Charles-Emmanuel de Crussol

(1707-1762)

Les aventures du VIIIe duc d'Uzès dit « Le bossu » durant son exil dans le Duché.

 

Le duc d'Uzès

 

Dit le bossu, né à Paris, le 1er janvier 1707, fils du duc et de la duchesse née Bullion, était un fort joli homme bien fait, d'une physionomie agréable et spirituelle.

A la bataille de Parme, livrée en 1734, où les Français, commandés par le maréchal de Créqui, battirent les armées impériales, il reçut une terrible blessure.

Tandis qu'il était à la tête de son régiment et au premier rang, genou terre, suivant l'usage de l'époque, une balle lui fracassa la mâchoire et sortit par l'épaule droite.

Cette blessure le rendit bossu, et les traditions locales lui ont laissé ce nom. Dès qu'il put supporter le voyage, il fut transporté à Paris, où, grâce aux soins dont il fut entouré, il revint enfin à la santé.

 

Son duel.

 

Comme distraction, il aimait beaucoup à aller à l'Opéra, il y avait apporté, un soir, en 1740, une boite de bonbons à deux compartiments, une pour les dames qui contenait des bonbons exquis et une autre remplie de dragées amères qu'il s'amusait à offrir à plusieurs seigneurs, notamment au comte de Rantzau, grand personnage allemand, parent de la reine Leczinska.

Le comte de Rantzau se fâcha et d'autant plus violemment qu'on riait de lui.

Il cracha à la figure du duc les dragées qu'il avait encore à la bouche, en ajoutant que s'il n'était pas un homme de qualité, il le traiterait encore autrement. Cette scène fit grand bruit. La garde intervint et chacun sortit. Le comte se rendit à Versailles et le duc le fit chercher dans Paris pour l'attaquer en duel.

La mère du duc, femme d'un grand caractère, ne pouvait s'empêcher de dire, aux personnes qui lui parlaient de cette affaire :

« Après une insulte publique, un homme du rang de mon fils doit se battre, fut-il assuré de rester sur le carreau. J'aime mieux. malgré ma tendresse pour lui, le voir rapporter mort que de le voir vivre déshonoré ».

Le duel eut lieu dans Paris, au Luxembourg, derrière le couvent des Chartreux.

Le comte de Rantzau était grand et vigoureux, le duc était petit et contrefait par suite de la blessure qu'il avait reçu à la bataille de Parme.

Ils se blessèrent d'abord tous les deux légèrement, mais le combat ayant continué, le duc tua raide son adversaire.

 

Son exil.

 

Cette affaire fit grand bruit. On félicita le duc de sa bravoure et de son adresse, mais le roi se fâcha et, poussé par la reine, parente du comte de Rantzau, il exila le duc dans son duché d'Uzès.

 Ce fut un grand bonheur pour notre ville.

 Le duc, fort intelligent du reste, était, malgré sa blessure, d'un caractère gai et jovial.

 On le questionna beaucoup sur la bataille ,de Parme et sur sa blessure.

 Il racontait qu'on avait eu beaucoup de peine à lui faire avaler des aliments par la bouche.

 Malgré sa blessure et ses souffrances, il ne put s'empêcher de rire de ce qui arriva à un de ses officiers blessé et son voisin de lit à l'hôpital. Cet officier avait reçu une balle à la cuisse. Pendant plusieurs jours les médecins ne firent que le sonder pour l'extraire.

 L'officier leur demanda enfin ce qu'ils faisaient a Nous cherchons la balle qui vous a blessé.

 Il fallait me le dire plus tôt, répondit l'officier, je l'ai dans ma poche.

 Un autre officier ayant déjà une ,jambe de bois se trouva à cette bataille parmi les combattants. Un coup de canon lui emporta sa jambe de bois. On le releva sans mal. II se mit à dire en riant :

 « Voilà de grands sots et un coup de canon perdus. Ils ne savent pas que j'ai deux autres jambes de bois dans ma valise ».

