APOLLINAIRE ET LOU A NÎMES
   

Caserne du 38e d'Artillerie - Route d'Uzès, Nîmes.

Au début de la guerre de 14, Guillaume Apollinaire fait une demande d'engagement restée sans suite. Apollinaire rencontre Louise de Coligny-Chatillon (celle qui sera Lou dans son oeuvre "Calligrammes"). Elle le rejette. Il tente de nouveau une démarche pour s'engager. Fructueuse cette fois, le 5 décembre 1914 il rejoint les casernements du 38e d'artillerie de campagne situés route d'Uzès à Nîmes ; il y demeura jusqu'à Pâques 1915.

Deux jours après son incorporation Louise arrivera à Nîmes, impatient il fera le mur pour la rejoindre, ils deviennent amant dans une chambre de l'hôtel du Midi, situé au square de la Couronne.
La guerre lui inspire de nombreux poèmes, certains devinrent célèbres. Ces lettres, parmi les plus belles jamais publiées sur l’amour fou, seront écrites à Nîmes.
 
Le Tour Magne tournait sur sa colline laurée
et dansait lentement lentement s'obombrait
et j'aime de t'y aimer cette Nîmes la Romaine
où les soldats français remplacent l'armée prétorienne

Certaines seront écrites au coin d'une table, dans sa chambre, à la buvette du camp de Massillan, au réfectoire de la caserne, au grand café situé alors sur l'Esplanade, en début d'année 1915 c'est au café Tortoni (actuellement Monoprix) qu'il se complaira à écrire.
 
Le Tortoni d'ici fait à Paris la nique
Il est très bien je l'aime et c'est assez je crois
Au nom du Canudo le signe de la croix
Est fait par les garçons comme par la patronne...
 
Ce café situé en face de l'hôtel du Midi lui permettait d'apercevoir la fenêtre de la chambre qui avait abrité leur amour.
Rapidement, Louise s'éloigne, peut-être lassée par cet amoureux trop lyrique et bavard, plus cérébral que fougueux. Elle partira pour Nice le 15 décembre. Désespéré Apollinaire lui écrira un poème.
 
Je pense à toi mon Lou ton coeur et ma caserne
Mes sens sont tes chevaux, ton souvenir est ma luzerne...
Quand je suis à cheval tu trottes près de moi
Nos 75 sont gracieux comme ton corps...
 
En permission à Nice pour 48 heures, Guillaume s'aperçoit que Lou s'est détachée de lui, il la soupçonne infidèle. Dans le train, de retour vers Nîmes, il fait une rencontre,Madeleine Pagès, après une longue correspondance amoureuse, ils se fianceront l'été suivant.
Envoyé sur le front, le 4 avril 1915, il sera affecté en novembre au 96e régiment d'infanterie avec le grade de sous-lieutenant. En 1916, blessé à la tempe par un éclat d'obus, il doit subir une trépanation. En janvier 1918, il est atteint de congestion pulmonaire ; ensuite il contractera la grippe espagnole qui sévit en Europe. Affaibli par sa blessure et ses récentes maladies, il meurt le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice. Sa tombe se trouve au cimetière du Père-Lachaise.
À l'occasion du 80e anniversaire de sa mort, la ville de Nîmes rendra hommage au poète. Une plaque sera apposée, en souvenir, sur la façade de l'ancien Grand hôtel du Midi et de la poste situé au square de la Couronne, elle sera dévoilée le 14 novembre 1998, par le Député Maire Alain Clary.
Guillaume, Albert, Vladimir, Apollinaire de Kostrowitzky, plus connu sous son pseudonyme, Guillaume Apollinaire était né à Rome le 26 août 1880, d'une mère issue de la noblesse polonaise et de père inconnu. Considéré, comme apatride son engagement lui permettra d'acquérir la nationalité française.

 

Extrait de Nîmes au XXe siècle de Georges Mathon, octobre 2007.

 

La guerre lui inspire de nombreux poèmes, certains devinrent célèbres. Ces lettres, parmi les plus belles jamais publiées sur l’amour fou, le poète les avait écrites, à Nîmes, dans une chambre de l’Hôtel du Midi, pendant l’hiver 1914-1915, alors qu’il était artilleur au 38e régiment d’artillerie.

 

En 1998, à Nîmes, au théâtre de l’Armature, Marie et Jean Louis Trintignant, la fille et le père, disaient à tour de rôle dix-huit poèmes extraits des fameuses lettres à Lou de Guillaume Apollinaire.

 

Ces lettres, parmi les plus belles jamais publiées sur l’amour fou, le poète les avait écrites, à Nîmes, dans une chambre de l’Hôtel du Midi, pendant l’hiver 1914-1915, alors qu’il était artilleur au 38e régiment d’artillerie.

