L'Observatoire de Benjamin Valz
au 44 rue de l'Agau (actuelle rue Nationale)
Extrait de Nîmes & ses Environs par E. B. D. Frossard, Pasteur 1835.


La rue de l'Agau (actuelle rue nationale) et l'observatoire de Benjamin Valz, par Frossard, 1835.
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Ce devait être un singulier spectacle que celui d'un observatoire du moyen âge ; sanctuaire mystérieux et redouté d'où sortaient de temps en temps d'obscures prédictions, aussi bien que de savantes découvertes, et où, aux élaborations de l'astrologie et de l'alchimie, se trouvaient allié, dans l'esprit du peuple, l'accomplissement des charmes cabalistiques de la divination et d'un commerce sacrilège avec les esprits malfaisants. Ces réduits , quelquefois assez vastes et souvent pratiqués dans l'épaisseur de tours massives dont on ne connaissait point l'issue, étaient généralement inaccessibles au vulgaire, et ce n'était qu'à force d'adresse et de riches présents que quelques personnages privilégiés des souverains et de grandes dames, y pénétraient furtivement pour interroger l'avenir conjurer la mort d'un ennemi, ou chercher des remèdes à des maux physiques ou moraux qui avaient jusqu'alors résisté aux efforts des médecins et des casuistes. Alors, l'œil des mortels apercevait, à la faveur d'une lampe sépulcrale, un homme pâle, au front chauve, au regard sévère, usé par l'inquiétude et l'émaciation, affublé souvent d'un costume symbolique dont l'ample étoffe paraissait mouchetée de caractères hiéroglyphiques ; et cette figure, dont le Teniers et Rembrandt ont si admirablement reproduit les traits au milieu du voile magique de leur clair-obscur, apparaissait comme enfouie au milieu d'un monceau de manuscrits, de chartes, de télescopes, d'astrolabes, d'alambics, de cornue et de lézards empaillés. Cette .auréole de science imprimait au savant tantôt un caractère presque sacerdotal, tantôt la souillure d'un excommunié ; aussi voyait-on l'astrologue, ici, sucer la substance d'un peuple crédule ; ailleurs, devenir l'objet de son exécration et de sa terreur; et si d'ordinaire le peuple n'approchait de l'observatoire qu'à une distance respectueuse et en se signant religieusement, d'autrefois on le vit, tumultueux, en fureur, violer le sanctuaire du paisible savant pour en arracher un Ramus, le traîner dans les rues, le lapider comme un martyr, ou livrer un Galilée au bras de l'inquisition pour lui extorquer l'aveu formel qu'il ne s'aviserait plus de croire que la terre tourne autour du soleil.
Aujourd'hui tout est bien changé ; l'astrologie â fait place à l'astronomie, c'est-à-dire que de roman elle est devenue histoire, science d'observation, calcul rigoureux, application des plus hautes mathématiques, science sublime sur les bases de laquelle les savants sont d'accord, et qui ne permet aucun doute à eux qui ne sont pas savants, comme elle ne leur demande aucun acte de crédulité. L'astronome est un homme habillé et fait comme un autre, qui descend souvent des demeures éthérées, dans la contemplation desquelles il fait ses délices, pour retrouver sur notre basse terre les devoirs du citoyen, et les délices de la famille et les charmes de l'amitié, (je parle de M. Valz), accessible a tout le monde, même aux profanes, surtout aux jeunes gens qui aiment l'étude, indulgent, sensible, bon, affectueux, malgré la rigoureuse rigidité, des mathématiques.
Quant à l'observatoire , il semble s'être simplifié à mesure que la science a fait plus de progrès. Il faut encore gravir, il est vrai, surtout dans le sein d'une ville, un grand nombre d'escaliers tournoyants pour atteindre la plate-forme, dont la première condition rigoureuse est de dominer un horizon étendu et de n'être offusqué par aucun obstacle ; mais un petit nombre d'instruments de forme simple, d'une exactitude parfaite, d'un maniement aisé, en compose tout l'appareil. L'édifice même d'un observatoire se réduit aussi presque partout aux formes mesquines d'un cube de maçonnerie, et il a fallu l'accident particulier qu'y ajoute le cours bourbeux de l'Agau pour nous engager à donner ici le dessin pittoresque de l'Observatoire-Valz, dans l'intérieur, duquel nous comptons faire une incursion.
