HISTORIQUE DE LA FOIRE DE BEAUCAIRE.
du XIIe siècle au XIXe Siècle
 
Dans la famille des grandes foires internationales, la foire de Beaucaire apparaît une des dernières venues ; la cause en est, sans doute, qu'elle fut une héritière ; qu'elle prit, tardivement, la place occupée par d'autres, qui prospérèrent pendant un temps et dont les circonstances amenèrent la ruine ou le déclin.
Arles, Saint-Gilles et Montpellier furent les aînées de Beaucaire, qui, plus tard, lui abandonnèrent leur clientèle, lorsque le sort ou les hommes s'acharnèrent après elles.
A quelles dates furent consommés tous ces changements ?
Il est aussi hasardé de donner des chiffres que d'affirmer sur l'âge de la foire.
Des historiens veulent que le comte de Toulouse, Raymond VI, lui ait donné le jour au mois d'avril 1217 ; un membre de l'Institut, M. Levasseur, la voit dès 1080 ; notre historien local, Ménard, signale un document notarié de mai 1168 où la foire de Beaucaire est expressément désignée.
Quoi qu'il en soit de ces variations, dès la fin du XIIIe siècle, notre foire avait commencé à voler de ses propres ailes et, dans son Traité du Commerce en France avant 1789, M. Levasseur lui consacre cette appréciation significative :
« Dans le Languedoc du XIIIe siècle, la foire de Beaucaire tenait la tête. Placée au débouché du Rhône, elle attirait les marchands orientaux de Tunis, d'Alexandrie, de Syrie et de Constantinople, les Grecs, les Italiens de Venise et de Gênes ; les Aragonais et les Catalans de Barcelone ; des Portugais, des Anglais, même les Allemands et les marchands de France, venus de tous les points du territoire ».
Cette prospérité, que commandait la situation privilégiée de Beaucaire, se maintiendra jusqu'aux premières années du XIXe siècle, avec, naturellement, des fluctuations, des mouvements d'avance et de recul, qui étaient fonction de la politique générale de la France et de l'Europe.
Quelques chiffres préciseront mieux l'état de fait.
Au XVIIIe siècle, où les statistiques inspirent plus de confiance, nous relevons qu'il passait à Beaucaire une moyenne de cent mille étrangers à chaque foire ; les rôles de la foire de 1769 accusent même 120.000 personnes ; on en relève 600.000 de 1789 à 1.793.
Le chiffre des affaires traitées allait à l'unisson.
Dans les dix dernières années de l'Ancien Régime et les dix premières de la République, le montant des marchandises vendues annuellement oscille entre 40 et 46 millions de francs. En 1797, il atteignit total que l'on n'a vu qu'une fois, 50 millions de francs !
Calculez ce que cela ferait eu francs stabilisés !
Si l'on songe que de tels résultats sont réalisés en une dizaine de jours et que tout se traite, en principe, au comptant, on ne peut se retenir d'admirer l'ampleur d'un tel marché et son influence sur le commerce de la France, à l'intérieur et au dehors.
A l'avènement du premier Empire, l'état de guerre continuel, le blocus continental amènent un resserrement des affaires, que viennent augmenter des transformations dans l'aménagement des moyens de transport de la région.
En 1805, le canal du Midi est prolongé, par Sète et Aigues-Mortes, jusqu'à Beaucaire, unissant ainsi la Garonne au Rhône, ce qui facilite la circulation de la marchandise non accompagnée. En 1852, ce sera l'inauguration du viaduc Beaucaire/Tarascon, qui soudera l'un à l'autre les deux réseaux du Midi et du P.L.M. et consacrera, dans une proportion plus large encore, l'indépendance de la marchan­dise isolée.
Aussi, en 1858, un courtier officiel de Nîmes écrira :
« Nos fabricants ne vont plus à la foire de Beaucaire par la raison qu'ils évitent beaucoup de frais et que le chemin de fer leur amène journellement leurs acheteurs chez eux. »
Les marchands s'abstinrent si bien qu'un an après l'inauguration du viaduc, à la foire de 1853, le chiffre des affaires traitées tomba à la somme infime de 25.000 fr., c'était la mort des foires internationales.
