NOTRE DAME DE ROCHEFORT
Restauration du sanctuaire
par Jacques Sicard et le frère Louis.


Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.





Catherine Sicard, âgée de sept mois seulement, tra­vaillée d'un tremblement de tête continuel est présentée à la Vierge en 1664. L'enfant fut instantanément et parfaitement guérie. Dans la salle des Ex-Voto on peut voir, un ancien tableau, peint à l'huile et bien conservé, où se trouve représenté l'accomplisse­ment du miracle.

x

L'antique église de Notre-Dame va sortir de ses rui­nes, un nouveau couvent sera construit auprès d'elle, le pèlerinage deviendra plus florissant que jamais. Et tout cela va s'accomplir de la manière la plus inat­tendue.

Un vœu a été fait par un habitant de Rochefort, nommé Jacques Sicard, notaire royal. Ce personnage avait promis d'aller en pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, en Italie ; mais il arriva, par un secret des­sein de Dieu, qu'il fut toujours empêché de faire ce voyage. La distance et surtout les incessantes occu­pations de sa charge le retenaient.

Sur ces entrefaites, en 1629, le pape Urbain VIII publia un jubilé extraordinaire afin d'obtenir la cessa­tion des maux qui affligeaient l'Église. Pour diverses causes, ce jubilé fut prorogé à trois reprises les années suivantes, et chaque fois le Souverain Pontife accorda aux confesseurs des pouvoirs très étendus.

Dans l'embarras où il était, Sicard se décida à con­sulter le directeur de sa conscience, sur ce qu'il avait à faire pour s'acquitter de ses engagements sacrés. Celui­-ci, usant de ses pouvoirs extraordinaires, le dispensa, ou plutôt commua son vœu en toute autre œuvre pie à sa volonté, avec la condition d'y consacrer l'argent qu'il eût dépensé pour faire le voyage de Lorette.

Quelle bonne œuvre choisira Sicard ? Il cherche, il prie, il réfléchit. Un jour enfin, en 1631, il jette comme par hasard les yeux sur la montagne et sur la chapelle de Sainte-Victoire. Soudain, une inspiration vient frapper son esprit, des réparations au sanctuaire sont résolues et exécutées bientôt après.

Il fait fermer les trous des murailles, poser une porte avec serrure, afin d'empêcher les bergers et leurs trou­peaux de pénétrer désormais dans cette enceinte.

Il est probable que Sicard voulut travailler unique­ment pour sainte Victoire, dont le nom seul était resté attaché à la chapelle. Il n'en devint pas moins le pre­mier instrument dont Dieu se servit pour relever le culte de sa Mère ; ces réparations sont peu importan­tes, mais elles sont un commencement, une pierre d'attente.

Maintenant, voici venir un pieux jeune homme sur ta sainte montagne. Il est suscité, lui aussi, par la divine Providence pour avancer grandement l'œuvre de la restauration, à peine commencée. Nous lui devons une large place dans notre récit ; car le bien immense opéré par son zèle et par ses exemples en fait un des personnages les plus intéressants de cette histoire.

Notre pieux jeune homme, natif d'Avignon, se nom­mait Jean-Baptiste Louis. Consacré dès son enfance à la Sainte Vierge, par ses bons parents, il l'avait prise lui-même, devenu grand, pour sa protectrice spéciale. Il fit, à l'âge de quinze ans, le pèlerinage de Lorette, et c'est là qu'il forma le dessein d'embrasser la vie so­litaire et religieuse. Il entra d'abord, comme simple serviteur, dans un monastère de Chartreux au diocèse de Modène. Plus tard, à l'âge de dix-neuf ans, il prit l'habit de novice lai, dans l'ordre de Saint-Dominique.

Mais une maladie très grave l'ayant alors réduit à l'ex­trémité, il fit vœu, s'il recouvrait la santé, de se faire ermite et d'élever, dans son ermitage, un autel à Marie sous le titre de Notre-Dame de Grâce.

Jean-Baptiste Louis revint donc à .Avignon, tout préoccupé de l'accomplissement de son vœu. Or, il ar­riva, au mois de juin de l'année 1633, . qu'il fit la ren­contre de deux jeunes étudiants, placés dans son voisi­nage, et avec lesquels il se lia d'une étroite amitié. C'étaient les fils du notaire Sicard de Rochefort. Un jour, comme il leur parlait de son dessein de vie reli­gieuse, ceux-ci lui dirent dans quel état leur père avait mis, depuis deux ans, la chapelle de Sainte-Victoire, le pressant en même temps d'aller la visiter et de s'y fixer. Louis céda aisément à ces instances. L'endroit lui pa­rrut très propre à l'exécution de ses projets et de ses engagements, et il se décida à venir habiter sur la mon­tagne.

