LES ORDRES RELIGIEUX
Mendiants à Nîmes
Les Frères-Mineurs
 
LES RECOLLETS.
par l'Abbé Goiffon, 1871.
Carte de Nîmes au XVIIIe siècle de Igolin, 1938.
 
Dès la première moitié du XVIe siècle et sous le pontificat de Clément VII, deux franciscains espagnols avaient introduit dans leurs couvents une règle plus austère que la stricte observance ; ce fut l'origine des Réformés, nommés aussi Récollets, à cause de l'extrême recueillement dont ils donnaient l'exemple. La réforme fit de rapides progrès, non-seulement en Espagne, mais aussi en France et en Italie ; elle commença en France vers 1592, et elle eut une maison à Avignon dès 1602. Cette maison fut érigée en province par-bulle du pape Paul V, du 22 juin 1612.
La réforme fut acceptée par un grand nombre d'Observantins, de sorte que bientôt les Récollets se trouvèrent plus nombreux que ceux qui conservaient l'ancienne règle. Le couvent de Nîmes, abandonné depuis longtemps par les religieux de l'Observance, fut donné aux Récollets par un chapitre général de l'Ordre de Saint-François, qui fut tenu à Rome, et compris dans la province de Saint-Bernardin, dont la maison principale était à Avignon.
Ce fut alors que les catholiques rebâtirent le couvent et l'église de Saint-François, non avec somptuosité, mais aussi décemment que le leur permettait la médiocrité de leurs affaires. Les Observantins y rentrèrent vers le commencement de 1614 et prirent possession des travaux déjà faits, continuèrent la réédification du monastère et établirent le service divin dans un local provisoire ; les ressources leur manquant pour achever les constructions, ils s'adressèrent, le 22 octobre de la même année, à l'assemblée du clergé diocésain, et lui firent part de leur détresse qui allait jusqu'à ce point qu'ils n'avaient ni meubles, ni lits, ni couvertures ; ils remontrèrent que leur présence dans la ville et leurs prédications dans les villages du diocèse pouvaient grandement aider à la conversion des hérétiques, et demandèrent un don qui pût les aider à se procurer le nécessaire pour l'hiver ; le clergé leur accorda une aumône de deux cents livres.
Les travaux du couvent se terminaient, lorsque, au commencement de 1615, le Père Antoine de Tréjo, général des Franciscains, passa à Nîmes ; les catholiques nîmois s'empressèrent de profiter de cette circonstance pour demander l'exécution du décret du chapitre de Rome. Le général renvoya sa réponse à Avignon, où il devait séjourner; une nombreuse députation l'y suivit, avec charge de le solliciter de nouveau ; parmi les députés se trouvaient le grand archidiacre Mathurin Maridat, vicaire-général et official de l'évêque Pierre de Valernod, et Claude de Cabiac, conseiller au Présidial.
 Le Père de Tréjo fut long à prendre une décision ; mais enfin, le 4 février, il data d'Avignon un décret adressé au provincial Père Pierre Feste, ministre de la province des Observantins, lui ordonnant d'abandonner le couvent de Nîmes, dans la quinzaine, aux Récollets de la province de Saint-Bernardin.