Avant de nous éloigner des chiffres, encore quelques-uns pour montrer l'importance qu'avait à Nîmes, aux environs de 1830, l'industrie des châles.
A la foire de 1833, les fabricants nîmois envoyèrent 324.500 châles, de dix-neuf types ou dimensions, châles brochés, imprimés, de laine, de coton, de soie, crêpe de Chine ou façon Thibet, etc…
Sur ce nombre, 236.950 furent vendus à des prix variant, suivant type et dimension, entre 2 fr. 75 et 50 francs.
Ces résultats vous montrent la perte subie par l'industrie locale avec la disparition des fabriques de châles.
A l'origine, la foire de Beaucaire se tenait au mois de mai, elle ne tarda pas à être reportée au 22 juillet, où elle coïncidait avec la fête de Sainte Magdeleine.
Pendant plusieurs siècles, sa durée fut de trois jours : les 22, 23 et 24 juillet ; en 1483, une Ordonnance royale décida que cette durée comporterait trois jours ouvriers, c'est-à-dire que les dimanches et les fêtes n'y seraient pas compris ; dans la pratique, cela donnait à la foire six ou sept jours, en raison des fêtes de Ste-Magdeleine, St-Jacques et Ste-Anne, qui étaient célébrées les 22, 24 et 25 juillet.
En 1583, une nouvelle Ordonnance royale port à huit jours ouvriers le temps de la foire ; en fait à une douzaine de jours.
Les Beaucairois s'en réjouissaient, qui en étaient les heureux bénéficiaires.
A côté des Ordonnances des rois de France sur la durée, la foire de Beaucaire était régie par une législation spéciale, abondante et touffue, que justifiaient les intérêts économiques en cause, le statut personnel des nombreux étrangers qui venaient y trafiquer, la protection des individus et des transactions et, sous quelques-unes des rubriques, comme Charte de franchises, Conduite des foires Conservation des foires, Sauvegardes et Péages, c'était tout un Code particulier qui était en vigueur dans l'enceinte de la foire et pendant sa durée.
Nous n'en parlerons point autrement dans ce résumé, qui est du reportage historique plutôt qu'un exposé technique.
En raison du grand nombre des marchands et des visiteurs, la foire exigeait de vastes emplacements, qui ne purent être obtenus sur un point unique, et de bonne heure, on eut comme trois champs de foire, le fleuve, la ville et le Pré.
Ils communiquaient tous entre eux ; mais chacun avait son aménagement propre, commandé par les circonstances et le milieu.
Le Rhône, ce « chemin qui marche », était utilisé, à la montée ou à la descente, par de nombreux négociants, les uns, débarqués des navires qui les avaient amenés d'Orient et que leur tirant d'eau avait obligés à rester dans les ports de la côte ; les autres, apportant à la foire les produits de la région lyonnaise et des provinces du nord-est.
Un petit port rudimentaire avait été organisé pour eux à hauteur du Château et en face de l'une des portes du rempart, afin de garder la communication facile avec la ville ; les bateaux s'y amarraient suivait leurs types et leurs provenances et là, tels nos modernes navires-exposition, ils commençaient leur trafic en étalant leur cargaison sur le pont et les bordages.
Et par certaines années, elle fut importante, la flottille stationnée dans le port ; en 1758, par exemple, on y compta 130 barques de mer, sans parler des 200 petites barques du Rhône, pour les trajets restreints.
Aussi, Mistral, les a-t-il chantées, dans son beau poème du Rhône, dont la traduction diminue la saveur.
