L'immeuble des Montclus

extrait de

"HISTOIRE D’UN BATIMENT MUNICIPAL"

par M. Pierre Guérin, membre de l’Académie de Nîmes, 1917.


II

 

La vente d'un vieil immeuble. - Curieuse représentation des parties contractantes. - Un singulier bail perpétuel. - Un cas de censive de la directe de l'évêque. - Une vieille famille de la noblesse de province. - Un rapport d'experts.

 

Le 14 décembre 1778, fut dressé par Maître Nicolas, notaire à Nîmes, l'acte de vente d'une maison contenant basse-cour et jardin, située à Nîmes même et faisant coin à la Grand-Rue du collège et à celle du Camp-neuf sive de l'Evêché. La maison confinait du levant la Grand-rue, du couchant M. Maurice Boudan, à présent M. de Cabrières, du vent droit la rue du Camp-neuf, du midi les sieurs Agulhonnet, avocat; Jean Bourély, procureur, et les hoirs de Pierre Macary.

 

Le contrat fut passé en présence de Maître Jean Gringoire, procureur fondé de la procuration du 23 novembre, qu'avait expédiée Maître Aymard, notaire de Fresque, et de Louis Rivet, frère de l'acquéreur, acceptant, se disant investi d'un pouvoir verbal.

 

La vente était faite au nom de haute et puissante dame Marie-Anne de Cadolle, veuve de haut et puissant seigneur messire Florimond Innocent Anne, marquis de Voguë, colonel de cavalerie, demeurant en son château de Fresque, à M. David Rivet, négociant, actuellement à Cadix.

 

La marquise de Voguë vendait en même temps que la maison d'une contenance de 454 cannes 6 pans (approximativement 1470 mètres carrés), une rente foncière annuelle et perpétuelle de 30 livres due par Paul Brueys, à raison de 30 cannes carrées et 4 pans (environ 98 mètres carrés), dépendant du jardin de ladite maison, cédés à locatairerie perpétuelle, le 15 mai 1775, et dont la jouissance ne devait commencer qu'à la Saint-Michel 1782.

 

Le procureur déclara que la maison (basse-cour, entrée, passages, écurie) relevait de la directe de Mgr l'évêque de Nîmes pour la censive d'un sol, neuf deniers, suivant la reconnaissance faite par M. le marquis de Cadolle, père de la dame marquise de Voguë, le 14 mai 1761, devant Maître Champetier, notaire. Mais pour le jardin Madame la marquise affirmait n'avoir jamais reconnu qu'il relevât d'aucun seigneur ni qu'il payât de censive. La maison avait appartenu à feu M. le marquis de Montclus, président juge-mage, lieutenant général en la cour présidiale et sénéchale de Nîmes.

 

Elle était passée à feu M. le marquis de Cadolle, son neveu, donataire de défunte Madame de Montclus, sa mère. Celle-ci avait été cohéritière de feu le président marquis de Montclus, son frère, en même temps que feu Mgr Louis-François Devinet de Montclus, évêque d'Alais.

 

L'acte de partage entre le sieur marquis de Cadolle et Mgr Louis François Devinet datait du 3 août 1751 (Maître Autoréal, notaire à Montpellier).

 

La marquise de Voguë, fille unique de feu M. le marquis de Cadolle, en avait hérité, La maison fut vendue au prix de 50000 livres ; 45000 pour ce qui relevait de Mgr l'Evêque ; 5000 pour le jardin. Le preneur exigeait la vérification de l'état des lieux par deux experts, qui furent 'Maître Nicolas notaire, et Jean Cler, maître maçon.

 

L'immeuble, comme on le voit par ce qui précède, avait des tenants illustres dans la meilleure noblesse de province.

 

Mais si on s'arrête minutieusement au long rapport des experts, rapport rendu confus par l'excès même des détails, insignifiants, on est obligé de reconnaître que l'état de l'immeuble ne répondait guère à l'importance sociale des anciens propriétaires.

 

La disposition des lieux comprenait une façade et deux ailes : mais tout y sentait l'abandon, la vétusté et le délabrement.

 

Signalons en passant, au rez de chaussée, l'accès, par une porte cochère, de la Grand Rue à un vestibule dont les murs sont crevassés et sur la gauche duquel s'ouvrent les portes d'un bûcher et d'une dépense. Du bûcher on pénètre dans un cellier.

 

A droite du vestibule, on entre dans une pièce avec arceau de boutique, de plus de 8 mètres de longueur, éclairée du côté de la cour. Au vent droit, dans le fond, on accède à une autre pièce de dimensions presque égales, éclairée par deux fenêtres, du côté de la Grand-Rue. Partout, ce sont des fenêtres de dimensions différentes, des portes disloquées, des serrures branlantes.

 

Si David Rivet avait exigé ce rapport d'experts pour se faire une idée approximative des dépenses qu'allaient lui coûter les réparations ou les transformations de l'immeuble, il put facilement se convaincre par la lecture de ce rapport qu'il avait tout à reconstruire et à remettre à neuf.

 

Son voyage à Cadix, pendant lequel s'était fait l'achat de la maison Montclus, l'avait sans doute préparé par de gros bénéfices à supporter- aisément les frais de cette installation.

 

Il est vrai qu'entre temps il était devenu seigneur de Sabatier, ayant domicile en son château de Sabatier, et que noblesse oblige.

 

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