Les Fêtes jubilaires
à Notre-Dame de Rochefort en 1898.

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard
depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910


Cloture des solennités Jubilaires, le dimanche 16 octobre 1898.

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean Baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux, écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable. GM


La montagne de Rochefort ne pouvait rivaliser avec la ville de Nîmes pour la pompe et la splendeur des so­lennités ; mais là, sur le saint rocher, les fêtes jubilaires, au lieu de durer trois jours, durèrent six mois entiers.

Le Bref du 5 février, nous l'avons dit, accordait l'in­dulgence plénière en forme de jubilé à tous les pèlerins de Notre-Dame, depuis le 1er mai jusqu'au 30 septem­bre ; le Bref suivant, sollicité comme le premier par Mgr Béguinot, prolongea la même faveur jusqu'à la fin du mois d'octobre.

LÉON XIII PAPE

À tous les fidèles de Jésus-Christ qui liront les présentes lettres Salut et bénédiction apostolique.

Par des lettres semblables données par Nous le 5 février de l'année courante, agréant les prières de Notre Vénérable Frère Félix-Augustin, évêque de Nîmes, à l'occasion du XIe centenaire de la fondation du sanctuaire de la B. Vierge Marie de Rochefort, dans ce même diocèse de Nîmes, Nous avons accordé l'indulgence plénière à tous les fidèles qui visiteraient pieusement ce sanctuaire, un jour à leur choix, depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre inclusi­vement ; mais aujourd'hui, ainsi que l'Évêque lui-même a eu soin dé nous l'exposer, le concours du peuple chrétien au susdit sanctuaire devenant de jour en jour plus considé­rable, ce même vénérable Frère nous a adressé d'instantes prières, pour que notre bonté consentît à étendre le temps marqué jusqu'à une autre limite. Condescendant à ces désirs et appuyé sur la miséricorde dé Dieu et sur l'autorité de ses bienheureux Apôtres Pierre et Paul, Nous accordons à tous et à chacun des fidèles de l'un et de l'autre sexe, qui visiteront comme plus haut, le sanctuaire de Ro­chefort un jour à leur choix dans le prochain mois d'octo­bre, dé pouvoir gagner l'indulgence plénière dont nous avons parlé, pourvu qu'ils remplissent exactement dans le Seigneur les autres oeuvres de piété imposées.
Nonobstant tout ce qui pourrait être contraire à ces.Let­tres, ces présentes lettres valables seulement pour cette année.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur le X Septembre MDCCCXCVIII, de Notre Pontificat la vingt-unième.

Pour le cardinal Macchi
Nicolas MARINI, subs.

Durant ces six mois, Notre-Dame reçoit tous les jours des pèlerinages, et les fêtes succèdent aux fêtes. Impossible de les décrire toutes ; signalons seulement quelques-unes des principales.

INAUGURATION DES SOLENNITÉS, LE DIMANCHE, 1er MAI.
- Cette inauguration des solennités jubilaires, présidée par Mgr Béguinot, fut magnifique. Journée printanière, radieuse et embaumée ; affluence nom­breuse et recueillie ; brillante ornementation de la cha­pelle ; gracieuses banderoles aux couleurs de Marie, doucement balancées au souffle dé la brise; à l'extré­mité des grands mâts qui couronnent la sainte Mon­tagne, rien n'a manqué à l'éclat extérieur de la fête. Mais ce qui en fit surtout la beauté, c'est le nombre des fidèles qui se pressaient autour des confessionnaux et de la Table sainte; avides de gagner l'indulgence du jubilé.

Le petit Séminaire de Beaucaire était accouru dès la première heure. De tout temps, depuis sa fondation jus­qu'à sa fermeture par la violence des sectaires, cet éta­blissement s'est fait gloire d'honorer Notre-Dame de Rochefort d'un culte particulier. Chaque année, le dernier jour d'avril, une délégation d'élèves venait` sa­luer la Madone, et le retour impatiemment attendu de ces délégués ouvrait, pour le Séminaire de Beaucaire, les exercices du mois de Marie. Ces jeunes gens étaient donc bien à leur place, à l'ouverture des fêtes jubi­laires.