 

Le capitaine Deloche.

 

Le duc avait à son service un.original de Montpellier du nom de Deloche, qu'il qualifiait par dérision du titre de capitaine de ses gardes, quoiqu'il n'en eût pas. C'était un excellent musicien un peu bouffon et rimailleur, mais très bon diable.

 A l'occasion d'une. fête donnée à Uzès par le duc de Saint-Mégrin, colonel du régiment Dauphin, voici les vers qu'on débita sur son compte, en faisant voir son portrait dans une lanterne magique

 

Vous y verrez un vieux poète

Plus desséché qu'un parchemin

Portant figure de squelette

Les cheveux frisés en boudins

Dans le bourbier de l'hélicon

II pêcha un opéra bouffon

Ah, la pièce curieuse

La rareté merveilleuse, etc.

 

Ce Deloche fit relier son volume de poésie et le dédia au duc. Celui-ci fit relier quelques billets de change et les envoya au poëte.

Le lendemain il lui dit : hé bien, Deloche, comment avez vous trouvé mes poésies à moi ?

Monseigneur répondit-il, le premier volume m'a tellement charmé que j'attends le second avec là plus vive impatience. Le duc lui envoya un second volume, mais il eut soin d'y faire insérer : second et dernier volume.

 

La bosse du duc.

 

Le duc se livrait lui même à la poésie et il chanta sa bosse dans les vers suivants:

 

I

 

Depuis longtemps je me suis aperçu

De l'agrément d'être bossu, bossu

Par derrière et bossu par devant

Les épaules en sont plus chaudement

Et l'estomac est à l'abri du vent.

 

Il

 

Loin que la bosse soit un embarras

De ce paquet l'on doit taire grand cas

Quand un bossu se tourne de côté

Il règne en lui certaine majesté

Qu'on ne peut voir sans en être enchanté

Si j'avais eu les trésors de Crésus

J'aurais rempli mon palais de bossus

Et l'on verrait prés de moi nuit et jour

Tous les bossus s'empresser tour à tour

Rien ne serait plus brillant que ma cour

 

III

 

Dans mon jardin sur un beau piédestal

J'aurais fait mettre un bossu de métal

Et par mon ordre un de mes substituts

Aurait gravé sur tous ses attributs

Vive la bosse et vivent les bossus

 

IV

 

Concluons donc pour aller jusqu'au bout

Qu'avec la bosse on peut passer partout

Qu'un homme soit sot, fantasque et bourru

Qu'il soit crasseux, mal peigné, mal vêtu

II est charmant pourvu qu'il soit bossu

 

Le château des Touses.

 

Le duc avait fait construire un superbe château dans la plaine des Touses près Uzès oit il donnait de belles fêtes. Dans un bal un monsieur marcha par mégarde sur la traîne d'une dame qui était fort décolletée -

« Fichu maladroit, lui dit celle-ci, en se retournant. Madame répliqua le monsieur, voilà un fichu qui serait bien mieux sur vos épaules que sur vos lèvres. »

Dans un dîner le duc se trouva fort embarrassé pour placer à table, quatre dames qui occupaient à peu près la même situation sociale. II trancha la question de préséance par cette excuse originale

Quand j'ai un quatorze de dames au jeu de piquet je ne puis me résoudre à en écarter aucune, voyez donc mesdames à vous placer vous mêmes. Ce bon mot le tira d'affaire. On laissa l'étiquette de côté et on se plaça comme on se trouva.

 

Un capucin d'Uzès.

