Statuts dressés pour l'université

et collège des arts de Nîmes,

en 1582

Par Léon Ménard,

Histoire de la ville de Nîmes, 1756.

 

Côté Est - Musée archéologique, années 40 - L'ancien collège des Arts.

 

Les premiers moments de tranquillité que la paix produisit dans Nîmes furent employés à faire revivre le bon ordre et la discipline dans l'université et collège des arts de cette ville, dont la guerre avait considérablement affaibli le lustre.

 

Dans ces vues, on fit, en 1582, de nouveaux statuts qui traçaient, en différents articles, tout le plan de la discipline qu'on se proposait d'y faire observer. Ce fut Jean de Serre, à qui la ville avait donné l'intendance du collée, qui les dressa en latin. Il en composa les principaux articles à la manière et dans le style de la loi des douze tables.

 

Ces statuts méritent d'être connus. Ils nous apprennent avec beaucoup de précision et de netteté la manière dont on conduisait alors l'institution de la jeunesse, les différents degrés par où on la faisait passer et les études variées qu'on lui faisait faire. Je rapporte ce monument dans les preuves. Mais il m'a paru assez curieux pour en donner ici l'analyse.

 

Voici, sans trop m'écarter du texte, ce qu'il contient de plus important :

 

D'abord, on fait voir que les universités ont été proprement établies pour élever la jeunesse dans l'érudition et la vertu,  que la France, toujours supérieure aux autres nations, non contente de les surpasser dans les armes et dans la justice des lois, s'est aussi appliquée à l'emporter sur elles par l'esprit et par la littérature, que nos rois lui ont donné diverses universités, dont l'établissement fait une preuve honorable de leur zèle sur ce point, qu'ils n'ont pas même dédaigné d'appeler celle de Paris leur très-chère fille.

 

Pour donner quelque connaissance de l'Université de Nîmes, on en retrace l'origine et l'établissement, dont on reconnaît François Ier pour fondateur, qu'on appelle le restaurateur des lettres et des beaux-arts en France, le père des muses et l'Apollon français. Il est aussi t'ait mention des rois Henri II , François II et Charles IX, qui l'avaient honorée de leur bienveillance.

 

On y parle des maux que les guerres civiles avaient causés à cette Académie, alors méconnaissable et presque anéantie. Ce qui avait apporté un grand préjudice à la jeunesse de Nîmes, dont les mœurs étaient dépravées et l'esprit négligé et laissé sans culture.

 

On passe ensuite aux statuts qui devaient fixer toute l'économie et la discipline de l'Université. Les maîtres établis pour la gouverner par des fonctions différentes étaient un recteur, des professeurs publics, un principal, des maîtres de quartier ou sous-maîtres et des précepteurs.

 

Le recteur sera choisi homme de poids et de très-grande érudition, d'une piété et d'une probité reconnues. C'est la ville qui le nomme. II aura la direction de tout ce qui regarde l'Université. Il pourra placer et déposer les maîtres. II jouira des mêmes privilèges et prééminences que le recteur de l'Université de Paris. Il a la garde du sceau et de la matricule de l'Université. Il a aussi des bedeaux. Sa dignité ne durera que deux ans. Mais elle pourra être continuée pendant deux autres années. Il n'entrera point en exercice qu'il n'ait prêté serment entre les mains des magistrats et des consuls.

 

Les professeurs des leçons publiques seront choisis extrêmement versés dans le genre de connaissance qui leur sera propre, d'une piété reconnue et de mœurs irréprochables ; car il faut que la piété et l’érudition marchent ensemble.

 

Qu'ils s'attachent avec soin, dans leurs leçons, aux matières qu'on les aura chargés d'enseigner. Ils obéiront au recteur et t'aideront de leurs conseils et de leur ministère, selon qu'il les en chargera.

 

Qu'ils vivent entre eux dans la paix et dans l'union, et, s'ils ont quelque différend à démêler, qu'ils s'en remettent au recteur et qu'ils adhèrent avec soumission à son avis et à celui de leurs collègues. Celui qui refusera de s'y soumettre sera déposé de son emploi.

 

Qu'ils tournent tous leurs soins aux études et aux mœurs de leurs disciples ; s'ils y manquent, qu'on les en avertisse. Qu'ils se renferment dans les matières que chacun d'eux aura enseigné. Qu'ils écoutent avec douceur tous ceux qui auront des difficultés à leur proposer, et qu'ils y répondent de même.

