Origine du Sanctuaire de Notre-Dame 
de Rochefort (Gard), en 798.


Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910


Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


Notre pieux sanctuaire compte plus de onze cents ans d'existence. Son origine se rattache au souvenir des grandes victoires remportées par Charles Martel, et aussi selon plusieurs historiens par Charlemagne, sur les invasions musulmanes dans le sud-est de la France.

Les Maures d'Espagne, honteux et irrités de la san­glante défaite que Charles Martel leur avait infligée à Poitiers en 732, résolurent de s'en venger en envahissant la France par un autre chemin. En l'année 737, ils pénétrèrent par la vallée du Rhône, et s'avancèrent assez haut sur les rives de notre grand fleuve.

A cette nouvelle, Charles Martel, à la tête de ses va­leureux Francs, accourt à leur rencontre. Il les sur­prend près de Lyon, les oblige à se replier précipitam­ment jusqu'auprès de la ville d'Avignon, où ils essaient vainement de se fortifier. Après quelques jours d'un siège opiniâtre, Charles Martel s'empare de cette ville et fait passer au fil de l'épée tous les Sarrasins qui s'y trouvaient renfermés. Et puis il se met à la pour­suite des vaincus, qui s'étaient hâtés de repasser le fleuve et fuyaient à travers les collines boisées de la Septimanie. Il les atteint sur les coteaux de Rochefort et de Saze, leur inflige des pertes cruelles, et continue à les poursuivre avec la rapidité de la foudre au-delà du Gardon, de Nimes et jusqu'au-delà de Narbonne.

Cette délivrance de la Provence et de la Septimanie par Charles Martel remonte à l'année 737. Selon cer­tains auteurs, les Sarrasins ne se relevèrent jamais des défaites multipliées qu'ils subirent à cette époque. Ils auraient bien essayé de débarquer sur les côtes de la Méditerranée, et de faire encore quelques incursions dans la Septimanie, mais sans y pénétrer bien avant. En tout cas, les plaines de Rochefort, d'Orange et la vallée du Rhône ne les auraient jamais revus. Et quand soixante ans plus tard, Charlemagne, petit-fils du vainqueur de l'islamisme, fit élever plusieurs chapelles, entre autres celle de Notre-Dame de Rochefort, il l'au­rait fait pour perpétuer le souvenir, non de ses propres victoires, mais seulement des victoires de son aïeul Charles Martel.

Selon d'autres documents, de nouveaux combats furent livrés en notre région du temps de Charlema­gne, par lui-même et son lieutenant le duc Guillaume.

Les Maures, y est-il raconté, firent une nouvelle irruption dans le pays, et s'avancèrent jusqu'à Arles, et même à Orange dont ils s'emparèrent. Le soin de les repousser fut confié par Charlemagne à l'illustre Guil­laume ou Guilhem, duc d'Aquitaine et comte de Tou­louse, qui marcha contre ces terribles ennemis du nom chrétien, les défit en plusieurs rencontres et en délivra la contrée. Dans cette circonstance encore les Francs gagnèrent une grande bataille sur les collines et dans les environs de Rochefort.

Plusieurs auteurs disent que Charlemagne dirigea en personne cette expédition et qu'à Rochefort, où il avait triomphé, il fit élever une église qu'il dédia à la Sainte Vierge et à sainte Victoire vierge et martyre, pour laquelle il avait une grande dévotion. (voir en bas de page un lien, sur l'historique des invasions Sarrasines)


Ancienne chapelle dédiée à Charlemagne
Cette chapelle a été supprimée, comme bien d'autres objets de mémoire.
Ils ne correspondaient plus à la nouvelle liturgie voulue par sa sainteté Pie XII.

Tous attribuent à Charlemagne la fondation de cette église en 798. Mais il paraît également certain qu'il fut secondé par le duc Guillaume, son parent et son ami intime, qu'il avait fait prince d'Orange. Et ainsi les premières pierres de Notre-Dame de Rochefort furent posées conjointement par un grand monarque et par un grand saint.

