NIMES
LA RUE DE L'HORLOGE
Extrait de "Nimes et ses rues" d'Albin Michel, 1876
 
 
Cette rue s'appelait autrefois rue du Département parce qu'en 1789 les religieux Angustins qui avaient fait un couvent de la Maison­Carrée furent supprimés, et ce magnifique monument fut affecté au service de l'administration centrale du département. Plus tard elle prit le nom de la rue de la Colonne à cause de la découverte d'un très beau fragment de colonne trouvé dans les fouilles voisines.
 
Ces deux appellations s'appliquèrent à la partie de la rue allant de la place de la Maison-Carrée aux Quatre Coins Saint-Véran ; l'autre portion allant jnsqu'à la rue des Tondeurs et des Petits Souliers ou Savaterie, s'appelait rue de l'Horloge. Aujourd'hui ce dernier nom s'applique seuI à la rue dans toute sa longueur.
 
En 1410 et le vendredi 22 août, il intervint un accord entre les consuls et les chanoines de la cathédrale par lequel prit fin le différend qui existait entre eux sur l'usage de la cloche de la cathédrale.
 
On voit par l'exposé de cet acte que Gaucelme de Deaux, ancien chanoine de Nimes, évêque de Maguelonne, avait donné une grosse cloche aux habitants de Nimes pour être employée à sonner les heures ; que cette cloche avait été placée dans le clocher de la cathédrale où elle servait non seulement à l'usage de la ville mais aussi pour sonner les offices, que néanmoins quelqu'un des chanoines l'avait malicieusement endommagée, qu'à la vérité on l'avait réparé mais très imparfaitement.
 
Les consuls s'étant plaint et réclamant la possession de ladite cloche comme ayant été donnée à la communauté dans un but d'utilité publique, il fut convenu :
 
1° que la cloche en question serait remise aux consuls avec les roues, les ferrures et tout l'attirail de l'horloge ;
2° que les consuls feraient bâtir une tour à l'hôtel de ville pour l'y placer et servir à sonner les heures;
3° qu'ils seraient obligés d'y tenir une horloge publique à perpétuité pour l'usage des habitants ainsi que pour celui de l'Eglise ;
4° que les chanoines et les gens de l'Eglise auraient à l'avenir l'entrée franche des vins qu'ils retiraient de leurs bénéfices ou de leurs patrimoines situés hors du territoire de Nimes, ainsi que les religieux mendiants pour les vins de leurs quêtes
 
Cet accord se passa dans le cloitre de la cathédrale, devant le charnier, et fut fait sous les yeux et par la médiation de Pierre d'Ogier, doyen d'Evreux, conseiller du roi, et de Pierre Montaigu, licencié ès-lois, lieutenant du Sénéchal de Beaucaire. Celui-ci donna en même temps la permission aux consuls de faire construire la tour nécessaire pour y placer l'Horloge. Cette tour fut terminée en 1412.

En 1434 le roi Charles VII renouvela la permission donnée aux consuls d'avoir une cloche sur le beffroi de l'hôtel de ville.
 
L'horloge étant hors de service, les consuls traitèrent en 1592 avec un horloger et un serrurier de Nimes pour la remplacer. Ceux-ci se chargèrent de :
« faire une horloge neuve, excepté le timbre, à la façon d'Allemagne, avec les roues et tout le mouvement nécessaire, aussi forte et aussi épaisse que la précédente, d'y placer les armoiries de la ville, le millésime et le nom des consuls en charge, de hausser davantage le marteau, de façon que les heures fussent mieux entendues qu'auparavant, de couvrir le timbre de fer blanc dans la hauteur et la largeur qu'il conviendrait et enfin de placer une girouette dessus, le tout dans l'espace de quatre mois, au prix de cent vingt écus sols, valant 360 livres tournois ».
 
Nous voyons figurer dans l'état des dettes de la ville, vérifié par les Etats du Languedoc en 1610, un article de 150 livres 10 sous au sieur Dubois, guetteur de la tour de l'horloge tant pour le feu que pour le rabat des heures.
 
