Établissement d’un avocat des pauvres en 1460.

 

Par Léon Ménard,

Histoire de la ville de Nîmes, 1760.

 

Maison de l'Avocat des Pauvres - 16, rue Fresque - Nîmes, 2002

 

 

 

Maison de l'Avocat des pauvres 2003.

Où est passée la plaque ?

 

II manquait dans les tribunaux de justice à Nîmes un défenseur pour les pauvres. Le louable dessein d'y en établir un fut formé et exécuté par un habitant de cette ville nommé Louis Raoul, bachelier ès-lois, établissement d'autant plus important qu'il tend à tirer de la misère même les parties que la pauvreté met hors d'état de fournir aux frais d'un procès, et qu'il leur donne les moyens de réclamer leurs droits en justice.

 

Ce charitable citoyen institua pour cela un défenseur, auquel il donna le titre d'avocat des pauvres, et dont il voulut que le ministère leur fût à perpétuité particulièrement consacré. Voici de quelle manière et sous quelles conditions

 

Par son testament du 25 de février de l'an 1459 (1460) il substitua ses biens aux pauvres, soit veuves, soit pupilles et orphelins, qui auraient besoin d'un défenseur pour poursuivre leurs procès dans les cours et tribunaux de Nîmes. Il fit d'abord lui-même la première nomination de cet avocat, et son choix tomba sur Jean Auban, bachelier en droit.

 

Quant à ceux qui devaient remplir cet office après lui, il en attribua l'élection aux officiers royaux, soit de la sénéchaussée, soit de la cour royale ordinaire de Nîmes, et aux avocats de ces deux cours, et alternativement, aux consuls et aux conseillers de villes, il les chargea les uns et les autres de faire serment, avant qu'ils procédassent à la nomination, d'élire un sujet capable et propre à se bien acquitter de ces fonctions.

 

Il obligea cet avocat des pauvres de promettre par serment, après son élection, qu'il exercerait son office avec fidélité et droiture, et qu'il se rendrait de facile accès à tous les pauvres qui pourraient avoir besoin de son ministère, de faire effectuer un inventaire exact de ses biens, avant que d'en prendre possession, et d'en remettre, un mois après, une copie collationnée dans les archives de l'hôtel de ville, de ne jamais exiger de salaire des pauvres dont il prendrait la défense en justice,

 

d'entretenir avec soin la maison et les fonds dépendants ! ! !

 

d'entretenir avec soin la maison et les fonds dépendants de cette fondation et d'en payer exactement les charges et les tailles ordinaires et extraordinaires, de faire dire tous les ans un service dans l'église cathédrale de Nîmes, pour lui et pour ses parents, amis et bienfaiteurs, à pareil jour ou dans le même mois de sa mort, et de donner pour cela vingt sols

 

Tournois aux chanoines, de visiter deux fois la semaine les prisonniers, de s'informer du sujet de leur détention, de solliciter leur élargissement et d'intercéder pour eux auprès des officiers royaux ou auprès des parties qui les détenaient dans les prisons, de défendre avec zèle en justice les causes de la communauté et des habitants de Bernis, près de Nîmes, qui était le lieu de sa naissance, de faire placer sur la porte d'entrée de sa maison une pierre, où seraient écrits ces mots :

 

DOMVS ADVOCATI PAVPERVM

 

maison de l'avocat des pauvres,

 

de faire sa demeure dans cette maison, et au cas qu'il voulut habiter ailleurs, il déclara qu'il le privait de cet office et prétendait qu'on en pourvut un autre.

 

Il défendit de plus le transport hors de sa maison et l'aliénation du bureau, du banc et des tablettes pour ses livres et pour ses papiers, qui étaient dans son cabinet, et ordonna que tout cela y demeurerait à perpétuité pour l'usage de l'avocat des pauvres.

 

Quant à ses livres, il déclara que s'il ne se trouvait pas à sa mort assez d'argent pour payer ses legs, son intention était qu'ils fussent vendus, et que le prix servit à y suppléer.

 

Ce pieux habitant fit en même temps des dispositions particulières en faveur des églises, qui font l'éloge de son zèle pour le salut de son âme. Après avoir déclaré qu'il voulait être enterré dans le cimetière de l'église cathédrale, il ordonna qu'on dit des services dans cette église, soit le jour de son enterrement soit au bout de la neuvaine soit à la fin de l'année de sa mort.

