RUE RÉGALE
De l'Esplanade à la place de l'Hôtel-de-Ville.



Défilé dans la rue Régale en 1904

La Rue Régale
Extrait de Nîmes et ses rues de Albin Michel, 1876. T II, P 289 à 294.


Extrait du cadastre de 1829. (cliquer sur l'image pour  agrandir)
La rue  régale et le Palais de Justice (de l'Empire avant 1846)

Les documents les plus anciens constatent que cette rue à toujours porté ce nom, probablement à cause de la présence de la cour présidiale, ou des officiers et représentants de l'autorité royale.
En 1331 le bâtiment du Palais de justice ou de la cour des Sénéchaux était adossé contre le mur d'enceinte de la ville en face des Arènes, et manquait d'espace. Ce fut le sénéchal Hugues Quieret qui acheta le 8 février 1331 la maison d'un particulier appelé Pierre Caussinel damoiseau et la joignit au Palais. Les procureurs du roi qui en firent l'achat au nom du sénéchal se nommaient Jean Privat et Robert l'Enfant ; le contrat se passa en présence de Pierre Maurel juge-mage et de Bernard Plantier avocat du roi ; le prix en fut fixé à trois cents livres, ce qui représentait 1500 francs d'aujourd'hui. (1876)
Cette maison était proche des murs de la ville et de la porte Saint Thomas, plus tard porte de Saint-Gilles, et était mitoyenne avec celle qui devint au siècle dernier tristement célèbre par le séjour qu'y fit Jean-Antoine Courbis, ancien maire de Nîmes, qui pendant la terreur de 1793 fut le pourvoyeur de la guillotine. On sait que des fenêtres de sa maison qui prenait jour sur l'Esplanade, ses complices et convives assistaient parfois le verre à la main aux sanglantes exécutions des victimes par eux condamnée. (1) Incarcéré après la chute de Robespierre, Courbis fut massacré le 16 prairial an lII (4 juin 1795) dans les prisons de la citadelle. (2)

NOTA NEMAUSENSIS :
(1) Ils faisaient des paris horribles sur la chute de la tête du condamné guillotiné, qui tombait dans le panier destiné à la recevoir ou à côté en fonction de la raideur du cou.
(2) On dit qu'un jeune homme, dont le père était monté sur l'échafaud lui porta un coup de sabre à travers le corps


Il y avait à côté du palais de justice une chapelle dite de St-Martin à l'usage des magistrats, mais en 1622, pendant les troubles religieux, elle fut démolie.
C'est à l'extrémité de cette rue que se trouve actuellement la façade latérale du nouveau palais de justice, monument qui a été fait et refait deux fois dans l'espace de cinquante ans.
Premièrement, en 1809, il frit construit sur les plans et dessins de M. Charles Durand. Sa façade était une copie des fameux propylées d'Athènes ; deux avant-corps ou pavillons comme ceux qui existent aujourd'hui étaient décorés à leurs angles, de pilastres d'ordre dorique et portaient au-dessus des trois croisées dont ils étaient percés, des bas-reliefs représentant les arts, la science, l'agriculture et le commerce, protégés également par la justice ; les statues de la Vigilance et de la Surveillance terminaient de chaque côté du perron le stylobate qui forme la base de tout le monument. Le frontispice principal était formé par an péristyle à six colonnes d'ordre dorique d'un mètre de diamètre, elles supportaient un fronton dans le tympan duquel était un bas-relief représentant Thémis, distribuant la justice.
Ce plan fut trouvé si remarquable dans son ensemble, qu'il fut pris pour modèle à l’École polytechnique pour la classe d'architecture.
Ce monument ayant été trouvé insuffisant pour les divers services qui devaient y être établis, il fut décidé en 1838 qu'une reconstruction aurait lieu, au moyen de l'addition des terrains et constructions de M. Galline, entrepreneur de diligences, formant l'angle de la rue Régale.
M. Bourdon fut l'architecte de ce nouveau monument dont la dépense fut supportée par l’État, le département et la ville. La première pierre fut posée par M. de Jessaint, préfet du Gard, le 12 septembre 1838. Ainsi que le constate l'inscription gravée au-dessus de la porte de la rue Régale, et qui est ainsi conçue :

«
Sous le règne de Louis-Philippe, premier roi des Français, le baron de Jessaint, préfet, assisté de M. G. Bourdon, architecte, a posé la première pierre de ce monument en présence de toutes les autorités du département du Gard. Le XII septembre MDCCCXXXVIII. »

