DÉCOUVERTE DE LA VENUS DE NÎMES

EN 1873.

par Jules Charles-Roux, 1908

photo de la Vénus de Nîmes prise  en février 2003 au musée archéologique

 

La plus belle pièce des collections nîmoises est la Vénus de Nîmes : elle occupe avec justice, une place d'honneur à la Maison Carrée. (actuellement, 2003, elle est dans cour du musée archéologique, boulevard Amiral Courbet)

 

M. Roger Peyre mentionne à peine cette statue et il assure qu'elle a « été beaucoup trop vantée par M. Lenthéric ».. Nous ne partageons pas du tout cette opinion et nous suivrons au contraire Mme de Flandreysy dans la savante et délicate étude, qu'elle a consacrée à la déesse nîmoise.

 

 

Cette Vénus fut découverte en octobre 1873, à près de deux mètres au-dessous du sol, de la rue Pavée, (dénommée rue Fernand Pelloutier  depuis 1934) c'est-à-dire exactement au niveau de la ville romaine. Elle se présenta non point sous forme de statue, mais horriblement mutilée, brisée en cent trois morceaux, entourés eux-mêmes d'une sorte de concrétion marneuse.

 

Un sculpteur, M. Prosper Maurin, les dégagea et les juxtaposa avec art. Il eut ensuite la malheureuse idée d'ajouter tout ce qui manquait. C'est ainsi que dans la tête, la bouche seule et la partie supérieure des cheveux sont antiques. Certaines parties du corps et de la draperie ont été également complétées. Cette restauration est d'autant plus inexplicable qu'en 1873, le Louvre, imitant en cela les archéologues anglais, qui s'étaient gardés de toucher à la frise du Parthénon, avaient déjà depuis longtemps (dès l'arrivée en France de la Vénus de Milo), renoncé au funeste usage de restaurer les originaux antiques.

 

 

détails restauration.

Il faut regarder de près pour remarquer les détails de cette restauration.

Extrait du livre, Nîmes sans Visa.

La main gauche tient contre le sexe le beau drapé d’une étoffe qui ne monte que jusqu’aux hanches ; le buste est nu, parfaitement lisse et fragile, d’une harmonie absolue dans le mouvement du torse et des épaules qui la fléchit un peu et la tourne comme par pudeur pour rattraper sa tunique, ou pour vous entraîner dans on ne sait quelle aventure : c’est Vénus !

 

Nota : Avec sa légèreté coutumière, notre auteur n’a pas fait le tour du sujet... Il n’a pas remarqué (qui ne monte que jusqu’aux hanches) les hanches découvertes, laissant apparaître une voluptueuse anatomie.

Même dans les mains d'un Michel-Ange, la restauration des antiques est hasardeuse. Sans doute il ne placera pas, comme la chose a été fréquemment faite au Louvre (nous en devons la remarque à M. Félix Ravaisson-Mollien), la tête d'un personnage romain sur les épaules d'un dieu grec. Mais les additions s'accorderaient-elles avec la physionomie et la signification générale des lignes, que le travail moderne ne pouvant jamais s'harmoniser complètement avec le travail ancien, enlèverait à l'oeuvre entière le mérite capital de l'unité de style et d'exécution.

 

Quel artiste a prétendu que l'éphèbe était beaucoup plus près de la beauté que la Vierge ? Je ne sais; mais la Vénus de Nîmes, telle nous la voyons aujourd'hui dans la Maison Carrée,(au musée archéologique en 2003) nous donné l'impression que rien ne peut être plus séduisant que son corps de jeune fille en promesse de femme.

 

Quel âge lui donnez-vous? demandais-je un jour à Jean Aicard ?

 

L'éternité, me répondit le poète, de sa voix grave.

 

Je ne m'attarderai pas à détailler ici la pose de la tête et du corps de la Vénus de Nîmes, dont les deux bras ramenés l'un vers la poitrine, l'autre sur le ventre, rappellent le maintien de toutes les Vénus pudiques.

 

Ce geste me paraît être beaucoup plus une provocation qu'une défense.

 

…Fugit ad salices et se cupit ante videri.

 

Je dirai seulement qu'avec l'Anadyomène de Nîmes nous assistons à l'épanouissement de la nature, de la réalité dans l'art. Elle ne goûta certainement jamais aux douceurs de l'Olympe, et ne fraya pas davantage avec Phryné et les courtisanes d'Athènes, dont la beauté, cultivée en vue de servir de modèles aux grands maîtres, gardait encore une certaine idéalisation.

 

Ce n'est ni la déesse ni la femme, mais seulement l'Ève mystérieuse, quelque chose comme l'instinct du sexe. Non, ici, rien de noble ni de serein; de la, coquetterie, de la provocation même, résultant en partie de sa draperie qui, vue de dos, voile la portion médiane du corps mais laisse à découvert, sur le devant, en un retroussis équivoque, les pieds et le haut des jambes; sans cette draperie, dont le dessin et le style sont également détestables, la Vénus de Nîmes dansa complète nudité, aurait quelque chose de moins sensuel et de plus digne.

 

Malgré certaines qualités d'exécution, cette Vénus est donc une oeuvre de la décadence. Elle appartient sans doute au troisième ou au quatrième siècle. Quelques artistes ont voulu voir en elle une origine plus grecque que romaine. Le sentiment qu'elle exprime est cependant bien éloigné de l'idée grecque, car l'Hellade, ne l'oublions pas, eut le sens des chastes et grands sym­boles: Athènes se place sous la protection d'une vierge déesse, tandis qu'un essaim de Victoires va proclamer le triomphe de son peuple et que le souffle de Platon met au corps d'Aphrodite

 

Le lin chàste et flottant qui voile sa beauté...

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En savoir plus sur découverte de la Vénus de Nîmes avec CH. Lenthéric

> Extrait du texte des Mémoires de l'Académie, 1879

 

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