 

Le duc; était très bien avec les capucins d'Uzès. Un jour l'un d'eux, le père André jouait dans le salon du château au piquet la veille des rois. Il eut un quatorze de rois sans le secours duquel il était perdu. Je suis si content dit-il, que ce quatrième roi me soit venu, que j'ai envie de l'annoncer demain dans le sermon que je dois prêcher à la cathédrale. On paria qu'il n'oserait et le lendemain en commençant son exorde il dit a Un roi, deux rois, trois rois arrivent, qu'eussent-ils faits sans le quatrième a Rien. Mais il arrive ce quatrième et il arrive pour mon bonheur et pour le vôtre. Mes frères j’étais perdu et vous aussi. Avec lui toutes choses sont réparées. Ce roi, c'est Jésus-Christ que les rois mages viennent eux mêmes adorer.

 

Le garde du duc.

 

Tout près de son château, le duc possédait un moulin qu'il avait fait restaurer et qui, appartient aujourd'hui à Mme Lenthéric née Chambon. Son garde était en même temps éclusier. Aussi au-dessus de la porte il avait fait écrire ces deux Vers

Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots.

 

Un déjeuner chez le bisaïeul de M. d'Albiousse.

 

Le duc cherchait aussi des distractions à son exil, dans la chasse. Un jour il se rendit chez mon bisaîeul à son domaine de Fontainebleau, près d'Uzès (1) et il lui dit qu'il viendrait en chassant lui demander, à déjeuner. « Ayez la bonté de nous prévenir du jour près de votre arrivée, M. le duc, afin que nous puissions vous traiter convenablement. » « Non, non; répondit le duc, je viendrai vous surprendre. En effet il se présenta à quelques temps de là, à l'improviste mais des ordres avaient été donnés pour n'être pas surpris et tandis qu'on faisait promener le duc dans le parc, le valet de ferme était parti à la hâte pour prévenir le maître d'hôtel du duc d'apporter au domaine de Fontainebleau, son déjeuner avec toute sa vaisselle.

 

(1) Ce domaine est devenu la propriété de ma sœur, Mme Albin d'Amoreux née d'Albiousse.

 

Un fourgon ne tarda pas d'arriver apportant tout ce qu'il fallait et en entrant dans la salle à manger le duc comprit le stratagème. « Vous avez voulu nous surprendre, monsieur le duc, lui dit-on, et c'est vous qui devez être le plus surpris de voir ici votre propre déjeuner. » Et on se mit gaiement à table.

 

Un curé de village.

 

Une autrefois le duc alla dans un village. C'est la première fois qu'il y apparaissait. On l'attendait.

Le curé se présenta à lui à la tête de ses paroissiens et lui dit : « Monseigneur, les harangues sont incommodes et les harangueurs ennuyeux, aussi je me contenterai de vous chanter un couplet. (le texte a été égaré).

Le duc enchanté du zèle chansonnier du pasteur lut dit bis. Celui-ci obéit et répéta son couplet avec encor plus de gaîté.

Le duc lui remit un louis, le curé l'ayant reçu dit au duc: bis, et le duc trouvant le mot plaisant lui doubla la somme.

 

La vache du duc.

 

A la suite de sa blessure reçue à la bataille de Parme, le duc ne put tout d'abord vivre qu'avec du lait. On acheta une vache. qui fut conduite à Uzès. Elle était déjà vieille. Durant son exil, le duc eut l'idée de la confier aux habitants de Belvézet, ses vassaux, qui ne passaient pas alors comme aujourd'hui pour être bien intelligents. II fit venir le doyen des habitants et, lui dit .

« Vous allez soigner cette vache et je donnerai à la commune 1000 fr. par an , mais celui qui osera m'apprendre qu'elle n'existe plus sera puni de mort. »

La vache est amenée à Belvézet où on apprend non sans une vive émotion la conversation et les menaces du duc.

Chacun fait de son mieux pour soigner l'animal. Un an, deux ans, trois ans se passent et chaque année une députation va au château ducal recevoir les 1000 fr. promis. Mais voilà qu'avant la fin de la quatrième année la vache meurt.

Grand émoi dans la commune. Qui voudra se sa­crifier pour annoncer cette fatale nouvelle au duc et qu'arrivera-t-il si on la lui cache ?

Aussitôt, un des habitants qui était originaire de l'Auvergne, s'offre en victime.

