L’Amphithéâtre de Nîmes

par Jules Charles-Roux, 1908

 

 

On en a placé tour à tour l'origine de l’amphithéâtre de Nîmes au temps d'Antonin, de Trajan, de Vespasien, de Titus, de Domitien et même d'Auguste. Nous ne pouvons avoir la prétention de trancher une aussi importante question. Mais ce qui nous ferait pencher pour Auguste, c'est que M. Mazauric appuie cet avis sur des raisons péremptoires.

 

On a trouvé, en effet, dans les Arènes, des poteries datant du règne d'Auguste et même de plus loin. En outre, c'est sous le règne d'Auguste que furent entrepris la plupart des travaux qui firent de Nîmes ce qu'elle était sous l'empire romain. N'est-il pas naturel qu'on se soit en même temps préoccupé de la construction des édifices publics et, par conséquent, des Arènes, qui figuraient parmi les principaux ?

 

Quoi qu'il en soit c'est un magnifique spécimen de l'architecture romaine.

 

Il cessa de servir comme amphithéâtre vers 472. A cette époque les Visigoths, maîtres de Nîmes, ne permettaient ni les combats de gladiateurs ni la chasse des bêtes féroces ; aussi les Arènes furent-elles transformées en forteresse. On reconnaît facilement à certains procédés de construction, les murs qui vinrent alors compléter cet ouvrage de défense. Deux tours s'élevaient aux côtés des portes orientales et un fossé, qui subsista jusqu'au XIIIe siècle, entourait le monument.

 

En 673, le duc Paul, révolté contre le roi Wamba, se réfugia dans les Arènes. Les Sarrasins en firent aussi une forteresse ; c'est pourquoi Charles Martel y mit le feu et peut-être même essaya de les démolir, pierre par pierre (737). Fort heureusement la lourde masse des murs romains résista à l'embrasement.

 

Nous voyons alors, dans le bourg construit à l'intérieur de l'amphithéâtre, se développer les Milites Castri Arenarum, dont nous avons déjà parlé. Les Vicomtes y résident assez longtemps, et l'on y construit une église. Les Arènes demeurent forteresse jusqu'en 1391; à cette date, sur l'ordre de Charles VI, on bâtit un autre château près des Carmes.

 

Depuis cette époque, les chevaliers des Arènes abandonnèrent peu à peu les habitations qu'ils y avaient et allèrent loger dans la cité. Leurs anciennes maisons passèrent en d'autres mains, et ne furent bientôt occupées, pour la plupart, que par des personnes d'une médiocre condition, qui, loin de veiller à la conservation de l'édifice, n'ont fait que le dégrader

 

 

François Ier, visita Nîmes et le monument en 1533, et ordonna la démolition des maisons du bourg des Arènes. Mais l'ordre royal ne fut exécuté que pour les constructions occupant le portique supérieur. L'archéologue Rulman assure que pendant les guerres de religion, on voulut élever, au milieu de l'amphithéâtre, une tour construite avec les débris du clocher de la cathédrale. Puis on rêva d'y ménager une immense place où se dresserait la statue du roi.

 

Malgré ces projets, les maisons restaient debout. Léon Ménard nous indique qu'elle était en 1726 la situation du monument :

 

« Le plan ou la place intérieure de l'amphithéâtre, dite l'arène, contenait 13 maisons; l'enclos de cet édifice, c'est-à-dire ce qui est bâti et enclavé dans les deux portiques, 65 ; et les basses arènes, qui sont toutes les maisons attenantes à l'amphithéâtre en dehors, 72, ce qui fait la totalité de 150 maisons. C'est un objet sans doute bien médiocre si l'on considère le mauvais état, le peu de valeur, la vétusté de toutes ces habitations, dont la plupart sont de vraies chaumières qui menacent ruine, et que la police devrait depuis longtemps avoir fait abattre... »

 

Et l'historien de Nîmes demandait énergiquement le dégagement de l'amphithéâtre.

 

C'est seulement à partir de 1809, qu'on s'occupa de faire disparaître ce bourg des Arènes, qui avait compris jusqu'à deux mille habitants, et dont le langage possédait, dit-on, un accent particulier. Il fut chanté par Reboul, dans un très curieux et très beau poème. Les Arènes furent dégagées de leurs constructions parasites.

 

 

Deux fenêtres romanes, percées dans deux grandes arcades murées à la galerie du premier étage, ont été seulement conservées. Ce sont les restes de la chapelle Saint-Martin des Arènes, bâtie au XIe siècle, pour servir d'église à ce quartier. M. Révoil signale une de ces fenêtres comme un des échantillons les plus intéressants de l'architecture romane dans le Midi de la France.

 

Les Arènes de Nîmes doivent uniquement leur beauté à l'harmonie des proportions. Point d'ornements superflus. Les soixante portiques extérieurs, séparés par autant de piédroits qui leur servent d'appui, sont ornés de pilastres surmontés d'un entablement. Au dessus, le second ordre est formé de colonnes, engagées d'un tiers environ de leur diamètre. Le tout est couronné d'un attique portant en aplomb de chaque colonne deux fortes consoles percées d'un trou circulaire, où l'on fixait le velarium.