« Il y en a des barques au port ! Les unes portent la voile aiguë des Latins ; d'autres sont quadrangulaires ; les allèges d'Arles et les trois-mâts de Marseille ; les tartanes de Gênes et de Livourne ; les brigantins d'Alep, les balancelles de Malaga, de Naples et de Majorque ; les goëlettes anglaises du Hâvre-de-Grâce, les mourres d'Agde et de Cette et les trabacos noirs de l'Adriatique ; c'est un vacillement sur le Rhône ; une danse dans le soleil, la houle et la rumeur de tous les jargons des gens de la marine. »
En même temps que le fleuve s'aménageait heur les négociants et visiteurs des pays éloignés, la ville se préparait à recevoir tout le monde, mais d'abord les marchands voyageant par terre et plus particulièrement ceux, nombreux, de la grande province de Languedoc qui trouvaient à la foire de Beaucaire un débouché précieux pour les divers produits de leur sol ou de leur industrie.
Le premier devoir de la Municipalité beaucairoise étant d'assurer le logis à ses hôtes, tous les habitants s'y emploient avec une ardeur intéressée ; ils se retirent dans leurs caves ou leurs greniers afin de louer tout ce qui chez eux peut trouver preneur.
«  Là où nous avions un lit, nous en mettons six », dit un Beaucairois de 1771.
Tout se loue au prix fort ; une maison de belle apparence, entre les mains d'un propriétaire avisé, doit rapporter 18 à 20.000 francs de loyer pour la durée de la foire, quinze jours au plus ; les arceau de la place du Marché se donnent à 600 francs l'un pour le moins ; un banc de pierre sous un auvent, vaut de 200 à 300 francs.
Et jusqu'au vénérable Chapitre de Notre-Dame des Pommiers qui se laisse gagner par la fièvre du gain en louant le devant de l'église paroissiale, ce qui lui vaut l'improbation des purs du Conseil de Ville.
Pour l'installation des marchandises, la Municipalité avait arrêté une répartition officielle des divers négoces, chacun ayant sa rue déterminée, d'où il ne pouvait sortir ; la mesure était judicieuse, qui facilitait, à la fois et les transactions et la surveillance.
La Nouveauté et la Rouennerie se tenaient dans la rue Basse, la Toilerie à la Placette, etc…
Cette organisation générale de la ville et du fleuve, subsista telle quelle jusqu'à la fin du XVIe siècle, où des modifications y durent être apportées en raison de l'accroissement des transactions, conséquence de la politique habile de François ler dans le Levant, qui avait valu à la France la presque totalité du commerce avec l'Orient.
Un vaste terrain alluvionnaire s'étendait entre la colline. portant le château et le Rhône, terrain planté aujourd'hui de beaux arbres et qui porte encore le nom qu'on lui donna au XVIIe siècle, le Pré. C'est là que l'on créa l'annexe nécessaire de la foire.
Un plan d'ensemble fut dressé, et ce fut une véritable ville de baraques en bois qui s'éleva là avec ses quartiers, ses rues, ses places et carrefours.
Ainsi que dans la ville, les marchandises y furent groupées par nature de commerce, et, pour les étrangers, par nationalité, autant que possible. On n'oublia point le service religieux et une baraque-chapelle était ouverte le dimanche à ceux qui avaient à se faire pardonner d'avoir durant la semaine un peu maltraité le bien d'autrui par poids et par mesures ou toute autre façon.
Une décision importante fut prise, à peu près au même temps, l'établissement d'un pont de ba­teaux reliant Beaucaire à Tarascon en utilisant un petit îlot qui se trouvait et se trouve encore dans le milieu du fleuve, où il reçoit quelques-unes des piles des ponts actuels.
La foire a maintenant tous ses organes de fonctionnement répondant aux nécessités de l'heure ; le développeraient des affaires en va marquer l'heureuse répercussion.
Mais une grosse machine comme celle-ci ne va point sans un puissant Etat-Major, que nous ne pouvons passer sous silence.
Au premier degré, c'est la Municipalité, Consuls et Conseillers de Ville, à qui incombe la lourde tâche de la préparation ; puis, au degré supérieur et pour la durée de la foire, c'est le Commissaire du Roi, représentant le Gouvernement et exerçant comme tel l'autorité suprême, Sous l'Ancien Régime, la fonction était dévolue à l'Intendant de la province, à la Révolution et depuis ce fut au préfet du département du Gard, qui .se rendait à Beaucaire et y séjournait jusqu'à la fin de la foire.