En-même temps, sept religieux furent désignés pour aller prendre possession du couvent de Nîmes, sous la conduite du F. Gilles Chaissi, natif d'Avignon, qui fut établi gardien de la communauté. L'évêque voulut que leur arrivée à Nîmes fût marquée par une imposante cérémonie catholique ; il prescrivit une procession générale à laquelle assistèrent les officiers catholiques du Présidial, suivis d'une grande affluence de peuple. Pierre IV de Valernod présida la cérémonie pendant laquelle il fit porter une croix de bois qu'il posa lui-même, à la grande joie des catholiques, dans une espèce de place, au devant de la porte de l'église ; cela se pas-sait le dimanche 8 février 1615.
Un an après les Récollets étaient encore très-mal logés et souffraient de grandes incommodités qui leur avaient procuré diverses maladies, ce qui les empêchait de rendre tous les services qu'ils désiraient ; c'est ce que nous apprend l'exposition que fit, le 21 avril 1616, le syndic à l'Assemblée générale du clergé. Sur sa demande, il fut voté une somme de 150 livres à prendre sur les décimes extraordinaires de cette année-là et destinée à payer les ouvriers qui travailleraient aux réparations jugées nécessaires ; cette somme fut employée à faire des murs de clôture ; le 2 mai 1618 le clergé vota en faveur des Récollets « vu leurs nécessités actuelles » une autre somme de 200 livres ; pareille somme de 200 livres leur fut encore accordée, le 18 avril 1619 « vu leur pauvreté et le fruit qu'ils faisaient parmi les catholiques de la ville. »
Vers la même époque et malgré les prescriptions formelles de l'édit de Nantes, les protestants recommencèrent leurs continuelles persécutions contre les catholiques ; ceux-ci ne purent bientôt plus faire les exercices publics du culte ; à peine permettait-on aux prêtres d'inhumer les morts, sans croix, ni luminaire. Les ministres ne cessaient en outre de provoquer les catholiques à des disputes de controverse, dans l'espoir de ruiner leurs croyances. Les apologistes ne manquèrent pas pour faire justice de la fausse science des huguenots; parmi les plus savants se distingua un Récollet de Nimes, le P. Antoine Ribère, natif d'Avignon, qui se signala dans les différentes controverses qu'il soutint contre le ministre Jean Faulchier. Non content de l'avoir vaincu de vive voix, ce généreux athlète réfuta encore l'hérésie dans plusieurs ouvrages destinés à raffermir les catholiques et à éclairer les protestants. Il fit paraître, en 1620, sous le patronage de l'évêque et des chanoines, deux traités intitulés l'un : Vérification de quelques propositions sur l'ancien usage du signe de la croix, de sa représentation et du crucifix ; et l'autre : Vérification de quelques propositions sur le sujet du Très-Saint-Sacrement de l'Eucharistie.
Ces publications étaient des victoires que les protestants ne pouvaient pardonner. Les premiers jours de l'année 1621 furent marqués par de nouvelles violences contre les prêtres et les religieux. Les Récollets surtout en furent les victimes, ils ne purent plus paraître dans les rues de la ville sans se voir assaillis par des injures et des huées, et poursuivis par des chansons diffamatoires et des coups de pierre. Deux d'entre ces religieux se promenant un jour dans leur jardin, on leur tira du haut des remparts un coup d'arquebuse qui heureusement ne les atteignit pas ; on menaçait de détruire leur couvent. Le Présidial, voulant arrêter ces désordres, fit publier à son de trompe un jugement pour les défendre ; mais aussitôt une émeute éclata dans le camp huguenot contre l'huissier et le trompette qui durent cesser la publication et se retirer (1).
 