La paroisse de Pujaut fut admirable par le grand nombre, de ses pèlerins, la douceur et la perfection de ses chants. La paroisse de Rochefort vint le soir clô­turer la journée par son pèlerinage annuel.

Monseigneur voulut prendre la parole à deux re­prises dans la chapelle, et son coeur ému s'éleva sans effort aux plus beaux accents de l'éloquence, en célé­brant les gloires, les prérogatives, les ineffables ten­dresses de l'Auguste Mère de Dieu. Pendant tout son séjour sur la sainte Montagne, notre Évêque sut trou­ver les à-propos les plus gracieux, les mots les plus ai­mables à l'égard de tous ceux qui eurent l'honneur de l'approcher.

Sa Grandeur était accompagnée par Mgr Cham­bourdon, protonotaire apostolique, qui déposa sur l'autel de Notre-Dame, par l'intermédiaire de Mgr l'E­vêque, un don très précieux, savoir : un beau calice, avec burettes et plateau ; le tout en vermeil, relevé de riches émaux et délicates ciselures.

FÊTES DE L'ASCENSION ET DE LA PENTECÔTE, 19 ET 29 MAI.
- La glorieuse fête de l'Ascension devait d'au­tant plus briller d'un doux éclat dans le cycle de nos fêtes jubilaires que l'aspect général de notre sainte Montagne, les grâces qu'on y reçoit, les pensées dont on s'y sent pénétré, sont en plus parfaite harmonie avec le mystère qu'elle nous rappelle. Ici, en effet, tout nous parle du Ciel, tout nous y attire, et le monde y paraît si éloigné qu'il semble qu'il n'y ait plus qu'un pas à faire pour arriver au séjour de la gloire et de la paix.

La veille de ce grand jour, Mgr de Villeperdrix, vi­caire général, arrivait de Remoulins, à pied, en vrai pè­lerin de Notre-Dame. Il présidait les offices de la fête avec cette piété modeste et recueillie que tout le monde lui ,connaît, et le soir, même il voulut absolument re­prendre son.bâton de pèlerinage et franchir encore à pied les douze kilomètres qui nous séparent d'Avignon. La messe et les vêpres avaient été chantées par la cho­rale de Tavel.

Dans la soirée du samedi avant la Pentecôte, Dom Benoît, abbé de la Trappe de Notre-Dame des Neiges, montait au sanctuaire, et, le lendemain célébrait pon­tificalement les offices de la fête. La paroisse de Ro­chefort était là, se faisant une gloire de solenniser avec éclat le Jubilé de l'Auguste Vierge qui la protège depuis onze siècles. Le prédicateur montra la nécessité, plus urgente que jamais dans notre temps, de recevoir le souffle du Saint-Esprit et de correspondre à ce feu divin qui enflamme les bonnes volontés; il rappela que la pa­roisse de Rochefort obtint la première un miracle de Notre-Dame de Grâce.

FÉTE-DIEU, JEUDI 9 JUIN.
- C'est le jour que le Grand Séminaire de Nîmes avait choisi pour accom­plir son pieux pèlerinage. Dès la veille, le vénéré Su­périeur était arrivé à Notre-Dame, ainsi qu'un cer­tain nombre de pèlerins venus de divers côtés. Le len­demain, dès l'aurore, l'affluence a commencé à être très considérable, et elle n'a cessé de s'accroître d'heure en heure jusqu'au milieu du jour. Le grand Séminaire est arrivé à 8 heures au chant des litanies.

À 9 h. 1/2, la grand-messe a été chantée par les sé­minaristes ; la chapelle regorgeait de monde et présen­tait un spectacle magnifique. Le chœur tout entier et une bonne partie de la nef principale étaient occupés par les séminaristes et plus de trente prêtres, venus de tous les pays voisins. Ce n'était pas seulement la fête de l'Eucharistie, c'était la fête du sacerdoce ca­tholique dans la maison de Marie.