 

Il supplia les chanoines de l'admettre parmi eux, de le revêtir de leur habit après sa mort et de l'associer à leurs prières. II leur légua pour cela sept livres dix sols Tournois, qui devaient être distribués entre eux. Il ordonna qu'on plaçât un cierge de demi-livre, à chaque côté du crucifix, qui était devant le treillis du maître autel de la cathédrale, et qu'on allumât ces deux cierges à perpétuité aux premières et aux secondes vêpres et à la grand messe, aux fêtes de Noël, de la Circoncision, de l'Epiphanie, de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, de la Trinité, du Saint-Sacrement, de la transfiguration de Notre-Seigneur et de la Toussaint, aux six fêtes de la Vierge, savoir, de la Purification, de l'Annonciation, de l'Assomption, de la Nativité, de la Conception et de la Présentation, à celles de la nativité de saint Jean-Baptiste, de saint Michel-Archange, et de la consécration de l'église cathédrale, et de plus, aux matines de celles de Noël, de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte et du Saint-Sacrement, qui se disaient ces jours-là avec tout le peuple.

 

II voulut au reste que ces deux cierges fussent faits de cire commune, parce qu'elle durait davantage et qu'elle coûtait moins, mais il déclara qu'il voulait qu'en l'honneur de la virginité de la mère de Dieu, ils fussent couverts de cire blanche aux fêtes de la Vierge. Il donna pour cette fondation particulière, trente sols Tournois, qu'il voulut qu'on assignât en cens et en redevances féodales, et établit le sacristain de la cathédrale pour l'exécuter, à qui il légua pour ses peines les lods et ventes des fonds sur lesquels ces cens seraient assignés.

 

Il ajouta qu'au cas que le sacristain refusât d'accepter cette charge, ou qu'il négligeât de l'exécuter, il voulait que le legs passât aux consuls de Nîmes pour faire observer la fondation. Il légua au luminaire de la Vierge dans l'église de Saint-André de Bernis, toutes les abeilles et les ruches à miel qui étaient dans son jardin, à Bernis même, et chargea de les entretenir et d'en avoir soin le quêteur de ce luminaire ou telle autre personne que les syndics ou consuls de ce lieu voudraient préposer pour cela.

 

Ce testament était clos et scellé. II fut revêtu de toutes les formalités que prescrit le droit romain pour ces sortes d'actes, connus aussi sous le titre de testaments solennels.

 

Le testateur en fit deux originaux, dont il voulut que l'un fut déposé dans les archives de la trésorerie royale de Nîmes, et l'autre dans celles de l'hôtel de ville jusqu'à ce qu'on en fit l'ouverture et publication solennelle en justice. Il les représenta le jour même, enveloppés et cousus dans un carré de papier à sept témoins qui en signèrent la suscription et la scellèrent chacun d'un sceau.

 

Ces témoins étaient Etienne Valette, docteur ès-lois, avocat du roi de la sénéchaussée, Pierre Quotin, grenetier du grenier à sel de Nîmes, et garde des archives de la trésorerie royale de cette ville, Mathieu le Maire, bachelier en médecine et Jean Bonin, notaire, tous deux consuls cette année-là, Poldo d'Albenas, docteur ès-lois, et Pierre Brueis, notaire.

 

De plus, Louis Raoul voulant prévenir les inconvénients qui pouvaient arriver à l'occasion des formalités de ce testament, fit faire ce jour-là aussi la reconnaissance des signatures et des cachets que chaque témoin de Charles y avait mis, ce qui se fit en présence et de l'autorité de Rollot, viguier de Nîmes

 

Cet officier ordonna en même temps que l'un de ces deux originaux, serait déposé dans les archives de la trésorerie royale, et l'autre dans celles de l'hôtel de ville, conformément à la volonté du testateur.

 

Cette remise fut ensuite faite le 27 de septembre de l'an 1460, dans les premières de ces archives par Pierre Quotin, qui en était garde, en présence de Louis Astoaud, lieutenant du sénéchal, et le lendemain, dans les dernières archives par Louis Raoul lui-même.

 

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