(1) Plusieurs fois pendant ledict mois, les pères Récollets allants par la ville et passants aux portes de la ville, pour aller et venir de leur couvent, on leur a crié des injures et chanté des chansons diffamatoires contre eux et jecté plusieurs coups de pierres dont l'ung d'eux feust blessé et peu de temps auparadvant, deux d'entre eux estant dans leur jardin, leur auroit été tiré une arquebusade de la muralhe de la ville joignant, n'y ayant qu'un fossé entre deux, dont ils cuidoient estre blessés, et le siège présidial faisant publier ung jugement, à voix de trompe, pour faire cesser ces violences, plusieurs hommes et femmes se geroient levés, de sorte que le trompette et l'huissier auraient été contraincts de quitter ladite publication, et se retirer... Plusieurs de ceux de ladite religion préthendue réformée menacent ordinairement les catholicques et disent que, s'il y a guerre, ils veulent abattre l'esglize et cloistre des pères Récollets, parce qu'il est près de la porte de la Magdelaine, et joignant la muralhe de la ville, (Mémoires sur les mauvais traitements exercés par les religionnaires contre les catholiques, an 1621.)
 
Bientôt l'audace des .religionnaires grandissant, ils se vantèrent ouvertement de posséder sous peu l'église et le couvent des Franciscains, menaçant en outre que, s'il y avait guerre, ils en abattraient les bâtiments parce qu'ils étaient trop rapprochés de la porte de la Magdeleine et des murs de la ville. En effet, le 15 juin,' sous prétexte qu'ils craignaient une attaque contre le couvent, les consuls, pour lors religionnaires, obligèrent les Récollets de sortir de leur maison et de se retirer dans la ville avec tous leurs meubles et ornements d'église, sans leur permettre de les transporter ailleurs. Les religieux trouvèrent un asile dans la mai- son de Louis Maridat, chanoine-précepteur de la cathédrale, pour lors absent ; ils firent transporter leur mobilier dans diverses mai- sons catholiques.
Dès qu'ils furent sortis, les consuls et plusieurs religionnaires se portèrent au monastère et s'y livrèrent à toute sorte de profanations ; c'est ce qui résulte du mémoire du procureur du roi au Présidial de Nîmes sur les dommages causés en cette occasion aux pères Récollets (2).
 
(2) Voir Ménard, v. pr. 281-282. Archives de la préfecture, requête adressée au roi, en 1622, par l'évêque Pierre de Valernod, au nom des ecclésiastiques et des catholiques de Nîmes. G. 447.
 
Nous laissons ici parler les pièces officielles :
 « Et quelques jours après, lesdicts consuls et habitants, lesdicts Pères estant jà sortis, revindrent audict couvent, et auroient abattu la grande croix qui estoit au devant la grande porte d'icelluy couvent, en laquelle estoient représentés les mystères de la Passion de Nôtre-Seigneur, bruslé icelle avec mots de raillerie contre ladicte croix, jetté une autre dans le fossé en grand mépris et porté deux autres par les rues de ladicte ville... Ils avoient une belle bibliothèque, garnie d'une grande quantité de livres de théologie et aultres sciences, pour l'étude desdicts religieux, auxquels ils faisoient lire ordinairement la théologie et philosophie, lesquels ils firent aussi emporter dans ladicte ville, pliès en onze balles. »
Tout cela n'était qu'un commencement ; le 10 septembre, le gouverneur Brison, qui depuis quelque temps avait défendu aux religieux de faire la quête, leur signifia l'ordre de sortir de la ville ; leurs meubles, leurs vases sacrés et leurs ornements d'église furent pillés et enlevés ; la maison Maridat qui les avait reçus fut démolie. La perte des religieux fut évaluée à plus de 8000 livres ; parmi leurs vases sacrés était un très-bel ostensoir en vermeil que leur avait donné la reine Marie de Médicis, mère de Louis XIII. L'église, le couvent et le cimetière furent entièrement profanés et démolis et les matériaux employés à la construction d'un grand bastion qu'on éleva sur cet emplacement. Citons encore le Mémoire du procureur du roi :
« Ceux de ladicte préthendue religion n'auroient pas seulement abbattu et ruiné entièrement ledict couvent et jardins, mais encore par grande impiété fait un grand bastion dans ladicte esglize, cimentière et jardins, enfourné d'un grand et profond fossé ; et, pour faire les fondements dudict bastion et fossé, auroient désenterré plusieurs morts, jettants les ossements au vent, le tout en tel estât et désolation qu'on ne peut recognoistre à présent les endroits où estoient ledict convint, esglize, cimentière et jardin. Dict tout ce dessus estre vray, notoire et manifeste à ung chacun, et prétend le vérifier (1). »
 
(1) La Chronique des Récollets du muséum Calvet d'Avignon dit que Rohan avait fourni une maison aux Franciscains pendant ces désordres, les avait nourris et leur avait laissé dire la messe, non par piété, mais pour obtenir leur protection auprès du roi, s'il était obligé de se soumettre.
 
