NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Le Triduum dans la Cathédrale de Nîmes

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.

XXXVIII


Un témoin de ces solennités grandioses rendait ainsi ses impressions :

Les belles fêtes religieuses célébrées à Nîmes les 5, 6 et 7 juillet 1898, en l'honneur de Notre-Dame de Rochefort, ont été de tout point un vrai et magnifique régal, non seulement pour l'oreille et les yeux ; mais, surtout pour l'esprit, le cœur et la piété.
En considérant l'ordre et la splendeur des cérémonies, la majesté de la Pourpré Romaine si dignement et si noblement portée, l'éclat des Pontifes et des dignitaires ecclésiastiques de tous ordres qui lui faisaient escorte ; en entendant ces chants incomparables et ces harmonies qui 'semblaient descendre des cieux, il nous semblait vraiment qu'un rayon de la gloire de l'Église triomphante commençait à nous apparaître. Ce n'était cependant qu'une faible partie de l'Église militante sur la terre que nous avions sous les yeux, mais déjà sur son front quel reflet de l'ineffable beauté de celle que nous appelons dans nos sacrés cantiques Bienheureuse Vision de paix. Beata pacis visio, de cette Jérusalem céleste qui a reçu en dot toute la gloire de' Dieu le Père, qui est toute resplendissante, de la grâce de son Époux, Reine ineffablement belle, indissolublement unie au Christ triomphant; étincelante cité du ciel.

Mais elle était là aussi, représentée sous son doux emblème de Vierge immaculée, Celle à qui conviennent mieux encore tous ces titres, l'Auguste Mère de Dieu devenue la Mère et la Reine de l'Église ; car toutes les splendeurs et toutes les beautés de la Cité sainte ne sont qu'une faible image de ses ineffables perfections. Elle nous tendait ses mains éblouissantes de grâces et nous laissait entrevoir ses sourires, comme pour nous montrer que toutes les avenues de son cœur nous étaient ouvertes, à nous, pauvres exilés de la terre, avides de franchir enfin les portes de la patrie.

Pour fêter le onzième centenaire de Notre-Dame de Rochefort, la vieille cathédrale de Nîmes, jadis consacrée à la Très Sainte Vierge par le grand pape Urbain II, a voulu revêtir la robe fleurie des fiançailles et reprendre un nouvel air de jeunesse. Regardez ces guirlandes gracieuses qui courent le long des murs du majestueux édifice, prenant à travers les cintres, autour des riches bannières et des écussons, les formes les plus élégantes et les plus symboliques; vous ne voyez partout que des roses. Il y en a, dit-on, plus de sept mille. Depuis plusieurs mois, des mains aussi délicates que pieuses s'appliquent à les confectionner, sous la touchante inspiration d'une femme aussi vénérable par ses vertus que par son âge, tante de notre éminent Évêque, dont elle a su depuis longtemps faire un vrai fils d'adoption.

Au-dessous de cette élégante ornementation, on remarquait, dans le chœur, du côté de l'Évangile, le trône du prélat célébrant, orné de riches tentures ; et de l'autre, un peu plus prêt de l'autel, le trône vraiment royal de S. E..le cardinal-archevêque de Lyon, Primat des Gaules ; puis à côté et un peu en avant, les bancs richement ornés d'une housse verte derrière lesquels étaient disposés des fauteuils pour Nos Seigneurs les Évêques et les Révérendissimes Abbés mitrés. Le cortège des chanoines et du clergé était réparti, soit sur une estrade derrière les bancs; des évêques, soit dans les stalles du chœur. Une place d'honneur toute spéciale avait. été réservée auprès du trône du Pontife célébrant pour les RR. PP. Maristes du sanctuaire de Notre-Dame de Rochefort.

De ces journées peut-être sans pareilles dans l'histoire de la ville et du diocèse de Nîmes, nous ne pouvons donner qu'un court et très pâle compte rendu

Le mardi 5 juillet.

Dès le lundi; la foule impatiente pénétrait dans l'église pour voir les décorations.

