L'aqueduc rétrograde romain de Nîmes à Marguerittes
par Benjamin Valz
extrait des Mémoires de l'Académie de Nîmes 1840-41, pages 94 à 104.


Benjamin Valz
né à Nîmes le 27 mai 1787
décédé à Marseille le 22 avril 1867
et enterré au cimetière protestant de Nîmes..

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Notice sur la branche rétrograde de l'Aqueduc du Gard et l'approvisionnement d'eau qui serait fournie par le rétablissement d'une partie de cet aqueduc par Benjamin Valz.

On n'a connu jusqu'à présent, même d'une manière assez imparfaite, que la branche principale de l'aqueduc romain, que j'appellerai supérieure ou directe, parce que son niveau est plus élevé, et qu'elle amenait directement ses eaux à Nismes, et pour la distinguer de la branche que je nommerai rétrograde ou inférieure, dont la direction et la pente sont en sens inverse de la première, conduisant les eaux de Nismes à Marguerittes, ou peu au-delà. On n'avait encore aucune raison de soupçonner l'existence de cette seconde branche, qui paraitra en effet assez extraordinaire et difficile à expliquer. La découverte que j'en fis en 1827, la manière dont j'en constatai l'établissement, et l'avantage qui résulterait de la restauration peu dispendieuse d'une partie de l'aqueduc antique pour doubler le produit d'eau de la Fontaine de Nismes, m'ont paru offrir assez d'intérêt pour en faire l'objet d'une communication académique. J'y joindrai quelques détails sur une partie remarquable de ce monument d'utilité publique, le plus important de la colonie romaine ; je veux parler d'un percé construit par les Romains dans le roc vif, aux portes même de notre ville, pour y faire passer l'aqueduc sur 300m de développement et 36 pieds de profondeur; difficulté, à cette époque, dont on ne se fait pas d'idée aujourd'hui, soit pour le travail, soit pour le temps employé, et que nous ne parvenons à surmonter qu'à l'aide de la prodigieuse force expansive de la poudre à canon, supérieure encore à celle de la vapeur ; forces qui, à elles deux, permettent à l'homme de vaincre les plus grands obstacles, pour accomplir rapidement les hautes destinées réservées à l'humanité dans un avenir à peine entrevu.

Je m'occupais, en 1827, de la recherche des moyens les plus avantageux de procurer le plus grand volume d'eau à la ville de Nismes (qui m'eût dit alors que, douze ans plus tard, on chercherait à me dépouiller de ce faible mérite, et que ce serait sous le nom d'un autre que la ville adopterait un projet qui m'appartient : idée première, indication du point de la prise d'eau, et direction du canal de conduite !)

Je crus devoir commencer par reconnaître les vestiges restants de l'ancien aqueduc, et par en faire le nivellement encore inconnu, afin de m'assurer des ressources qu'il pouvait offrir. J'étais parvenu à le suivre plus d'une lieue, jusque sur les collines au nord de Marguerittes, lorsqu'en prenant des renseignements des gens du pays , j'appris qu'il existait un aqueduc plein d'eau au dessous de plusieurs maisons du village, dans lequel leurs puits aboutissaient, entre autres celui du sieur Bourneton, et qu'on pouvait aisément le reconnaître dans un fossé profond de la terre de Recacourbe, où il était ouvert, ce que je vérifiai en effet, l'ayant trouvé à 2,30 m au dessous du sol. Il fut bien évident pour moi que ce ne pouvait être là l'aqueduc venant du pont du Gard, dont je venais de découvrir la voûte sur la colline dans le chemin des bois, à un niveau bien supérieur.