Admirables exemples de tolérance religieuse ! Par ordre des consuls, la cloche et la charpente du couvent furent portées à l'Hôtel-de-ville. Les monuments du temps font monter à plus de 25,000 livres le dommage causé aux Franciscains par la seule destruction de leurs bâtiments. Ce couvent bâti à l'endroit où, depuis leur arrivée à Nîmes, avaient toujours habité les Frères-Mineurs renfermait alors un dortoir de quinze chambres, un corps-de-logis pour les malades, une petite église voûtée, une sacristie, un cloître, un réfectoire et autres bâtiments nécessaires à leur usage. Pour le faire reconstruire, ils avaient vendu des prés et autres domaines qu'ils possédaient au Caylar ; ils avaient été aidés, en outre, des dons et des charités du duc de Montmorency, des États-Généraux de la province, des chanoines, ecclésiastiques et autres catholiques de Nîmes qui s'étaient volontairement cotisés dans ce but. Il y avait de plus une église plus grande que la première qu'on avait commencé à bâtir près de leur couvent avec des murailles épaisses et très-fortes, élevées déjà au-dessus du sol de plus de quatre cannes qui valait en cet état plus de 6,000 livres; elle fut de même démolie et ruinée jusqu'aux fondements. Le couvent avait deux jardins entourés de murs de 12 pans de hauteur, servant l'un pour les récréations et planté d'arbres disposés en allées, l'autre plus grand et plus ancien, d'environ deux salmées et demie de contenance et cultivé en potager ; ce second jardin contenait trois cents arbres fruitiers, beaucoup de mûriers et un puits à roue garni de ses roues et barils pour l'arrosement, outre trois ou quatre autres puits ordinaires en divers endroits et une maison considérable pour le jardinier ; ce jardin était estimé plus de 10,000 livres. Tout fut détruit.
La paix de Montpellier, publiée à Nîmes le 23 octobre 1622, vint rendre l'espoir aux catholiques nîmois, surtout lorsque le connétable de Lesdiguières vint, le 10 novembre suivant, faire exécuter l'Édit. Les Récollets reparurent dans la ville et obtinrent une ordonnance contre les habitants, en vertu de laquelle les Consuls devaient leur fournir une étendue de fonds et de terrain pareille à celle qu'on leur avait prise pour la construction du bastion de la Fontaine. Le Conseil délibéra de s'y opposer et envoya un député à la Cour pour obtenir la révocation de cette ordonnance ; leurs soins furent sans succès et ordre fut donné de satisfaire les religieux ; il fui en conséquence délibéré de traiter de l'achat du jardin de la Cassagne qui était à leur bienséance et d'y joindre même d'autres fonds, si celui-là n'était pas suffisant.
Le nouveau couvent ne subsista guère et les protestants ne tardèrent pas à le démolir ; les religieux se souvenant alors que le duc de Rohan les avait protégés auparavant lui firent une visite et se mirent sous sa sauvegarde ; le général huguenot les reçut fort bien, il les plaça dans une maison commode et défendit expressément de les molester, sous peine de la vie ; il leur fit même donner chaque jour la ration et l'étape de cinq soldats. Ce furent les seuls ecclésiastiques qui purent, en ce moment, demeurer à Nîmes pour la consolation des catholiques.
Cependant le plus puissant boulevard des huguenots, La Rochelle venait de tomber au pouvoir de Louis XIII (1628) ; à cette nouvelle la fureur des protestants nîmois ne connut plus de bornes et força le duc de Rohan à rétracter la parole qu'il avait donnée aux Récollets ; ces religieux reçurent l'ordre de sortir de la ville ; ils firent semblant d'obéir et rentrèrent aussitôt ; le duc averti de leur retour les fit venir devant lui et voulut savoir pourquoi ils avaient contrevenu à ses ordres. Le Père Angélique Dantonelle, pour lors gardien, répondit avec modestie :