En conséquence, le 13 du même mois de juin; il de­manda et reçut des mains du curé de Rochefort, avec autorisation de Torquatus, vicaire général d'Avignon, l'habit des ermites du Tiers-Ordre de Saint-François, et le 12 juillet il s'établissait sur le Mont sacré; avec le titre de Frère Ermite, que lui conféraient ses lettres d'approbation. Le saint jeune homme avait alors vingt-­trois ans.

La chapelle elle-même lui servit d'abord d'habita­tion, pour le jour et la nuit. Il en fit une maison de pé­nitence et de prière, car il y vivait austèrement et y priait sans cesse. Il se levait de grand matin, mendiait sa nourriture de porte en porte, et consacrait tous ses instants de loisirs à purifier le lieu saint de la grande quantité d'immondices qui le souillaient encore et à le parer de son mieux. Ainsi ce bon Frère commen­çait-il à accomplir le vœu qu'il avait fait en Italie.

Mais il avait promis aussi d'élever un autel en l'honneur de Marie, et c'est principalement ce qu'il avait à cœur de réaliser. Privé de toute ressource, il mettait toute sa confiance en la Sainte Vierge, et son attente ne fut pas trompée. Comme il achevait d'enlever les immondices, il découvrit entre les deux portes de la chapelle, un dépôt considérable de chaux fusée, ca­chée dans la terre. Cette chaux avait été déposée là, sans doute, par les Bénédictins, lorsqu'ils voulurent tenter quelques réparations, après les ravages des Pro­testants.

- « Voilà, se dit le bon ermite, un signe inattendu que Dieu et sa divine Mère sont favorables à mon en­treprise. » Transporté de joie, il courut annoncer à Sicard son heureuse trouvaille, le priant de l'aider à élever un autel à Marie. Sicard et tous les habitants de Rochefort se prêtèrent volontiers à ses désirs, et sans tarder on se mit à l'œuvre.

Frère Louis, disent nos Annales, fit pétrir sa chaux avec d'autres chaux et sable, dont les habitants lui firent l'aumône, et d'une grande pierre de taille qu'il obtint de la charité d'un habitant, il édifia un autel dans le chœur de l'église. Ensuite il fit aplanir le che­min qui conduisait à la chapelle, lequel était si rude auparavant qu'une bête aurait eu peine à y monter. En­fin, il répara une partie du toit entièrement ruiné de la chapelle.

Le nouvel autel fut élevé rapidement. On le mit à l'endroit même où se trouvait le piédestal de l'ancienne statue. C'est là aussi que se trouvent maintenant le maître-autel, le dôme et l'image miraculeuse de Notre ­Dame. Nos ancêtres tenaient scrupuleusement à con­server toujours le même emplacement.

La chapelle et le nouvel autel furent bénis solennel­lement, le 24 mars 1634. Marius Philonardi, archevê­que d'Avignon, autorisant cette bénédiction, accorda quarante jours d'indulgence à tous ceux qui, contrits et communiés, visiteraient dévotement ce sanctuaire le jour de l'Annonciation. Le lendemain, jour de cette fête, la messe fut célébrée et chantée avec pompe par le curé de Rochefort. La cérémonie ayant été annon­cée à l'avance dans les environs, une foule de personnes y accoururent, au point que l'étroite enceinte avait peine à contenir tous les assistants.

Ce jour fut une grande fête sur la montagne ; et dès lors la sainte chapelle, appelée communément autre­fois Sainte-Marie ou Sainte-Victoire, ne porta plus que le titre de Notre-Dame de Grâce, sous lequel elle fut dédiée de nouveau à la Sainte Vierge, conformé­ment au vœu fait par Jean-Baptiste Louis. Voilà pour­quoi la première messe, célébrée dans cette église après sa restauration, fut fixée au jour même où Marie a été saluée par l'ange pleine de grâce.

De son côté, l'auguste Reine du ciel choisit la même circonstance, pour montrer, dit son historien dom Mège, « qu'elle voulait faire en ce saint lieu une libé­rale effusion de ses plus précieuses faveurs, comme en ce jour elle avait été remplie de toutes les grâces, en concevant l'Auteur de tous les biens. » Elle ma­nifesta donc sa présence dans le sanctuaire, en y opé­rant un miracle sous les yeux de tous, pendant la pre­mière messe dite sur le nouvel autel.

Jacques Sicard, lieutenant de Rochefort, qui venait de réparer la chapelle; avait une petite fille nommée Catherine Sicard, âgée de sept mois seulement, tra­vaillée d'un tremblement de tête si violent et si con­tinuel, qu'il ne cessait jamais, en quelque état et quel­que posture qu'on mît cette petite, pas même durant le peu de sommeil que ce petit corps abattu pouvait prendre: Les parents désolés usèrent de tous les soins, de tous les remèdes, niais inutilement; il fallait un mi­racle.