La particularité singulière de ces deux aqueducs me rappela aussitôt d'autres vestiges d'aqueduc existant dans un fossé au nord-ouest du Champ-de-Mars, dont je n'avais pu encore me rendre compte, et que M. Delon, dans son zèle infatigable pour la recherche de l'aqueduc romain, plaçait dans la direction générale de celui-ci ; mais , s'il eût exécuté un nivellement ainsi que je l'avais fait, il eût facilement reconnu que cela ne pouvait être. Je me souvins aussi de l'aqueduc que Ménard indique à l'orient de la source de la Fontaine, à côté du pont, et que M. Delon prenait pour le débouché de l'aqueduc romain dans la Fontaine, à 6 pieds au dessus du niveau de la source ; mais le nivellement lui eût montré bientôt que la pente en était en sens inverse ; aussi Ménard admet-il avec plus de raison que celui-ci amenait directement l'eau du grand aqueduc dans la ville, ce qui ne paraît pas encore entièrement exact. Pour lever toute espèce de doute et découvrir la vérité que je commençais à entrevoir, je résolus de rattacher les deux aqueducs l'un à l'autre par des nivellements sur divers points, en commençant par Marguerittes, où je trouvais que les deux aqueducs présentaient une différence de niveau de 16,76 m. Près de ce village, à la campagne de l'Agarne, on reconnait aussi des traces d'aqueducs et des bassins revêtus de grandes pierres, où il surgit assez d'eau pour y laver du linge. Plus prés de Nismes, cet aqueduc se retrouve encore dans les vignes, entre le mas de Luc et la route d'Avignon ; mais il est assez profondément enfoui, pour qu'on n'y pénètre qu'avec difficulté. On vient de le rencontrer, en dernier lieu, en construisant le chemin de fer. Il suit la même direction, il a été coupé à angle droit par le pont qui sert à l'écoulement des eaux, 75 m avant le raccordement des deux voies, prés le chemin d'Avignon. On l'a utilisé en y détournant le cours des eaux, et ce qu'il offre de singulier sur ce point, c'est qu'il n'est pas revêtu de maçonnerie, le terrain ayant présenté une résistance suffisante pour se soutenir de lui-même ; ce que l'on ne remarque nulle autre part, car l'aqueduc est bâti dans le roc avec de petits fragments calcaires, noyés dans un massif de ciment. La voûte en est à 3,10 m au dessous des rails. À 530 m en amont, le chemin de fer a coupé aussi l'aqueduc supérieur, dont le fond est à 2 m au dessus des rails. La pente du chemin, dans cet intervalle, est de 6,35 m, et celle de l'aqueduc, de 0,20 m ; en prenant 2 m pour la hauteur du dernier, la différence des deux aqueducs serait de 13,60 m, ou 3,16 m de moins qu'à Marguerittes.

Le nivellement que j'ai exécuté entre les restes de l'aqueduc au Champ-de-Mars, et chez M. Cavalier, m'a donné cette différence de 13,28 m, ou 3,48 m de moins qu'à Marguerittes, ce qui s'accorde assez bien. Or, d'après la pente que j'ai déterminée pour l'aqueduc supérieur, elle serait de 2 m dans le trajet jusques à Marguerittes, et il resterait 1,48 m pour celle de l'aqueduc inférieur, mais en sens inverse du premier, c'est-à-dire, que l'écoulement s'opérerait sur Marguerittes ; résultat bien singulier, sans doute, mais qui n'en est pas moins incontestable. Pourquoi, en effet, deux aqueducs aussi rapprochés avec des pentes en sens inverse ? C'est ce qu'il reste à expliquer ; mais, pour cela, il faudrait d'abord parvenir à trouver quelles eaux pouvaient couler dans l'aqueduc inférieur. La petite différence, qui ne passe pas le quart, entre les deux pentes, peut être attribuée à des inégalités ou inexactitudes partielles ne s'élevant qu'à 0,25 m, analogues à celles qu'on a pu reconnaître sur d'autres points.