Car le duc Guillaume, intrépide guerrier, est honoré comme saint par l'Eglise. Fils du comte Théodore et de la noble Aldana, qui était, dit-on, la propre fille de Charles Martel, il touchait de très près à la tige même des rois carlovingiens. Il avait grandi à la cour, où il avait été l'ami d'enfance et de jeux de Charle­magne. Après avoir pacifié l'Aquitaine, il s'occupait, à relever les autels, à fonder ou à rebâtir les monastères, ;a les doter richement ; et il le faisait, disait-il, en l'hon­neur et au nonz de son seigneur et maître Charles. Pen­dant son séjour à Orange, il fonda le prieuré de Gou­dargues, et un peu plus tard l'abbaye de Gellone, où dans les exercices austères du cloître il vint terminer la vie sainte qui l'a fait placer sur les autels.

La chapelle de Rochefort, consacrée à Dieu dès l'ori­gine sous la double invocation de la Sainte Vierge et de sainte Victoire, a toujours porté ces deux titres dans la suite des âges,bien que dans certains actes an­ciens il n'en soit fait mention que sous le nom de Sainte­Victoire (1).

Le sanctuaire de Rochefort s'élève près du village de ce nom, aux confins du Languedoc, du Comtat et de la Provence, entre Avignon, Nimes, Orange et Uzès. Non loin de la première de ces villes, à l'ouest de la vaste plaine de Pujaut, se dresse une masse de rochers nus et presque à pic de plusieurs côtés. C'est au som­met de la montagne, sur le plateau assez restreint qui la couronne, que s'élève l'édifice sacré. Cette montagne a la forme d'un cône tronqué, mesurant quinze cents mètres environ de circuit, et quatre-vingt-dix d'éléva­tion. Isolée entièrement de tout ce qui l'environne, elle semble préparée à dessein pour servir de trône à l'auguste Reine du ciel et de la terre.

Primitivement la chapelle n'avait que cinquante ­quatre palmes de longueur et vingt-sept de largeur, c'est-à-dire douze mètres sur six. Bien bâtie, et par­faitement orientée, suivant l'usage du temps, elle por­tait dans sa construction tous les caractères de l'ar­chitecture romane ou carlovingienne, usitée à cette époque. La voûte en berceau s'appuyait de chaque côté sur deux arceaux et trois contreforts en pierres de taille. Ces arceaux pouvaient aisément s'ouvrir, de manière à laisser construire une chapelle à droite et à gauche du sanctuaire. La nef se terminait par une abside demi-circulaire.

Derrière le maître-autel, là même où s'élève aujour­d'hui le dôme de Notre-Dame, une grande statue en bois, représentant la Sainte Vierge avec l'Enfant Jé­sus entre ses bras, reposait sur une colonne de pierre. A droite du cheeur, du côté du nord, on voyait un ora­toire construit en l'honneur de sainte Victoire, avec un autel à l'orient, et une voûte faite en forme de dôme. Cet oratoire, couvert de larges dalles, était carré et n'avait dans l'oeuvre que dix-huit palmes.

Enfin notre chapelle avait deux portes d'entrée, la principale sur la façade à l'ouest, en face du choeur ; et une autre latérale sous le dernier arceau, du côté du midi. Celle-ci communiquait probablement avec le prieuré, ou le monastère, que nous verrons bientôt adjacent à l'église.

L'antique sanctuaire conserva cette forme et ces di­mensions jusqu'au XVIIe siècle, époque de sa reconstruc­tion.

(1) Du double titre de la chapelle, observe une histoire ma­nuscrite, quelques-uns avaient inféré qu'elle pouvait bien avoir été bâtie en l'honneur de Notre-Dame de la Victoire, d'où par abré­viation en en serait venu à dire Sainte-Victoire. Mais l'auteur re­jette ce sentiment.

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Historique des invasions Sarrasines par Dom Vaissette "Histoire de Languedoc"

> Invasion des Sarrasins en Europe de 711 à 801




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