Avant la fondation de cet Observatoire, nous n'en retrouvons, dans un cercle de pays très étendu, qu'un seul, celui de Montpellier, établi dans la tour Babotte, qui a, subsisté autant que les savantes recherches de MM. Poitevin , Ratte, Plantade, et qui, depuis leur mort, a dû céder la place à un télégraphe. Espérons que le cours que M. Valz va faire dans la cité savante préparera de jeunes astronomes, dont les études rendraient le rétablissement de cet observatoire plus urgent encore. Ajoutons qu'avant M. Valz, nous comptons, dans les fastes scientifiques de Nismes, peu d'observateurs dignes de remarque. Séguier, protecteur de l'académie de Nismes, et compagnon-élève de l'antiquaire Maffei, fit l"observation du passage de Vénus sur le soleil. On doit aussi la découverte d'une comète, en 1729, au père Sarrabat qui observait à Nismes, lieu de sa résidence. Ces noms pourraient être aisément oubliés par les astronomes, mais celui de M. Valz vient naturellement à la mémoire toutes les fois qu'il s'agit d'astronomie dans la France méridionale.
Notre savant et modeste astronome ayant bien voulu me donner accès dans son observatoire, et m'en expliquer les divers appareils, je pense que quelques-uns de mes lecteurs me sauront gré de leur répéter cette intéressante leçon, dont j'ai pu recueillir quelques miettes pour les faire figurer dans un ouvrage où j'ai promis de consigner tout ce que le pays offre de remarquable sous le point de vue scientifique, aussi bien que sous le rapport pittoresque et moral.
Le premier objet qui attire l'attention du curieux, dans l'Observatoire-Valz, ce sont les appareils à l'aide desquels ce savant fait ses observations météorologiques. La .météorologie, comme on le sait, est une science d'observation par laquelle on constate l'état exact de l'atmosphère sous le rapport de sa pesanteur, sa température, ses agitations, son humidité et ses aspects variés. Cette science est encore dans l'enfance, parce que longtemps les savants ont voulu bâtir des hypothèses avant de réunir des faits ; depuis quelques années. les météorologues suivent une marche beaucoup plus rationnelle, se contentant, pour le présent, de faire de bonnes observations qu'ils doivent un jour léguer à leurs enfants qui en déduiront les bases de la science. À neuf heures du matin, à midi et à trois heures après-midi, qui sont les époques critiques de la journée, vous verriez l'observateur, la loupe à la main, courbé sur son baromètre, pour apprécier, avec une exactitude qui va jusqu'à 1/100 millimètres la colonne de mercure équivalente à celle de l'air atmosphérique. Le baromètre de M. Valz est celui de Fortin, à niveau constant. La sensibilité de cet instrument est telle que l'on peut rendre sensible la différence de quelques pieds de hauteur, celle d'une table ordinaire par exemple. Cet instrument, exposé au nord, est soigneusement suspendu à côté d'un fil à plomb qui en constate la perpendicularité. L'observateur veut-il le déplacer, le transporter au sommet d'une montagne, un appareil parfaitement simple, un étui de bois s'empare de l'instrument, bientôt, muni d'un fourreau de cuir, le voyageur le suspend en bandoulière sans craindre qu'aucune secousse ne compromette la colonne de mercure qu'il a eu soin de pencher en sens inverse de l'état ordinaire. Un second baromètre que possède M. Valz, le baromètre à siphon de Bunten, parait cependant plus commode pour les voyages.