 

 

Le principal aura toute l'autorité dans le collège, mais subordonnée à celle du recteur. Il veillera sur toutes les classes, et donnera tous ses soins pour y faire observer le bon ordre et la discipline. Il gouvernera le collée comme sa propre famille, avec sagesse et prudence.

Que ses mœurs servent d'exemples à tous les pensionnaires ; qu'il ait soin de leur faire observer les règlements de la maison, tels qu'il les aura prescrits et que le recteur les aura approuvés.

 

Quoique son principal emploi soit de régir le collée, il est à propos néanmoins qu'il fasse des leçons lui-même, afin qu'on voie qu'il n'est pas moins propre à enseigner qu'à gouverner, et qu'on ne le regarde pas dans une république littéraire comme un administrateur inutile et sans lettres. Au reste, il choisira les matières qu'il voudra enseigner.

 

Les sous-maîtres du collée s'attacheront à remplir avec fidélité leurs fonctions dans la classe qui leur aura été confiée et à expliquer avec soin les matières prescrites par les règlements. Ils n'y introduiront aucune nouveauté, soit pour la doctrine, soit pour l'ordre et la discipline. Qu'ils fréquentent autant qu'ils pourront les exercices des leçons publiques, et qu’ils assistent aux déclamations et aux disputes qui s'y font afin de donner l'exemple il leurs disciples et de s'avancer eux-mêmes dans leurs propres études, tandis qu'ils y avancent les autres.

 

Qu'ils évitent également et une trop grande sévérité et une trop grande indulgence, ce qui est la peste et le poison de la discipline et du bon ordre.

Qu’ils se souviennent que la meilleure manière d'enseigner et de faire valoir leur autorité n'est pas d'user de châtiments et de punitions, mais d'y employer la raison, l'assiduité et l'application.

 

Qu'ils tâchent d'adoucir et d'humaniser les esprits d'une jeunesse aussi impétueuse et aussi bouillante que l'est d'ordinaire celle du Languedoc, par les exhortations, les remontrances, les louanges et les récompenses.

 

Qu'ils vivent unis entre eux. S'ils ont quelque démêlé, qu'ils aillent d'abord trouver le principal du collège et qu'ils adhèrent avec docilité à sa décision et à ses sages remontrances.

 

Celui qui n'en sera pas satisfait aura recours au recteur. Aucun régent ne sera admis, même aux moindres emplois, sans avoir auparavant été examiné.

 

Après leur nomination, les professeurs publics, ainsi que le principal et les sous-maîtres du collège prêteront chacun serment de bien exécuter leurs fonctions et de s'assujettir aux règlements de l'Université. De plus, ils renouvelleront ce serment toutes les années en public.

 

Les précepteurs ne méritent pas moins d'être choisis avec beaucoup de discernement.

 

Sur quoi, les statuts réclament l'autorité de Plutarque , qui se plaignait de ce que les pères de familles, attentifs à ne pas confier le soin de leurs chevaux, de leurs bœufs et autres animaux de cette espèce à des maladroits ou à des insensés, ne laissaient pas de préposer des esclaves nonchalants et vicieux à l'éducation de leurs enfants.

 

Les statuts s'autorisent encore à ce sujet des règlements de l'Université de Paris , qui ordonnent d'apporter une extrême attention dans le choix des précepteurs : « De crainte, disent ces règlements que l'école de la vertu ne soit l'école du vice et de l'ignorance, et que du sein de l'Université il ne sorte l'opprobre et l'ignominie ».

 

On ne choisira donc pour précepteurs que des personnes de bonne réputation et de vie et mœurs irréprochables.

 

Si parmi ceux qu'on aura choisis il s'en trouve dont les mœurs soient répréhensibles, le recteur l'en avertira, et s'il ne vient à résipiscence, il sera mis dehors.

 

Les précepteurs qui viendront à l'Université déclareront leur nom et surnoms au recteur; ils se feront inscrire dans son registre. Il ne sera permis à qui que ce soit d'avoir des écoles privées , c'est-à-dire qu'on ne pourra rien enseigner hors du collège sans la permission du recteur.

 

Ceux qui auront des étudiants dans leurs maisons les enverront exactement au collège pour y assister aux leçons ordinaires et les contiendront dans l'observance des règlements qui y sont établis pour la doctrine et pour la discipline.