Les diverses sculptures ont été exécutées par M. Paul Colin et dans les deux chambres de la cour d'appel se trouvent des peintures de M. Numa Boucoiran.
On croit généralement que ce palais a été construit sur l'emplacement d'une ancienne basilique détruite par les Vandales ; voici ce qui a donné lieu à, cette conjecture :
À son retour de la Grande-Bretagne, Adrien, successeur de Trajan, traversant les Gaules, s'arrêta quelque temps à Nîmes devenue à cette époque une des plus importantes colonies de l'Empire romain. Il voulut concourir à son embellissement et fit élever en 121 et 129 deux superbes monuments en l'honneur de Plotine, sa bienfaitrice.
Le premier dont Spartien nous a conservé le souvenir sous le nom de Basilique de Plotine, fut construit du vivant de cette princesse, il a été entièrement détruit et l'on ignore même la place qu'il occupait, cependant quelques marbres précieux trouvés en 1809, dans les fondations du palais de justice, remarquables par la grandeur de leurs dimensions, la richesse et l'exécution parfaite de leurs ornements, de nouvelles découvertes de fragments de marbre blanc richement sculptés trouvés dans les mêmes parages, permettent de supposer que cet édifice devait exister sur cet emplacement.
Nous trouvons la preuve de l'existence de la Basilique elle-même dans une inscription qui a fait l'objet d'une étude spéciale dans laquelle M. Germer-Durand, le savant archéologue, nous initie pour ainsi dire aux détails de la construction de cet édifice (1).

(1) V. Mémoires de l'Académie du Gard, 1862-64, page 142.

Cette inscription trouvée en 1739 dans le bassin même de la Fontaine près des gradins demi-circulaires bâtis sur ses bords, est ainsi conçue:

IOVI' ET' NEMAVS
T'FIAVIVS' HERM
EXACTOR' OPER
BABILICAE' MAR
MORARI' ET' LAPI
DARI' V' S

Titus Flavius Hermes surveillant des travaux de la Basilique, les sculpteurs sur marbre et les tailleurs de pierre, accomplissent le vœu qu'ils avaient fait à Jupiter et à Nemausus.

Ce vœu devait être de demander à la divinité suprême Jupiter et à la divinité topique Nemausus de préserver de tout accident pendant la durée des travaux les ouvriers qui se mettaient sous leur protection. Il est probable que ce vœu fut exaucé, et la construction de la basilique de Nîmes, qui dura sans doute plusieurs années, eut lieu sans grave accident, puisque les auteurs de ce vœu vinrent un jour élever sur les bords mêmes de la source de Nemausus, dans l'enceinte sacrée où on lui rendait un culte, le modeste monument de reconnaissance qui est venu jusqu'à nous et qu'on peut voir dans l'enceinte extérieure de la Maison-Carrée, sous le n° 40.
C'est sans doute à cette basilique qu'il faut rapporter les magnifiques morceaux de sculpture classés au Musée sous les n°' 201, 202, 206, 207, 223 et 231. Ces belles frises, ces pilastres cannelés, ces chapiteaux, ces aigles d'un effet si grandiose, malgré les mutilations qu'ils ont subies, sont peut-être dus aux Marmorii dont notre inscription atteste la piété envers Jupiter et Nemausus, mais dont elle ne nous a pas transmis les noms.
Avant de quitter le palais de justice, mentionnons le cype qui se trouve dans le jardin de la bibliothèque des avocats, et qui porte l'inscription suivante :

HAVE' NAEVI
SALV0S' SIS' QVISQVIA
ES
CN' NAEVIO
DIADVMENO
VENALICIARIO
CRAECARIO

     Dans la rue Régale, et encastrée dans le mur de la maison Amalry, (à l'angle de la rue de la Violette) on voit une statue en pierre représentant un homme couvert d'un bonnet et vêtu d'une espèce de tunique courte avec une ceinture bouclée et sur le devant, les bras relevés sur la tête.
Plusieurs explications ont été données par les archéologues, mais la plus naturelle est celle qui en fait une statue Persique dont les Romains ornaient leurs monuments.
Voici, d'après Ménard, (1) l'origine de cette dénomination :
Pausanias ayant défait les Perses, les Lacédémoniens, en mémoire de cet événement, représentèrent ces peuples sous la figure d'esclaves portant les entablements de leurs maisons, et les architectes, dans l'ordre dorique, mirent ces figures de captif au lieu du fût de la colonne. De là les mots de statues Persiques. On en voit à Rome de semblables, à la porte du palais Farnèse.
La statue de Nîmes doit donc avoir servi de pilastre à quelque ancien bâtiment.

(1) En bas de ce document, le texte complet de Léon Ménard, ainsi que 3 représentations  de cette statue.