 

Nous dédions cette page à Marie Trintignant actrice, martyrisée un 27 juillet 2003.

 

         

 

Au revoir Lou, Adieu Marie.

 

LE GRAND HÔTEL DU MIDI ET DE LA POSTE

à Nîmes

SQUARE DE LA COURONNE

 

 

Dans cet hôtel, face à la statue d'Alphonse Daudet, Guillaume Apollinaire aima Louise de Coligny Chatillon, il y trouva l'inspiration d'une partie de son œuvre : Les Poèmes à  LOU

 

Le 14 novembre 1998, le député et maire

Alain Clary, dévoile une plaque

 

ICI

GUILLAUME APOLLINAIRE

AIMA

LOUISE

DE COLIGNY CHATILLON

QUI LUI

INSPIRA L'œuvre

IMMORTELLE DES

POEMES A LOU

1914-1915

 

Apposée sur la façade de l'ancien Grand hôtel du Midi et de la poste à Nîmes, une plaque de marbre gris a été dévoilée mercredi, qui témoigne de l'hommage qu'a voulu rendre la ville au poète, à l'occasion du 80e anniversaire de sa mort. Le 5 décembre 1914, Apollinaire rejoignait les casernements du 38e d'artillerie de campagne à Nîmes ; il y demeura jusqu'à Pâques 1915.

 

Alain Clary, le député et maire, a rappelé que le poète et critique d'art trouva, dans la brièveté de son séjour à Nîmes et dans l'intensité passionnelle de la relation qu'il y partagea avec Louise de Coligny-Châtillon, l'inspiration d'une partie majeure de son oeuvre. Une inspiration où s'imprime en trame l'image sublimée de la ville :

Celle de la « belle rose tour Magne » tournant sur « sa colline laurée »

 

 

À Nîmes
     À Émile Léonard.
    Je me suis engagé sous le plus beau des cieux
    Dans Nice la Marine au nom victorieux
 
    Perdu parmi 900 conducteurs anonymes
    Je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes
 
    L'Amour dit Reste ici Mais là-bas les obus
    Épousent ardemment et sans cesse les buts
 
    J'attends que le printemps commande que s'en aille
    Vers le nord glorieux l'intrépide bleusaille
 
    Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts
    Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons
 
    Un bel après-midi de garde à l'écurie
    J'entends sonner les trompettes d'artillerie
 
    J'admire la gaieté de ce détachement
    Qui va rejoindre au front notre beau régiment
 
    Le territorial se mange une salade
    À l'anchois en parlant de sa femme malade
 
    4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux
    Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux
 
    Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures
    Un grand air d'opéra toi l'écoutant tu pleures
 
    Je flatte de la main le petit canon gris
    Gris comme l'eau de Seine et je songe à Paris
 
    Mais ce pâle blessé m'a dit à la cantine
    Des obus dans la nuit la splendeur argentine
 
    Je mâche lentement ma portion de bœuf
    Je me promène seul le soir de 5 à 9
 
    Je selle mon cheval nous battons la campagne
    Je te salue au loin belle rose ô tour Magne

 

-oOo-

 

Poème à LOU

 

L'amour est libre il n'est jamais soumis au sort
O Lou le mien est plus fort encore que la mort
Un coeur le mien te suit dans ton voyage au Nord

 

Lettres Envoie aussi des lettres ma chérie
On aime en recevoir dans notre artillerie
Une par jour au moins une au moins je t'en prie

 

Lentement la nuit noire est tombée à présent
On va rentrer après avoir acquis du zan
Une deux trois À toi ma vie À toi mon sang

 

La nuit mon coeur la nuit est très douce et très blonde
O Lou le ciel est pur aujourd'hui comme une onde
Un coeur le mien te suit jusques au bout du monde

 

L'heure est venue Adieu l'heure de ton départ
On va rentrer Il est neuf heures moins le quart
Une deux trois Adieu de Nîmes dans le Gard

 

Guillaume Apollinaire
Poème à Lou, Nîmes, 4 février 1915

 

 

 
Extrait de Anecdotiques de Guillaume Apollinaire, 1926

pages 182 à 183

 

Rencontre à Nîmes, Léo Larguier et Guillaume Apollinaire.



Le premier dimanche de mars (1915), je déjeunais au petit restaurant de La Grille (1), quand un caporal de la ligne se leva de sa table et m'aborda en me récitant une strophe de la Chanson du Mal-aimé.