Aussitôt après l'office du matin, la procession se dé­roule sur le sommet de la sainte Montagne ; l'aspect du brillant cortège était des plus imposants.

Le clergé a paru non seulement satisfait, mais encore pénétré d'une douce et mystérieuse émotion, en cette Tête du Saint-Sacrement célébrée sur la montagne de Rochefort. C'est que le prêtre n'est nulle part mieux à sa place que dans la maison de Marie, au pied des au­tels et près du coeur de la Bonne Mère.

Mgr SUEUR A NOTRE-DAME.
- Le 19 juin fut en­core une grande journée pour notre beau sanctuaire. Mgr, l'Archevêque d'Avignon ne pouvait oublier que, pendant de longs siècles, la chapelle de Notre-Dame de Rochefort avait été sous la juridiction spirituelle de ses illustres prédécesseurs. Aussi c'est avec une joie profonde qu'on vit ce digne prélat venir s'associer aux fêtes jubilaires.

De nombreux pèlerins, notamment ceux de Man­duel, l'avaient précédé dès la veille. La soirée avait été pleine de recueillement et de piété. Une brillante pro­cession aux flambeaux avait été suivie des exercices nocturnes qu'on a coutume de faire durant la nuit qui précède les grands concours.

Le lendemain matin, la paroisse de Redessan arrivait très nombreuse, avec sa magnifique chorale ; puis la grande Confrérie des Pénitents Gris d'Avignon; dont tous les membres sont revêtus du froc de la pé­nitence.

Un peu avant dix heures, Mgr l'Archevêque fait son entrée, et aussitôt la grand'messe commence, célébrée par le Supérieur des Chapelains et chantée par la cho­rale de Redessan.

À l'Évangile, Mgr Sueur prend la parole. Que som­mes-nous venus faire ici ? Nous sommes venus rendre un solennel témoignage de notre foi en la bonté de Marie, en sa puissance, en sa prédilection marquée pour le sanctuaire de Rochefort. Nous sommes venus, de plus, lui donner un gage de notre reconnaissance et de notre amour, et recevoir enfin ses maternelles le­çons.

FÊTE DE L'ASSOMPTION.
- Mgr Hazera, évêque de Digne, est arrivé depuis deux jours ; ce n'est pas trop, au gré de sa piété, pour se préparer à célébrer comme, il convient une si grande solennité.

Dès le 14, il a voulu assister pontificalement à la grand'messe, chantée par la belle chorale de Saint-­Victor-la-Coste. À l'Évangile, il adressait à cette paroisse des paroles où vibrait un vrai coeur de pasteur et de père; aussi ont-elles produit une très profonde impression.

Dès les premières heures de l'après-midi, la montagne commence à être sillonnée, dans tous les sens, par une multitude de pèlerins ; la chapelle à peine désemplie se remplit encore, les confessionnaux sont assiégés.

Le soir, la procession aux flambeaux se déroule au chant des pieux cantiques; Mgr Hazera préside à tout avec autant de bonté que de piété. La nuit entière se' passe dans les exercices de la dévotion ; on se confesse, on se prépare à la sainte communion.

La voici enfin, cette belle journée de l'Assomption ! Le ciel et la terre semblent s'unir pour célébrer le triom­phe de Marie.

Mgr l'Évêque de Digne a bien voulu se réserver pour la messe pontificale de 10 heures. C'est la pa­roisse de Théziers, arrivée dès le grand matin, qui se charge des chants. De même aux Vêpres, tous les hon­neurs sont pour Théziers : M. le Curé officie en pré­sence de Mgr l'Évêque de Digne; puis il présente au Pontife une belle bannière, hommage filial et reconnais­sant de sa paroisse à Notre-Dame de Rochefort, afin qu'il daigne la bénir. L'évêque répond avec une sim­plicité gracieuse, pleine d'onction et de piété : Il ac­cepte, dit-il, l'honneur qui lui est fait, il n'oubliera ni la paroisse de Théziers, ni les belles manifestations religieuses, dont il a été témoin dans le vénéré sanc­tuaire.