Du baromètre, l'observateur passe au thermomètre. C'est ici que la science moderne s'est montrée ingénieuse. Je prie le lecteur qui ne connait pas les thermomètres à maxima et à minima, de vouloir bien suivre avec quelque attention ce que je vais dire. Un tube de verre, muni d'une boule comme un thermomètre ordinaire, est placé horizontalement , il contient, au lieu, de mercure, de l'esprit de vin rouge, et une petite tige d'émail qui repose dans le liquide. Quand la température baisse, l'esprit de vin, en se contractant , emmène par succion, si je puis ainsi dire, la petite tige d'émail qu'il dépose dans la partie du tube la plus rapprochée de la boule qu'il ait atteint dans le courant de la nuit. L'observateur peut dormir tranquille, la tige d'émail reste fixe au degré de la plus basse température, dans l'intervalle de ses observations. C'est le thermomètre à minima. Le thermomètre à maxima, où celui qui indiquera la plus haute température, est construit sur un autre principe. Ici, le mercure vient remplacer l'esprit de vin, et une tige d'acier est substituée à la tige d'émail. Le mercure, loin de sucer la tige d'acier, la pousse sans y adhérer, elle la dépose donc dans l'endroit du tube le plus éloigné de la boule qu'elle ait atteint dans la journée ; elle marque le plus grand allongement de la colonne de mercure savoir la plus haute température.
Le météorologue prend aussi note de la direction et de la force du vent, à l'aide d'une girouette qui répond à un cadran dans l'intérieur de l'observatoire, pour indiquer la direction, et à une petite balance à ressort pour marquer la force. Cet appareil constitue l'anémomètre (1). Il parait que les vents du nord et du midi sont ceux qui soufflent le plus généralement dans nos contrées, et ils atteignent en vitesse jusqu'à 35° par seconde ou 25 lieues par heure. Les ouragans des Antilles atteignent jusqu'à 32 lieues.
(1) Le nom de diplaméomètre que M. Valz a donné à cet instrument parce qu'il donne deux genres d'indication, a été adopté.
L'udométre sert à mesurer la quantité d'eau qui tombe sur la surface de la Terre. Il consiste en un entonnoir d'une grandeur déterminée qui correspond à un tube dont l'orifice est le dixième de celui de l'entonnoir ; des degrés sont marqués sur un tube de verre attenant au tube métallique. Cet instrument à fait reconnaître qu'il tombe, année commune 0,65m d'eau à Nismes ; dans une seule journée, il en est tombé jusqu'à 0,15. À Paris, la quantité d'eau pluviale est moindre d'un quart, quoique le climat soit infiniment plus humide.
On mesure l'humidité de l'air à l'aide de l'hygromètre qui est basé sur le fait bien connu, des dames surtout, que l'humidité a la propriété de détendre et d'allonger les cheveux. Un cheveu communique à une aiguille qui en indique les expansions ou les contractions sur un cadran numéroté d'après une convention reçue par tous les savants de l'Europe.
La planche 101 indique les oscillations du baromètre et du thermomètre, à Nismes, pendant l'année 1834, mois par mois. La moindre attention suffit pour comprendre l'usage de ce tableau qui a beaucoup de rapport avec celui que nous avons donné pour la hauteur des lieux les plus remarquables du pays.
Le docteur Baux, qui a laissé des souvenirs si honorables dans le pays, et qui a terminé une suite de quatre générations d'habiles médecins, a légué à la science des observations météorologiques de quarante-quatre années. Son petit-fils, M. Valz, les poursuit avec une assiduité et une précision admirables, depuis treize ans environ.
Un travail du même genre se poursuit simultanément sur divers points du globe, et depuis Calcutta jusqu'à Londres, du Cap de Bonne-Espérance jusqu'à Philadelphie, à heures fixes, les observateurs consignent depuis plusieurs années, avec une exactitude scrupuleuse, toutes les vicissitudes de notre atmosphère. À l'aide de tant de recherches et d'une persévérance si soutenue, n'est-on pas en droit, sans être accusé d'avoir des idées trop rétrécies, de s'adresser la question du cui bono, quel a été le résultat de ces efforts, quel bien en espère-t-on pour l'avenir ? Il est évident que tous ces matériaux épars doivent servir un jour à élever un édifice complet. Il semble que les savants de nos jours, en donnant à leurs recherches une importance qui parait, au premier abord, dépasser celles du résultat qu'ils espèrent obtenir, élèvent, pour ainsi dire, autant de pierres d'attente pour une science plus vaste et des découvertes d'un intérêt immense. Alors peut-être reconnaîtra-t-on les lois qui régissent l'état de l'atmosphère ; alors l'agriculture deviendra une science exacte, et les chances d'un voyage sur mer seront calculées d'avance ; on saura d'une manière positive, l'influence de la lune sur les marées atmosphériques, et la cause des vents et les caprices de leurs déviations, et peut-être l'homme, délégué de Dieu pour dominer la terre, étendra-t-il son domaine, au gré de son intelligence, jusqu'aux régions aériennes qui, jusqu'à présent, ont échappé à ses investigations et à son empire ! Peut-être aussi, car cette idée toute opposée est aussi admissible, peut-être le résultat de toutes ces recherches aura-t-il pour effet de convaincre l'homme d'ignorance et de faiblesse, de lui montrer les limites de sa science et de lui annoncer un pouvoir intelligent qui plane au-dessus du monde qu'il habite et qui fait mouvoir les causes secondes par un effet immédiat de sa puissante et bienveillante volonté.