En 1752 les directeurs de l'hôpital général auxquels les consuls avaient cédé l'ancien hôtel de ville devenu plus tard la maison da refuge, vendirent cette maison à un marchand de Nimes, nommé Pieire. Celui-ci craignant l'écroulement de la tour, porta sa réclamation devant l'intendant, qui ayant fait examiner la chose par des experts, reconnut qu'en effet cette tour menaçait ruine ; en conséquence, le conseil de ville délibéra, le 23 mai 1752, de la faire démolir pour être ensuite rebâtie suivant le plan et devis dressé par l'architecte Dardalhion.
 
Ce devis portait que la nouvelle tour formant un carré long comme l'ancienne, serait élevée de 15 toises au-dessus du rez-de-chaussée, que les murs en seraient terminés par un entablement composé d'architecture, de frise et de corniche ; que sur cet entablement, il y aurait une balustrade en forme d'entrelacs ovales qui régnerait dans tout le pourtour; que là, seraient mis et posés sur une voûte dont le dos serait à niveau de la corniche, le timbre et les pièces de fer qui le supportent, et enfin que le haut de l'escalier pratiqué dans la tour serait couvert par une petite coupole élevée de deux pieds au-dessus de la balustrade.
 
C'est cette même tour qui existe aujourd'hui, et l'on voit au-dessus de la porte d'entrée qui est dans la rue du Refuge l'inscription suivante :

 
TURRIS
REÆDIFICATA
HOROLOGIUM
INSTAURATEM
ANNO
MDCCLIIII
  
Dans la maison Bardon, située vis-à-vis la Banque de France, on voit deux cariatides qui supportent l'escalier ; on les attribue à Puget.
 
La portion de cette rue qui est immédiatement derrière la Maison Carrée n'a été ouverte qu'en 1788. A cette époque, la Maison Carrée servait de couvent et d'église aux pères Augustins et les constructions qu'ils avaient adossées contre ce monument venaient en même temps s'appuyer contre les remparts. Les consuls, comprenant qu'il était utile d'ouvrir un débouché entre la ville et le nouveau faubourg de la Fontaine, qui était de création toute récente, décidèrent l'ouverture de cette rue.
 
A ce sujet, voici l'accord qui intervint entre la ville et les RR. PP. Augustins tel qu'il fut expliqué dans la séance du conseil de ville du 4 septembre 1788 :
 
« M. le premier consul a dit que messieurs les commissaires des travaux publics s'étant rendus au couvent des RR. PP. Augustins avaient examiné en exécution de la délibération du 4 août dernier l'emplacement de la nouvelle rue qui doit être ouverte entre ledit couvent et la maison du sieur Triaire ; - qu'ils s'étaient convaincus de la nécessité de démolir les lieux communs du couvent, lesquels avançant au-delà de la façade latérale obstruaient le local de la nouvelle rue tracée dans le plan approuvé par Sa Majesté ; - que les travaux des acqueducs doubles se trouvant presque achevés dans cette partie, il était essentiel d'ouvrir promptement ce nouveau débouché avant de travailler à la construction des aqueducs doubles de la porte de la Madeleine, qu'autrement on intercepterait la communication de la ville avec le faubourg de la Fontaine, mais qu'avant d'ouvrir la nouvelle rue, il y fallait traiter préalablement avec les RR. PP. Augustins ; que ceux-ci, sentant la nécessité de la démolition du bâtiment à eux appartenant qui avançait dans la nouvelle rue, avaient consenti qu'il fût démoli et que l'on transférât ailleurs les lieux communs du couvent, sous la condition que la communauté se chargerait des frais de la démolition et de la reconstruction ; mais comme ces travaux doivent se faire dans l'intérieur du couvent, on a cru devoir proposer aux RR. PP. Augustins de se charger eux-mêmes à forfait de la susdite réparation ; qu'après une longue discussion on avait fixé le total de dépense à 300 livres payables après la définition de l'ouvrage et l'ouverture de la nouvelle rue, ce que lesdits religieux ont accepté, et comme cet arrangement paraît avantageux pour la communauté, puisque d'après un premier aperçu la dépense devait se porter à 600 livres, Messieurs les commissaires d'empressent d'en faire part à l'assemblée qui est priée de délibérer. - Sur quoi l'Assemblée adopte....»
 