Les pèlerins de Théziers descendaient à peine de la montagne, que la paroisse de Rochefort y montait. Il faut encore que Mgr Hazera se présente à ces pieux fidèles, avides de le voir et de l'entendre. Le prélat est infatigable ; il se prête à tout avec la meilleure grâce du monde, et ü trouve toujours dans son coeur de père des paroles tendres et douces, qui charment le coeur de ceux qui les entendent et y ravivent la con­fiance et la dévotion envers Marie.

FÉTE DU CŒUR TRÈS PUR DE MARIE, 28 ET 29 AOUT
- Ce fut l'une des plus belles manifestations qu'on puisse imaginer. Dès le samedi matin toute la popula­tion de Fournès gravissait la colline ; nous disons toute la population, car on assurait qu'il n'était pas resté plus de cinquante personnes dans le village; c'était donc une véritable émigration vers Notre-Dame.

Et ce n'est là qu'un commencement ; car déjà au loin ce n'est plus une paroisse qui s'achemine vers Notre-Dame, mais quinze ou vingt paroisses réunies ; toutes les régions des vallées de la Cèze et de la Tave, sous l'initiative de leurs curés, se sont ébranlées. De tous côtés des centaines de pèlerins avancent, tous les chemins retentissent de pieux cantiques. Bientôt, sur la sainte Montagne, tout est dans l'agitation; tout se mêle, tout se confond. C'est la foule en un mot, grossissant d'heure en heure, qui vient envahir, comme les flots d'un fleuve débordé, notre paisible sanctuaire ; foule pieuse qu'un `souffle divin anime et dont l'amour de Marie fait battre le cœur.

Le soir, la procession aux flambeaux ne pouvant se faire au-dehors à cause de notre impétueux mistral, on se dédommage en parcourant au chant des cantiques les corridors du monastère, tout étonnés de voir pour la première fois leur tranquillité ordinaire interrompue par un tel spectacle. Après la Bénédiction du Très Saint Sacrement, les confessions commencent pour se prolonger bien avant dans la nuit.

Les messes de communions commencent avant l'au­rore, et se poursuivent sans interruption dans la ma­tinée.

Mais déjà aux pèlerins de la veille sont vénus se joindre ceux du jour : les paroisses de Saint-Étienne­ d'Uzès; de Saint-Symphorien-d'Avignon, de Mont­favet, de Piolenc. La fêté bat alors son plein: corridors, places, avenues, parloir, pas-perdus, sacristie, tout est envahi. Plusieurs grand'messes sont célébrées ; mais il convient de signaler celle de 10 heures, chantée par les chorales réunies de Saint-Étienne d'Uzès et de Vallabrègues, qui ont brillamment interprété la messe de Mozart.

Plusieurs orateurs se sont fait entendre ; et l'un d'eux exprimait la pensée générale en commençant ainsi son discours : Toute parole est superflue, les faits parlent assez haut.

NATIVITÉ DE LA SAINTE VIERGE.
- Ce qui se passait à. Rochefort depuis plusieurs semaines était extraor­dinaire, et les manifestations de Lourdes ; sont seules capables d'en donner une idée. C'est toute Ia région de Vaucluse, de la Drôme, de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, sans parler du Gard, qui s'ébranle à l'occa­sion de l'indulgence jubilaire.
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La Nativité de Marie est une des grandes fêtes de Notre-Dame de Rochefort ; mais jamais on n'avait vu tant de monde, jamais surtout tant de prêtres. Plus de soixante-dix prêtres, ce jour-là, célèbrent la sainte messe, dans la, sainte chapelle.

Celle de 7 heures, est célébrée par Mgr de Cabrières. L'église est bondée, du monde, partout, des confes­sions et des communions presque innombrables, des prières multipliées, des chants magnifiques et variés, la joie et l'enthousiasme sur tous les fronts, et ajoutons aussi une chaleur accablante qui augmente d'heure en heure.