 

On sait que les parents ne mettent pas leurs enfants en pension au collège avec tant de dépenses pour les y faire boire et manger seulement et les y nourrir, mais pour les élever dans les principes de la vertu et leur donner de l'érudition.

 

Il faut donc faire en sorte que la jeunesse ne perde pas son temps par la négligence des précepteurs.

 

C'est pourquoi le recteur ou le principal, de l'ordre du recteur, aura soin de faire de fréquentes visites chez les précepteurs et examinera avec attention si leurs disciples font quelques progrès.

 

Au reste, il ne doit pas être permis aux citoyens de tenir des pensionnaires chez eux sans précepteurs.

 

Comme aucune société, de quelque peu de conséquence qu'elle soit, ne saurait subsister sans l'ordre et la règle, et que la règle a besoin, pour se soutenir, d'être appuyée de la censure et de la correction, il y aura tous les trois mois une espèce de mercuriale qui se fera de cette manière. Le recteur, accompagné des professeurs publics, ses collègues, fera assembler le principal et les sous-maîtres du collège.

 

D'abord, il leur fera quelques sages remontrances sur l'utilité des censures, et les exhortera tous à vivre entre eux dans la charité chrétienne et dans une union mutuelle.

 

Puis il demandera au principal ce qu'il pense des sous-maîtres et à ceux-ci ce qu'ils pensent du principal, et remédiera à tout ce qui pourrait être nécessaire entre eux,

 

Qu'il use à leur égard d'une charité réglée et paternelle ; qu'eux tous aussi l'écoutent avec modestie et soumission.

 

On fera la même chose dans une mercuriale séparée, mais à une autre heure, envers les précepteurs.

 

Voici ce qui est commun à tous les étudiants, Il sera libre à chacun de professer la religion dont le roi a laissé le libre exercice. L'entrée de l'université est interdite aux impies, et à tous ceux qui osent mépriser les religions.

 

Que les maîtres de quartiers inspirent aux étudiants, par de fréquentes et saintes exhortations, que la piété est la source principale d'une sainte et heureuse vie, et l'âme de l'érudition.

 

Qu'on n'entende dans le collège, vrai sanctuaire des muses, ni trop de bruit, ni crieries, ni discours obscènes, et moins encore de blasphèmes.

 

Qu'on y voie ni querelles ni disputes. L'union entre les enfants est la source des véritables amitiés qui se perfectionnent ensuite dans un âge plus mûr.

 

Il n'est pas permis aux étudiants de porter des habits bizarres et immodestes.

 

On les fera user sobrement et avec modérations des jeux et de la promenade.

 

C'est un crime que de sortir de nuit.

 

La gourmandise est la peste de la jeunesse, et la crapule, le premier de tous les vices.

 

Le cabaret est le siége et la demeure de l’une et de l'autre. C'est encore un crime à tout élève de l'université daller au cabaret en vue de débauche. Que cette faute soit punie avec la dernière sévérité.

 

Que les enfants qui ont des sentiments et de l'honneur, regardent comme indigne d'eux la fréquentation des débauchés et de ces fainéants qui sont sans lettres.

 

Qu'on les avertisse sérieusement que l'oisiveté est la nourrice des crimes ; puisque les hommes en ne faisant rien, apprennent à mal faire. Personne ne doit sortir hors de la ville sans la permission du recteur ou du principal.

 

Les lois particulières pour le collège sont celle-ci :

 

Le matin, après qu on aura sonné la cloche, tous les enfants s'assembleront dans la salle. Là, ils s'assiéront modestement, rangés selon l'ordre des classes.

 

Ensuite, ils se mettront à genoux, et écouteront dévotement la prière que le maître de quartier prononcera à haute voix, tels que les statuts en donnent la formule en français.

 

Après quoi, deux enfants étant debout, réciteront dune voie claire et distincte l'oraison dominicale et le symbole des apôtres. De là, chacun ira dans sa classe. Les leçons du matin, commenceront l'hiver à huit heures et finiront à dix, et l'été, à sept heures jusqu'à neuf, et cela le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi.

 

Le soir, elles commenceront en hiver à deux heures et finiront à quatre ; et en été, 4 trois heures jusqu'à quatre. La journée se terminera par une prière en français, dont les statuts donnent la formule, suivie de l'oraison dominicale et du symbole des apôtres.

 

Chaque classe sera partagée en décuries. Le devoir des décurions sera de veiller avec attention sur les écoliers de leurs décuries. Ils garderont tour à tour le catalogue des écoliers de leur classe et en feront l'appel par leur nom et dès l'entrée de la classe. Le sous-maître marquera ceux qui seront absents.