Je suis pauvre, dit-il, prenez à votre charge ma femme qui va devenir veuve et mes enfants orphelins, et je me charge d'annoncer cette mauvaise nouvelle à votre puissant seigneur. On promet de secourir sa famille. On le félicite de sa détermination et de son courage.

II part pour le duché au milieu de l'émotion générale.

- Eh bien ! qu'y a-t-il de nouveau, tu viens pour la vache, dit le duc.

- C'est que, Monseigneur, dit le paysan, votre vache ne mange plus.

- Ah ! dit le duc, l'appétit lui reviendra.

- Monseigneur, elle ne marche plus.

- Elle est si vieille, répondit le duc.

- Monseigneur, elle ne boit plus.

- Est-ce que ma vache est malade ?

- Ah ! non, Monseigneur.

- Est-ce qu'on l'a volée, tuée ?

- Non, Monseigneur.

- En ce cas, répondit le duc, elle est morte.

- Ah ! Monseigneur, pardon, s'écria l'Auvergnat en se mettant à genoux. C'est vous qui l'avez dit, ce n'est pas moi.

Le duc ne put retenir un grand éclat de rire.

- Va, tu n'es pas de Belvézet cela se voit, lui dit-il, en le relevant. El, puisqu'elle est morte, garde l'argent pour toi.

Et il s'en retourna à Belvézet où on fut étonné de, son aventure.

 

(Le tour de France, Rambouillet, par la duchesse d'Uzès, p. 231 et suivantes).

 

L'ordre de la boisson.

 

Au commencement du XVIIIe siècle un sieur de Posquières créa un ordre de la boisson dont plusieurs habitants d'Uzès 'firent partie. Les membres de cet ordre prenaient des noms analogues à leur goût : frère Jean des Vignes, frère Roger Bontemps, frère du Flacon-Plein, frère Bois-Sec, frère Bois-Sans-Eaux, frère Bois-Sans-Cesse, etc.

On reprochait à l'un d'eux de s'être grisé un vendredi saint. II répondit : « II est bien permis à l'humanité de chanceler quand la divinité succombe.»

Chaque associé avait un diplôme sur lequel figuraient deux mains, dont l'une versait du vin d'une bouteille, et l'autre le recevait dans un verre avec ces mots : donec totum irnpleat. Le concierge du château ducal faisait, dit-on, partie de cet ordre. C'était un ancien serviteur très dévoué à la maison d'Uzès, et on lui pardonnait de fêter un peu trop Bacchus.

Un jour l'intendant du duc, un peu pressé, chargea le concierge d'aller à la cave percer un tonneau, et comme il connaissait ses goûts il lui fit promettre de chanter pendant cette opération.

Ce brave concierge une fois à la cave entonna l'air en faveur des morts : Libera me domine, durant lequel le prêtre s’interrompt pour réciter mentalement le Pater noster, et pendant ce temps le brave concierge buvait du vin, puis il reprenait l'air des morts.

 

Le maréchal duc de Richelieu à Uzès.

 

Le duc d,'Uzès, durant son exil ici, reçut dans son château le maréchal duc de Richelieu qui, nommé commandant en chef de la province du Languedoc, visitait les diverses villes de son commandement. Ces deux personnages qui s'étant connus à Paris aimaient à se trouver ensemble. Ils avaient du reste l'un et l'autre, les mêmes propensions à la bonne chère, au plaisir, à l'irréligion. Ils ne se gênaient pour railler, le Christianisme et vanter les idées de Voltaire, ne pressentant pas que cette propagande de l'idée antireligieuse amènerait la ruine de l'aristocratie.

En l'honneur du maréchal le duc donna aux principaux personnages de la ville, un grand dîner suivi dite, bal, après le repas, les dames arrivèrent fort décolletées. Aussi l'évêque s'empressa de sortir. Le duc le pria de rester. Que voulez-vous, répliqua l'évêque. On me chasse par les épaules.