« Ne vous étonnez pas si nous méprisons la mort ; notre état suppose une mortification continuelle ; ayant choisi Dieu pour notre seul protecteur et père, nous espérons qu'il nous préservera de toute sorte de malheurs ; d'ailleurs si, par bonheur, nous pouvions devenir martyrs pour le soutien de la foi catholique, apostolique et romaine, la félicité de notre sort ne saurait être par trop estimée. Du reste, l'ordonnance qui nous com-mandait de sortir ne nous défendait pas de rentrer. »
Rohan admira le courage des religieux, les fit escorter jusqu'à leur maison et les y nourrit quelque temps, jusqu'à ce que, craignant de se voir maltraiter lui-même par ses partisans, il donna aux Récollets un nouvel ordre avec l'expresse défense de rentrer aussitôt. Les proscrits vinrent aussitôt trouver le duc et lui représentèrent l'injustice de son ordre, lui disant qu'ils allaient se jeter aux pieds du Roi, pour lors à Privas, afin de l'avertir de-cet inique procédé. Rohan fut frappé de leur courageuse audace, mais il leur déclara néanmoins qu'il lui était impossible de faire en leur faveur ce qu'il voudrait et les pria de partir. Les Récollets de Nîmes se rendirent auprès de Louis XIII qui les reçut fort bien.
Ils rentrèrent à Nîmes à la suite du roi et n'en sortirent plus ; les abondantes aumônes du clergé et des fidèles leur permirent bientôt de se bâtir un nouveau monastère sur l'emplacement de l'ancien.
La peste ayant éclaté, en 1629, presque aussitôt qu'ils furent revenus, ils se dévouèrent au service des malades et perdirent quatre des leurs qui furent victimes de leur généreuse charité ; ce furent le Père Augustin de Lessus, mort le 1er novembre 1629 ; le frère Damian Lastoux, mort le 7 du même mois ; le frère Paul Boyeri, mort le 21 décembre suivant, et le frère François Corbelier, mort le 23 avril 1630. La peste de 1640 fut pour les Récollets une nouvelle occasion de noble dévouement pour les pestiférés ; le frère Laurent Bonnat mourut le 26 mai, atteint de la contagion qu'il avait contractée en soignant les malades.
Le 10e Chapitre provincial fut tenu à Nîmes, le 18 octobre 1644, sous la présidence du père Daniel Dupuy.
Le mois d'août 1649 amena une nouvelle perte et de nouveaux dévouements de la part de nos religieux ; ils s'exposèrent au péril avec tant d'abnégation que, de quatre qui s'étaient voués au soin des malades, il n'en échappa aucun ; le premier succomba le 25 septembre, ce fut le Père Alexis d'Embrun, fils d'un médecin et ancien médecin lui-même ; successivement après lui et en peu de jours moururent, après avoir accompli des prodiges de charité, les trois frères lais qui avaient voulu suivre l'exemple du Père Alexis ; sans crainte de la contagion, ils avaient rendu aux pestiférés toute sorte de services, faisant leurs lits, les aidant à changer de linge et courant nuit et jour au milieu d'eux sans distinction de religion ; l'un d'eux, nommé Félix Hogendre ou Legendre, était de famille noble et avait été page de la reine Anne d'Autriche.
En 1650, lors de l'affaire Coutelle, acte d'intolérance quittant Nîmes avec son clergé, chargea les Récollets d'administrer les sacrements et de faire les fonctions curiales dans leur église. Les religieux exécutèrent ponctuellement cet ordre pendant tout le temps que dura l'absence de l'évêque et du Chapitre, qui ne revinrent à Nîmes que le 23 juin 1651.
Le 20 juillet 1680, se tint à Nîmes le 21e Chapitre provincial, sous la présidence du R. P. Irénée à Thiesno, commissaire général, ancien définiteur de la province de Saint-François en France. Le 15e s'y était aussi tenu, le 13 mai 1662, sous la présidence du P. Nathanaël Bridou.
