important qu'aujourd'hui, est appelé Cadaraucus de Carceribus (1233, Archives du chapitre de Nîmes) on Cadereau des écuries du cirque. En 1185, ce quartier se nommait ad carceres, les écuries du cirque.

En 1732, le propriétaire étant dans le des­sin de le vendre, fit demander le consentement de la ville, que les acquéreurs exigeaient à cause des réparations, particulières qu'elle y avait fait exécuter à diverses époques. Le conseil de ville s'étant assemblé le jeudi 6 novembre 1732, donna ce consentement. On peut voir le plan de l'ancien jeu de mail aux Archives départementales, série G, n° 44.

L'emplacement du jeu de mail est occupé aujourd'hui en partie par le nouveau marché aux boeufs dont la création remonte au 21 mars 1850. C'est à l'extrémité de cette rue, à l'angle du Cours-Neuf que se trouvait le cimetière juif. Ce terrain leur avait été concédé après la révolution de 1789, lorsqu'ils avaient obtenu l'autorisation de s'établir où ils voudraient dans toute la France. Ce local étant complètement ouvert, les membres de la communauté voulant le clôturer, obtinrent de M. Valory, alors maire de Nîmes, l'auto­risation de prendre les moellons, qui leur étaient nécessaire parmi les démolitions des maisons renfermées dans les Arènes et que l'on faisait alors disparaître. Ce cimetière devenu trop petit a été abandonné plus tard, lorsque la communauté a acquis le nouvel emplacement da chemin de Saint-Gilles, mais la loi juive s'opposant à ce qu'aucune cons­truction ne puisse jamais s'élever sur un cime­tière et que le terrain même soit aliéné, ce lieu de sépulture a été complétement muré et personne ne peut y pénétrer.

C'est encore dans la rue du Mail que se trouvait un cimetière catholique qui avait été inauguré et béni le 7 juillet 1780, par Jac­ques de Marmier, vicaire-général délégué. Ce cimetière étant devenu insuffisant par suite de l'augmentation toujours croissante de la population, a été remplacé en 1836 par celui du chemin d'Avignon, dit de Saint­-Baudile.

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