En creusant les fondations de la maison mitoyenne au cimetière du chemin d'Uzès, on a rencontré de nouveau l'aqueduc inférieur, qui paraît traverser obliquement le cimetière et l'enclos de Mme Franc-Didier, où des éboulements longitudinaux dans la direction convenable le font reconnaitre. On peut remarquer que, de ce point à Marguerittes, sa direction parait suivre une ligne droite. Enfin , on vient de trouver ce même aqueduc dans les fondations de la maison Cabane, rue de la Fontaine, de façon à ne pas douter qu'il se prolongeait jusqu'à celui qui est indiqué par Ménard auprès de la source, à six pieds au dessus de son niveau. On ne peut donc arriver ainsi à son origine, qu'il faut chercher autre part.


Fig. 1 (cliquer sur l'image pour agrandir)

Pour mieux y parvenir, il convient de remarquer que les fouilles exécutées au nord du temple de Diane, en 1831, sous la direction de M. Pelet, alors adjoint à la mairie, amenèrent la découverte d'un aqueduc en fort bon état, de même dimension que celui du Gard, et se dirigeant perpendiculairement au mur du nord, auquel il venait s'adosser, en se divisant en deux branches apposées, à 2 m environ au-dessus du seuil de la porte d'entrée ; l'une paraissant se diriger au couchant, et l'autre à l'opposé, descendant en pente rapide, et servant de caveau au café voisin. À son extrémité, fermée par une porte, les fouilles firent découvrir un bassin rectangulaire, beaucoup plus long que large, revêtu et pavé de dalles de marbre, avec une seule issue à la partie opposée. À défaut d'autres preuves , on eût bien pu présumer que cette issue se continuait jusqu'à l'aqueduc mentionné par Ménard, en passant sur le canal de fuite de la source ; mais deux Communications , que je dois à l'amitié de M. Pelet, aussi zélé qu'habile explorateur de nos antiquités, viennent fournir des preuves et aplanir la difficulté. Le pont actuel auprès de la source n'a que deux arches, et a été établi sur l'emplacement d'un pont antique qui en avait trois (fig. 1), mentionné dans un rapport sur les fouilles exécutées en 1739, qu'on trouve dans l'Histoire de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, tome XIV. On y lit, page 105, que les arches du pont n'ont que 3,1/2 pieds de large, ce qui est exactement la mesure de la largeur des arches du pont du Gard ; et, dans la planche qui y est jointe, on voit la représentation et l'indication en légende de ces arcades construites pour porter un aqueduc. Dans une lettre manuscrite du frère de M. Séguier, conservée à notre bibliothèque publique, se trouve aussi la description de ce pont-aqueduc. Il ne saurait donc y avoir de doute sur son antique existence, non plus que sur sa communication avec l'aqueduc indiqué par Ménard, qui vient précisément y aboutir à un niveau peu inférieur, si la mesure de sa hauteur donnée par M. Delon est assez exacte , l'ancien pont n'ayant eu qu'une élévation de huit pieds.