On apporta la petite malade à la chapelle de Notre­ Dame de Grâce, le jour où l'on y célébra la première messe ; les parents offrirent une tête de cire, pour mar­quer, par leur présent, ce qu'ils demandaient par leur prière. L'enfant fut instantanément et parfaitement guérie. La chapelle était remplie d'un très grand nom­bre de personnes ; ce miracle eut autant de témoins, et fut divulgué par autant de bouches ; il se répandit, non seulement dans les lieux circonvoisins, mais en­core dans toutes les provinces du royaume.

Les parents de l'enfant, ravis et reconnaissants d'un si grand bienfait, en voulurent conserver la mémoire à la postérité, et firent en sorte qu'on en fît une en­quête juridique à la requête du procureur fiscal, de­vant M. Espessel, prêtre, chanoine de Roquemaure, et official forain de l'archevêché d'Avignon. Le père et la mère de la malade guérie, avec un grand nombre de témoins dignes de foi, ont signé cette enquête, qui est datée du onzième juillet de l'année 1635.

Parmi les ex-voto qui décorent la chapelle, on voit encore aujourd'hui l'ancien tableau, peint à l'huile et bien conservé, où se trouve représenté l'accomplisse­ment du miracle. En l'opérant, la Sainte Vierge se montrait reconnaissante envers la famille Sicard, et voulait aussi récompenser la foi vive et le zèle ardent du Frère Louis ; car, c'est sur les instances du pieux ermite que la mère Sicard se détermina à porter ce jour-­là sa fille à Notre-Dame.

Quinze jours après ce premier miracle, un autre, non moins frappant, s'opérait dans notre chapelle : la guérison d'un aveugle.

Il s'appelait Pierre Guigue, était natif de Domazan et habitait la ville d'Aramon. Il était âgé d'environ cinquante ans, et avait entièrement perdu la vue de­puis trois ans. Tous les remèdes humains avaient été inutiles, et les plus habiles jugeaient le mal sans es­poir. Dieu lui inspira de se faire conduire à la chapelle de Rochefort, c'était le 9 avril 1634: Dès qu'il entra dans le saint lieu, ses yeux s'ouvrirent ; il aperçut sur l'autel de la Vierge les cierges allumés, et recouvra par­faitement la vue, en sorte qu'il s'en revint lui-même à Aramon, sans avoir besoin d'aucun guide. Telles étaient sa joie et sa reconnaissance qu'il ne pouvait se taire, ni se lasser de raconter à tout le monde la grâce qu'il avait reçue de la très Sainte Vierge.

Le miracle est attesté par une procédure juridique, faite par les officiers ordinaires de la ville et baronnie d'Aramon, signée par le curé, par le premier consul, par plusieurs autres personnes notables, et par M. Alboyn, docteur en médecine, « qu'on ne doit pas accu­ser d'être trop facile à croire les miracles ; car ce n'est pas le péché de messieurs de cette profession. »

-oOo-



NOTA GM : Famille Sicard de Rochefort


1631 -Suite à un vœu Jacques Sicard, notaire royal à Rochefort, décide, en 1631,  d'engager d'importantes réparations  au sanctuaire de Notre Dame.

1664
- Plus tard son fils Jacques Sicard, lieutenant de Rochefort, finira de réparer la chapelle ; c'est sa petite fille nommée Catherine Sicard qui sera miraculée.

1742
- Dans le Compoix Terrier de 1742, apparait, un descendant appelé aussi Jacques Sicard, viguier de Rochefort. Il possède une maison et cour à la place St jean (place du comte Raymond VI) ainsi qu'une autre maison à la montée du Fort, (rue de la Campanille).

NOTA : En 1742, c'est Pierre Palejay, qui est notaire. Il possède lui aussi une maison place St Jean à droite du Presbytère. Ne pas confondre avec le Pierre Palejay bourgeois, qui construira la chapelle St joseph (Mairie), ce dernier avait une propriété située à l'angle de la rue du grand pont et de la rue du Marché. (maison Dubois)


1799
- A la fin de la Révolution, la chapelle et le couvent de Notre Dame, venait de rentrer dans le domaine de l'État. Un prêtre, an­cien jésuite, arrivé récemment de l'exil, demanda et obtint à titre de Fermier de la régie des biens nationaux, l'administration du monastère et de l'église de Notre­-Dame. Il se nommait Sicard, et descendait de cette ancienne famille de Rochefort. L'abbé Sicard entra en fonctions pendant l'année 1799. Il administra la chapelle jus­qu'à sa mort, arrivée le 10 janvier 1808, et il s'en ac­quitta d'une manière digne du nom qu'il portait, et des religieux ancêtres dont il s'honorait de continuer l'œuvre sainte.

-oOo-

> Version imprimable PDF


> Contact Webmaster