LA PORTE SAINT-ANTOINE

 

 

Porte St Antoine, la veille des quatre grandes fêtes de l’année,

les consuls distribuaient des aumônes aux pauvres.

 

En 1270 l'une des portes de la ville qui plus tard est devenue la porte Saint-Antoine, s'appelait porte de Garrigues. C'était en dehors et à partir de cet emplacement que se trouvait le fossé du Champ de Mars.

 

En 1350, cette porte prit le nom de St-Antoine à cause de l'hôpital des religieux de St-Antoine du Viennois établi tout auprès. Avant cette date, il existait même dans cette partie de la ville un hôpital destiné aux pèlerins et qui portait le nom de Saint-Jacques. Ce bâtiment est devenu plus tard une hôtellerie appelée de la Coquille (1).

 

(1) Ménard, nouvelle édition, tome 2, page 53.

 

D'après une coutume très ancienne, la veille des quatre grandes fêtes de l’année, les consuls distribuaient des aumônes aux pauvres et le jeudi de l'Ascension, notamment, ils se rendaient en cortège dans la tour de la porte Saint-Antoine, préalablement ornée da feuillage, et y distribuaient le pain de l’aumône publique appelé Caritatis. Ils recevaient aussi la visite de l'abbesse ou maîtresse des femmes et filles débauchées qui leur offrait un gâteau et à laquelle ils donnaient cinq sols. Cet usage était encore en vigueur en 1520.

 

Au XVIIe siècle, c'était devant la porte Saint-Antoine, en dehors des murs, que se tenait le marché aux cochons. De nos jours encore, à cause de la situation de ce quartier qui est le plus rapproché des routes qui amènent à Nimes les habitants de la banlieue, de la Vaunage et des Cévennes ; c'est encore sur cet emplacement que se réunissent les négociants et propriétaires les jours de marché.

 

C'est en vain que la municipalité a affecté une partie du rez-de-chaussée du théâtre à la Bourse des courtiers en vins et spiritueux, les cours légaux s'y fixent bien, mais l'ancienne habitude a repris le dessus, et malgré l'abri un peu restreint, et les facilités que chacun trouverait dans ce local, c'est encore à la porte Saint-Antoine que se traitent toutes les affaires et que stationne la foule.

 

En 1240, des religieuses Clarisses ou de Sainte-Claire firent bâtir un couvent et une église hors de la ville tout près des murs. Ce monastère fut honoré du titre d'Abbaye (1).

 

(1) Ménard, nouvelle édition, tome 1er, page 273.

 

A côté de la porte Saint-Antoine et séparée des habitations par les Arènes, se trouvait la tour Vinatière, très forte tour carrée, couronnée de créneaux et d'une masse générale aussi imposants que les tours du Château Royal, s'il faut en croire une vue cavalière de Nimes au XVIe siècle reproduite par Poldo d'Albenas (1). C'est dans cette tour qu'en 1644 et le 18 juillet, les consuls voulant mettre un frein au dérèglement des mœurs firent enfermer les filles de débauche et rendirent l’arrêté suivant :

 

« Le conseil ayant jugé que telles personnes ne peuvent apporter que grands malheurs, a délibéré que les garces qui se trouvent natives de ceste ville, seront mises et enfermées dans la tour Vinatière et nourries au pain et à l'eau aux frais et despens de la Communauté. Et pour les étrangères, seront mises hors de la ville et terroir d'icelle, au préalable avoir esté rasées la teste et chargées de plumes de coq suivant la coustume, usage et privilège des quels ceste ville est en possession de semblables affaires. » (2)

 

(1) Germer-Durand, page 74.

(2) Ménard, tome 6, page 66.

 

De tout temps les autorités nîmoises ont veillé à ce que les pauvres de la ville fussent secourus ; aussi voyons-nous qu’en 1592 après les troubles pendant lesquels l'hôpital qui servait à loger les pauvres avait été détruit, l'on avait été contraint de recueillir ceux-ci dans une maison mal bâtie et peu disposée pour cet usage.

