François TRAUCAT
chercheur de trésor.
 
Par  Léon Ménard
Histoire de la ville de Nîmes, 1760.
 
Permission accordée par le roi Henri IV à François Traucat, de Nîmes, de fouiller sous les masures de la Tourmagne. La ville nomme un inspecteur pour assister à soit travail. Le sénéchal ordonne aussi qu'il y en aura un pour le procureur du roi.
 
En 1601, un habitant de Nîmes, nommé François Traucat, jardinier de sa profession, guidé plutôt par ses idées que par un solide fondement, conçut le singulier dessein de fouiller sous les masures de la Tourmagne, dans l'espérance d'y trouver quelque trésor qu'il s'imagina y avoir été caché pendant que la ville et le pays étaient soumis à la domination des Romains ou à celle des Sarrasins.
 
Plein de son idée, il demanda au roi Henri IV la liberté de l'exécuter. Il obtint de ce prince des lettres datées de Fontainebleau le 22 de mai de l'ail 1601, et adressées au sénéchal de Nîmes, par lesquelles il était mandé à cet officier de permettre à Traucat de fouiller ou de faire fouiller sous les ruines de cet ancien édifice, en présence du procureur du roi, par tel nombre de personnes qu'il trouverait à propos ; à la charge qu'il ferait l'avance de tous les frais nécessaires pour cela ; et sous cette autre condition, que s'il s'y trouvait quelque trésor soit en or ou en argent et autre métal, soit en autres effets, il en aurait le tiers ; mais que les deux autres tiers appartiendraient au roi.
 
Ce ne fut qu'au mois d'août suivant que Traucat se mit en état d'exécuter son dessein, Les habitants, attentifs à la conservation d'un édifice si respectable et qui annonce encore dans ses débris toute la magnificence des peuples qui le construisirent, furent alarmés de cette entreprise, et songèrent à prendre des mesures pour en prévenir les suites.
 
De sorte que le conseil de ville ordinaire qui s'assembla sur cela, le samedi 4 de ce mois. délibéra que lorsque ce particulier voudrait commenter ses opérations, les consuls se transporteraient à la Tourmagne avec les prud'hommes et ouvriers ou voyers de la ville, et autres qu'ils voudraient y appeler, pour examiner ce qu'il voulait y faire ; et lui défendraient de rien entreprendre qui pût préjudicier à la sûreté de ce bâtiment ; qu'outre cela, ils exigeraient de lui de suffisantes cautions a ce sujet ; qu'ensuite ils commettraient un inspecteur pour être présent à tout le travail qui se ferait, de crainte que l'édifice ne tût endommagé ; et que les journées de cet inspecteur seraient payées par Traucat.
 
De plus, le sénéchal concourant aux même fins, rendit une ordonnance, par laquelle il était défendu à ce particulier, sous peine de deux mille écus, de rien faire à la Tourmagne pour l'exécution de son dessein, sans la présence d'un autre inspecteur, qui serait commis à ses dépens, par le procureur du roi ; avec liberté aux consuls d'y mettre le leur. Ceux-ci firent de nouveau délibérer ce dernier article parle conseil de ville ordinaire le mercredi 13 du même mois d'août.
 
Ce travail fut commencé et ensuite continué à diverses reprises.
Mais l’excessive dépense que Traucat fut obligé de faire pour ce sujet, modéra son ardeur. Il ne paraît pas au surplus qu’il ait eu la satisfaction qu’il s’était promise en entreprenant cette recherche.
 
TRAUCAT JARDINIER
 
En 1612, François Traucat, natif de Nîmes, qui s’acquit une sorte de réputation dans l'état de médiocrité où l'avait mis sa naissance : Je parle de François Traucat, le même qui avait, en 1601. conçu l'idée de fouiller sous les ruines de la Tourmagne, dans l'espérance d'y trouver un trésor. Issu de parents obscurs, il ne sortit jamais lui-même de l'état de simple jardinier. Il se rendit néanmoins recommandable par un endroit trop important à l'état et au commerce, pour ne pas lui consacrer ici nu article particulier, après avoir acquis dans sa profession toutes les connaissances qui peuvent en dépendre, il devint un des plus habiles jardiniers de son siècle. Mais ce qui l'a t'ait principalement connaître, est qu'il fut le premier qui mit en voue les mûriers en France. II commença d'en planter en 1564.
 