 

La hauteur totale du monument est de 21m11, il mesure 364m82 de tour, son grand axe a 133m38, son petit axe, 105m40; enfin l'épaisseur des constructions est de 31 à 32 mètres. Avec ces dimensions imposantes l'amphithéâtre pouvait contenir plus de vingt mille spectateurs. Il fallait donc multiplier les entrées pour éviter tout encombrement, ce que l'architecte a su fort bien prévoir.

 

Le système des escaliers est particulièrement ingénieux. Les soixante arceaux du rez-de-chaussée conduisent alternativement dans la galerie d'entresol par une montée, et de plain-pied dans la galerie intérieure. Celle-ci, à son tour, donne accès tantôt à la partie supérieure, tantôt à la partie inférieure des quatre gradins, formant la première zone, tantôt aussi à la partie inférieure de la deuxième zone.

 

La galerie d'entresol a des montées qui vont d'un côté dans la galerie du premier étage, de l'autre au haut de la seconde zone. La galerie du premier étage conduit alternativement à la partie supérieure et à la partie moyenne de la troisième zone, et par une montée de retour, dans la galerie du second étage. Dans celle-ci, qui dessert la quatrième zone, c'est-à-dire l'ensemble des dix gradins les plus élevés, on ne circule pas de plain-pied; elle est formée d'une série de galeries encadrées d'escaliers, où l'éclairage est donné par une double fenêtre longue et étroite, placée à droite et à gauche des colonnes du second ordre. Ainsi, jamais, ne pouvait se produire, soit à l'entrée, soit à la sortie, une de ces bousculades, que l'impétuosité méridionale aurait rendues assez redoutables.

 

Cinq galeries extérieures ou inférieures permettaient la circulation dans l'édifice et servaient de promenoir pendant les repos du spectacle.

 

Il y avait trente-cinq rangs de gradins divisés en quatre zones. La première située tout près de l'arène, était distribuée en loges, par des cloisons transversales, là se trouvaient les représentants de l'Empereur, les magistrats de la Cité, et tous les hauts dignitaires on suppose que ces loges étaient couvertes. Les chevaliers occupaient la deuxième zone ; les plébéiens la troisième, et les esclaves la quatrième.

 

 

Un velum ou velarium, tendu au dessus des Arènes, protégeait les spectateurs contre les rayons du soleil, mais on ne pouvait pas toujours installer cette immense tente ; lorsqu'il faisait trop de vent, le public restait exposé aux ardeurs de la lumière.

 

L'arène est, en forme d'élipse comme l'ensemble de l'amphithéâtre ; son grand diamètre mesure 69m14. Son petit diamètre 38m34. Le mur du podium, protégeant les spectateurs, était peu élevé, ce qui prouve que, dans l'amphithéâtre de Nîmes, on amenait des bêtes féroces peu redoutables.

 

Mosaïque de Zliten

 

On se contentait d'y faire combattre des gladiateurs entre eux, ou d'y produire des sangliers, des loups, des cerfs, et probablement aussi des taureaux capturés dans les environs. H. Bazin a décrit très exactement ce que devaient, être ces luttes cruelles.

 

Jules Charles-Roux, 1908

 

Nota : Noms de quelques capitaines ou châtelains des anciens châteaux royaux de Nîmes :

- Guillaume Buccuci, pannetier du roi (1285)

- Macé Héron (1431)

- Pierre de Brézé, chevalier, seigneur de la Varenne, conseiller et chambellan du roi (1448)

- Louis Louvet, baron de Calvisson et de Massillargues (1458)

- Bernard de Dams, chevalier, conseiller et chambellan du roi, sénéchal de Beaucaire et de Nîmes (1462)

- Rauffet, seigneur de Balzac (1465)

- Etienne de Vest, chevalier, seigneur de Grimault et de Caromb (1491)

- René Pot, chevalier, seigneur de la Roche (1502)

- Jacques, seigneur de Crussol, chevalier, vicomte d'Uzès (1501)

- Jean de Senneterre, baron de Clavellier et de Fontanilles (1546)

- Jean de Senneterre, baron de Pontastier, de Nubières et de la Rivolhe (1561)

- François de Monteynard, chevalier, seigneur de Montfrun (1687)

 

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Les  Arènes de Nîmes avec NEMAUSENSIS
> L'amphithéâtre de Nîmes par Auguste Pellet, 1838
> Les Arènes, par Alexandre de Mège, 1840
> Les Arènes, rapport de fouilles de Henri Révoil, 1868
> Les Arènes, description de Eugène Germer-Durand, 1868
> Les Arènes, par Albin Michel, 1876
> Chateau des Arènes du Ve au XIIIe siècle Michel Jouve, 1901
> Quelques détails sur les Arènes, par le chanoine François Durand, 1907
> Les Arènes, L'Amphithéâtre par Jules Charles-Roux, 1908
> Les Arènes, Les souterrains des Arènes, Félix Mazauric, 1910
> Les Arènes, Le rempart et le Château des Arènes, Igolen 1934
> Diaporama des fouilles en 1987
Tour des Arènes à travers un siècle d'iconographies 

 

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