LES ARENES DE NIMES

 

Emile ESPÉRANDIEU.

 

L’amphithéâtre de Nîmes, 1933

 

I

DESCRIPTION.

Appelé depuis le XIIe siècle les Arènes, l'amphithéâtre de Nîmes est de forme elliptique, comme tous les monuments de même sorte. Ce n'est pas le plus grand que l'on connaisse; il n'arrive qu'au 20e rang, sur une liste, d'ailleurs très incomplète, de plus de 70 noms; mais « la gravité de son architecture, la belle distribution de l'ensemble, la conservation miraculeuse de tout ce qui peut en expliquer jusqu'au moindre détail, en font un édifice des plus importants pour l'histoire de l'art et pour l'étude des usages auxquels il fut consacré ».

Vue extérieure, côté sud.

On peut même presque dire que c'est le mieux conservé de tous les amphithéâtres connus. Le Colisée a perdu à peu près le tiers de son pourtour et n'a plus un seul gradin, l'amphithéâtre de Vérone n'a gardé, de sa façade, qu'un pan de mur, et ses gradins, inexactement restaurés, ne datent que du quatorzième siècle. Le tracé de beaucoup d'autres amphithéâtres n'a été déterminé que par des fouilles. Celui de Nîmes, extérieurement presque intact, peut encore contenir plus de 15000 spectateurs et sert régulièrement pendant une bonne partie de l'année. Il mesure 133m38 de long et 101m40 de large. Ses maçonneries ont une épaisseur de 32m12 de l'est à l'ouest, 31m53 du nord au sud, le grand axe de l'arène a 69m14,; le petit axe 38m34.

 

On comptait 34 rangs de gradins dont la série était interrompue par deux chemins de ronde ne gênant pas la vue des spectateurs placés au-delà. On disposait, pour le placement de ces spectateurs, de 5 galeries et de 162 escaliers principaux.

 

L'amphithéâtre a une hauteur totale d'environ 21 mètres. Il est à deux étages, chacun de 60 arcades, de 3m70 à 3m80 d'ouverture, qui se correspondent. Un attique, partiellement détruit vers le sud-est, couronnait l'édifice.

 

Les piliers du rez-de-chaussée, ont une largeur de 2m40 à 2m50 et sont ornés de pilastres de 0m91 de large, ceux du premier étage ont des colonnes doriques supportées par des piédestaux. L'attique, de 1m20 de haut, était divisé par 120 consoles saillantes percées verticalement de trous ronds avec collier de fer à la partie supérieure.

 

Quatre arcades du rez-de-chaussée, placées aux extrémités des diamètres de l'ellipse, sont plus larges que les autres d'environ 0m65 et conduisent jusqu'à l'arène, celles du grand axe, directement; celles du petit axe, en franchissant une étroite porte, entre deux escaliers permettant d'accéder aux places d'honneur.

 

L'entrée principale était au nord, à l'extrémité du petit axe de l'ellipse. Elle possède un fronton triangulaire, dont les autres arcades sont dépourvues et, de plus, est décorée de deux avant-corps de taureau.

 

La galerie extérieure du rez-de-chaussée, voûtée de plein cintre et soutenue par des arcs doubleaux portés par des consoles, communique par 30 arceaux avec une galerie intérieure qui lui est parallèle, et qui, elle-même, permettait d'arriver aux places d'honneur, constituées par les quatre premiers rangs de gradins. Un mur d'appui de 2m69 de haut (premier podium), séparait ces places de l'arène; un autre mur d'appui (deuxième podium) à la base duquel était un chemin de ronde, les isolait des gradins de la section suivante.

 

Les gradins des places d'honneur ont 0m51 de haut sur 0m80 de large ; ceux des autres rangs comptent quelques centimètres de moins, mais, pour les uns comme pour les autres, la place réservée à chaque spectateur et marquée sur la pierre par des traits verticaux de 0m06 à 0m08 de long, est uniformément de 0m40.