-oOo-

Statue Persique en pierre
extrait  de "Dissertation sur les Antiquités de la ville de Nîmes"
par Léon Ménard - Tome VII pages 150 à 152, 1758

         
Original, rue Régale                   Document Poldo d'Albenas                              Document Léon Ménard          

On voit dans la ville, à côté de la porte .d'entrée d'une maison qui est en face l'arcade de la trésorerie allant au palais (NDLR : 6 & 4bis rue Régale, voir en bas de cet article photo du début XXe), une statue de pierre à environ 4 pieds de hauteur représentant un homme couvert d'un bonnet vêtu d'une espèce de tunique courte, avec une ceinture bouclée sur le devant, qui lui sert à la relever : tunique que ne ressemble pas mal au Sagum des Gaulois. Il a les bras derrière la tête et sur le col & se trouve dans une posture extrêmement gênée.

Les explications qu'on a donné de cette figure sont en grand nombre (Gautier, histoire des Antiquités de Nîmes pages 67 et suivantes) (1), mais toutes si étranges, si éloignées même du bon sens qu'elles ne méritent pas que je m'y arrête. La plus commune opinion est celle qui veut que ce soit là un pantomime ou un baladin. Poldo d'Abenas fut le premier.(Pol. Albenas, dis. historial sur les antiq. de Nismes, chap. 19, pag. 93) qui eut cette idée. Dom de Montfaucon a suivi (Dom de Montfaucon, antiq. expliq. tom. 3, part. 1, pag. 160) son sentiment.
Ces auteurs n'ont pas considéré que la figure n'a point assez de liberté, & que les bras sont trop gênés pour l'exercice qu'on lui donne.
Un auteur moderne qui rapporte à la religion des Gaulois (Dom Jacques Matin, de la religion des Gaulois, tome 1, page 465) presque tous les anciens monuments qu'on a trouvé en France prétend que cette figure représente un des baladins qui se masquaient en l'honneur du dieu Mithras le premier de janvier, jour de l'anniversaire de la naissance de cette divinité. Il est vrai que les prêtres de Mithras n'était autres que le soleil, dont le culte avait été porté de Perse à Rome & de Rome dans les Gaules, avaient accoutumé de célébrer ce jour par des mascarades & des extravagances infinies ; que les uns couraient les rues tout nus, avec la représentation d'un sexe de femme ; que les autres se déguisaient en monstres & en toutes sortes de bêtes pour marquer le symbole de leur consécration & la figure de l'animal avait adopté à leur initiation dans les mystères Mithriaques. Mais cette pratique ne prouve rien pour la statue que je viens de décrire. Ce n'était pas l'usage d'en ériger, en l'honneur de ces prêtres on sait que les ministres de Mithras étaient de véritables druides, qui ne communiquaient leurs connaissances & leurs pratiques religieuses, que de vive voix, & non point par écrit ni par manie forte d'indication permanente.
Sans recourir à des .explications si forcées, il s'en présente une plus naturelle & plus juste. On se rappelle que Nismes a été embelli des plus superbes édifices que l'art ait produits ; & que les Romains n'oublièrent rien pour les enrichir de tous les ornements & de toute l'élégance de l'architecture. Il n'y manquait sans doute ni pilastres, ni colonnes, ni portiques qui font tous un effet si merveilleux dans les bâtiments. Or ce doit être ici un morceau & un reste de ces beautés d'architecture. Je dis donc que cette figure est une des statues qu'on appelle Persiques, dont voici l'origine & la forme. Ce sont les Grecs qui les ont introduites. Pausanias ayant défait les Perses, les Lacédémoniens en mémoire, de cet événement représentèrent ces peuples sous la figure d'esclaves portant les entablements de leurs maisons ; & les architectes, dans l'ordre dorique mirent ces figures de captifs au lieu du fust de la colonne. Or c'est du nom des Perses, qu'on leur a donné celui de statues Persiques. On en voit à Rome de semblables, qui sont les deux statues antiques de rois des. Parthes, placées aux côtés de la porte du salon du palais Farnèse. Telle est donc la statue qui fait le sujet de cet article.
Elle aura été employée pour pilastre dans quelques bâtiments.

(1) NDLR : Ménard critique le texte de H. Gautier de 1720, mais il se permet de reproduire à l'identique le dessin figurant dans son livre, et, comme vous pouvez le constater, ce dessin n'est pas du tout ressemblant à l'original.

Ci-contre la reproduction du dessin du livre de Gautier, copié par Ménard.

Ci-dessous le texte intégral du paragraphe d'H. Gautier.


-oOo-

Extrait du livre "Histoire de la ville de Nismes"
de H. Gautier, pages 67 à 71, 1720.
 
NDLR : Dans ce paragraphe, H. Gautier nous livre son étude sur divers monuments en pierre exposés à Nîmes, y compris la statue Persique de la rue Régale. Par ses comparaisons, en passant de l'une à l'autre, la publication intégrale du texte concerné est indispensable pour une bonne compréhension.
 