Je fus interloqué. Un deuxième canonnier-conducteur n'est pas habitué à ce qu'on lui récite ses propres vers. Je le regardai sans le reconnaître. Il était de haute taille, et de figure, ressemblait à un Victor-Hugo sans barbe et plus encore à un Balzac. « Je suis Léo Larguier, me dit-il alors. Bonjour, Guillaume Apollinaire. » Et nous ne nous quittâmes que le soir à l'heure de la rentrée au quartier.

Ce jour-là et les jours suivants nous ne parlâmes pas de la guerre, car les soldats n'en parlent jamais, mais de la flore nîmoise dont, en dépit de Moréas, le jasmin ne fait pas partie. Quelquefois, l'aimable M. Bertin, secrétaire général de la préfecture, nous apportait l'agrément de sa conversation enjouée et d'une érudition spirituelle. La voix terrible de Léo Larguier dominait le colloque et j'en entends encore les éclats quand il nous disait le nom d'un homme de sa compagnie « Ferragute Cypriaque. » Le dimanche suivant Larguier nous emmena, M. Bertin et moi, chez un de ses amis, le peintre Sainturier, dont les dessins ont la pureté de ceux de Despian. Sainturier vit en ermite, il est inconnu et se complaît dans son obscurité ensoleillée du Midi. Très jeune d'aspect, bien qu'ayant passé l'âge de servir, il est robuste et travaille beaucoup et, outre ses productions, qui sont personnelles, et très intéressantes, on voit dans sa demeure des trésors artistiques que je ne soupçonnais point.

C'est là que j'ai vu un extraordinaire portrait de Stendhal inconnu. Ce portrait peint à l'huile, représente Stendhal à mi-corps et vu de face. Le visage est calme et pétillant de malice contenue. C'est chez le peintre Sainturier, que je vis pour la première fois Alfred de Musset.

Ses autres portraits paraissent factices quand on a vu celui-ci qui est peint par. Ricard. Musset est de profil.

Larguier n'en revenait pas et Sainturier promit de lui en faire une copie après la Guerre. Il y a là, de Ricard aussi, un beau portrait de Manet. Mais nous vîmes, encore chez Sainturier, un Van Dyck Charles ler enfant, plusieurs portraits et miniatures d'Isabey, un Greco, des esquisses de Bouchez, un merveilleux Latour, deux Hubert Rodert, des Monticelli, une petite nature morte de Cézanne, etc., etc.

Le lendemain, je ne revis plus Larguier. Il est parti pour un camp d'instruction d'où il s'en ira bientôt sur le front comme caporal brancardier. Nous nous y retrouverons peut-être à cette époque.

J'ai rencontré peu de littérateurs-soldats, depuis que je suis soldat moi-même. Avant Léo Larguier, j'avais rencontré Maurice Cremnitz, que connaissent peu les nouvelles générations, niais que n'ont pas oublié André Gide ni Paul Fargue. Engagé volontaire dès le début de la guerre, Cremnitz vivait la vie des dépôts d'infanterie.

Nous nous vîmes dans un café durant quelques minutes et, fantassin, il trouva qu'artilleur j'étais mieux vêtu que lui j'en avais presque honte et quand je le quittai, je sortis à reculons afin que l'éclat des éperons ne désolât point ce gentil et vaillant garçon, qui doit être au feu maintenant.

 

(1) La grille, restaurant situé à l'époque au 16-18 rue de l'étoile. 

 

Remerciements à Alain Artus qui à l'occasion de recherches sur la biographie de Léo Larguier a découvert cette petite perle et me l'a obligeamment communiqué.


Texte de Léo Larguier sur cette rencontre.
Les "retrouvailles", en juin 1915, à Nîmes, de Léo larguier et d'Apollinaire.
Dans "Anecdotiques" d'Apollinaire, celui-ci écrit :

"Le premier dimanche du mois [juin 1915], je déjeunais au petit restaurant de La Grille, quand un caporal de la ligne se leva de sa table et m'aborda en me récitant une strophe de la "Chanson du Mal-aimé". Je fus interloqué. Un deuxième canonnier-conducteur n'est pas habitué à ce qu'on lui récite ses propres vers. Je le regardais sans le reconnaître. Il était de haute taille et, de figure, ressemblait à un Victor Hugo sans barbe et plus encore à un Balzac. "je suis Léo larguier, me dit-il alors. Bonjour Guillaume Apollinaire". Et nous ne nous quittâmes que le soir à l'heure de la rentrée au quartier."
Ils s'étaient connus à Paris mais ne s'étaient pas revus depuis une longue période. Ils ont donc passé tous les deux, à Nîmes, quelques jours agréables, jusqu'à leurs départs vers le front. Ils ont alors échangé quelques lettres, en vers...

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