Le défilé ne cessa pas un seul instant de la journée, mais le soir les groupes étaient si nombreux que la circulation était difficile.

La plupart de Nos Seigneurs les Évêques arrivaient ce jour-là, et après être allés saluer notre Évêque et visiter la Cathédrale, se rendaient dans les maisons religieuses qui leur offraient l'hospitalité.

A six heures du soir, toutes les cloches de la Cathédrale mises en branle annonçaient à toute la ville l'ouverture du Triduum, et préludaient ainsi à la joie du lendemain.

Le premier jour se lève, le son des cloches le salue et Nîmes se réveille dans la joie.
Sept heures ont à peine sonné, et déjà les fidèles, affluent pour la première messe du Triduum. A sept heures et demie, Mgr Theuret, évêque de Monaco, monte à l'autel; des chants pieux ne cessent de se faire entendre, les communions sont très nombreuses.

À dix heures précises, le cortège sort de la sacristie et traverse les rangs pressés des fidèles pour se rendre à l'évêché; la place de la cathédrale est littéralement envahie ; toutes les voitures qui essaient de passer sont requises par la foule et lui servent d'estrade. Nos Seigneurs apparaissent, couverts de la mitre et portant en main leur bâton pastoral. Voici l'ordre du défilé : La croix du vénérable Chapitre ; les élèves de la maîtrise épiscopale; un grand nombre de prêtres ; MM. les directeurs du Grand Séminaire et curés-doyens ; MM. les chanoines de tous ordres ; les révérendissimes abbés de Lérins et de Notre-Dame des Neiges ; Monseigneur l'Évêque de Montauban, Mgr l'Évêque de Monaco, Mgr l'Évêque de Montpellier, Mgr l'Évêque de Nîmes, et enfin l'Évêque officiant, Mgr Germain, évêque de Rodez, précédé des chanoines qui l'assistent et suivi des porte-insignes.

Le gros bourdon jette dans les airs ses notes graves et solennelles, les grandes orgues font retentir les voûtes de leurs sons les plus joyeux; les chantres entonnent l'Introit de la messe votive de la Vierge : Salve, Sancta Parens, et donnent ainsi le premier salut á l'Immaculée qui est l'objet de ces fêtes.

À l'Évangile, M. l'abbé Guillibert, alors vicaire-général d'Aix et aujourd'hui évêque de Fréjus, monte en chaire. Saisi par la vue de cet imposant auditoire, il se plaît à reconnaître les beautés et les richesses dont la cathédrale est ornée ; il donne de légitimes éloges à tous ceux qui ont coopéré à ces prodigieux préparatifs ; il loue spécialement le Pontife de l'Église de Nîmes, à qui revient la plus grande part dans la préparation de ces solennités. Puis l'orateur arrive à ce qu'il appelle le programme spirituel. Quelle est la signification de ce Triduum ? C'est la glorification de Dieu par l'exaltation de Marie. - Avec quelles dispositions faut-il suivre ces pieux, exercices ? Avec action de grâces les bienfaits reçus ; avec humilité, puisque cette vertu est si agréable à Dieu ; enfin avec confiance, car Marie continuera de veiller sur nous.

La messe pontificale terminée, le cortège s'est reformé et a reconduit à l'évêché Nos Seigneurs les évêques, qui, du palais épiscopal; se sont dirigés vers le Grand Séminaire, où Mgr l'Évêque de Nîmes leur offrait une fraternelle hospitalité.

À deux heures, la Cathédrale était tout entière aux enfants de nos écoles chrétiennes; elle ne paraissait pas trop grande, et c'était un spectacle d'un genre spécial qui offrait le plus vif intérêt : Cantiques pleins d'á propos chantés par ces voix fraîches et perçantes, récitation de deux dizaines de chapelets, allocution par Dom Martin, abbé de Notre-Dame des Neiges, et bénédiction du Saint Sacrement.