 

Tous les écoliers seront tenus de parler en latin, excepté ceux de sixième, de cinquième et de quatrième. Il sera néanmoins défendu ceux-ci de parler jamais parler languedocien . Les leçons s'ouvriront par une prière à Dieu et se termineront de môme. Les statuts donnent la formule de l'une et de l'autre prière en latin, Le principal donnera le signal pour la fin des, classes. II y aura clés observateurs publics, distribues dans les différents quartiers de la ville, qui remarqueront si les écoliers font quelque chose 'indécent en public, soit au temple, soit dans les places et les rues; et ils le rapporteront au principal , en pleine salle. Celui-ci interrogera là-dessus ceux qui seront tombés en faute, et leur infligera une peine en public. Les jours consacrés à ces interrogations seront, le lundi et le jeudi, le matin.

 

Les observateurs seront choisis publiquement en pleine salle, par le principal, et seront changés de trois en trois mois.

 

On les avertira devant tous , de ne faire grâce à qui que ce soit, et de n'agir ni par haine ni par amitié.

 

Le dimanche sera employé et consacré aux choses divines ; et toutes les occupations scolastiques cesseront. Ce n'est pas à dire toutefois que les heures où l'on ne sera pas en prières doivent être employées à l'oisiveté et à des bagatelles. Alors il sera seulement permis de prendre quelque honnête divertissement ou le plaisir de la promenade.

 

Le mercredi, on emploiera toute la matinée aux choses saintes, et deux heures de l'après-midi, partie en leçons, et partie en disputes.

 

Le samedi, on s'occupera deux heures du matin à repasser et revoir tout ce qu'on aura expliqué dans chaque classe durant le cours de la semaine ; et deux heures l'après-midi, partie à des disputes et partie à des déclamations.

 

Le recteur se trouvera souvent à ces disputes et à ces déclamations, ainsi que les professeurs. Le principal et les sous-maîtres des hautes classes n'y manqueront pas, autant qu'ils le pourront. Le recteur aura soin d'animer les disputants. Il donnera des louanges et des récompenses à ceux qui feront bien; il ranimera ceux qui seront dans la nonchalance : en un mot, il les exhortera tous à disputer avec distinction.

 

Que tous les écoliers mettent leur mémoire en usage par un exercice fréquent. Elle est comme l'image de la déclamation ; et la déclamation qui se fait ainsi dans l'intérieur du collée est l'image et le prélude des discours qu'on a ensuite à prononcer danses assemblées publiques et solennelles.

 

On fera souvent composer tous les écoliers depuis la quatrième jusqu'en rhétorique, et particulièrement tous les mois pour la victoire. Celui qui aura le mieux composé sera récompensé d'un prix et d'un éloge.

 

Celui qui en aura le plus approché aura un simple éloge. Mais ceux qui auront mal composé et avec négligence, seront rejetés et blâmés.

On récitera tout haut dans la salle les thèmes des vainqueurs. Il y aura un catalogue dans chaque classe , où l'on écrira le nom de ceux qui auront remporté le prix, et de ceux aussi qui auront été rejetés.

 

Le recteur ou le principal aura soin d'inviter les magistrats, les consuls et les citoyens de marque et de littérature, à venir honorer de leur présence ces sortes d'exercices scolastiques. Ces compositions de chaque mois prépareront à celles qui se feront ensuite pour la distribution publique et solennelle des prix.

 

Le portier du collège aura soin de ne laisser sortir aucun pensionnaire qu'il ne présente la marque faite pour cela , ou que le principal ne soit lui-même présent et l'ordonne.

 

Le collège sera partagé en six classes :

 

- La sixième sera pour les enfants de l'âge le plus tendre ou qui ne savent presque point lire.

On leur apprendra à lire le français. Pour le faire plus commodément il y aura deux bancs. Le premier sera pour ceux à qui l'on montrera à connaître les lettres, et à épeler les mots, et le second pour ceux qui liront le français purement et distinctement.

On préposera pour cette classe une personne prudente, qui ait de la patience, et qui prononce d'une manière nette et intelligible. Qu'on le choisisse même du côté de France, autant qu'il se pourra , alla qu'il soit en état de corriger avec plus de facilité les défauts de la prononciation ordinaires aux enfants languedociens.