Nous ne trouvons plus rien à signaler dans le couvent des Récollets jusqu'au 17 mai 1704. Ce fut dans le jardin du monastère qu'eut lieu, ce jour-là, la fameuse entrevue entre le maréchal de Villars et Cavalier, chef des révoltés des Cévennes. Cavalier se jeta aux pieds du maréchal et offrit de lui rendre son épée ; Villars la lui laissa et le fit relever. La conférence dura deux heures ; on sait qu'elle ne termina pas la guerre des Camisards, mais elle enleva aux rebelles un chef habile et redouté.
Les archives de l'évêché nous apprennent (N° 240) qu'une confrérie de tisserands de toile, sous le patronage de Saint-Silvère, pape, fut établie dans l'église des Récollets, par ordonnance épiscopale du 17 septembre 1707.
Le 8 avril 1723, le 34e Chapitre provincial se tint dans le couvent de Nîmes sous la présidence du P. Andéol Colas, ex-définiteur de la province de Saint-François de Lyon.
Le 17 août 1750, le général des Franciscains arriva à Nîmes ; les consuls en robe et en chaperon lui firent visite et le haranguèrent en latin ; le général leur répondit dans la même langue et alla, le même jour, sur les cinq heures du soir, rendre la visîte à l'Hôtel- de-Ville.
Le 49e Chapitre provincial fut tenu à Nîmes, le 15 juillet 1768, en présence de Mgr de Becdelièvre, sous la présidence du Père Maurice Miot, ancien provincial de la province de Saint-Denis en France.
Nous ne reviendrons pas ici sur la fondation de la paroisse Saint-Paul en 1771 et sur la concession que les Récollets firent alors de leur église en faveur du nouveau service paroissial ; on peut en voir les détails dans la notice de l'abbé Goiffon sur la paroisse Saint-Paul.
Le 4 octobre 1772, sur l'invitation des Récollets, les Consuls, en chaperon, assistèrent à la grand'messe conventuelle et y firent l'offrande de 50 livres, en considération des services rendus par cette communauté à la ville, dans le temps de la contagion, ainsi qu'il avait été réglé et établi par ordonnance des commissaires du roi et des Etats rendus à ce sujet le 1er février 1748. L'insertion de ce fait au livre du cérémonial des Consuls est une preuve que cette offrande se renouvelait chaque année.
En 1789, le couvent contenait douze religieux. Lors des événements du mois de juin 1790, les Récollets eurent comparativement moins à souffrir que d'autres couvents de Nîmes ; ils échappèrent tous au massacre et leur monastère ne fut point livré à un pillage général ; mais les légionnaires et la populace y pénétrèrent cependant, et on prit chez le père gardien tout l'argent qui s'y trouvait, c'est-à-dire environ 400 livres appartenant au couvent,et cent écus du fonds des messes non encore acquittées.
Lorsque quelque temps après, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale, les Récollets furent officiellement interrogés sur la résolution qu'il leur convenait de prendre, relativement à la liberté qu'on leur offrait, trois seulement déclarèrent vouloir sortir de leur monastère; tous les autres y restèrent jusqu'à ce que la tourmente révolutionnaire, se développant de plus en plus, vint les chasser de leur chère demeure. Nous n'avons pu découvrir ce qu'ils devinrent dans la suite ; il n'y a que le P. Bompard sur lequel nous avons pu recueillir quelques renseignements ; ce fut l'un des prêtres qui s'embarquèrent à Aiguesmortes pour l'Italie, le 14 septembre 1792, sur la tartane le Saint-Joseph, capitaine Jean Maraval, d'Agde. Nous le retrouvons, le 22 ventôse an IX (13 mars 1801), signant avec MM. de Rochemore, Ferrand et une quarantaine d'autres prêtres, la déclaration de soumission au gouvernement, en vertu de laquelle les églises de Nîmes se rouvrirent définitivement. Plus tard, ainsi que nous l'avons raconté ailleurs, le P. Bompard ressuscita le Tiers- Ordre dans l'ancienne église du couvent devenue église paroissiale; ce bon et saint religieux avait le titre de vicaire de Saint-Castor, lorsqu'il mourut le 7 septembre 1819, dans sa 78e année.
 
