L'INAUGURATION DE LA STATUE D’ALPHONSE DAUDET AU SQUARE DE LA COURONNE DE NÎMES le 8 avril 1900
Inauguration de la statue d'Alphonse Daudet, dimanche 8 avril 1900.
Dimanche 8 avril, dès le matin, la foule, maintenue par un cordon de sapeurs-pompiers, se presse autour du jardin de la Couronne, hermétiquement clos.
A dix heures, les portes sont ouvertes aux invités. Une tribune réservée aux autorités est dressée en avant du bassin sur la gauche ; en face et à droite, deux rangées de fauteuils pour la famille ; de ci, de là, longeant les pelouses, des groupes de sièges pour la presse et les privilégiés qui ont reçu des cartes d'entrée.
A dix heures trois quarts, le cortège officiel apparaît, salué par la Marseillaise qu'exécute la musique des pompiers.
C'est, d'un côté, M. Reinaud, maire, suivi du Conseil municipal et des membres du Comité ; de l'autre côté, M. Roujon, directeur des Beaux-arts, délégué du ministre de l'instruction publique, accompagné par M. Maitrot de Varenne, préfet du Gard, revêtu de ses insignes.
A ces Messieurs se joignent toutes les autorités civiles et militaires, M. le premier Président, M. le Procureur général, les Conseillers de préfecture en uniforme, M. le général Balaman, l'Académie de Nîmes, M. Silhol, sénateur ; les députés Delon-Soubeyran, de Nîmes ; Pascal, d'Uzès; Jourdan, de la Lozère, etc…
Tandis que le cortège prend place sur l'estrade officielle, la famille d'Alphonse Daudet occupe les fauteuils de face, Mme Alphonse Daudet, ses fils Léon Daudet et Lucien Daudet, M. et Mme Ernest Daudet et leur fils, M. et Mme Fère Daudet, gendre et fille.
Une fois l'assistance installée, la musique joue de nouveau la Marseillaise et le voile qui recouvre le monument tombe aux applaudissements de la foule.
L'oeuvre de Falguière est charmante, gracieuse, enveloppée d'une mélancolie presque douloureuse. Alphonse Daudet est assis sur le roc, dans une pose méditative, légèrement affaissée; sa tête fine et rêveuse, ombragée d'une longue chevelure, se penche vers l'eau du bassin. Il y a dans l'attitude l'abandon de la rêverie et de la tristesse. Ainsi devait être l'élégant ironiste, lorsqu'il fermait le livre commencé pour songer au beau ciel natal et aux sourires de notre soleil.
L'ensemble du monument, dans ce cadre riant, au milieu de ces peupliers longs et sveltes, au centre de ce bassin où se jouent les cygnes, est d'un effet plein de poésie.
SONNET LU AU NOM DU FÉLIBRIGE LATIN par A. ROQUE-FERRIER,
M. Roux, félibre, de Sanilhac a lu une poésie patoise à Daudet.
L'éminent sociétaire de la Comédie Française, M. Paul Monnet, a lu ce ravissant acrostiche de M. Edgard Carcassonne, un des membres les plus distingués de notre barreau, conseiller municipal.
A toi qui, tour à tour, fus plaisant et sévère, Louange soit offerte, ô Daudet ! Tu sus plaire, Par ton esprit aux uns, aux autres par le cour. Honneur au fruit dont si diverse est la saveur ! On t'acclame à bon droit dans ce jour d'allégresse. Nîmes fête son fils aimé ; - quelle ferveur ! Sur ton nom quel accord touchant! Comme on s'empresse En un enthousiasme égal à ta valeur!
Du Théâtre Français nous tous, tes interprètes, Associant la France à l'éclat de ces fêtes, Unissons notre hommage à ceux de la Cité ! Désormais, ô Daudet, ta gloire est sans nuage. En invitant Falguière à sculpter ton image, Ta ville a consacré ton immortalité.
Polémique dans le Clairon de l'Ardèche du mercredi 21 mars 1900
Gard : Les Méridionaux du Gard vraiment poussent l'impatience un peu trop loin. Comme le maître Falguière leur fait un peu attendre la statue d'Alphonse Daudet qui doit, à Nîmes, s'élever au square de la Couronne - assez près de la fontaine Pradier - ne s'avisent-ils pas de l'inaugurer quand même, inachevée ?
C'est devant un bloc de marbre que parlera le 8 avril, M. Leygnes, le ministre désigné pour haranguer, à trente kilomètres de Tarascon, les compatriotes de Daudet. (1) Après le discours, le banquet et, sans doute, la classique corrida, Falguière finira son oeuvre.
Au temps d'Antonin, les Nîmois étaient moins pressés. Pourquoi cette date du 8 avril ? Pourquoi inaugurer d'abord et terminer après ? Mystère... et élections municipales ! (2)
Le Clairon de l’Ardèche, article du mercredi 4 avril 1900.
La statue d'Alphonse Daudet, par M. Falguière, a été enlevée samedi à Paris des ateliers du maître sculpteur et transportée à la gare où un Wagon spécial a pris le lourd bloc de marbre pour le conduire à Nîmes par grande vitesse. L'inauguration du monument est fixée au 8 avril.
Le marbre n'est pas encore entièrement dégrossi, et après sa pose à Nîmes, au milieu du bassin du square de la Couronne, où se trouve déjà la Fontaine Pradier, deux praticiens de M. Falguière donneront à l’œuvre sa forme définitive.
Le ministre de l'instruction publique présidera la cérémonie d'inauguration.
NOTA GM : Quelle sollicitude pour un journal de l'Ardèche qui se préoccupe d'une inauguration de statue à Nîmes ? Il ne comporte pourtant que 4 pages et il y a très certainement beaucoup à dire sur les alentours de Privas. ( ce journal conservateur, blanc, critique une municipalité radicale, rouge.)
Maison natale d'Alphonse Daudet à Nîmes
(1) Dans la première partie, quant aux origines Tarasconaise de Daudet, cet argument tombe mal, Daudet est natif de Nîmes.
(2) Ensuite sur le sujet, précipitation municipale, le sculpteur Alexandre Falguière malade n’a pu terminer son œuvre, la main gauche n'était qu'ébauchée. La Municipalité Reinaud arrivait en fin de mandat, la réélection n'étant pas assurée et ne voulant pas laisser à une autre équipe municipale l’honneur de cette inauguration, ils maintiendront la date initiale, ci-dessous un article de la presse gardoise de l’époque. C'est un élève de Falguière, M. Bloch, (ne pas confondre avec Roger Bloch ou Bloche) qui achèvera la statue de Daudet. M. Bloch sera par la suite un sculpteur de renom. Il était temps, le 19 mai 1900, M. Crouzet est élu Maire de Nîmes, il succède ainsi à Reinaud.
EN SAVOIR PLUS SUR LA VIE DE DAUDET > En avril 1857 arrivée du petit chose à Sarlande. Alphonse Daudet âgé de 17 ans à Alès> La version édulcorée du Petit Chose > Le Nabab - La véritable histoire de son modèle, l'exentrique François Bravay > Alphonse Daudet antisémite ? > Alphonse Daudet adulte, était-il encore un nîmois de coeur ? > La maladie cachée de Daudet, La Doulou (La douleur) > Polémique sur l'inauguration statue de Daudet à Nîmes > Article Midi Libre du 26 juin 2005
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