Au moment de la grand'messe, ce n'est qu'à grand-peine que l'Évêque de Montpellier et le nombreux clergé peuvent fendre les flots pressés de la multitude et pénétrer dans l'enceinte sacrée d'où s'exhale une vapeur brûlante. Malgré tout Mgr de Cabrières monte en chaire. Il commence par évoquer les souvenirs per­sonnels qui le rattachent au sanctuaire de Notre-Dame, le temps où, tout jeune enfant, sa pieuse mère le con­duisait ici, les visites nombreuses qu'il y faisait plus tard, soit comme simple lévite aspirant au sacerdoce, soit comme compagnon de pèlerinage de Mgr Cart et de Mgr Plantier.

Entrant ensuite dans le cœur de son sujet, il s'ap­plique à démontrer que le sanctuaire de Rochefort peut être considéré comme l'un de nos sanctuaires natio­naux. En effet tous les grands événements de notre histoire s'y rattachent plus ou moins directement.

Viennent aussitôt à l'appui de: cette vérité les aperçus les plus saisissants sur l'invasion musulmane au VIIIe siècle, le rôle pacificateur de Charlemagne dans nos contrées, la mission de saint Guillaume d'Aqui­taine, les invasions des barbares postérieures; au VIIIe siècle, les croisades, la douce et ravissante his­toire de saint Gérard de Lunel, le séjour des papes à Avignon, la révolution religieuse au XVIe siècle, la piété de Louis XIII, d'Anne d'Autriche, et même de Louis XIV envers la Sainte Vierge et spécialement en­vers Notre-Dame de Rochefort, et enfin la Révolu­tion française. C'étaient les rois, les princes, les chefs naturels du peuple qui donnaient généralement l'exem­ple de la piété envers la Bonne Mère.

Aujourd'hui c'est le peuple chrétien, sous la seule direction et la seule influence de ses évêques, qui a re­pris la tradition des siècles passés. Nous voyons alors apparaître la douce et sereine figure de Mgr Cart, qui a racheté le sanctuaire et en a donné la direction, d'abord aux Directeurs de son Grand Séminaire, et ensuite aux Pères Maristes. Puis voici Mgr Plantier, d'illustre et vaillante mémoire : Il aime Notre-Dame d'un amour de prédilection, il vient y passer des semaines entières, il érige en archiconfrérie son antique confrérie, que les papes Urbain VIII et Innocent X avaient enrichie d'indulgences nombreuses.

L'orateur a noblement parcouru la vaste carrière qu'il s'était tracée ; mais avant de descendre de chaire, il veut encore nous dire quelle est à ses yeux la mission providentielle du sanctuaire de Rochefort dans les temps présents. Ce doit être une école de piété pour toutes nos régions, ce doit être aussi un foyer de re­ligion et de vrai patriotisme; c'est ici que le peuple viendra raviver en lui cette double flamme, si l'im­piété contemporaine essayait de l'éteindre.

FÊTE DU SAINT NOM DE MARIE.
- Le dimanche qui suit la Nativité attire, tous les ans, un très grand concours de pèlerins ; mais, l'année du Centenaire, l'affluence devait être et fut en effet des plus extraor­dinaires. Mgr Fuzet, alors évêque de Beauvais et de­puis archevêque de Rouen, relevait de tout l'éclat de sa dignité épiscopale la beauté déjà si grande de cette fête; autour de lui se pressaient des prêtres distingués, parmi lesquels Mgr Chambourdon et Mgr de Ville­perdrix.

Nous n'en finirions pas si nous voulions énumérer tous les pèlerinages, décrire même' en, quelques mots les magnifiques offices qui ont rempli ces deux mois de septembre et d'octobre. Nous ne signalerons plus que deux solennités exceptionnelles, celle du Saint-Rosaire et celle de la clôture.

SOLENNITÉ DU SAINT-ROSAIRE.

- Elle commence dès la veille. Malgré les menaces du temps, les pèlerins arrivent nombreux, empressés. Mgr Germain, évêque de Rodez et bientôt après archevêque de Toulouse, apporte à la fête, avec le charme profond de toute sa personne, l'éclat de son éminente dignité. Dès les huit heures du soir, Sa Grandeur veut bien présider la pro­cession aux flambeaux et inaugurer les cérémonies noc­turnes dans la chapelle.