Ancienne église des Récollets
 
Plan ancienne église des Récollets
 
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CHAPITRE VI.
RESTAURATION DES RÉCOLLETS A NIMES.
 
L'Ordre franciscain proscrit par la Révolution ne reparut en France et ne s'y constitua en province qu'en 1852. Une colonie de six religieux venus Italie, sous la conduite du R. P. Bénigne, s'établit alors à Avignon et s'y distingua bientôt par les services eminents qu'elle rendit dans la ville et dans les environs. Le bruit du bien que les Récollets opéraient autour d'eux par leurs exemples et leurs prédications inspira à plusieurs évêques la pensée de doter leurs diocèses de couvents de cet Ordre.
Mgr Cart, toujours attentif au salut de ses ouailles, comprit le premier combien les humbles enfants de saint François-d'Assise seraient pour son clergé d'utiles auxiliaires et pour son peuple de vaillants apôtres Déjà dévoré par la terrible maladie qui devait finir ses jours,il voulut que leur établissement à Nîmes fût comme son testament et sa dernière œuvre, et profitant d'un carême que le P. Bénigne prêcha dans notre Cathédrale, le saint évêque fixa avec ce pieux commissaire général des Récollets les conditions de la fondation. Il leur céda la maison léguée au diocèse par M. Bassot, ancien Récollet lui-même. Cette maison avait été le premier domicile des sœurs de Besançon qui venaient de la quitter pour se transporter dans leur couvent de la rue de la Fayence. Une quête ordonnée par Mgr Cart couvrit les dépenses nécessitées par certaines réparations.
La fondation est du mois d'avril 1855. Quatre mois plus tard, le 12 du mois d'août, Mgr Cart quittait ce monde et remettait son âme à Dieu, après avoir béni les nouveaux apôtres de son diocèse et les avoir encouragés de sa voix mourante.
Le 14 août 1855, deux jours après la mort du saint prélat, se fit la bénédiction de la maison et de la chapelle des RR. PP. Récollets. La fondation était consommée et réunissait, dès le premier moment, ' toutes les sympathies.
Signalons depuis le triduum solennel qui fut célébré, en janvier 1863, à l'occasion de la canonisation des martyrs japonais. Mgr Plantier officia à la messe entouré d'un chanoine, de tous les curés de la ville et d'un nombreux clergé ; le soir, aux vêpres, il prononça l'un de ses plus éloquents discours sur ce texte : Infirma mundi elegit Deus ut confundat fortia et ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus... et montra les deux grandes plaies qui rongent la société moderne, le mépris de la conscience et le mépris de l'homme, guéries par les martyrs qui ont honoré la conscience par l'inflexibilité de leur patriotisme et de leur foi, et qui ont honoré l'homme par la pratique généreuse de la charité.
 