 

Sur l'observation qui en fut faite au conseil de ville (1), le 12 février 1592, Pierre Bompar, avocat du roi, assiste du ministre Moinier, fit voter la reconstruction de l’hôpital sur son ancien emplacement. Le travail fut donné à prix fait à divers maçons suivant contrat en date du 5 mars de la même année (2).

 

(1) Archives de l'hôtel de ville, registre du XVI° siècle.

(2) Archives de l'hôtel de ville, contenant les contrats de la ville, f° 564.

 

Ce monument a été construit sur l’emplacement occupé du temps des Romains par les bains publics (banna). En effet, lorsqu'on 1811 on a élevé la façade actuelle sur le boulevard, on trouva des murs qui paraissaient appartenir à un grand édifice, et des salles pavées en mosaïque. Un vestibule ou corridor était pavé de cubes de marbre blanc semés de distance en distance de cubes de marbre noir. Ce vestibule donnait par une large porte dans une grande salle qui distribuait deux pièces à droite et à gauche, ces pièces étaient séparées par des murs de briques revêtus de ciment fin et peints à la fresque. Les gros murs extérieurs étaient en pierre de Barutel, comme les Arènes. Ces divers pavés en mosaïque furent placés auprès du maître-autel et dans le chœur de la chapelle de l’Hôpital Général. La nature de la construction dont les murs intérieurs étaient en briques plus propres que la pierre à entretenir la chaleur, est venue confirmer l'opinion des auteurs qui ont dit que les thermes romains étaient situés sur cet emplacement. Une rue qui longeait ce bâtiment s'appelait autrefois rue des Vieilles-Etuves.

 

La façade, la chapelle et une partie de l'intérieur de l'hôpital général ont été construits sur les plans de M. Durand, architecte. Le développement de la façade est égal à celui de l'Hôtel des Monnaies de Paris; elle est percée de 29 portiques qui forment autant de boutiques et d'entresols.

 

En 1875, cet hôpital a été transféré dans un nouveau bâtiment situé sur la route d'Uzès, en dehors de la ville et dans d'excellentes conditions d'hygiène et d'installation, et les locaux rendus libres, vont être convertis en musées, bibliothèque, salle de concert, écoles de musique, de dessin et de fabrication. (*) Le mont de piété, compris dans ce bâtiment, a son entrée principale dans la rue des Innocents.

 

(*) Le bâtiment ne restera pas longtemps un musée, voir l’extrait ci-dessous :

« Une des questions qui tenait le plus au coeur des adversaires de l'administration communale était celle du Lycée. Ce n'était pas sans une mauvaise humeur marquée que ceux-ci avaient vu la ville se décider à créer dans l'ancien hôpital général un palais des Beaux-arts et se disposer à y placer nos services municipaux en souffrance dans maints locaux épars et insuffisants. Selon eux, l'Hôpital Général était réservé, quoi qu'il en coûtât, à un lycée (Daudet), et ils l'ont bien prouvé du reste lorsqu'ils ont été les maîtres des deniers communaux… »

Histoire de la Ville de Nîmes, 1876 - Adolphe Pieyre, 1887

 

Dans l'ancienne chapelle l'on a provisoirement installé la galerie Gower dont la ville a fait l'acquisition. On y remarque parmi quelques belles toiles deux Wouwerman (le Marché aux chevaux et le Maréchal-ferrant), deux Claude Lorrain et plusieurs toiles de Ruysdaël, Van-Ostade, Prudhon, Tennier, Terburg, Corrége, Van de Velde, Gevard Dow, Hobbema, etc., etc.

 

Le boulevard de la Madeleine (actuellement Victor-Hugo)a été planté pour la première fois de deux rangées d'ormeaux en 1643, alors que Léon Trimond était premier consul de la ville.

 

Extrait de Nîmes et ses rues, Albin Michel, 1876, page 33-38

 

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