On leur fera apprendre l'oraison dominicale, le symbole des apôtres, le décalogue, la prière glu matin, et celle du soir, aussi bien que celles qu'il faut dire avant et après le repas, et les principes de la religion chrétienne.

 

- La cinquième classe sera pour apprendre à lire le latin, et à décliner les noms et conjuguer les verbes.

On la partagera en deux bancs ; dont le premier sera pour ceux qui lisent le latin, et le second pour ceux qui apprennent simplement les rudiments ou la première partie de la grammaire.

On leur fera tous les jours apprendre par cœur quelques noms avec leurs déclinaisons, et quelques sentences ou maximes choisies des meilleurs auteurs. Il faudra leur faire lire d'une voix bien articulée les colloques de Mathurin Cordier.

 

- Les écoliers de la quatrième classe apprendront les règles des noms et des verbes et tout ce qui appartient à la seconde et à la troisième partie de la grammaire, et on les exercera souvent à en faire usage pour parler et écrire correctement.

On leur expliquera avec netteté les colloques de Cordier et les épîtres choisies de Cicéron.

On leur donnera chaque jour un thème à composer, conforme à la leçon qu'ils auront à réciter, et l'on corrigera leurs thèmes selon les plus pures règles de la grammaire.

La manière de leur enseigner sera d'expliquer en français le texte latin, avec toute la clarté et la simplicité qu'il sera possible, et de leur faire ensuite remarquer, d'une manière précise, l'observation des règles, soit pour les noms soit pour les verbes.

On leur montrera la manière de bien composer et de bien construire les phrases, selon les premières règles de la syntaxe latine.

On leur proposera les verbes les plus choisis et le tour des phrases le plus propre pour l'usage ordinaire du discours, afin qu'ils s'y conforment et qu'ils en lassent usage.

On ne sortira de cette classe que lorsqu'on saura parfaitement les règles des déclinaisons des noms et qu'on saura, du moins médiocrement, conjuguer les verbes, selon les principes de la syntaxe latine.

 

- Dans la troisième classe, on enseignera la manière de parler latin et de composer de la même langue correctement et dans les règles. Comme la connaissance du grec fait une partie essentielle de l'érudition, et que c'est une espèce de honte pour des personnes bien élevées d'ignorer la plus noble de toutes les langues, qui est comme la messagère et l’interprète des arts et des sciences, et de se nourrir de glands au lieu de fruits, il est à propos d'enseigner cette langue avec attention. On en donnera donc les premiers principes dans cette classe.

On y apprendra d'abord à écrire en Grec, et l'on s'attachera à le prononcer comme on le fait communément, laissant pour les disputes des savants la manière recherchée qui s'est nouvellement introduite dans fa prononciation de cette langue. Ici on apprendra la syntaxe avec la dernière attention. Le sous-maître donnera tous ses soins pour apprendre à ses écoliers à traduire du latin en français avec pureté et netteté, et dans les termes les plus propres. Il leur montrera surtout la manière de se bien exprimer dans les discours ordinaires. On leur fera expliquer les épîtres familières de Cicéron, et les comédies les plus choisies de Térence, afin qu'ils puissent apprendre toute la pureté et toute la délicatesse de la langue latine. En expliquant Térence et les autres poètes, le sous-maître aura une extrême attention à supprimer les mots obscènes et toutes les descriptions des choses déshonnêtes, comme autant d'écueils dangereux; ou du moins, à en adoucir l'obscénité par une version honnête et enveloppée. Lorsqu'il montrera le véritable usage des fables et la morale qu'elles renferment, il donnera toute l'horreur possible des vices.

 

- Dans la seconde classe, on apprendra aux écoliers toute l'élégance et toute la pureté du latin. On leur donnera aussi les premières connaissances de la composition du grec. Ou leur expliquera, non pas dans le même temps, mais avec ordre, les offices de Cicéron, son traité de l'amitié, et celui de la vieillesse, les commentaires de César, les églogues de Virgile et les traités d'Ovide. Pour la connaissance du grec, on leur donnera la grammaire de Clénard, et on leur fera expliquer les fables d'Esope et la paraphrase grecque de Jean de Serres sur les psaumes, avec ses prières grecques et latines. Ils feront un usage fréquent de la prose, mais peu des vers. Cependant il ne faut pas entièrement négliger l'exercice de la poésie ; elle est digne des plus beaux génies. Mais lorsqu'on ne s'y applique pas sobrement , elle nuit beaucoup à la netteté et à la pureté du discours, dont le fondement est une pure et élégante simplicité, et dont la construction ne s'accommode pas des mots dithyrambiques.