En s'en allant il se trouva dans l'embrasure pratiquée dans le donjon dont les murs sont très épais, avec une dame qui ramenait sa robe le plus possible pour le laisser passer. « On met tant d'étoffes dans nos jupes dit la dame. Qu'il n'en reste plus pour le corsage », répliqua l'évêque.

 

Un ambassadeur Turc à Uzès, 1741.

 

Méhémed Saïd, ambassadeur extraordinaire de la Porte, vint à Uzès en 1741, se rendant eu Orient par Cette. Il était accompagné de M. de Joinville, gentilhomme ordinaire du roi et d'une suite comprenant 140 turcs et 150 chevaux.

Il descendit au château ducal où le duc qui l'avait connu à Paris fut bien aise de le recevoir ainsi que M. de Joinville chargé par le roi de l’accompagner. Dès que Son Excellence fut installée au château, Elle reçut la visite du Maire, M. Gabriel Froment, seigneur d'Argillers qui lui offrit au nom de la ville, plusieurs corbeilles de fruits. Son Excellence remercia le Maire fort grâcieusement et en Français. Peu après elle reçut la visite de personnes distinguées de la ville.

Vers le moment du coucher du soleil, l'ambassadeur se leva de son siège, se mit à genou et fit sa prière.

Puis sur l'invitation du duc il monta à cheval pour aller visiter la ville.

Son cheval était caparaçonné à la turque. Ses étriers étaient en vermeil. Au-dessous du caparaçon pendait du côté gauche un grand sabre et du côté droit une massue.

Il était précédé d'une partie de ses domestiques et suivi d'un détachement de la garnison.

Il avait à sa droite le duc et à sa gauche M. de Joinville.

En ce moment il vit passer le convoi d'une per­sonne très considérable de la ville et il fit cette réflexion : Je ne comprends pas pourquoi tant de flambeaux et des chants pour une personne qui ne voit ni n'entend.

Le soir un grand dîner suivi d'un bal fut donné ail château ducal.

L'ambassadeur fut très aimable. C'est lui , du reste, qui fit à la sueur du duc, à la duchesse de Vaujours la réponse suivante, lorsque cette dame fort jolie lui demanda pourquoi chez les Mahométans on permettait la pluralité des femmes

« C'est parce que, Madame, dans notre pays nous ne pouvons trouver qu'en plusieurs femmes les qualités qui se rencontrent ici dans une seule. »

 

Mademoiselle de Gueydau.

 

Le duc devint très amoureux d'une jeune fille d'Uzès extrêmement jolie, Mlle de Gueydau, appartenant à la petite noblesse du pays. Elle demeurait avec sa famille, rue Massargues, dans la maison qui est actuellement la propriété de la famille Boudet. Cette rue n'était alors qu'un cul-de-sac aboutissant aux remparts.

Le duc pour arriver plus facilement chez sa belle fit ouvrir le rempart et construire une porte, mais dans la crainte de l'opposition de l'Évêque, en sa dualité de co-seigneur d'Uzès, il fit tailler les pierres d'avance et achever tout le travail dans une seule nuit. Ce fut la cause d'un procès fort long. Mais la porte fut maintenue et fut appelée porte ducale.

Cependant le duc de plus en plus épris de la jeune fille qui était fort sage finit par l'épouser. A cette occasion une grande fête eut lieu au château ducal et pour que l'élément populaire put y prendre part, le duc fit dresser dans la cour de son château 3 tables de 200 couverts chacune pour les députés des différents corps de métier. La cour fut éclairée par 200 flambeaux de poix de résine qui produisirent une très vive illumination.

Alors on vit un spectacle grandiose.

En dessert, 600 verres sont en l'air pour porter la santé du duc et de la jeune duchesse qui sont au balcon, tandis .que toutes les fenêtres du château sont garnies de dames et de demoiselles, puis dans l'enthousiasme qui avait gagné tous les cœurs, les verres sont brisés, les cruches, les bouteilles ont le même sort, les farandoles se forment avec un entrain tout méridional autour des tables et l'air retentit de mille cris.