À cette cérémonie, Mgr Béguinot, malgré ses absorbantes préoccupations, voulut prendre part. Entrant par la chapelle de l'évêché, il traversa les rangs d'un bout à l'autre de la cathédrale, bénissant avec une complaisance toute paternelle ces chers enfants, auxquels sa bonté avait tenu à consacrer, dans ce Triduun, un exercice spécial.

A quatre heures et demie, pour les vêpres, même affluence que le matin pour la messe solennelle.; même cérémonial aussi pour aller chercher et reconduire Nos Seigneurs les Évêques.

L'honneur de porter la parole est dévolu à un membre de la Société de Marie, gardienne du sanctuaire de Rochefort. Le R. P. Gally salue Marie comme notre espérance : Spes nostra,-salve ; tel fut son texte, dont tout le discours ne fut qu'un heureux commentaire. Il rappela que la ville et le diocèse de Nîmes furent toujours dévots à Marie. Ils n'ont cessé de l'aimer, et pendant onze siècles les pieux pèlerins ont toujours visité le sanctuaire de Notre-Dame de Grâce ; toujours la Vierge de Rochefort a été leur ; reine et leur mère ; toujours de son roc de granit Marie a paru se lever comme l'étoile du salut.

La France a reçu du ciel une mission glorieuse, qu'elle a remplie malgré des défaillances. Elle est le soldat de Dieu, par l'épée que Dieu rend victorieuse sur les champs de bataille; elle est l'apôtre de Dieu, par l'héroïsme de ses missionnaires qui portent l'Évangile chez tous les peuples. Si la France fut généralement fidèle à sa mission divine, elle le dut à Marie. On dit qu'au moment d'expirer, Jésus tournant son regard vers l'Occident, distingua parmi les nations le sol de la Gaule et le confia à sa Mère. C'est une légende, mais le fond est vrai : Nous sommes nés dans les bras de Marie, nous avons grandi sous son regard, elle nous a toujours sauvés aux heures fatales ; on a eu raison de dire qu'elle s'est toujours montrée « bonne Française ».
Le discours fini, Mgr Germain donne la bénédiction du Très Saint Sacrement, et Nos Seigneurs les Évêques sont reconduits processionnellement au palais épiscopal.

Le Mercredi 6 juillet.

Le soleil se lève aussi radieux ; la brise souffle, forte et fraîche, pour nous préparer une température printanière ; Notre-Dame bénit ses dévots serviteurs.

La messe de communion est célébrée par le R. P. Abbé de Lérins, Dom Colomban. Encore aujourd'hui, affluence considérable, communions très nombreuses.

À dix heures, messe pontificale. La cathédrale est comble, comme hier ; le défilé du cortège se refait de la même manière, mais parmi les évêques a pris place Mgr Hazéra, évêque de Digne, et parmi les abbés mitrés le R. Dom Marie, abbé de la Trappe d'Aiguebelle, Mgr l'évêque de Montauban officie ; la maîtrise exécute la messe de Jeanne d'Arc, de Gounod.

À deux heures, la cathédrale réunissait toutes les jeunes filles de nos écoles chrétiennes. Ces petites toilettes, ces fleurs innombrables et variées donnaient à notre grave cathédrale un air de jeunesse, qui était bien en harmonie avec les joies de nos fêtes.

À trois heures et demie, la foule se presse plus compacte et plus impatiente aux grandes portes de la cathédrale. À mesure que les cérémonies se multiplient, se prolongeant des heures entières, l'affluence grossit ; notre bon peuple ne peut se rassasier de prendre part à ces prières, à ces hommages en l'honneur de Notre-Dame ; il en oublie ses travaux ordinaires, et la vie de la cité semble suspendue pour se concentrer autour et au-dedans de la cathédrale. Cette foule nous rappelle le peuple de Jérusalem suivant pendant trois jours Notre-Seigneur et ne pensant même pas à sa nourriture.

À cette heure, un motif de plus attire les fidèles : on a annoncé que S. E. le cardinal Coullié doit arriver à cinq heures, et qu'il fera son entrée dans l'église pendant le chant des vêpres.