 

La rhétorique est la première classe du collège. Ici, les écoliers seront instruits et de la dialectique et de l'art de bien dire soit dans la langue grecque, soit dans la latine , afin qu'ils soient en état d'apprendre toutes les beautés de ces deux langues et qu'ils puissent parvenir avec plus de succès et de progrès aux plus grandes sciences.

On leur expliquera les plus beaux endroits des lires oratoires ou des livres philosophiques de Cicéron, et des morceaux choisis de Platon, d'Isocrate, de Démosthène et de Plutarque. On leur expliquera aussi avec ordre quelques endroits de Virgile, d'Horace, d'Hésiode et d'Homère.

Le maître de quartier ne suivra, en matière de dialectique et de rhétorique, d'autre doctrine que celle de Platon et d Aristote, et il ne s'engagera dans aucune nouvelle doctrine.

On fera souvent composer. On cultivera la mémoire par des exercices fréquents. II y aura tous les mois des déclamations et des disputes. Quant à l'exercice des représentations et des comédies, les statuts l'excluent absolument, le jugent une occupation indigne des bons génies et veulent qu'on le laisse aux baladins et aux charlatans.

Comme c'est en rhétorique que l'Université commence à se manifester avec le plus d'éclat, il faut en bannir cette manière de discours affectée et empoulée, dont se servent d'ordinaire les demi-savants et les sophistes, et qui défigure la belle simplicité, si essentielle pour noblement exprimer les choses et les pensées.

Or, que cette pure et savante simplicité, la véritable et fidèle image de la raison , fasse le plaisir et les délices de tous les élèves de l'Académie,  qu'elle soit comme gravée dans leur esprit, et qu'ils la fassent briller dans tous leurs discours. Il est sans doute honteux de parler improprement et défectueusement; mais il l'est bien plus encore de vivre dans le désordre et dans le vice.

Or que ce soit une foi certaine et invariable pour cette classe, que le vice doit en être banni et qu'elle doit servir d'exemple à toutes les autres. Plus les écoliers en sont élevés au-dessus des autres, plus leurs défauts sont remarquables.

 

Après que les écoliers auront été ainsi instruits et élevés dans la connaissance de ces différents principes , ils passeront aux leçons publiques. Les promotions s'en feront solennellement , deux fois l'année, savoir le premier d'avril et le premier d'octobre. Un mois avant le jour marqué pour la promotion , toutes les classes s'assembleront, rangées par ordre, dans la salle du collège, et le recteur leur dictera un seul thème français; si ce n'est qu'à l'égard des classes intérieures, il ne leur eu donnera que quelques phrases, s'il le juge à propos. Toutes les classes feront ce thème en latin, mais il sera libre aux classes supérieures de le composer en grec, ou de le mettre en vers. Cependant la principale voie pour la promotion et pour le prix, sera de le faire en latin.

 

Ce thème se fera sans préparation, sans livres , sans consulter personne, en un mot chacun selon son génie, les écoliers, placés en différents endroits de la salle, et de telle manière que les maîtres de quartier d'une classe veilleront sur les écoliers d'une autre, afin que tout se fasse de bonne foi et sans tromperie. On n'emploiera pas plus de cinq heures pour cette composition. Après quoi, les sous-maîtres ramasseront les thèmes et les remettront au principal.

 

L'examen en sera fait ensuite avec la dernière rigueur, et sans acception de personnes, par le recteur de l'Université, conjointement avec le principal et ses collègues.

- Sur cet examen, ils feront passer â une classe supérieure, et adjugeront les deux prix destinés pour chaque classe à ceux qu'ils en auront jugés dignes, et qui auront le mieux composé.

- Avant que de confirmer et de publier le jugement, ils examineront avec attention les écoliers de chaque classe.

- Ce qui sera terminé par une distribution solennelle des prix qu'on fera de cette manière. Toutes les classes s'assembleront en un endroit convenable, en présence des magistrats, des consuls et de citoyens de marque et gens de lettres.

- Le recteur, après avoir fait une courte prière, prononcera un discours qui soit propre au temps aux personnes et au heu de l'assemblée.

 

Puis il récitera, à haute et intelligible voix, le nom des vainqueurs, et ceux-ci recevront le prix des mains des consuls.