Ménard rapporte que l'aqueduc du Gard parvenait jusqu'à deux réservoirs, de niveaux différents, situés dans la grande excavation du rocher de la Fontaine, appelée creux de Coumert, dont les angles paraissent bien avoir été régularisés par la main des hommes. On reconnaît encore plusieurs gradins d'un hémicycle, taillés dans le roc, qui pouvaient appartenir au réservoir inférieur ; du reste, des vestiges d'aqueduc ont été trouvés, au même niveau, tout auprès, dans le jardin de M. Beaucourt, et plus loin dans la propriété de M. Girard. On ne peut donc se refuser à admettre que l'aqueduc du Gard arrivait jusqu'au temple de Diane, à la destination duquel il devait concourir, ainsi que l'a montré M, Pelet, en reconnaissant des thermes dans ce monument. La branche occidentale de l'aqueduc, établie sur le roc, ne parait pas, d'après les inégalités du fond, avoir été terminée ; elle pouvait être destinée à amener les eaux dans la partie de la ville antique, située au-delà du Cadereau, et qui devait en manquer ; ce que confirmerait l'aqueduc qui traverse le Cours neuf à angle droit, et qui devait en ramener les eaux superflues. La branche orientale se dirigeait sur le pont-aqueduc, en passant sur la digue que Ménard indique entre la source et le nymphée et qui, d'après le dessin qu'il en donne, est visiblement un aqueduc fermé seulement à ses deux extrémités, où devaient se trouver des palettes ou vannes pour régler le débit des eaux selon les besoins, et dont le surplus était conduit à Marguerittes par l'aqueduc inférieur. Celui-ci ne pouvait guère se prolonger au-delà de 1000 m, à cause du relèvement du terrain, pour déboucher dans le Vistre, point le plus bas des environs. Le nom de Margaritœ ou perles semblerait indiquer le lieu de plaisance d'un personnage puissant, qui aurait eu le crédit d'obtenir la jouissance des eaux superflues, et la construction de cet aqueduc inférieur ; ce qui explique assez pourquoi les eaux n'avaient pas été prises dans l'aqueduc supérieur qui passait à proximité, et dont l'excédant seul pouvait être accordé. On peut remarquer que la campagne de l'Agarne, où passe l'aqueduc inférieur, tire son origine d'Aquarna, village mentionné au Xe siècle, qui existait encore au XIVe, et dont le nom indiquerait la présence d'eaux abondantes, dont on trouve encore quelques restes dans des bassins servant aux lavages domestiques.

Je crois devoir ajouter ici quelques détails dignes d'intérêt sur une partie remarquable de l'aqueduc supérieur. La position en avait été constatée à St-Baudile et aux Terres-du-Fort, mais sa partie intermédiaire restait inconnue ; il y avait cependant quelque intérêt à la retrouver, lorsqu'on cherchait un peu plus sérieusement qu'aujourd'hui les moyens de procurer de nouvelles eaux à la ville. Il y avait deux directions à suivre ; la plus courte et la plus difficile, de 900 m de longueur, à l'aide d'un percé, mais aussi la moins probable, vu la lenteur et l'extrême difficulté du travail pour les Romains, qui n'avaient pas, comme nous, la ressource de la poudre, et se trouvaient réduits à l'emploi du coin, du levier et de la pointerolle ; la direction la plus simple et la plus facile aurait contourné la hauteur des moulins à vent, sur un développement de 1800 m, et aurait dû être préférée ; mais on ne pouvait en trouver aucun vestige. Le nivellement que j'avais fait de la partie la plus considérable de l'aqueduc, m'en ayant fait connaître la pente, la question des deux directions me parut pouvoir se résoudre par un nivellement, sauf les petites inégalités de construction. En effet , la pente par le percé n'était que de 0,30 m, et par le contour des hauteurs, de 0,60 m. Le nivellement que je fis en 1828, me donna 0,40 m, et se trouva donc en faveur du percé, quoique ce fût l'hypothèse la plus difficile à admettre ; aussi désirais-je vivement en obtenir la confirmation lorsqu'une circonstance favorable vint apporter une preuve manifeste, en procurant la découverte du percé, lui-même. L'établissement d'un puits latéral à la rue de la Crucimèle fit découvrir l'aqueduc à quelques mètres au dessous du sol : or, ce point se trouvait dans la position où les deux directions en litige devaient se séparer, et où, par conséquent, de légères fouilles pouvaient décider la question. Je m'adressai , pour les faire exécuter, au zèle éclairé du maire de la ville, M. de Chastellier, et ce ne fut pas en vain, car ,j'en obtins quelques fonds suffisants pour opérer le déblaiement de l'aqueduc, qui fut trouvé en parfait état de conservation, avec plusieurs regards, dont le plus profond était de 36 pieds , sur une longueur de 200 m. Mais quelle ne fut pas ma surprise, dans le relèvement que j'en pris à la boussole, de trouver dans cette faible étendue douze angles en sens différents ; ce qui montrait combien dans ces sortes de travaux les Romains étaient assujettis aux difficultés de l'entaillement, et cherchaient à profiter des moindres facilités dans la consistance ou la position des couches, tandis qu'aujourd'hui l'emploi de la poudre à canon fait surmonter aisément les obstacles, et permet de se diriger en ligne droite â volonté.

