LES ARENES.

Emile ESPÉRANDIEU.

L’amphithéâtre de Nîmes, 1933

 

LA DATE DE L'AMPHITHÉÂTRE

 

La question de la date de l'Amphithéâtre de Nîmes a fait couler des flots d'encre; elle n'est toujours pas résolue.

 

 

L’Amphitéâtre au XVIIIe siècle.

 

Une opinion récente veut que le monument soit de la période comprise entre l'an 54 et l'an 95 de notre ère; elle ne se fonde, malheureusement, que sur une raison de sentiment ce qui, par cela même, lui enlève toute valeur.

 

A première vue l'objection contre la très haute antiquité des arènes parait très forte. Rome n'eut, à ce qu'il semble, d'amphithéâtre de pierre que sous Néron, après la destruction de la ville par l'incendie de l'année 64, et il peut paraître surprenant qu'une colonie l'ait précédée dans cette voie.

 

Mais la même question se pose aussi pour l'Amphithéâtre d'Arles.

 

Dira t’on, écrit M. Constans qui l'a étudiée de très près, en se fondant sur les textes, dira t on que la colonie d'Arles ne put penser à bâtir un monument de ce genre qu'après que la métropole lui en eut donné l'exemple Ce serait très vraisemblable si les Arelatenses n'avaient été, en majeure partie, originaires de la Campanie. Or, les combats de gladiateurs étaient en honneur dans cette région avant d'avoir été adoptés par les Romains. Pompéi eut un amphithéâtre de pierre dès la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Il n'y a donc nulle difficulté à admettre que l'amphithéâtre d'Arles soit contemporain des premières années de la colonie.

 

« Nous avons observé », poursuit M. Constans, « qu'il présentait, dans certaines de ses parties, de frappantes analogies de construction avec le crypto-portique du forum et le théâtre. Or, nous avons été amené à rapporter ces édifices aux premiers temps de la colonie d'Arles. »

 

« II est donc très vraisemblable que l'amphithéâtre fut compris avec eux dans le programme monumental de fondation. »

 

J'ajouterai que si nous ne sommes renseignés que très imparfaitement sur la création de la colonie de Nîmes, il n'en est pas de même de celle d'Arles. Suétone précise qu'elle fut fondée par Tibère Claude Néron, père de l'empereur Tibère, et cela dut se produire dans l'automne de l'an 46 avant notre ère. La colonie de Narbonne date du même temps. L'une et l'autre furent constituées, en principe, par des soldats licenciés de la 6e légion pour Arles, de 10e pour Narbonne; mais ces soldats ne pouvaient être que peu nombreux et leurs effectifs s'accrurent vraisemblablement d'une partie des 80000 colons, pris dans la plèbe campanienne qui, toujours au dire de Suétone, furent envoyés, en cette même année 46, hors de l'Italie.

 

Du temps de César, il semble bien qu'aucun ancien soldat légionnaire ne vint à Nîmes comme colon, mais on peut présumer une colonisation civile, comme pour Arles et Narbonne, fournie par des originaires de la Campanie; les petites monnaies d'argent, analogues à celles de Marseille, qui sont manifestement antérieures à Auguste, et à la légende :

 

COL, NEM,

colonia Nemausensium,

 paraissent en donner la preuve.

 

M. Constans, qu'il faut continuer de citer, dit encore :

« L'amphithéâtre de Nîmes, qu'on a souvent comparé à celui d'Arles, en est comme une réplique. Il a, comme lui, deux étages; comme lui, il offre cette particularité que les piliers qui séparent les arcades du rez-de-chaussée sont décorés, non par des colonnes ou des demi-colonnes, mais de pilastres carrés. Enfin, à Nîmes comme à Arles, l'entablement au-dessus de ces pilastres et au-dessus de ses colonnes du premier étage n'est pas uni, mais forme, au droit de chaque chapiteau, autant de dés rectangulaires .... »

 

Et M Constans arrive à cette conclusion « Ces analogies ne permettent guère de douter que les deux édifices ne soient l’œuvre d'un même architecte, ou que l'un n'ait été copié sur l'autre. »

 

Ainsi, M. Constans ne semble pas très éloigné de croire que l'amphithéâtre de Nîmes est du temps de Jules-César. Ne remontons pas si haut; mais gardons nous de descendre trop bas. L'amphithéâtre dé Nîmes a tous les caractères d'une construction augustéenne. Il faut, très vraisemblablement, le rapporter au dernier quart du Ier siècle avant notre ère, marqué par la construction des remparts, celle de la Maison Carrée et d u temple de Diane, par l’œuvre grandiose du Pont du Gard et par d'autres monuments qui ont disparu, mais que rappellent des inscriptions au nom d'Agrippa ou à celui d'un de ses fils.

 

Si le terminus ante quem de la construction est difficile à établir, l'époque possible de son achèvement ne semble pas faire de doute. Comme on l'a vu, il existe, dans le sous-sol du monument, deux inscriptions, de rédaction identique, qui sont ainsi conçues :

 

T - CRISPIVS

REBVRRVS

FECIT

 

Pour certains auteurs, le personnage que rappellent ces inscriptions serait l'architecte du monument. Pour d'autres, on ne lui en devrait qu'une partie. Ce qui importe surtout est de savoir à quelle époque cet architecte a travaillé. Or, il semble bien qu'on doive l'attribuer au temps d'Auguste.

 

La forme des lettres des inscriptions est une sorte d'onciale très différente des admirables caractères augustéens ; c'est même la raison qui les a fait supposer d'époque tardive. En réalité, cette onciale n'est connue, à Nîmes, que par trois inscriptions, dont la plus récente est datée de Tibère.

 

En résumé, je ne saurais affirmer que l'Amphithéâtre de Nîmes a été construit par Auguste; mais je crois fermement que, de toutes les opinions émises, celle qui l'attribue au début de l'Empire est, de beaucoup, la plus vraisemblable. Je ne pense pas qu'on doive le dater de la période flavienne et j'estime tout à fait déraisonnable de le reporter jusqu'aux Antonins.

 

 

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SUITE - Les Arènes par  Emile Espérandieu, 1933.
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> IV – La question des naumachies
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> VI – Les taureaux des arènes
> VII – Nombre de places
> VIII – Les chevaliers des arènes
> IX – Dégagement de l’amphithéâtre
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