Le lendemain matin, de nombreuses paroisses arri­vent, l'affluence devient très considérable. Mgr Ger­main assiste pontificalement à la grand'messe de dix heures, et accepte d'y prendre la parole. Il le fait avec un accent de piété et de :reconnaissance qui émeut fondément tous les coeurs. Son discours est un touchant commentaire de la Salutation Angélique, suivi de très pieuses considérations sur l'amour que nous devons 'a Marie.

Dans l'après-midi, Monseigneur toujours infatigable a voulu encore présider les vêpres, la récitation du chapelet et donner la Bénédiction du Très Saint Sacre­ment.

Monseigneur ne quitte pas encore Notre-Dame ; car demain il doit présider les cérémonies du pèlerinage de la paroisse de Saint-Baudile de Nîmes, dont il a été longtemps le digne et bien-aimé pasteur. En effet, à sept heures du matin, cette belle paroisse arrive avec un empressement tout joyeux. Mgr Germain célèbre aussitôt la messe de communion, au cours de laquelle il adresse à ses anciens paroissiens une très touchante allocution.

Le temps incertain jusque-là s'est remis au beau. A 9 heures et demie, une première grand'messe est chan­tée par la célèbre chorale de Saint-Baudile ; Mgr Ger­main y assiste au trône pontifical, et avant midi s'éloi­gne à regret de la sainte Montagne.Une seconde grand'­messe est chantée par la paroisse de Montfrin, qui n'a rien à envier, au point de vue de la perfection des chants, aux villes les plus brillantes; car ses choristes pourraient chanter avec honneur dans une cathé­drale:.
Aux vêpres, M. le chanoine Martin, curé de Saint-­Baudile, prononce un éloquent discours sur le culte et l'histoire de Notre-Dame de Rochefort. Après avoir énuméré les gloires et les bienfaits de Marie dans ce vé­néré sanctuaire, il termine par une très émouvante prière à la Bonne Mère.

CLOTURE DES SOLENNITÉS JUBILAIRES.
- Mgr l'Évêque de Nîmes, qui avait présidé l'inauguration des grandes fêtes jubilaires â Notre-Dame, a daigné en pré­sider aussi la clôture. Le jour choisi par Sa Grandeur fut le dimanche 16 octobre, fête de la Pureté de Marié, dernier jour de la grande retraite d'octobre.

Dès la veille, les pèlerins accourent nombreux. La nuit se passe dans les pieux exercices ordinaires en pareille circonstance ; et le matin voit se renouveler le consolant spectacle qu'on a pu contempler tant de fois, en cette année jubilaire : la sainte Table incessam­ment occupée par une foule avide du pain céleste.

Mgr Béguinot attendu la veille n'a pu arriver que vers 10 h. 1/2 du matin. Il était accompagné par Mgr de Villeperdrix, vicaire général, et par M. le cha­noine du Curel, secrétaire particulier, aujourd'hui évê­que de Monaco. A la grand'messe célébrée par M. le doyen de Saint-Gilles, la magnifique chorale de Saint-­Agricol d'Avignon interprète admirablement la messe de Gounod.

À l'Évangile, le supérieur de Notre-Dame fait un touchant résumé des merveilles de grâces et des ma­gnifiques cérémonies accomplies, soit en ce sanctuaire, soit à Nîmes, durant ces six derniers mois ; et il dit, ce qui est parfaitement vrai, qu'après l'auguste Reine du ciel, c'est à Mgr l'Évêque que nous en sommes redevables. Ensuite c'est le tour de l'éminent Prélat, dont le coeur s'épanche en une sorte d'hymne admira­ble d'actions de grâces envers la Bienheureuse Vierge Marie.

Dans l'après-midi, les vêpres présidées par Mgr l'Évêque sont suivies de la récitation du chapelet et du chant solennel du Te Deum ; la Bénédiction du Très Saint Sacrement clôture la cérémonie. Et les fêtes ju­bilaires sont terminées, mais elles laissent dans les âmes des fruits précieux et d'impérissables souvenirs.


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