Cette attente n'a point été trompée. Vers la fin du Magnificat, les grandes portes s'ouvrent et un frisson parcourt l'immense assemblée qui se lève comme un seul homme, tandis que les orgues jettent leurs notes solennelles et bruyantes pour couvrir le bruit des poitrines haletantes. Nous sommes tous debout pour saluer l'éminent prince de l'Église, et quand il apparaît dans la majesté simple mais grande de sa pourpre, avec sa longue traîne, répandant ses bénédictions et souriant, nous eussions applaudi et nous aurions acclamé ce Pontife, si nous n'avions pas été retenus par le respect pour le Saint Lieu.

Son Éminence prit place au trône qui lui avait été préparé, et la cérémonie suivit son cours.

Les Vêpres terminées, Mgr Dadolle, recteur des Facultés catholiques de Lyon, et plus tard évêque de Dijon, est monté en chaire. Après avoir demandé et reçu la bénédiction de Mgr le Cardinal, il dit les paroles de son texte, dont tout le discours sera le développement : Non fecit taliter omni nationi, Dieu n'a point fait pour les autres nations ce qu'il a fait pour la France. Et l'orateur entre dans l'esprit de ces fêtes en montrant l'union de Marie à la France : Regnum Galliæ, regnum Mariæ, c'est la grande voix de la tradition. Malgré le caractère universel de Marie corédemptrice de tout le genre humain, il y avait place en elle pour un sentiment privé, non exclusif ; elle pouvait aimer de préférence le peuple de son choix. Plusieurs nations catholiques revendiquent ce privilège, mais les titres de la France sont, plus précieux ; les rappeler, c'est remémorer la gloire de notre patrie. Et l'orateur refait la thèse du rôle exceptionnel confié à la France par Dieu, rempli par la France à travers les siècles avec l'assistance de Marie.

Au Salut qui a suivi, la maîtrise a exécuté l'œuvre magistrale de. Capocci, le Laudate pueri Dominum, d'une longue et laborieuse exécution ; mais l'immense auditoire ne semblait pas s'en apercevoir, et restait sous le charme de cette ravissante composition. Ensuite ont été chantés le Tu es Petrus de Fauré, et le Tantum ergo de Gounod.

La bénédiction a clos la cérémonie, mais le peuple toujours infatigable attendait la sortie du cortège, et malgré les barrières se pressait autour de nos Évêques pour baiser leurs anneaux et recevoir leur bénédiction. Son Éminence surtout a été l'objet d'une enthousiaste ovation, et a été escortée de toute la foule jusque sur le perron de l'évêché. Avant d'entrer au palais, elle à donné sa bénédiction, et les fidèles se sont retirés.

Le Jeudi 7 Juillet.

Beau temps encore : le vent souffle toujours et rafraîchit l'atmosphère. Un soleil radieux resplendit sur un ciel toujours d'azur. Notre-Dame continue à nous bénir.

La messe de communion, à sept heures et demie, est célébrée par Mgr l'Évêque de Digne. Très nombreuses communions, doux et pieux cantiques.

A dix heures, messe pontificale chantée par Mgr Theuret, évêque de Monaco. Le défilé a eu lieu dans l'ordre suivant: Mgr Dadolle, prélat romain; les RR. PP. Abbés de Lérins, d'Aiguebelle et de Notre-Dame des Neiges ; - Nos Seigneurs les évêques de Digne, de Rodez, de Mosynopolis (Canada), de Montauban, de Viviers, de Montpellier et de Nîmes, Mgr l'Archevêque métropolitain d'Avignon; le prélat officiant avec ses ministres sacrés, enfin l'Éminentissime Cardinal de Lyon, assisté de MM. les Vicaires généraux Goiffon et de Villeperdrix. :