Des appareils et des travaux des météorologues passons au véritable observatoire de l'astronome.
Je pense que le curieux ne pourra se défendre d'un mouvement de surprise, quand il reconnaitra que l'observatoire d'un astronome moderne se réduit à peu près à deux instruments : la lunette méridienne et le télescope équatorial.
Le premier instrument est un télescope très-soigneusement construit, soutenu sur deux pivots dont l'un creux. Il est si bien balancé, que l'instrument, quoique d'un poids qui excède cent livres, peut se mouvoir à la plus légère pression du doigt, et néanmoins demeurer fixe dans la position où l'impulsion de la main l'a laissé. Ce télescope est constamment disposé de manière à se mouvoir uniquement de haut en bas , dans la direction du méridien de l'observateur. Nous n'entrerons point dans le détail minutieux des procédés au moyen desquels on le place dans cette position avec une exactitude rigoureuse, ni dans l'exposition du système de lentilles qui constitue le télescope lui-même, qu'il suffise de savoir que cet instrument a pour effet de permettre à l'observateur de suivre tous les astres qui passent successivement au méridien par , l'effet de la rotation de la Terre. Des fils de platine qui s'entrecroisent déterminent encore le passage de l'étoile dans le champ de la lunette. Ils sont très-visibles pendant le jour; une lampe y dont les rayons sont dirigés dans le corps de l'instrument par un conduit pratiqué dans l'un des supports même de la lunette, les éclaire pendant la nuit. L'astre parcourt avec rapidité les intervalles que laissent entre eux les fils; l'observateur, attentif aux phases de cette course silencieuse, en suit la direction, en compte les instants. Ici se présente une difficulté : pendant que l'œil suit cette marche mystérieuse, et que l'esprit est comme absorbé par ce spectacle solennel, il faut que la main écrive et consigne dans le livre terrestre les fastes du firmament. Un ouvrier du département, un ébéniste du Vigan, a rendu un service à la science par l'invention d'un petit instrument commode, un Compteur, dont nos lecteurs nous sauront gré de leur donner la figure et la description, surtout quand ils reconnaîtront qu'il pourrait s'appliquer à d'autres appréciations que celles de l'astronomie.
Le compteur de Salze, consiste en un disque de bois, armé, à la circonférence, de 40 dents qui correspondent à de semblables divisions sur une des faces latérales ; à l'aide d'un ressort placé verticalement, la plus légère impression du doigt peut opérer un mouvement de rotation de la part du disque, mais un second ressort, placé obliquement, arrête cette rotation à chaque cran, et demande une seconde impulsion du doigt pour opérer un nouveau mouvement. L'observateur, attentif au passage de l'astre dans la lunette, tient donc l'index de sa main droite appliquée au compteur, et à chaque seconde, dont le tic-tac de la pendule marque la chute, il imprime un mouvement au disque. Le compteur étant muni d'un nombre plus ou moins considérable de disques, l'observateur passe de l'un à l'autre quand il change d'objet d'observation. Une fois l'opération achevée, l'astronome peut, à loisir, consulter son compteur, sur la graduation duquel le point d'arrêt du disque indique le nombre de secondes écoulées, et cela, pour plusieurs observations dont il eût été impossible de retenir à l'aide de la simple mémoire les divers éléments. Ainsi, dans la figure ci-dessous, qui représente cet instrument, le premier disque marque 1", le second 12", et le troisième 21".