Durant ce temps, les boulangers, pour mieux signaler leur zèle, sortent en corps, vont chercher une prodigieuse quantité de fagots, dressent un immense bûcher devant la porte du château et y mettent le feu. Ce fut le signal d'une farandole échevelée par toute la ville avec des chants mêlés de coups de fusil et de pistolet en signe de joie.

L'année suivante la jeune duchesse mit au monde une fille qui fut tenue sur les fonts baptismaux par la municipalité d'Uzès qui dépensa pour cette cérémonies 500 livres (1).

L'enfant ne vécut pas longtemps. Le duc mourut bientôt après en 1762, et sa jeune veuve se remaria au duc de Crillon.

De son premier mariage avec Mlle de La Rochefoucauld, le duc d'Uzès dit le Bossu laissa un fils qui épousa Mlle d'Antin. Les nouveaux mariés vinrent tous les deux au château ducal et la ville leur fit une réception enthousiaste.

Mais hélas ! tristes vicissitudes humaines! A quelques années delà, le duc et la duchesse furent obligés de fuir devant la Révolution qui confisqua leurs biens. lis vendirent pour vivre les parures apportées en exil, souvenirs des temps heureux et en furent réduits à vivre dans un état voisin de la misère. Aujourd'hui grâce surtout à la duchesse douairière née Mortemart Rochechouart ; la maison d'Uzès a recouvré son ancien éclat. Elle est connue du monde entier.

 

LIONEL D'ALBIOUSSE.

 

(1) Cette somme fut répartie de la manière suivante

A M. le curé 24 1., à M. Roux, vicaire, 12 l.; à M. Laval, vi­caire, 12 l., un clerc 3 l., à la nourrice 36 1., à la gouvernante 2 t liv., à la garde 18 l:, à la sage-femme 18 l., à la première femme de chambre 18 1., à la deuxième femme de chambre 18 l., au maître d'hôtel 12 1., au suisse 12 1., au valet de chambre 12 I,, au cuisinier 12 1., à trois laquais 18 1., à trois domestiques 18 livr

pour le mouchoir': 1. 10 s, 6 d., pour les cocardes 13 1, 12 s., à la Symphonie 36 l., aux six valets de ville 361., aux pauvres 24 1 pour diverses réjouissances 100 1.

 

Jeanne Tronchet, maîtresse de Charles Emmanuel de Crussol, VIII Duc d’Uzès.

 

-oOo-

Biographie des 9 ducs d'Uzès, sous l'ancien régime
>
Antoine de Crussol, premier Duc d’Uzès (1528-1573)
Madame de Clermont Tonnerre, épouse d'Antoine de Crussol - Premiere Duchesse d’Uzès
> Jacques de Crussol, deuxième Duc d'uzès (1540-1584)
> Emmanuel Ier de Crussol, troisième Duc d’Uzès (1570-1657)
> François Ier de Crussol, quatrième Duc d’Uzès (1604-1680)
> Emmanuel II de Crussol, cinquième Duc d’Uzès (1642-1692)
> Louis de Crussol, sixième Duc d'Uzès (1673-1693)
> Jean-Charles de Crussol, septième Duc d'Uzès (1675-1739)
> Charles-Emmanuel de Crussol, huitième duc d'Uzès   (1707-1762)
>
Les Aventures du Duc d’Uzès « dit le Bossu »
> François-Emmanuel de Crussol, neuvième Duc d’Uzès (1728-1802)
> Biographie parlementaire des Ducs d’Uzès
Le duché d'uzès
> Le château et les Ducs d'Uzès
> L’origine du Duché-Pairie d’Uzès
> De Crussol, Duc d’Uzès sur internet
> Biographie de la Duchesse d’Uzès sur internet (1847-1933)

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