La fontaine de Tournes et

le monument de Mithra.

Extrait de l'Album du Vivarais, Albert Dubois, 1842.

 

Fontaine de Tournes

 

A environ trois cents pas, au midi du Bourg-Saint-Andéol, on remonte un ruisseau délicieux qui, dans le temps de l' abondance de ses eaux, forme, à peu de distance de la route, une large cascade qui rappelle, en petit, la chute du Rhin à Schaffouse.

 

Au-dessus de cette cascade, on aperçoit un gros bloc de rocher, sous lequel une grotte est creusée; ce bloc de rocher avait été la table naturelle où on avait sculpté un bas-relief et une grave inscription en l'honneur de Mithra, divinité orientale. Les monuments de ce culte sont, comme on sait, très rares en France, aussi, celui de la fontaine de Tournes est fort célèbre et regardé comme fort précieux dans le monde des antiquaires et des érudits.

 

Le bas-relief sculpté sur le rocher, qui est la partie la plus curieuse de ce monument, est aujourd'hui mutilé, et presque entièrement effacé; il a un mètre quinze centimètres de hauteur sur une largeur d'un mètre vingt-cinq centimètres.

 

Quoique je sois allé le voir, je suis obligé de recourir à des descriptions faites antérieurement (1), pour donner une idée exacte de ce qu'il représentait: dans le milieu, on remarque un jeune homme coiffé du kydaris, vêtu d'une légère chlamyde, sacrifiant un taureau accroupi qu'un chien mord au cou et dont un scorpion pique les génitoires, en haut, sur la droite, est la figure du soleil, à gauche celle de la lune, au-dessous de l'épaule du jeune homme est un corbeau.

 

Au bas de ces sculptures emblématiques est une inscription devenue aujourd'hui presque indéchiffrable.

 

On y lisait autrefois ce qui suit :

 

D. S. INVI. MITRAE MAXS.

NIANNI F. VIS. M0N. ET

T. MVRSIVS MEM. D. S. P.

 

M. Millin, à l'aide des notes de M. Séguier, de Nîmes, l'a rétablie ainsi:

 

Deo soli invicto Milhrœ, Maxsumus

Manni filius, visu monitus, et

T. Mursius Meminus de suo posuerunt

 

soit

 

Au dieu Soleil invincible Mithra, Maximus

fils de Mannus, averti par une vision, et

T. Mursius Meminus, ont posé ce monument à leurs frais.

 

(1) On cite le fait suivant comme une preuve de la naïveté proverbiale des habitants du Bourg. Un jour, un délégué du conseil municipal du Bourg-saint-Andéol alla voir le préfet de l'Ardèche, et sollicita pour sa commune l'autorisation de l'imposer, afin d'établir des réverbères. « Vous voulez avoir des réverbères dans vos rues, mais ce sera fort cher, dit le préfet. Ah ! monsieur, dit l'honnête citoyen du Bourg, je m'en vais vous dire, on ne les éclairera que la nuit. »

On attribue d'autres anecdotes du même genre aux habitants du Bourg-Saint-Andéol; mais certainement elles ne sont pas de ce siècle.

 

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