Louis Laurent curé à Notre Dame
et prêtre de la paroisse de Rochefort (Gard)


Rochefort, estampe milieu XIXe
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Louis Laurent naquit le 14 Juillet 1757 d'une famille chrétienne habitant la commune de Rochefort, département du Gard, la vocation du jeune Louis pour l'état ecclésiastique se manifestât dès la plus tendre enfance, des dispositions si précoces, une rare modestie, une humilité profonde et une grande piété, furent le plus heureux prélude d'une bonne vocation. Son père, chrétien zélé, mit à profit les dispositions de son fils fut placé chez un Curé de village pour apprendre les premiers rudiments de la langue latine, de là, il entra au Séminaire Saint Charles d'Avignon qui était dirigé par Mr Roux, Successeur de Mr Bravart, homme éminents en mérite et en savoir, le jeune Laurent fit des progrès dans la vertu et les sciences nécessaires aux élèves du Sanctuaire.

A 22 ans, il eut fini ses études, il remplit alors le pos­te d'académicien en philosophie. Sous Mr Amblard, il était Sous-Diacre il fut ordonné prêtre le 22 Décembre 1781.

Placé en qualité de Vicaire à Saint Laurent des Arbres, il éprouva quelques difficultés pour jouir de son logement, sous un curé qui était âgé, il avait presque seul le soin de la paroisse, aussi Saint Laurent, conserve pour sa mémoire un religieux souvenir. Le Curé étant mort à l'époque de la Révolution, il eut pour Curé constitutionnel, un nommé Allier, qui, malgré la diversité de sentiments avec Mr Laurent le laissait agir en toute liberté sans se mêler de lui, cela dura jusqu'au 19 Décembre 1791, où Allier emporta la clef de la sacristie, cependant Mr Laurent trouva moyen de continuer de dire la messe et d'administrer les sacrements jusqu'au 11 Janvier 1792, alors il lui fut signifié de par le Directoire de cesser toutes fonctions sous peine de poursuites. Il se retira à Rochefort, chez son Père. Ayant refusé le serment il s'exila ; iI partit pour Aiguesmortes le 13 Septem­bre 1792 et dans la nuit du 17 au 18 septembre, au nombre de 150 prêtres, (parmis lesquels Mr Odoyer de Tavel) ils firent voile pour Nice, arrivés en pleine mer, ils furent attaqués par une bande de voleurs qui leur pillèrent tout ce qu'ils avaient. Cependant ils voulurent laisser aux marins de l'équipage toutes les espèces en argent environ dix mille francs que les marins ne voulurent pas avoir l'air d'accepter. Quand les voleurs durent partie ils rendirent cette somme à ses maîtres véritables, en leur disant on a laissé cela, mais vous pouvez le prendre il est à vous, et les prêtres se partagèrent et eurent environ 66 Francs chacun pour faire un voyage de cinq ans.

Ils abordèrent à Nice le 27 ou 28 Septembre, ils furent reçus au débarquement par Mr Roux le même dont nous avoue parlé plus haut qui était alors Vicaire et officier général du Diocèse d'Avignon, il était déjà instruit de leur mésaventure, aussi en les voyant il ne put retenir ses larmes. Il eut voulu s'il eut été possible porter seul tout le poids de tant d'infortunes, aussi il employa tout ce qu'il avait de crédit à Nice pour tâcher d'adoucir le sort de ces pauvres exilés. Ensuite on leur délivra des papiers pour partir bientôt car ils n'étaient pas en sureté à Nice.

Ils partirent donc à pied pour Turin, capitale du Piémont. Durant ce trajet ils essuyèrent avanies. Il leur arrive quelques fois à cause de la proximité des armées françaises d'être pris pour des espions et chassés comme tels. Une fois à minuit au gros de la pluie il fallut déloger d'un grenier à foin où ils étaient couchés sur des fagots de plantes de maïs, et partir sans façon pour un autre endroit. Ils arrivèrent à Turin le 7 Octobre 1792, le cardinal Costa, archevêque, leur délivra un passeport gratis et ensuite ils se dirigèrent du côté de Rome à petites journées. Avant d'ar­river à Alexandria, passant contre un bourg à tombée de la nuit ils furent encore pris pour des espions de la part des soldats qui gardaient l'entrée de la ville, ils furent ame­nés devant le gouverneur, qui réprimanda les soldats, et leur ordonna de remettre les voyageurs au chemin. Quand tout cela fut passé la nuit sombre fut arrivée et une grosse pluie. Malgré cela, nos infortunés voyageurs effrayés de l'aventure, n'osèrent souper, encore moins coucher en ce lieu, et continuèrent ainsi leur route. Après ils eurent plus de calme ils purent offrir le St Sacrifice dans les en­droits ou ils passaient. Poursuivant ainsi d'un village à l'autre ils arrivèrent à Rome dans le mois de Janvier 1794.