Après lui, venait un personnage important, le Fermier-Général des impôts, qui exerçait la surveillance financière et accordait les franchises prévues par les lois et les règlements.
La police et la sécurité étaient assurées par les gens de la maréchaussée et quelques détachements de troupes tirés des garnisons voisines ; un prévôt et, plus tard, un général exerçait le commandement des uns et des autres.
Tous ces personnages arrivaient en temps utile à Beaucaire, le Commissaire du Roi le dernier comme il seyait à sa dignité, et seulement le 21 juillet et, veille de la foire.
Le soir de ce même jour du 21 juillet, à 8 heures; les quatre Consuls de Beaucaire, en chaperon, avec livrée écarlate à l'épaule, assistés du greffier municipal et du Conseil de ville, encadrés par la garde bourgeoise, les piquiers et hallebardiers, se rendent à l'hôtel du Fermier-Général et lui demandent la franchise de la foire, c'est-à-dire la suspension des droits divers à compter de l'heure de la minuit prochaine.
Le Fermier-Général accueille la requête ; puis, le cortège se reforme et s'en va processionnellement, à la lueur des torches, toutes les cloches des paroisses sonnant, les fifres et hautbois alternant avec les tambours et clairons, à travers les différents quartiers de la ville et du Pré, s'arrêtant aux carrefours et coins de rue, où le greffier lit à haute voix la déclaration d'ouverture de la foire et l'Ordonnance de police fixant les principales mesures qui doivent y être observées.
Le lendemain matin, 22 juillet, jour de Sainte Magdeleine, à dix heures, une messe solennelle, dite de l'Ouverture, est célébrée à Notre-Dame, en présence des Consuls en robe, des Conseillers de Ville et des Officiers de Justice. A l'issue de la messe, une procession comprenant toutes les autorités, avec un corps de musique, parcourt la ville ; des jeunes filles y portent, sous un riche pavillon, une statue de Sainte-Magdeleine.
La foire est maintenant ouverte et, pendant. huit à dix jours, Beaucaire n'est plus, sous le soleil torride de juillet, qu'une fournaise ardente où 100.000 personnes se pressent, se bousculent, crient, jurent, gesticulent ; cohue ahurissante où l'on entend tous les idiomes, où résonnent toutes les langues sonores du midi de l'Europe.
II ne faudrait point croire que dans cette foule en continuel mouvement, il n'y eût que des marchands et des hommes d'affaires ; les gens de qualité et les amateurs d'attractions foraines y venaient aussi, et parfois de fort loin, comme semble l'indiquer une petite brochure éditée, en 1709, à Amsterdam, et où l'on peut lire ce qui suit :
«  Ce ne sont pas seulement les négociants et les personnes du commerce qui trouvent des charrues à la foire de Beaucaire ; la noblesse y vient chercher mille plaisirs qui suivent un si riche concours de peuples. On y voit cent sortes île spectacles ; des beautés sans nombre s'y produisent. Il n'est guère de maris complaisants qui n'y fassent un voyage pour divertir leurs femmes. Les mères y cherchent ordinairement d'heureuses aventures pour leurs filles et les amants ne manquent pas d'y trouver leurs maîtresses. »
A ce beau tableau, il y a bien quelques ombres.
Ecoutons le Beaucairois de 1771, que nous avons déjà mis à contribution.
« Il nous vient toutes sortes de gens, souteneurs, voleurs, assassins ; les ribaudes et les filles suivent, malgré toutes les Ordonnances de bannissement. Vers le milieu de juillet, elles arrivent de partout, de Toulon, de Marseille, d'Avignon, de Lyon, d'Arles et d'une infinité d'autres lieux. »
Les renforts de police qu'on demandait à Paris chaque année n'étaient pas inutiles avec ce joli monde.
Les pouvoirs publics, s'ils se préoccupaient de cette tourbe inséparable des grosses agglomérations, n'oubliaient point les honnêtes gens et chaque jour le Commissaire du Roi ou le Fermier-Général offrait un dîner suivi de bal à l'élite de la société beaucairoise et du commerce international.
Les autres n'étaient point en reste.
