Histoire Générale de Languedoc

Dom Joseph Vaissete, 1745  

 
 
PHILIPPE DE VALOIS A NÎMES en 1336
 
Ce prince avait entrepris alors un voyage dans la province, tant pour y faire des préparatifs contre le roi d'Angleterre, en cas qu'il vint à rompre entièrement avec lui, à quoi il y avoir beaucoup d'apparence, que pour visiter ensuite le pape Benoît XII à Avignon, et conférer ensemble sur la croisade à laquelle il s'étoit engagé. Aussi trouvons-nous que la sénéchaussée de Rouergue, outre le subside imposé dans le païs pour la nouvelle milice de Jean fils aîné du roi , lui accorda cette année un don pour le passage d'outre-mer.
 
Voici ce que nous savons du voyage que le roi Philippe de Valois fit dans la province au commencement de l'an 1336.
 
On a déjà vu qu'il étoit à Brive en Limousin le 27 décembre de l'an 1335. il vint ensuite à Cahors. Après son départ de cette ville, les habitants excitèrent une émeute contre les gens de sa suite, qu'ils maltraitèrent beaucoup, ce qui engagea le roi à nommer des commissaires pour informer et punir les coupables.
 
Etant arrivé dans le Toulousain, il rendit une ordonnance pour affecter un lieu particulier, à Toulouse, à Carcassonne et à Béziers, où les commissaires extraordinaires envoyés dans ces sénéchaussées, feroient leurs procédures; et il déclara qu'il y auroit un greffier perpétuel. Il établit la même chose au mois d'Août dans les villes de Beaucaire, de Nismes et de Montpellier.
 
II approuva à Carcassonne au commencement de Février de l'an 1336 la translation du couvent des Augustins de cette ville dans un nouvel emplacement du faubourg.
 
Les religieuses Augustines achetèrent l’ancien couvent, qui étoit à l'extrémité du même faubourg, elles s'y établirent, et se soumirent l'année suivante à la jurisdiction des Augustins, du consentement de Pierre de Jean évêque diocésain.
 
L'église du premier couvent des Augustins avoit été construite en 1305. sous l'épiscopat de Pierre de Roquefort , qui fonda en 1315. la Chartreuse de Louvière (De Lupatoria) dans son diocèse. Il mourut le dernier de Mars de l’an 1321. (1322.) Guillaume de Flavacour évêque de Viviers , lui succéda, et fut transféré deux ans après à l’archevêché d'Auch.
 
Etienne II du nom et Pierre Roderii, furent ensuite successivement évêques de Carcassonne; et enfin Pierre de Jean en 1330. Gaucelin de Jean son cousin, lui succéda 1337. Quant à l’évêché de Viviers, Pierre de Mortemar successeur de Guillaume de Flavacour, ayant été transféré en 1325. à l'évêché d Auxerre, et ensuite créé cardinal, Aymar lui succéda, et Henri de Villars succéda à ce dernier en 1330 et fut transféré à Valence. Aymar de la Voute, auparavant évêque de Valence, fut ensuite évêque de Viviers jusqu’en 1365, que Bertrand de Castelnau ou de Châteauneuf, qui étoit d’une ancienne famille du Gévaudan, et qui avoit été successivement archevêque de Tarente, de Salerne et d’Embrun, fut élu à sa place. Revenons au roi Philippe de Valois dans la province.
 
Ce prince, après avoir passé quelques jours à Carcassonne, vint à Béziers, où il étoit au mois de Février de l'an 1336. II se rendit de-là à Montpellier, où il arriva le jour des Cendres avec la reine sa femme, Jean son fils aîné, le duc de Bourgogne, et plusieurs autres grands seigneurs. Il séjourna pendant huit jours dans cette ville; c’est-à-dire, depuis le 15. jusqu’au 22 de Février.
 
Il donna des lettres à Nismes au commencement du mois de mats, et il paroit qu’il y tint un parlement, où on examina si on devoit accorder un droit de marque ou de représailles contre le sujet du roi de Sicile comte de Provence, qui avoit pillé un vaisseau dans le port d'Aigues-mortes. Le roi arriva enfin à Avignon le 3 de Mars, suivi du duc de Normandie son fils, des rois de Bohème et de Navarre, et d'un grand nombre de noblesse, après avoir été reçu dans toutes les villes de la province avec de grandes démonstrations de joye.
 
II accorda à Avignon des lettres en faveur des pareurs et parmentiers de la manufacture des étoffes de Carcassonne, qui s'engagèrent de lui donner cinq cens livres tous les ans. ll fit un long séjour à la cour du pape, et prit son logement à Villeneuve dans le Languedoc en deçà du Rhône.
 
Comme il avoit promis à Jean XXII de s'embarquer au mois d'Août précédent pour la Terre sainte, et qu'il n’étoit pas parti, le pape avait révoqué la levée des décimes qui lui avoient été accordées pour son armement; mais ayant promis de se mettre incessamment en mer, Benoît XII lui accorda de nouveau les décimes sur tout le clergé du royaume. Philippe songeait en effet alors sérieusement à son passage d'outre mer. Dans ce dessein, il fit équiper quantité de vaisseaux à Marseille, à Aigues-mortes aux environs de Montpellier, et dans tous les autres ports de la Méditerranée. Il fit un voyage à Marseille après Pâques de cette année, pour presser l'armement étant ensuite retourné en France par la Bourgogne, il étoit toujours résolu d’entreprendre ce voyage, lorsque la guerre qui survint entre lui et le roi d'Angleterre, le rompit entièrement.
 
C’est le commencement de la guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre.
 

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