L'ébéniste Salze , homme intelligent et adroit , était employé par M. d'Assas-Montdardier, soit pour la construction de divers instruments ; soit pour l'observation même des phénomènes célestes. M. d'Assas Montdardier, descendant du chevalier d'Assas, aimait beaucoup les sciences astronomiques, mais l'état de sa santé ne lui permettait pas de braver les rigueurs des nuits ou les fatigues de l'observatoire. Il avait fait construire de nombreuses stations sur le flanc de la montagne de la Tude, ainsi que des triangles de fer, à l'aide desquels il faisait étudier le mouvement propre des étoiles. Salze était son œil, et souvent cet homme infatigable racontait que, pendant ses visites nocturnes aux triangles de la Tude, il était fréquemment escorté par des troupes de loups aux yeux étincelants et à la gueule béante, dont il ne pouvait se défendre qu'à l'aide de torches enflammées.
La lunette équatoriale ou instrument parallactique, qui constitue le second appareil indispensable d'un observatoire, agit dans le sens inverse de la lunette méridienne. On peut lui faire parcourir, à l'aide d'un double mouvement, tous les points du ciel et lui infliger un mouvement de rotation dans le plan de l'équateur. Cet instrument est un de ceux qui conviennent le mieux pour les observations où l'on doit suivre longtemps un objet avec le télescope, parce que celui-ci, une fois pointé, le sera pendant toute la durée de l'observation, pourvu qu'on imprime à l'appareil un simple mouvement de rotation autour de l'axe polaire. Il est surtout indispensable aux dénicheurs de comètes ; c'est aussi à l'aide de la lunette équatoriale que plusieurs astronomes ont donné des cartes célestes ; dans la plupart desquelles on compte environ six mille étoiles ; celles de Lalande en indiquent cinquante mille ; des cartes publiées en Allemagne en donnent plus de cent mille.
L'aspect du ciel, à part le spectacle général d'immensité et de splendeur qu'il présente à tous ceux qui lèvent quelquefois les yeux vers les voûtes éthérées, offre peu d'intérêt à ceux qui n'ont pu fait de l'astronomie une étude spéciale. Quand ils en parcourent les plaines immenses à raide au télescope ; quand ils ont contemplé Jupiter et ses zones, Vénus et ses phases, Saturne et son anneau, le soleil et ses taches, la Voie lactée et ses millions de soleils, les étoiles doubles et les astres diversement colorés , les comètes et leurs appendices lumineux, il ne leur reste plus à voir que la lune ; et il faut le dire, pour nous, profanes, la lune est bien l'objet le plus merveilleux ; serait-ce parce que ce satellite est notre voisin le plus constant ? Serait-ce que notre terre ne peut échapper entièrement à son influence d'attraction ? J'en doute ; et je présume que cet intérêt provient de ce que le télescope., qui ne fait que diminuer le diamètre apparent des étoiles, grossit à nos yeux celui de la lune, au point de nous laisser apercevoir les détails de son disque blafard. C'est un singulier et mystérieux spectacle que celui du disque de ce monde glacé et décrépit ! Je ne sais trop à quoi comparer cette surface crevassée, boursoufflée et immobile. Ici, des plaines immenses à l'aspect desquelles le changement des saisons ne parait apporter aucune teinte nouvelle ; là, des pics sourcilleux qui projettent au loin leur ombre sans reflet ; ailleurs, presque partout, des creux circulaires, à bords élevés, semblables aux cratères de nos volcans, dont la plupart ont dix lieues de diamètre, tandis- que le plus vaste, que les habitants de notre terre aient observé à sa surface, celui de l'île Sandwich ; n'en compte qu'une. J'avais dessiné soigneusement un de ces immenses réceptacles , et je me serais laissé entrainer à la tentation d'en reproduire ici le trait, si je n'avais craint d'être accusé de faire une déviation un peu trop grande du cercle que nous nous sommes tracé autour de Nismes pour servir de limites à nos descriptions.