Dans le sanctuaire, plus de prêtres que la veille : Archiprêtres, curés-doyens, succursalistes, professeurs et vicaires, tous en habit de chœur ; Frères mineurs avec leur Scolasticat, Augustins de l'Assomption, Pères de la Compagnie de Jésus ; - « et surtout, observe la Semaine Religieuse, les RR. PP. de la Société de Marie, gardiens du sanctuaire de Rochefort, avec leur vénéré Supérieur, et des religieux d'autres maisons. Eux surtout avaient droit à prendre la plus large part aux joies de nos, grandes solennités ; c'était leur sanctuaire et leur Vierge qui étaient l'objet de nos fêtes ; ils devaient s'y associer, pleinement, et leur présence au milieu de tout le clergé, en réjouissant tous les cœurs, contribuait à donner sa vraie physionomie à ce Triduum, qui était bien, en effet, célébré à la gloire de Notre-Dame de Rochefort ».

Au clergé de notre diocèse étaient venus s'associer des prêtres et des dignitaires des diocèses voisins, dans les places du sanctuaire ou sur les degrés de l'estrade. Nos chers Frères des Écoles chrétiennes étaient venus aussi en très grand nombre.

La maîtrise a exécuté le chef-d'œuvre de Gounod, la mélodieuse messe du Sacré Cœur ; l'interprétation a été digne de l'œuvre.

A l'Évangile, Mgr Hazera, évêque de Digne, dans un langage plein de clarté et de simplicité, a précisé le sens pratique de la dévotion à Marie. Marie occupé une très grande place dans la Société chrétienne : elle est partout, elle est mêlée à toute notre vie ; elle nous bénit, elle nous aide à nous sanctifier. Dans la joie, Marie est avec nous, car elle est la mère de toute joie et de toute espérance ; elle est aussi avec nous dans l'épreuve, car elle est la Mère de toute consolation. Il semble que notre pauvre vie tomberait, traînerait, si Marie n'était pas là pour la relever.

Mais parce que Marie est ainsi l'objet de notre culte, mettons-nous de côté le Seigneur pour mettre à sa place sa Mère ? Évidemment non. Quand nous honorons Marie, nous ne la considérons toujours que comme notre médiatrice auprès de Jésus, qui est lui-même le seul médiateur entre Dieu et les hommes. C'est par Marie que nous allons à Jésus, par elle que nous obtenons les grâces et les miracles de Jésus, et les pages sacrées de l'Évangile nous enseignent cette dévotion.

À deux heures, l'exercice des enfants était réservé, ce jour-là, aux jeunes filles des pensionnats et aux orphelinats de la ville. Il fut présidé par Dom Marie, abbé de Notre-Dame d'Aiguebelle, qui développa les raisons qui nous font un devoir d'aimer Marie.

À l'heure des vêpres, le spectacle que présentait la cathédrale ne peut se décrire. Ses murs s'étaient pour ainsi dire dilatés, nulle part le moindre vide ; çà et là des grappes humaines suspendues aux chapiteaux des pilastres, aux confessionnaux ; les tribunes regorgeaient. Quelle entrée imposante que celle de Nos Seigneurs les Évêques ! Quel empressement de la part des fidèles ! Quelle bonté, quelle condescendance de la part de nos Pasteurs et de Son Éminence.

Au Dixit Dominus chant du Tecum principium de Saint-Saens, exécuté aux grandes orgues avec accompagnement d'orgue et de harpe. Avant le sermon, le Souvenez-vous de Massenet, et après, le duo de Gounod : D'un cœur qui t'aime, paroles de Racine ; ensuite le Cantantibus organis de Capocci, avec accompagnement de flûte. Au salut le Tu es Petrus de Dubois, le Tantum de Vervoitte et le Laudate de Gounod. Tous ces morceaux remarquables chantés par de belles voix et écoutés avec le plus manifeste intérêt.

L'acte principal de la cérémonie a été le beau discours de Mgr l'Évêque de Montpellier; cette œuvre a été le digne couronnement du Triduum.