Une circonstance favorable, que j'ai pu remarquer en exécutant le nivellement de l'aqueduc romain, me suggère l'idée, avant de terminer cette notice, de proposer un moyen peu dispendieux de doubler la quantité d'eau que fournit notre Fontaine dans les temps de sècheresse, et de la donner à 25 ou 30 pieds au dessus du niveau de la source, de façon à permettre d'élever l'eau à divers étages des maisons de la ville : précieuse ressource, aujourd'hui surtout que la dérivation du Gardon se trouve compromise par l'incurie de l'administration qui, en refusant d'acquitter une expertise faite sur sa demande, a occasionné la résiliation de la vente du canal Calvière, partagé, depuis, en de nombreuses concessions d'eau pour irrigations. Un peu avant d'arriver à Besouce, on peut reconnaître l'aqueduc antique au fond de deux puits à roue des sieurs P.re Clary et Castan, à 5 m de profondeur, où il est surmonté de beaucoup par le niveau des eaux. Après Besouce, on le distingue de même au dessous de l'eau, dans un grand nombre d'ouvertures pratiquées par des puisages, entre autres au mas Brunel, dans les propriétés Tuech, Lafrise, Moustardier, aux mas de Paza et Rogier, où il se trouve à la profondeur de 2,80 m, et dans le fond du puits à roue de Clausonne, à 2,50 m, où a lieu un fort écoulement dans un fossé profond, qui conduit l'eau au Gardon par le percé qui a opéré le dessèchement de l'ancien étang de Lognac. On ne sait d'où proviennent ces eaux ; c'est sans doute des hauteurs de Cabrières et de Lédenon, qui donnent naissance aux diverses sources du Vistre, dont la principale, qui présente un débouché du même genre que celui de notre Fontaine, est assez considérable pour faire tourner plusieurs moulins. Ce doivent être ces eaux privées d'écoulement, qui formaient l'étang de Lognac, pouvant avoir une contenance d'un million de mètres cubes. Un des bienfaits encore inconnus de l'aqueduc avait été d'en opérer le dessèchement, qu'on parvint à obtenir de nouveau par un percé, lorsque l'aqueduc cessa de livrer passage à ces eaux. Plusieurs puits du village de Sernhac sont aussi alimentés par l'aqueduc qu'on peut y distinguer sous l'eau, entre autres dans celui du sieur Cadenet , à 5,60 m de profondeur. On pourrait donc obtenir, par le déblaiement d'une partie de l'aqueduc, dont les portions dégradées ont peu d'étendue, une fourniture d'eau importante, qu'il serait aisé d'augmenter en y joignant les diverses sources du Vistre qui s'écoulent à des niveaux supérieurs. Mais même, sans en tenir compte, et en réduisant l'aqueduc au simple rôle de réservoir, il sera facile de prouver qu'il deviendrait encore une précieuse ressource, tous les étés, pour les temps de pénurie d'eau. D'après le niveau des eaux, elles devraient remonter jusqu'au pont du Gard ; en ne comptant toutefois qu'à partir de St-Bonnet , ce serait 25 000 m de développement ; et, la section de l'aqueduc étant au moins de 2 m carrés, il contiendrait donc 50 000 m cubes d'eau, qui, répartis sur cinquante jours de sécheresse, fourniraient 1000 m cubes par jour, ou plus de 50 pouces de fontainier. Mais on ne peut douter, d'après ce qui précède, que cette quantité d'eau serait fort augmentée par les sources d'alimentation actuelle au celles qu'un pourrait y joindre.