De toutes parts on eut recours à lui pour se procurer un arbre si utile. De manière qu'il se trouva, en 1606, avoir planté ou fait planter des arbres de cette espèce jusqu'au nombre de plus de quatre millions en Languedoc ou en Provence.
 
Il parait que Traucat avait tourné sa principale application à connaître les vertus et les propriétés de cet arbre. Ce qui le mit en état de composer un traité sur ce sujet, qu'il fit imprimer à Paris en 1606, sous ce titre : Discours abrégé, tagal sur les vertus et propriétés des rneuriers, tant blancs que noirs, ayant petites meures blanches et petites noires, qui ont semblables feuilles propres à nourrir les vers à soye, et aussi propres à servir, tant aux corps humains qu’à faire beaux meubles et ustenciles de mesnage. Il dédia ce petit ouvrage, qui ne contient pas plus de seize pages, au roi Henri IV, et en reçut une récompense.
On assure que ce prince lui assigna une pension, avec pouvoir de planter des mûriers dans tous les endroits du royaume où il jugerait à propos.
 
Dans cet ouvrage utile et singulier, l'auteur donne quantité de recette prises du mûrier même, de : a graine et de sa racine, pour guérir diverses maladies. II y fait voir aussi la vertu de son fruit et de ses feuilles, pour engraisser toutes sortes de volailles et quelques autres animaux. Il y expose les différents usages auxquels on peut employer le bois du mûrier dans la menuiserie.
 
Enfin, il n'est sorte d'utilité qu'il ne fasse espérer dans le plan et l'entretien de cet arbre. De manière qu'on peut regarder son discours comme un vrai panégyrique du mûrier.
 
Outre l'avantage des cocons et des soies, Traucat avance et soutient dans cet écrit, comme une chose qu'il avait expérimentée, que de cet arbre on peut vêtir un homme de ses divers habillements complets, depuis la tète jusqu'aux pieds, en y comprenant aussi la chemise, qu'on peut faire, selon lui d'un fleuret ou ruban ou d'une toile tirée du mûrier même. Par cet écrit, il parait que la France ne connaissait presque point encore l'art de faire les soies et qu'elle les tirait d'Espagne ou d'Italie.
 
L'auteur y assure le roi que si les particuliers veulent transplanter dans leurs domaines une certaine quantité de mûriers après les avoir laissé trois ou quatre ans dans les pépinières, on pourrait en douze ou quinze ans avoir en rance plus de soie qu'il n'en fallait et se passer d'en aller chercher dans les états voisins.
 
On fit usage de toutes les connaissances que Traucat avait communiquées touchant cet arbre. Il se planta depuis quantité de mûriers blancs ; et l'on en éleva une infinité de pépinières. Il s'établit enfin plusieurs manufactures de soie, qui n'ont pas peu servi à embellir et étendre ce commerce en France.
 
Ce n'est pas que déjà depuis longtemps on n'y connût l'art de nourrir les vers qui font ta soie, de la filer et de la mettre en oeuvre. On sait que le roi Louis XI, avait, en 1470. établi des manufactures de soieries en Touraine. Mais ces étoffes n'étaient point communes, puisque Henri II, porta le premier un bas de soie aux noces de sa sueur.
 
Sous les règnes de Charles IX et de Henri III, elles étaient devenues un peu moins rares. Ce fut seulement sous celui de Henri IV que la fabrication du fil précieux que produit le ver à soie, fut portée à ce point d'accroissement et de vigueur qui n'a fait que se fortifier depuis. Il faut aussi reconnaître que ce fut à Traucat et à ses soins que la France dut ses succès.
 

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