La maison qui fait le coin de la rue du Grand-Couvent et qui appartient aujourd'hui à M. de Gonet était au XVIIe siècle la propriété de François Graverol, avocat et archéologue qui avait rassemblé dans sa maison un assez grand nombre d'inscriptions dont quelques unes se voient encore.
 
 
En passant dans cette rue, l'attention du touriste est forcément attiré par la vue d'une porte très-bien sculptée qui donnait accès dans la maison de sieur de Saint-Véran. Ce nom qui a été donné au carrefour situé au point de jonction des rues du Grand-Couvent et de l'Horloge, était celui de François de Montcalm, seigneur de Saint-Véran, qui a joué un rôle important dans l'histoire de Nimes. Ménard nous apprend qu'en 1580 il fut un des trois commissaires chargés par la ville d'aller exposer au roi la situation de la ville de Nimes dans laquelle la religion réformée avait fait des progrès très rapides, et tout en défendant cette nouvelle doctrine de témoigner au roi la respect et le dévouement qû on avait pour sa personne et son autorité.
 
A cette même époque, afin de maintenir l'ordre dans la ville, on élut quatre habitants pour être capitaines ou chefs. chacun de cent hommes ; ces quatre chefs furent Robert Brun, écuyer, seigneur de Castanet ; François Barrière, écuyer ; Bernard Arnaud, seigneur de la Cassagne ; et Jean Abraham, bourgeois. Comme surintendants de ces quatre cents hommes, la conseil de ville nomma le seigneur de Saint-Véran et le sieur Dolon.
 
C'est alors que pour la première fois, nous voyons paraître une mesure de police qui, va l'état de trouble dans lequel se trouvait la ville, avait une grande importance ; Je veux parler de l'établissement dans certains carrefours de lanternes afin d'éclairer les rues la nuit. La décision du conseil porte que :
« des lanternes placées à certains endroits désignés seront attachées par des cordes aux maisons voisines ; qu'elles seront garnies toutes les nuits par les voisins, chacun par ordre, sur le mandement des maîtres de maisons où seront attachés les bouts de la corde, soit d'une chandelle du poids d'un carteron au moins, soit d'une lampe garnie suffisamment d'huile et de coton pour durer toute la nuit ; que ceux qui manqueraient de les garnir à leur tour, payeraient vingt ­cinq sols d'amende pour chaque fois, et que les maîtres des maisons où seront attachés les bouts de la corde payeraient la même somme s'ils manquaient de les faire garnir. »
 
Cet ordre était indépendant de celui qui avait été précédemment publié, d'éclairer les façades de toutes les maisons dès qu'il survenait quelque rumeur ou désordre pendant la nuit.
 
La maison du sieur de Saint-Véran fut désignée la première pour avoir une lanterne au milieu du carrefour.
 
C'est dans cette maison que se tint le 2 février 1562 le synode général de l'Eglise réformées de la Province ; cette réunion dura jusqu'au 11 du même mois et se termina par la cène que firent tous les ministres qui formaient le synode.
 
Avant que le marteau des démolisseurs ait fait complétement disparaitre la façade de l'ancien hôtel de Pierre Scâtisse, situé dans la rue du Grand-Couvent, et la porte ogivale au ­dessus de laquelle on voit encore un écusson représentant une croix émergeant au-dessus des flots, nous devons constater que ce même écusson se retrouve au bas d'une tourelle située dans la cour du n° 10 ce qui prouve que cet immeuble qu'on désignait autrefois sous le nom de la Grande-Maison méritait réellement ce titre par l'espace qu'elle occupait. Quelques pas plus loin nous rancontrons l'hôtel de la succursale de la Banque de France, dont la construction remonte à 1856. (actuellement Maison de l'Emploi de Nîmes Métropole)
 
 
-oOo-
 
 
> Contact Webmaster