II serait inutile d'entrer ici dans de plus grands détails, tels que l'établissement de trois ou quatre retenues par lieue, la double intersection du chemin de fer à l'aide de siphons, ou les moyens de l'éviter par une conduite latérale de 200 m, la manière de procéder au déblaiement à partir de Besouce, en vérifiant successivement la conservation du canal, par l'introduction de l'eau entre les retenues, pour parvenir ainsi jusqu'aux Terres-du-Fort, où il serait facile de distribuer les eaux soit dans la conduite actuelle du cours, soit autrement.

Je ne dois pas craindre de répéter que les dépenses des réparations ne seraient pas aussi considérables qu'on le croit généralement, ayant trouvé presque toujours l'aqueduc en fort bon état. On s'en assurerait aisément en consacrant de faibles allocations à quelques essais. Je regretterais, dans ce cas, que mon éloignement ne me permît pas d'y concourir autant que je l'eusse désiré ; mais je pourrais fournir, du moins, tous les renseignements que l'étude du cours de l'aqueduc m'a procurés.

Adduction d'eau de la ville de Nîmes
Extrait de "Histoire de la Ville de Nîmes", tome I.
de Adolphe Pieyre, 1886.

Deux projets concurrents, Talabot et Valz

1832 - En Juin 1832, une décision du Conseil municipal touchait à la question si importante de l'adduction des eaux. En présence des offres, également avantageuses des deux auteurs d'un projet d'adduction des eaux, MM. Talabot et Didion, d'une part, et MM. Valz et Fauquier, de l'autre, le Conseil avait chargé une commission d'hommes compétents, d'examiner chacun des projets et de lui fournir un rapport complet sur la question.
Cette commission était composée comme suit :
MM, Alphonse de Seynes, architecte, rapporteur ; Bourdon, architecte du département ; Plagniol, inspecteur de l'Université, professeur de chimie.
Le rapport présenté par ces commissaires fut longuement et minutieusement discuté devant le Conseil, qui passa au vote par scrutin secret. Le nombre des votants était de trente.
Par 16 voix contre 14, la préférence fut accordée au projet Talabot. Les commissions spéciales furent chargées d'établir les bases du traité à conclure avec la compagnie chargée de l'exécution.