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LES RECOLLETS
par Théodore Picard, 1901
 
L'église actuelle, St Paul, a remplacé la chapelle conventuelle des Récollets établis à Nimes depuis 1615 ; c'est dans cette chapelle que se faisait naguère encore, le service paroissial. Le titre curial de Saint-Paul date de 1686, sous l'épiscopat de Mgr Séguier.
Plus tard, le, 17 juin 1771, Mgr de Becdelièvre confia cette cure à M. l'abbé Bragouze, et, par ordonnance du 22 octobre, l'érigea en paroisse dont le centre était toujours l'église conventuelle des Récollets. Ce titre s'éteignit dans les fatales journées de 1790.
Les religieux prirent la fuite, et leur chapelle, dévastée, fut convertie en fabrique d'armes à feu. Le vénérable curé, triste témoin de toutes ces horreurs, dut faire place à un intrus expulsé à son tour en 1793. Obligé de s'exiler en 1791, en Italie, M. l'abbé Bragouze fut arrêté à sa rentrée en France, et incarcéré pendant un an dans la citadelle en janvier 1796.
Rendu à la liberté, il eût la douleur de voir fermer son église pour la troisième fois, le 4 septembre 1797 ; il mourut enfin le 19 mars 1799, consumé par les privations de toute sorte. L'église servit alors de tribunal à une commission militaire. Pendant la deuxième période, en 1793, l'église devint un atelier de, menuiserie où l'on fabriquait les boiseries de la Salle de spectacles.
Lors de la reconstitution des paroisses en 1802, Saint-Paul descendit au rang de succursale, avec le hameau de Saint-Césaire pour annexe, et fut ensuite convertie en chapelle pour faciliter l'érection de la succursale de Milhaud. Elle reprit son rang de cure de deuxième classe par ordonnance royale du 31 octobre 1821.
 
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LES RECOLLETS
par Albin Michel, 1876
 
C'est sur cette place limitée par les rues des Frères-Mineurs, Porte de France et des Saintes-Maries, que se trouvait autrefois le couvent des Récollets dont la Chapelle devint plus tard l'église Saint-Paul. (avant 1835)
L'abbé Goiffon dans une intéressante brochure sur la paroisse Saint-Paul a publié de très-curieux détails sur la création du service religieux dans l'immense faubourg de l'ouest de la ville, création qui rencontra beaucoup d'opposition de la part du chapitre jaloux de ses droits. De tous ces divers documents il résulte que l'évêque Séguier, en 1680 conféra bien la cure de ce quartier à Chabaud des Iles, mais rien ne prouve que cette collation ait eu un effet quelconque, et ce n'est qu'en 1771 que l'évoque Bec-de-Lièvre créa définitivement la paroisse Saint-Paul.
Son décret d'érection portait que jusqu'à la construction d'une église paroissiale le service curial serait fait dans l'église couventuelle des Frères Récollets, moyennant une rétribution annuelle de trois cents livres payables à ces religieux, les deux tiers par la ville de Nimes et l'autre tiers par }e chapitre de la cathédrale. Ce fut M. Henry-Abraham Bragonze, bachelier en droit, qui fut le premier curé de cette paroisse.
Le couvent des Frères-Récollets possédait tous les terrains qui l'entouraient et qui s'é-tendaient jusqu'à la Fontaine. C'est dans leur jardin qu'eût lieu, le 17 mai 1704, l'entrevue entre Cavalier, chef des camisards, le maréchal de Villars et l'intendant Bâville, et après laquelle Cavalier fit sa soumission au roi.
L'église couventuelle des Frères-Récollets était construite sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la maison Thourneysan, le café de l'Univers et l'hôtel Balazard.
Ce monument étant devenu insuffisant pour la population de ce quartier qui comprend tont le faubourg de la Fontaine, du Cours-Neuf et va jusqu'au chemin de Montpellier, l'administration municipale, sous la présidence de M. Ferdinand Girard, maire, décida, en 1835, l'érection d'une nouvelle église et la création d'une place en face de la rue de la Madeleine.
Le 24 novembre 1849, l'ancienne église des Récollets sera vendue et  remplacée par de belles maisons construites sur les plans de MM. Feuchères, Durand et Chambaud.
 
(Extrait de Nîmes et ses Rues - Tome II, page 226 à 228, Albin Michel, 1876)
 
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