Il y en a qui prétendent que cette Figure des quatre jambes était le Gerion qu'Hercules défit en Espagne, qui avait autrefois en son entier trois têtes, trois corps, six jambes & six mains, que l'on interprétait pour le symbole de l'amitié du Triumvirat, des trois frères Rois d'Espagne, qui furent détruits par Hercules, lesquels étaient fils de Deabus, que l'on appelait autrement Chryseus ; de forte que cette Statue de Gerion ayant été tronquée à la ceinture , on lui a posé pour poitrine une base de colonne, & sur cette base une tête d'homme qui a une longue barbe, que suivant les apparences, l'on a trouvé en divers endroits dans les ruines de l'ancienne Ville, dont on a composé la figure en pièces de rapport, des quatre jambes d'aujourd'hui. D'autres, avec plus de raison, veulent que c'est la figure de deux hommes, qui ont des natures de femmes, joints ensemble, faisant un groupe.
Que ce que l'on appelle Mimes, ou Histrions, ou Sauteurs, ainsi nommés de Hister Tuscus, le premier qui fit sur les Théâtres ces fortes d'exercices que de sauter, ne sont non plus que des hommes avec des natures de femme, comme sont ceux qui sont à la Porte de la Couronne, l'un au dehors du Ravelin, & l'autre en dedans , & qui ressemblent à celui qui est à un coin de rue, faisant face à l'Hôtel de Ville d'à présent, couvert d'une robe avec une ceinture & un bonnet, ne font autre chose, non plus que la figure des quatre jambes, que la représentation de ces hommes lâches, que Sesostris Roi d'Égypte avait vaincus sans combattre, que l'on a représentés avec des natures de femme, & des bras tournés derrière le col, comme incapables d'aucun soin, ne pouvant plus se mêler d'aucune affaire publique. Les bras ainsi derrière le col, font voir que ce n'est pas la posture d'un Histrion, ou Sauteur ; ces sortes d'exercices demandent une grande liberté dans les bras, qui servent même d'aide à sauter, par le mouvement que l'on leur donne, & non à les tenir gênés derrière le col, qui semblent être liés ou attachés quelque pilier. D'autres enfin ont voulu que ces Statues aient servi de thermes, ou de piliers, par rapport à la puissance de leurs corps, qui est de six pieds de haut ou environ, tout comme on a fait servir des hommes & des femmes vaincus pour pilastres, ou pour colonnes, dans l'ordre des Cariatides en architecture.
D'autres au contraire, conjecturent, sans rapporter le temps, ni par qui, que ces figurés des Histrions sont les représentations de ces filles qui furent exposées au Vainqueur, afin de sauver Nismes & ses Citoyens. La Ville, disent-ils, se trouvait alors assiégée par une Armée victorieuse, qui ne voulait faire grâce à personne, à cause qu'on lui avait trop longtemps résisté. Le Senat s'assembla pour délibérer ce que l'on devoir faire dans une si triste conjoncture. Il fut résolu, par l'avis d'un des Sénateurs, que puisque les Assiégeants ne voulaient faire aucun quartier, & que l'on devait périr, il fallait tenter encore un expédient pour se sauver, qui était de planter des poteaux dans les Places publiques, & aux coins des Carrefours des rues, auxquels on attacherait des filles toutes nues, quelquefois seules, & souvent deux ensemble, les bras croisés derrière le col ; que l'on ouvrirait ensuite les Portes de la Ville ; & que le Soldat furieux trouvant ainsi ces innocentes Victimes vouées à leur discrétion, s'y arrêterait, & oublierait son devoir. L'avis de ce Sénateur fut suivi ; on ouvrit les Portes de la Ville. Le General & les Officiers étonnés d'un semblable spectacle, furent sensibles à ce sacrifice, firent grâce à la Ville & à ses Citoyens en faveur de ces victimes ; & pour reconnaitre cette délivrance, que l'on attribuait au Dieu Priape, qui était reconnu principalement dans Nismes, le Peuple fit dresser des Statues en plusieurs endroits de la Ville, en reconnaissance du sacrifice de ces filles, qui avaient sauvé la République par un semblable stratagème. On les figurait mâles de la ceinture en haut, telles que les figures d'aujourd'hui les représentent, pour faire voir que sous cette figure, c'étaient plutôt des hommes que des filles qui avaient conduit toute cette affaire à une heureuse fin.

-oOo-
Images du début du XXe siècle
collection nemausensis
 

Café Palais Bar, sur l'Esplanade à l'angle de la rue Régale


Un défilé passe devant la rue Régale, 1904


Maison Pascal - Trousseaux Layettes, 16 rue Régale
(cliquer sur l'image pour agrandir)


Le Crédit Moderne, 6 & 4bis rue Régale


La rue Régale débouche sur la place de l'Hôtel-de-Ville.