1833 - L'année précédente, le Conseil par quatorze voix contre seize avait donné la préférence au projet Talabot sur le projet Valz et Fauquier. Nous avons également vu, et j'ai fait remarquer que malgré cette délibération du Conseil qui semblait devoir écarter définitivement le projet Valz, le Conseil résolut d'élaborer, un projet de traité avec les deux compagnies. Ces remarques relèvent la tendance d'une fraction du Conseil, tendance qui ne tend à rien moins qu'à éliminer peu à peu MM. Talabot et Didion, pour leur substituer MM. Valz et Fauquier.
Dans le séances des 5, 6 et 7 juin 1833, le Conseil finit par accepter le traité à intervenir entre la ville et la compagnie Valz et Fauquier pour la dérivation et la conduite d'une partie des eaux du Gardon.
Comment ne pas déplorer semblable aberration qui a porté une si funeste atteinte aux intérêts de la ville ? Le projet Valz et Fauquier ne fut jamais exécuté et ce n'est que quarante ans plus tard que Nîmes put recevoir un peu d'eau, alors qu'à cette époque un projet « que recommandaient le nom d'un ingénieur habile, une grande simplicité d'exécution, et les garanties d'une compagnie puissante » (Courrier du Gard, 2e année n° 180) devait réaliser le vœu que la population formulait vainement depuis plusieurs siècles.
Il importe de donner ici quelques détails sur le projet que venait d'adopter la Conseil et pour lequel on redoutait des difficultés d'exécution et les réclamations des communes voisines de la prise.
Ce projet reposait sur la dérivation des eaux du canal Calvière. C'était à une petite distance de son embouchure dans le Gardon, que le canal devait être dérivé et marcher à ciel ouvert dans le sens des villages de Sauzet, Saint-Géniès et la Rouvière, sur une longueur d'environ 1 100 mètres.
Là devait commencer un aqueduc souterrain qui devait passer au-dessous de la vallée de Vallonguette, ensuite sous celle de Vallongues, du mas de Granon et enfin sous le lit du cadereau pour déboucher à Nîmes, au niveau du bassin ovale du mont Cavalier, établi à 10 mètres au-dessus du pavé de la Bouquerie.
Cet aqueduc souterrain ne devait pas avoir moins de 12 kilomètres de longueur et être aéré par des puits dont la profondeur moyenne aurait été de 40 mètres ! La longueur totale de l'aqueduc mesurait 23.300 mètres.
Le niveau du point de départ devait être de 13 mètres au-dessus de celui d'arrivée, ce qui donnerait aux eaux une vitesse de 65 à 75 centimètres par seconde et devait la conduire à Nîmes en quinze heures de trajet.
MM. Valz et Fauquier promettaient 1.000 pouces d'eau, se réservant la pleine propriété de tout le surplus de la dérivation. La ville devait donner 1.700.000 francs après l'achèvement des travaux et à la réception des eaux, et une somme de 100.000 francs déposée comme cautionnement, restait acquise à la ville, si la compagnie, dans un délai de six années qui suivraient l'approbation du traité, n'exécutait pas le projet ou seulement interrompait ses travaux dans une proportion déterminée.
A ce projet, MM. Valz et Fauquier, qui ne craignaient pas de faire grand, en avaient joint un autre, partie accessoire du traité : un canal de navigation de Nîmes à Aiguesmortes.
Pendant que le Conseil négligeait ainsi les véritables intérêts qui lui étaient confiés, la compagnie Talabot définitivement écartée, adoptait le tracé du chemin de fer d'Alais à Beaucaire et établissait son budget.

Extrait de l'étude sur la question des eaux de Nîmes.
de Numa Brunel

Lors de la séance du Conseil Municipal du 27 novembre 1852, la ville de Nîmes lancera un concours sur les projets d'adduction d'eau potable. M. Numa Brunel sera chargé de les étudier. Il présentera son rapport lors de la séance du 11 août 1853.
Dans ce dernier figure, en historique, le projet Perrier-Valz.
Le rapport complet sera publié ultérieurement avec de nombreux autres documents, dans le site www.nemausensis.com, sous la rubrique "Projets d'adduction d'eau et d'irrigation non aboutis". 


Anciens projets de MM. VALZ et PERRIER.
Ces deux projets qui n'ont point été compris dans le concours de 1853, ont été mentionnés dans le rapport pour établir :
1° l'impossibilité d'une dérivation du Gardon, en présence des oppositions des communes et des usiniers, auxquelles l'administration supérieure ne peut se dispenser de faire droit ;
2° la difficulté d'exécution, quand il s'agit de creuser des canaux souterrains, sur un long développement, et les dépenses énormes qu'entrainent de pareils travaux.
M. Perrier avait, en 1845, présenté à la Ville un projet très bien étudié. Plus tard, lorsque se produisirent les réclamations des communes, il proposa de faire établir, dans leur intérêt, mais aux frais de la ville de Nîmes, des fontaines avec lavoirs et abreuvoirs. Quelques-unes adhérèrent, d'autres continuèrent leurs oppositions. Mais qui ne comprend combien de pareils moyens sont coûteux et difficiles !
Ce projet , bien qu'il ait été favorablement accueilli, dans le temps, ne fut donc pas mis à exécution. L'auteur avait en outre laissé, entièrement en dehors de son étude , tout le travail de la distribution.
Et enfin, les dépenses, abstraction faite de toutes les chances d'augmentation pouvant résulter des indemnités pour dépossession et dommages divers, ainsi que des chances éventuelles dans l'établissement des souterrains, s'élevaient encore á plus de 4 000 000 de francs.