Le soir, à l'Ave Maria, comme on dit dans le pays, c'est-à-dire lorsque le jour tombe et que les chaleurs sont attiédies, les danses s'organisaient de divers côtés, sur la Promenade pour la petite bourgeoisie, au Pré pour le populaire, pour les marchands.
On se groupait le plus souvent par province, ville ou pays d'origine et, particulièrement au Pré, on voyait le bal de Nîmes, le bal d'Avignon, le bal de Montpellier, le bal de Marseille ou de Toulon, le bal clos Catalans, etc…
Tous ces forains étaient gens d'humeur gaie, la journée faite, et Daudet nous dit que, pour eux, la foire était un temps de plaisir.
«La foire de. Beaucaire, [écrit-il dans « Numa Roumestan »], était, sous prétexte de commerce, quinze jours à un mois de la vie libre, exubérante, imprévue d'un campement bohémien. On couchait çà et là chez l'habitant, dans les magasins, sur les comptoirs, en pleine rue, sous la toile des charrettes à la chaude lumière de juillet.
Ah ! les affaires sans l'ennuyeux de la boutique ! les affaires traitées en dînant, sur la porte, en bras de chemise ; les baraques en file le long du Pré, au bord du Rhône, qui, lui-même n'était qu'un mouvant champ de foire, balançant ses bateaux de toutes formes, ses barques venues d'Arles, de Marseille, de Barcelone et des Baléares, chargées de vin, d'anchois, de liège, d'oranges et parées d'oriflammes, de banderoles qui claquent au vent frais, se reflétant dans l'eau rapide.
Et ces clameurs, cette foule bariolée d'Espagnols, de Sardes, de Grecs en longues tuniques avec les babouches dorées ; d'Arméniens en bonnets fourrés, de Turcs avec leurs vestes galonnées, leurs éventails, leurs larges pantalons de toile grise, se pressant aux restaurants en plein vent, aux étalages de jouets d'enfants, de cannes, ombrelles, orfèvrerie, pastilles du sérail, casquettes, etc… »
Aphonse Daudet  dans Numa Roumesfan.
 
La foire de Beaucaire - Gravure - Musée du Vieux Nîmes
  
Oui, ces foules cosmopolites, cette mosaïque de costumes étrangers, cette babel de tant d'idiomes, ce sont bien là les caractéristiques de notre foire de Beaucaire, dont les autres éléments, dentistes et charlatans, bateleurs et montreurs d'ours, escarpes et filles de joie, sont communs à toutes les foires, ce qui nous dispense d'en parler.
Mais le temps de la foire s'avance ; la veille du jour où elle doit prendre fin, la clôture, ou la dépublication, comme on disait, est annoncée par un cortège semblable à celui de l'Ouverture, qui parcourt la ville et publie, à sons de trompe, chié les franchises cesseront à l'heure de minuit du lendemain et que tout trafic sera dès lors interdit.
Les consignes sont strictement exécutées : à l'heure dite, les magasins, improvisés se ferment ; les caisses et ballots sont reconstitués ; les bateau lèvent l'ancre ; les charrois se mettent en route, les baraques du Pré soufi démontées, et huit jours ;près, tout le monde est parti.
Les habitants réintègrent leurs appartements et nul ne reconnaîtrait la cité bruyante de la veille dans cette ville calme, tranquille, repliée dans ses coins d'ombre et attendant, en comptant ses bénéfices, le retour de la foire prochaine.
Depuis de nombreuses années, hélas ! Depuis 1870 officiellement, les visiteurs de la foire internationale ont oublié le chemin de Beaucaire.
Mais la Fortune est changeante et il nous plaît de la voir, comme en une fresque célèbre de Pompéi, dressée sur la terrasse du château de Beaucaire et déléguant à travers le monde, aux fins de propagande efficace, son associé, Mercure, tenant en mains la bourse et le caducée classiques, qui symbolisent son action.
Déjà, grâce à des impulsions et des initiatives vigoureuses et intelligentes, un renouveau commence à s'accuser, apportant unie fois de plus la consécration du vieil adage
Aide-toi, le Ciel t'aidera !