 

Des inscriptions qui existent encore, mais qu'on a transportées au Musée municipal, renseignent sur les collectivités auxquelles s'appliquaient quelques gradins du premier rang des places d'honneur. Quarante places étaient accordées, par décret des décurions, aux bateliers du Rhône et de la Saône ; vingt-cinq places à ceux de l'Ardèche et de l'Ouvèze, etc.

 

Au-delà des places d'honneur, on comptait trois sections, chacune de dix rangs de gradins. La première (cavea ima) était desservie par 48 passages ou vomitoires venant de la galerie basse intérieure ou de celle de l'entresol. Aucun n'est en l'ace d'une voûte ; ainsi, les spectateurs n'avaient pas à redouter les courants d'air.

 

L'arrivée aux places était facilitée par de petites marches d'escalier taillées dans l'épaisseur des gradins.

 

La seconde section (cavea media) n'existe plus; on ne saurait dire, par conséquent comment ce groupe était séparé du précédent, mais il y a quelques restes d'un rang de gradins plus élevé qui l'isole de la troisième section.

 

Celle-ci (cavea saumma), réservée aux pauvres gens, est plus ou moins intacte. On y parvenait par 30 passages auxquels aboutissaient un pareil nombre d'escaliers venant de la galerie du premier étage.

 

Cette galerie a exactement la largeur de la galerie extérieure du rez-de-chaussée qu'elle recouvre; mais elle est bien moins haute, et son plafond, formé de quatre arcs-doubleaux juxtaposés, est prolongé par des voûtes rampantes qui se dirigent vers le centre de la construction.

 

Les retombées de ces arcs sont soutenues par des linteaux d'une seule pièce, prenant appui sur des consoles. La plupart sont cassés et maintenus par des tirants de fer ou des piliers qui datent de plusieurs époques. On les remplace de nos jours, après divers essais, par du ciment armé enchâssé dans de la pierre.

 

La galerie avait des appuis (garde-fous) en face de chaque arcade ; il n'en reste plus que trois sur l'un desquels est un combat de gladiateurs. Il se peut que tous les autres aient été décorés de quelque manière. Non loin de cette sculpture, sur un pilastre, est un bas-relief représentant la louve romaine et les deux enfants qu'elle nourrit.

 

De cette galerie du premier étage, des paliers en retour conduisent, par des escaliers de 15 marches, à une cinquième et dernière galerie qui n'est pas horizontale, mais appliquée sur l'extra-dos d'une demi-voûte portant les rangées supérieures de gradins. De petits escaliers doubles, ménagés devant 30 passages, permettaient le placement des spectateurs.

 

Du sommet à la base de l'édifice, les escaliers s'élargissent à chaque galerie de la dimension horizontale des passages qu'ils desservent. Ainsi, malgré le flot grandissant des personnes évacuant les gradins, aucun encombrement n'était à redouter.

 

La pierre dont on a fait usage pour la construction de l'Amphithéâtre provient des carrières de Roquemaillère et de Baruthel. Le calcaire de Roquemaillère est un peu moins chargé de chaux que celui de Baruthel et contient davantage de silice. Il est plus dur et dépourvu de nitrates. La pierre de Baruthel en possède et c'est sans doute à cette cause, du moins en, partie, qu'il faut attribuer la désagrégation rapide des blocs des pilastres, principalement du côté du sud-ouest.

 

Comme on l'a dit aussi du Pont du Gard, on a prétendu que l'Amphithéâtre de Nîmes n'a jamais été terminé. Il se peut qu'il n'ait pas atteint partout toute la perfection souhaitable; mais on n'a pas à douter de son achèvement.

 

L'antiquaire Aurès a fait intervenir, pour la construction, l'influence des nombres sacrés. On peut l'admettre; mais, sans doute, ne faudrait-il pas l'exagérer, comme on l'a fait.

 

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SUITE - Les Arènes par  Emile Espérandieu, 1933.
> I – Description
> II – Le Velum
> III – Écoulement des eaux de pluies
> IV – La question des naumachies
> V – La date de l’Amphithéâtre
> VI – Les taureaux des arènes
> VII – Nombre de places
> VIII – Les chevaliers des arènes
> IX – Dégagement de l’amphithéâtre
> X – Spectacles antiques

 

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