- Alors le recteur les préconisera devant toute cette assemblée, comme pour imiter ce qui se pratiquait dans les anciens jeux olympiques envers ceux qui étaient proclamés vainqueurs, et il les exhortera, par des louanges bien assorties, à s'attacher de plus en plus à la vertu et à l'étude.

- Ensuite, le principal du collège prononcera, de l'ordre du recteur, le nom des écoliers qui auront été compris dans la promotion. Après quoi, le recteur lira à haute voix, les statuts de l'Université, et demandera à tous les professeurs publics, au principal et aux sous-maîtres si, conformément au serment qu'ils en ont fait, ils se sont exactement acquittés de leurs devoirs, après avoir de son côté certifié qu'il a lui-même rempli les siens.

- Cela étant fait, les écoliers des premières classes réciteront des discours, des vers, et autres pièces de cette espèce, qui sont l'ornement des exercices scolastiques.

 

De ces institutions de grammaire et de littérature, les professeurs publics feront passer les écoliers du collège aux principales études , et les instruiront dans un degré supérieur d'érudition, de manière qu'ils soient ensuite plus propres à étudier avec fruit les plus hautes sciences. Il ne faut pas trop retenir dans les charmes des lettres humaines ceux qui aspirent à des études plus considérables. Il faut se souvenir aussi d'une vérité constante, que la précipitation est la marâtre et l'ennemie de toutes sortes de sciences. Ce serait en vain qu'on chercherait de l'abondance là où il n'y a encore que médiocrité, et qu'on demanderait de grandes choses de ceux qui n'ont encore qu'une légère teinture clé la langue latine, ou plutôt qui en ont à peine goûté la connaissance du bout des lèvres.

 

Voici donc les études qu'on fera succéder aux institutions de grammaire et de littérature

 

En philosophie, on expliquera :

 

1° La logique, c'est-à-dire la dialectique et la rhétorique, deux connaissances d'une absolue nécessité pour les arts et les sciences, celle-là apprend la manière de bien raisonner, et celle-ci l'art de bien parler.

 

2° La morale et la politique, qui sont aussi d'une extrême utilité dans toutes les parties de la vie, et pour notre propre conduite, et pour le gouvernement de la république.

 

3° La physique et la métaphysique, qui servent à la contemplation de l'univers et à comprendre la nature des choses.

 

4° Les mathématiques, dont les principales parties sont l'arithmétique, la géométrie,  l'astrologie et la cosmographie. Dans toutes ces sciences, on ramènera les leçons à l'usage ordinaire, et l'on en puisera les principes dans les mêmes sources, c'est-à-dire, qu'on se conformera sur ceux des anciens. Comme ceux qui les professent sont, pour ainsi dire, les chefs et les coryphées de la république des lettres, on exhortera les consuls d'avoir pour eux une noble générosité.

 

On enseignera l'histoire avec beaucoup de soin, par des leçons qu'on prendra tour à tour dans les chroniques de Philippe Mélancton et de Jean Sleidan. Cette connaissance, qui est la lumière et le tableau de la vie, est extrêmement nécessaire pour toute sorte d'érudition, et principalement pour la théologie et pour la jurisprudence.

 

Le professeur en langue grecque expliquera, selon que la commodité et l'occasion s'en présenteront, les oeuvres de Platon, de Démosthène, d'Isocrate, de Xénophon, d'Homère, d'Hésiode, de Pindare, de Sophocle, d'Euripide, de Plutarque, de Synésius, d'Appien, de Nonnius et d'Aratus, et les épigrammes grecques.

 

Le professeur en éloquence expliquera avec soin les plus belles oraisons de Cicéron, sur les principes d'Aristote, d'Hermogène, de Longin, de Cicéron même et de Quintilien et ramènera ses préceptes à l'usage, autant qu'il le pourra.

 

Comme la religion doit être le premier objet et le soin capital de tous les gens de bien, l'étude de la théologie sera comprise dans celles-ci. On y enseignera les principes, afin de donner à la jeunesse une connaissance suffisante, qui les mette en état d'aller puiser dans les plus célèbres universités toute l'étendue de cette science.