 
Paul Gendronneau - Ecole Antique de Nîmes, 1928
 
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(1787) Rapport de la Ferme générale sur la foire de Beaucaire, 1788. « Archives départementales du Gard, C188, 1788. »
 
Depuis six ans, on remarque une forte progression sur les quantités apportées en foire de Beaucaire, en 1787 il y avait infiniment plus de marchandises et cette année leur influence a été si considérable qu’en réunissant l’accroissement des deux dernières foires, il a surpassé de plus de la moitié les marchandises exposées en vente en 1786.
Cette masse énorme de marchandises en tout genre démontre que, dans le courant de l’année qui a précédé cette foire, la consommation a diminué considérablement, car on apporte à Beaucaire tous les objets qui ont manqué de débit ; la nécessité fait une loi aux fabricants et aux marchands de chercher à se débarrasser des marchandises qui leur deviennent onéreuses par un long séjour…
Toutes les foires ont été utiles lorsque le commerce intérieur était naissant, que les communications étaient difficiles, les routes dangereuses et impraticables, qu’il y avait peu de marchands dans les villes et que les bourgs et villages en étaient dénués ; la tenue des foires a changé d’objet et d’utilité, surtout celle de Beaucaire, elle établit le prix des matières, celui de chaque nature de marchandises à moins que postérieurement une autre cause la fasse varier ; on y trouve des assortiments complets, chaque marchand y achète le genre qui est en faveur dans la contrée qu’il habite, il se trouve réuni avec le manufacturier, lui commande pour l’année suivante les objets tels qu’il en prévoit le besoin et lui donne son goût, le manufacturier, de son côté, y fait achat des matières premières dont il alimente sa fabrique…  
Les uns et les autres arrêtent leurs comptes chaque année à Beaucaire, avec plus de facilité qu’une correspondance par lettre n’en peut comporter, ils s’acquittent des engagements auxquels ils avaient donné pour terme la foire de Beaucaire et ils en contractent de nouveaux, la réunion des parties a le mérite de faire solder pour quatre-vingts ou cent millions d’affaires avec numéraire moindre peut-être, de trois millions, et les deux derniers jours de la foire suffisent pour opérer une liquidation de toute une année…
 
Foire de Beaucaire suite
 
Lettre de Gleize oncle et neveu, curés de Beaucaire, à l’archevêque d’Arles, 21 mai 1766.
 
Depuis quatre ou cinq ans, l’ambition a si fortement aveuglé nos paroissiens que plusieurs d’entre eux se procurent des grosses rentes par le loyer de leurs maisons, pendant la foire à des infâmes qui paraissent seuls au commencement de juillet et promettent tout ce qu’on leur demande pourvu qu’il leur soit permis de mettre une enseigne de cafetier, et qui une fois établis et rangés dans ces maisons font venir plusieurs filles de joie qu’ils soldoient à la malheureuse condition qu’elles se tiendront parées et moitié habillées sur la porte pour attirer les hommes au prétendu café.
Ces abominables maisons étaient l’année dernière au nombre de soixante, et il s’y commit jour et nuit tant de crimes que les personnes tant soit peu vertueuses en furent indignées et que plusieurs épouses de cette ville en ont longtemps gémi, leurs maris leur ayant communiqué les maladies qui sont pour l’ordinaire le fruit du libertinage, et les parents de plusieurs jeunes gens ont été obligés de faire de grosses dépenses pour procurer la santé à leurs enfants empestés.
 
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EN SAVOIR PLUS  SUR LA FOIRE DE BEAUCAIRE
> La Foire de Beaucaire, nouvelle historique et galante de David Rochefort, 1708
> Notice sur la Foire de Beaucaire, Hector Rivoire en 1844
En savoir plus sur les Foires et Marchés du pays nîmois
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La Foire de la Saint-Michel
> La Foire aux anes
> La Foire Exposition
> Création de la Braderie du centre ville en juillet 1931 et règlementation du Marché aux Puces
> La Place Saint-Charles et son Marché
> La Foire de Beaucaire
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