Installation des Bénédictins de Saint-Maur en 1637
à Notre-Dame de Rochefort (Gard).

Extrait de Notre-Dame de Rochefort-du-Gard

depuis Charlemagne jusqu'à nos jours.
Récit du Chanoine J. -B. Petitalot, 1910


Armoiries des Bénédictins de Notre-Dame de Rochefort.

Avertissement : Le livre du Chanoine de Notre-Dame de Rochefort, Jean baptiste Petitalot, doit être abordé comme un livre pieux écrit par un homme partagé entre la rigueur de l'historien et la foi de l'homme d'église. Il n'en reste pas moins très intéressant et incontournable.   G.M.


Les Bénédictins de Saint-Maur devaient arriver pro­chainement du couvent d'Aniane au diocèse de Mont­pellier, et s'établir à Villeneuve. A cette nouvelle, les marguilliers de la chapelle et les chefs de la Confrérie de Notre-Dame leur envoyèrent une députation pour les prier instamment de vouloir bien accepter l'admi­nistration du sanctuaire de Notre-Dame de grâce, à raison de sa dépendance de Saint-André.


Sur cette invitation, les Pères Dom Ambroise Tar­boriech et Dom Augustin Léotard vinrent d'Aniane visiter la chapelle. Mais ces saints religieux, voyant quel pesant fardeau on voulait imposer à leur faiblesse, et combien les travaux incessants du pèlerinage les exposeraient à la dissipation, déclinèrent humble­ment cet honneur. On renouvela plusieurs fois la même demande, mais toujours avec aussi peu de succès.

Ce refus réitéré était trop édifiant pour ne pas faire désirer davantage de tels gardiens. D'ailleurs, les an­ciens moines de Saint-André, ayant accepté la nou­velle réforme, cédèrent aux Bénédictins de Saint-Maur leur abbaye avec toutes ses dépendances. Scipion Raybaud finit lui-même par se démettre en leur fa­veur des prieurés de Rochefort et de Saint-Agricol d'Albarète, avec les terres en dépendant dans les étangs de Pujaut, ne se réservant jusqu'à sa mort qu'une rente annuelle, et le prieuré de Saint-Vérédème, où il passa le reste de ses jours. Ce dernier abandon avait lieu le 16 juillet 1637.

A la fin du même mois, le parlement de Toulouse se trouva en mesure de prononcer définitivement tou­chant les droits de possession de Notre-Dame. Des in­formations avaient été prises sur les lieux mêmes ; et, toutes choses longuement discutées, mûrement exa­minées et pesées avec la plus stricte équité, un arrêt définitif et solennel fut rendu par cette cour, au nom du roi Louis XIII, en faveur des Bénédictins de Ville­neuve, ou des religieux réformés de Saint-Maur, mis en leur lieu et cause, leur adjugeant la pleine possession du sanctuaire de Rochefort, et déboutant ainsi toutes les parties adverses de leurs demandes et prétentions: Cette importante sentence, datée du 31 juillet 1637, fut bientôt ratifiée par le roi LouisXIII au nom de qui elle était rendue.

Cette décision souveraine en faveur des Bénédic­tins, ne leur permettait pas de refuser plus longtemps la direction du pèlerinage. Ils se soumirent à la vo­lonté manifeste du Ciel, et acceptèrent ces fonctions saintes, dont ils allaient s'acquitter avec grand zèle et grand succès pendant près de deux siècles.

La prise de possession, fixée au 1er octobre 1637, se fit avec toute la solennité usitée en pareil cas.

La veille, tout le chapitre de Saint-André se réunit, d'après un ordre exprès du supérieur général de la Congrégation. Il fut mis, par le magistrat nommé com­missaire exécuteur de l'arrêt du parlement, en la réelle et actuelle possession et direction de la chapelle de Rochefort; et, par acte de délibération passé devant notaire, il accepta l'administration et le service divin de ladite chapelle.