Mgr de Cabrières prend pour texte le premier verset du psaume 18e : Cœli enarrant gloriam Dei et opera manuum ejus annuntiat firmamentum ; les Cieux célèbrent la gloire de Dieu et le firmament fait pressentir ses autres merveilles. Il distribue de justes éloges aux orateurs précédents, il salue chacun des Évêques présents, puis les abbés mitrés « qui, par leur humilité, nous rappellent de grandes leçons »: Il salue « avec une émotion qu'il allait dire fraternelle S. E. le cardinal Coullié : Au printemps de leur vie ils étaient assis sur les mêmes bancs du Séminaire, ne songeant qu'à une vie de dévouement et d'humilité. L'évêque est monté d'un degré dans la hiérarchie, Dieu a fait monter plus haut le cardinal et l'a fait entrer dans le Sénat de l'Église.

Parlons maintenant de la Vierge notre Mère ; essayons d'expliquer pourquoi nous célébrons avec cette majesté et cette magnificence, dans cette cathédrale, loin de Rochefort, le XIe anniversaire séculaire de la fondation de ce pèlerinage. Voici, croyons-nous, la pensée de Mgr l'Évêque de Nîmes : le pieux pontife a déjà compris que Nîmes appartient à Marie, et que sa ville épiscopale, comme centre du diocèse, résumé ainsi en elle toute la foi et toute là piété de son Église envers Marie. Il convient à celui qui accompagna, de longues années, Mgr. Plantier dans toutes les paroisses de son diocèse, de dire que, dans ce Centenaire, nous faisons revivre tout lé culte de Marie répandu dans tout le diocèse de Nîmes.

L'orateur fait l'histoire des sanctuaires du diocèse établis en l'honneur des mystères de Marie, et; s'écrie : « Finissons par une image empruntée à ce fier rocher appelé Notre-Dame de Rochefort. De même que ce roc a résisté à toutes les tempêtes et que le mistral a essayé en vain de l'ébranler, parce que rien ne peut déraciner ce que Dieu a planté; de même ni les persécutions ni le mistral qui souffle au sein de toutes les sociétés, ne pourront ébranler le culte de Marie enraciné dans nos cœurs. »
Le salut terminé, l'officiant, Mgr Theuret entonne le Te Deum, dont le chant se poursuit pendant le défilé du cortège. Mais ce défilé ne finit plus. Nos Seigneurs les Évêques, Mgr le Cardinal, sont arrêtés par la foule qui ne peut se rassasier de leur témoigner sa piété filiale et sa reconnaissance. À la sortie, ce sont des vivats enthousiastes, éclatant sur la place, qui fait refluer jusque dans les rues voisines le trop-plein qu'elle ne peut contenir, et dans la cour d'honneur du Palais tout entière envahie.

Quel majestueux et saisissant spectacle ! Au-dessus de cette foule, toute frémissante de joie et de bonheur, apparaissent sur le balcon, avec leurs mitres et leurs crosses, Nos Seigneurs les Évêques ; derrière et les dominant, l'image de Léon XIII, chef suprême de l'Église. Mgr l'Évêque de Nîmes ne peut contenir l'émotion qui l'oppresse ; il prend la parole pour féliciter ses enfants de leur amour envers Marie, amour qui a inspiré ces élans de foi et ces manifestations si ardentes. Il annonce la dépêche qu'il a reçue de Léon XIII par l'intermédiaire du cardinal Rampolla, et qui est ainsi conçue :

Sa Sainteté a été heureuse d'agréer votre hommage filial renouvelé au nom des évêques et des nombreux fidèles réunis à Nîmes pour la célébration de vos fêtes. Elle envoie ci tous la Bénédiction Apostolique comme gage de sa paternelle bienveillance.

Alors, Nos Seigneurs les Évêques chantent ensemble les paroles de la bénédiction solennelle. Élevant leurs yeux et leurs mains vers le Ciel, ils appellent sur la foule prosternée et recueillie les bienfaits du Seigneur et la protection maternelle de Marie. C'est beau, majestueux, saisissant.

Le cri de : Vive Léon XIII ! jeté du haut du balcon par Mgr l'Évêque de Nîmes est répété avec enthousiasme par des milliers de bouches, et clôture dignement ces journées mémorables. Une seule fête, celle du Ciel, ne doit jamais finir.