 

Le professeur en jurisprudence enseignera avec clarté et netteté, et selon la portée des jeunes étudiants, les institutes de l'empereur Justinien. II leur expliquera les règles et les mots qui appartiennent au droit, et s'assujettira aux plus pures sources du droit naturel et de celui des gens. Il leur marquera les questions et les opinions des docteurs, mais avec prudence et sobriété car il ne faut pas charger l'esprit des jeunes gens, encore faible, d'une trop grande quantité de choses. Il faut se conformer à l'excellente méthode que prescrit Justinien lui-même dans ses institutes, c'est-à-dire qu'il faut instruire la jeunesse des premiers éléments du droit , par une voie simple et abrégée. Par-là, on mettra les jeunes étudiants en état daller ensuite dans les universités, pénétrer avec plus de facilité et de succès les routes de la plus exacte et parfaite interprétation du droit, et de mériter de devenir un jour, non pas des brailleurs et de mauvais avocats, mais de vrais jurisconsultes, les oracles de la patrie, les ministres de la justice et de l'équité, les conservateurs de la république, les veneurs et les soutiens des pauvres.

 

Ces statuts nous apprennent ici que Jacques Martin, jurisconsulte, avait alors pris cet emploi de professeur en jurisprudence, qu'il le remplissait, quoique jeune encore, d'une manière digne des plus hautes louanges, et ils invitent les autres, par son louable exemple, à venir s'associer à ses glorieuses occupations.

 

Ce sera le recteur qui, conjointement avec les professeurs publics, prescrira les heures et la matière des leçons qui se donneront dans ces différentes parties, selon que la commodité le permettra. Il y aura pour cela une salle particulière. On y fera exactement des disputes et des déclamations, dans l'ordre qui a été marqué pour les classes. Les professeurs y exerceront leurs disciples, chacun dans la partie qui lui sera propre. On y fera aussi des promotions, dont voici la forme. Le recteur, avec les professeurs, examinera les étudiants avec soin, et verra s'ils ont véritablement acquis la connaissance du genre d'étude où ils se seront attachés.

 

Dans cet examen général sur les sciences, c'est-à-dire sur ce qu'on appelle encyclopédie, on choisira ceux qui se trouveront avoir fait le plus de progrès dans la connaissance des langues et des sciences, et ensuite, au jour solennel des promotions, ils seront proclamés et déclarés maîtres ès-arts. Le recteur fera cette proclamation, et il l'accompagnera d'un éloge. Il en donnera une attestation publique, que souscriront tous les professeurs et le principal du collège, afin que ces étudiants puissent faire foi, d'une manière authentique, de leur érudition, et jouir des privilèges de l'Université de Paris.

 

Les statuts proposent ensuite l'établissement d'un séminaire pour l'Université. Ils voudraient que, pour le former, on fit choir d'enfants d'un excellent caractère, qui eussent de l'esprit et beaucoup de modestie. On les nourrirait frugalement et on les instruirait avec soin, aux dépens du public, comme des nourrissons de la république des lettres. Ce ne serait pas la ville seulement , mais la province entière qui en ferait la dépense.

 

On éviterait, disent les statuts, le désordre, l'ignorance, la ruine même du pays. Ce serait assurément, continuent-ils, une chose bien honteuse que les plus louables exemples de nos ancêtres n'eussent point de force parmi nous, et que tandis qu'on se consume en de folles dépenses, pour des choses très superflues, on usât d'une épargne si ridicule pour un établissement si utile et si nécessaire.

 

Enfin, on règle le temps des vacances. D'abord, on permet la cessation du travail après-midi, durant les jours caniculaires, à cause des chaleurs excessives qui règnent alors dans le pays. Mais il est recommandé de prendre garde que par-là on ne donne entrée à la dissolution et au désordre, et que sous prétexte que les écoliers ne peuvent pas supporter la chaleur dans les maisons, ils n'aillent à la campagne s'exposer à l'ardeur du soleil et tomber dans des maladies dangereuses, ou que, pour se rafraîchir, ils n'entreprennent de nager et n'éprouvent malheureusement qu'il ne faut point trop se fier à l'élément de l'eau. Or, le recteur et le principal y tiendront la main, et feront en sorte que cela n'arrive point; et ils modéreront ces sortes de repos. Quant aux vacances générales, la durée en est fixée depuis le 1er de septembre jusqu'au 20 du même mois.

 

EN SAVOIR PLUS
> Origine du Collège et de l'Université à Nîmes, par M. Gouron.
> L'école de Nîmes de 1566 à 1634 par Léon Ménard.
> Partage du collège des arts de Nîmes entre les jésuites et les religionnaires.
> Les status de l'Université et du collège de Nîmes
> Article Midi Libre du 11 décembre 2005
 

> Contact Webmaster