Dans la même séance, les membres du chapitre élurent quelques-uns d'entre eux, avec un supérieur, pour former la communauté de Notre-Dame, leur enjoignant de dresser tout d'abord « inventaire de tout ce qui appartenait à la chapelle, et leur donnant pouvoir d'administrer les oblations et aumônes de ladite cha­pelle, pour leur nourriture et entretien, et le restant en réparations et bâtiments pour leur logement, le tout au profit de ladite chapelle, séparément et distincte­ment du dit monastère, selon l'intention des bienfai­teurs, pour augmenter et faire subsister à perpétuité ladite chapelle, à la plus grande gloire de Dieu et de la très Sainte Vierge. »

Par le même acte capitulaire, la dévote confrérie était maintenue, avec ses statuts, sous la direction d'un religieux du couvent.

Le lendemain, de bonne heure, la petite colonie par­tit de Saint-André, et s'achemina pieusement vers la sainte colline, où l'attendait impatiemment une foule nombreuse de fidèles.

Ces religieux étaient au nombre de sept, savoir: qua­tre prêtres pour le service divin, Dom Joseph Duchalmeau, supérieur, ci-devant prieur du Séminaire Saint ­Louis à Toulouse; Dom Louis Pantu, Dom Jean Donaulx, et Dom Odo Lamothe ; un diacre pour tenir le contrôle ou les archives, il se nommait Frère André Lenfant ; enfin un Frère convers, et un serviteur ou Frère commis, pour le service matériel du couvent et de la chapelle.

Ils furent tous reçus, à leur entrée au village, par le magistrat délégué du parlement, par le procureur du roi, par le lieutenant du Viguier, par les consuls du lieu, et par plusieurs autres personnages importants, prêtres ou laïcs, de Villeneuve, d'Avignon et d'ail­leurs, qui les accompagnèrent sur la montagne.
« Là fut mis ledit P. Joseph Duchalmeau, supérieur promu par le chapitre, en la réelle et actuelle possession de la chapelle par entrée et issue, tradition des clefs entre ses mains, à la charge de tenir effectivement en icelle nombre suffisant de religieux du dit ordre y résidants, pour y faire le service divin.
Cela fait, ledit P. Chalmeau est entré dans ladite église, avec les autres religieux élus et nommés, la clo­che sonnant, et icelui fait approcher et baiser l'autel­-maître. Et, s'étant après vêtus des ornements sacer­dotaux, avec les diacres et sous-diacres, ont tous lesdits religieux chanté à haute voix le Veni Creator, et ensuite le Te Deum, et célébré une grande messe, et à la fin chanté la prière ordinaire pour le roi. »

Dès les premiers jours de leur arrivée, les religieux s'occupèrent d'inventorier tout ce qui appartenait à la chapelle, conformément aux ordres donnés par le cha­pitre de Saint-André. Le vénéré sanctuaire, après avoir été réduit au plus complet dénuement, se trouvait res­tauré depuis trois ans à peine. Et déjà il possédait bien des richesses et un nombre assez considérable d'orne­ments ; par exemple : plusieurs calices, patènes et ci­boires, 11 lampes d'argent ; 27 chasubles avec leurs étoles et manipules, de différents prix, couleurs et étoffes ; 4 dalmatiques blanches ou couleur de feu ; 14 voiles de calices et 7 bourses, dont plusieurs char­gés de beaux ornements ; 3 chapes, 41 écharpes à fran­ges et broderies ; 10 carreaux, 28 nappes et 13 devants d'autel dont plusieurs aussi richement ornés ; 19 robes et 11 autres vêtements de la Sainte Vierge et du petit Jésus, de divers prix et couleurs ; plusieurs des robes étant d'étoffe d'argent ou d'autres matières précieuses; et relevées de beaux dessins en broderies.

L'ermitage et les autres habitations étaient pourvus abondamment des meubles, linges et autres choses né­cessaires.

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En savoir plus sur les Bénédictins de St-Maur
Histoire des Bénédictins de St-Maur de Villeneuve-les-Avignon et Notre-Dame de Rochefort (1637-1791). Cette version a été publiée dans un "Bulletin du Comité de l'Art Chrétien de Nîmes" datant de 1907.
>
 Les Bénédictins de Notre-Dame et Villeneuve, version complète du Comité de l'Art Chrétien

> Les Bénédictins de Notre-Dame de Rochefort par le Chanoine Albert Durand, 1907



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