Ils eurent une audience du St Père Pie VI le 22 du même mois qui leur accorda à chacun un autel privilégié pour les morts et le pouvoir d'appliquer les indulgences. Le St Père fit plus, il mit un terme à leur voyage permanent. Il les plaça dans des couvents. Mr Laurent et plusieurs autres furent placés dans le couvent des Capucins d'Orvietto (couvent des capucins de St. Crispin à Orvieto), où ils demeurèrent l'espace de trois ans, les fatigues, les privations de tout genre qu'ils avaient enduré portèrent leurs fruits. Plusieurs prêtres exilés furent malades, Mr Laurent, fut du nombre, quelques un en moururent. On désespéra de Mr Laurent, cependant il se rétablit, pour être destiné à venir prêcher de nouveau à son ingrate patrie une religion pour laquelle ils avaient souffert tant de maux.

Enfin arrivés en 1797, les flots soulevés par la tempête révolutionnaire s'étant un peu apaisés ils ,jugèrent nécessaire de revenir en France. Ils prirent leurs passeports à Rome le 1er Juin 1797. Traversant la Toscane et vinrent s'embarquer à Livourne, sur un vaisseau grec, qui les transporta à Marseille ; ils arrivèrent avec les marchands de la foire de Beaucaire. Le 22 Juillet 1797 Mr Laurent se fixa chez sa mère qui était devenue veuve et il exerça le Ministère avec succès. Il y eut une recrudescence de persécution. et il fut obligé de se cacher de nouveau. Le calme fut enfin rétabli lorsque la France commen­ça de subir l'impulsion de ce héros qui devait plus tard présider à ses destinées. Mr Roux dont nous avons parlé fut nommé Administrateur du diocèse d'Avignon. Mr Laurent qui l'avait toujours eu pour guide et pour conseil continua ses bons rapports d'intelligence avec cet homme de talent et de mérite ce qui lui fut d'une grande utilité dans ces temps difficiles où la tourmente révolutionnaire avait empreint les traces de tant de désordres. Il fallut succéder à Rochefort à un apos­tat curé non intrus qui fit le serment et se maria. Par le Concordat le diocèse d'Avignon étant rétabli Mgr Perrier fut nommé à ce siège, et nomma Mr Laurent curé de Rochefort, le 17 Septembre 1803.

(Quoique Mgr Perrier eut été prêtre constitutionnel et ne fut par conséquent pas du même bord avec Mr Laurent, il eut toujours beaucoup d'égards pour son mérite et sa piété, malgré une altercation qu'ils avaient eu ensembles où Mr Laurent lui reprocha en face ses torts, en prêtant serment à la constitution civile du clergé, Mgr Perrier ne se défendit qu'en éludant la question, et n'a jamais cherché à s'en venger, au contraire)

Mr l'abbé Sicard chapelain du couvent des Bénédictins (1799-1808) appelé Notre Dame de Grâce situé dans le territoire de Rochefort, où il règne un nombreux concours de pèlerins chaque année, étant mort en 1806 (1808), Mgr Perrier en nomma Mr Laurent pour y succéder (1808-1827, ensuite 1833-1836). Les bâtiments tombaient en ruines, comme il portait beaucoup d'intérêt à ce monument de son pays natal, qui avait vu naître ses premiers élans de vocation au sacerdoce, et qui offre quelques intérêts sous le rapport historique ayant été commencé par Charles Martel en mémoire d'une bataille qu'il remporta sur les Sarrasins sur la plaine de Signargues (1) il donna à cette chapelle le nom de Ste Victoire, cette partie est bien conservée. Mr Laurent fit tant par une sage économie et une bonne des faibles ressources de cette chapelle étant secondé en cela par des personnes aisées, que dans peu de temps le monument fut dans un état complet de réparations, et dans vingt ans qu'il a gouverné cette église, le couvent a été capable de recevoir des religieux du Tiers Ordre de la Trappe qui y sont demeurés jusqu'en 1833. (1827-1833)

Ayant atteint l'âge de 80 ans (1836) il fut bien aise d'être déchargé du soin de la paroisse de Rochefort on lui donna un successeur, et il se retira dans sa maison paternelle. Dès lors il ne pense plus qu'à se préparer au terrible passage de ce monde à l'éternité. La prière, la méditation, les lectures de piété, la visite des malades, des pauvres qui trouvaient en lui une providence, la célébration journalière du St sacrifice, qu'il appliquait tantôt pour obtenir le soulagement d'un malade, tantôt pour un confrère qui l'avait devancé dans la tombe, un ami ou un parent. Le 4 avril 1843, il fut atteint d'une paralysie dans les jambes. Ne pouvant se transporter à l'église, il priait continuellement. Durant ce temps il reçut la visite de beaucoup de ses paroissiens. Enfin la maladie empira subitement et le lendemain 12 Mai 1843, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur, âgé de 85 ans 10 mois. (14 juillet 1757-12 mai 1843)

Sa mort fut un deuil général, chacun voulut verser une larme sur sa tombe, aussi malgré l'urgence des travaux de la campagne chacun s'abstint de travailler. Ce fut un véritable jour de fête religieuse dont le concours était accru par l'affluence des habitants des villages voisins.

(1) D'après une ancienne tradition qui attribue le commencement de cette chapelle sous le vocable de Ste Victoire à Charles Martel qui l'avait fait élever en souvenir.

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Texte issu d'archives familiales, origine Bernard Ponge.
Vérifié, enrichi et corrigé, grâce à des documents d'archives municipales
et diverses publications du sanctuaire de ND

NOTA : Les modifications et ajouts du texte original sont en italique

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> Liste des Curés de la paroisse de Rochefort de 1802 à 1969.

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