Le Député Teissier de Marguerittes
RAPPORT DU DÉPUTÉ MAIRE DE NÎMES
LE BARON TEISSIER DE MARGUERITTES
À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

SUR L'AFFAIRE DE NÎMES
DU 13 AU 19 JUIN 1790

Nouvelle Adresse de la Municipalité de Nismes, présentée à l’Assemblée Nationale par M. de Marguerittes, Député du Département du Gard & Maire de Nismes, & par M. Boyer, Substitut du Procureur de la Commune de la même Ville.

Le 31 Octobre 1790.
 
Il est trop instruit pour croire qu'une preuve soit suffisamment acquise par de simples informations, surtout lorsque dans ces informations l'esprit de parti, pour ne rien dire de plus, a dirigé la plupart des témoins, membres ou affichés du Club ; surtout lorsque le Procureur du Roi, sommé à diverses reprises, a refusé constamment, pendant cinq mois, de faire entendre les Témoins indiqués par l'Assemblée des Représentants de la Commune ; surtout lorsqu’il a inhumainement rejeté les plaintes de plus de 60 veuves ou orphelins qui voulaient constater les assassinats commis en la personne de leurs maris & de leurs pères ; surtout, lorsque les dégâts & les dévastations faits à main armée & qui montent à plus de sept cent mille livres, ont été faits sous les veux de 15 000 Gardes-Nationales étrangers ou de la Ville qui ne s’y font point opposés & dont plusieurs y ont participé.
Les Officiers Municipaux ont rétabli les faits dans leur adresse ; ils ont publié un tableau qui dévoile des crimes affreux & des complots depuis longtemps ourdis, dont ils offrent & feront la preuve quand des Juges impartiaux ne refuseront pas d'entendre les témoins des uns en admettant ceux des autres.
Il est certain que ces faits contrarient ceux-qui ont été rapportés dans plusieurs relations, où tout est dénaturé & où les plus grandes atrocités sont palliées & passées sous silence.
Le Directoire adopte l'une d'elles, & soutient que : tous les faits qui y sont consignés furent scrupuleusement examinés, & que chaque phrase & chaque mot furent sévèrement discutés.
Cette relation n'étant pas signée, il a été permis de la contredire & de la ranger parmi les libellés répandus contre la Municipalité ; & puisqu’il y est dit qu'elle ne jouit pas de la confiance publique, le Directoire n'a, pas pu exiger que ce récit fit regardé comme une pièce probante, d'autant qu'il renferme plusieurs faits controuvés, tels que celui des coups de fusils tirés du Couvent des Capucins dans lequel on n’a pu découvrir ni armes, ni munitions, ni Légionnaires.
Cette légère contradiction a néanmoins excité fon animadversion & a été traitée d'audace ; les Membres ont déclaré qu'ils n'avaient pas voulu user des moyens que les Lois leur confient pour rappeler à leur devoir des Magistrats qui s’en sont si étrangement écartés.
Heureusement, nous vivons sous des Lois qui ne permettent rien d'arbitraire ; bientôt l'intérêt commun élèvera des digues contre la licence, contre l'anarchie, & posera des bornes que l'oppression ne pourra point franchir.
Les Officiers Municipaux n'ont éprouvé que des vexations depuis qu'ils sont en place s'ils devaient être encore exposés à de nouvelles violences de la part du Club, ou ne devraient-ils pas se flatter d’obtenir une juste réparation en vertu des Lois protectrices des droits de l’homme ?
Ils doutent qu'aucune Loi ne donne aux Directoires des Départements le droit d'outrager impunément des Magistrats & d'anticiper sur le jugement qui sera rendu par des Tribunaux compétents & impartiaux.
Cependant le Directoire du Département dépeint dans son Adresse, les Officiers Municipaux se débattant sous la main de la Loi ; il leur reproche d'avoir emprunté le masque trompeur du Patriotisme ; il emploie le terme de mépris ; il y témoigne l’aversion qu’éprouvent des Corps Administratifs d’avoir des rapports nécessaires & journaliers avec les Magistrats qu’ils ne peuvent traiter comme coupables, (certes ils savent bien qu’ils ne le sont pas, ) ni regarder comme innocents. Avant le succès de leur Adresse calomnieuse, n'étaient-ils pas forcés de leur rendre à cet égard la justice éclatante que quarante mille de leurs Concitoyens ne cessent de leur rendre ? Mais ce sont là des outrages gratuitement prodigués, dont il sera permis de tirer une vengeance que peuvent exercer, dans ces temps malheureux, & qu’exercent, dans toute l’étendue du Royaume, ceux qui ont à leur solde & à leur disposition des hordes de brigands, & qui savent diriger les poignards de la multitude, mais cette vengeance tardive quelquefois, & assurent à tout honnête homme, à tout citoyen, à tout magistrat, odieusement inculpé & outragé.
Les Officiers Municipaux sont moins prompts à accuser ; ils n’anticipent pas sur l’avenir ; mais ils ont droit d’attendre que des procédures faites avec impartialité & dans une Ville étrangère à tout esprit de parti, manifesteront de quel côté sont la justice & la vérité.
Alors ceux qui redoutent cette accablante vérité, qui fuient à son approche, & qui voudraient l’étouffer par une amnistie, se débattront à leur tour, sous la main de la Loi ; alors les masques tomberont, & découvriront des âmes atroce ; alors le terme de mépris sera trop doux, & celui d’exécration ne sera pas même assez fort ; alors les coupables seront connus, & on saura dans quelles vues, sous quels prétextes, sur quelles réquisitions, des brigands fanatiques, attirés dans la Cité, ont rempli leur sacrilège mission de massacrer des Prêtres & des Catholiques, de dévaster les Couvents & les maisons, & d’exercer toutes sortes d’atrocités ; alors on jugera sur qui doit retomber le poids des réparations de tant de désordres, & des indemnités dues à tant de Citoyens & à tant de veuves & d’orphelins. La manifestation de ces vérités sera terrible ; mais elle est nécessaire. Les Officiers Municipaux la doivent à l’honneur de la Cité, & à la dignité des fonctions dont la confiance publique les a investis.
Il leur tarde sans doute de déposer ces fonctions qui ont été pour eux qu’une source d’amertume : inquiétés & poursuivis avec acharnement, accusés & calomniés avec audace, enfin échappés comme par miracle au glaive des assassins, ils ont offert depuis longtemps la démission de ces fatales fonctions ; mais tant qu’ils en seront revêtus ils les rempliront avec fermeté ; ils n’ont que trop cédé à la violence ; mais résolus de ne se laisser rebuter ni par les menaces, ni par la terreur, & prêts à faire s’il le faut le sacrifice de leurs fortunes & de leurs vies, il ne seront jamais celui de leur honneur.
Le Directoire prétend que la vérité est consignée dans le récit fait au nom des Électeurs ; mais il n’est pas un seul fait de ce récit sur lequel les Électeurs n’aient été trompés & qui puisse soutenir une discussion sérieuse.
Ils ont été trompés sur le massacre de ces Religieux, sur les honteuses atrocités exercées sur leur cadavre, sur les sacrilèges & les profanations, & sur les dévastations, dont ils n’ont pas trouvé à propos de parler.
Ils ont été trompés sur les coups de fusils qu’on dit être partis des Arènes & de la maison de l’infortuné Gas, & sur le prétendu dépôt de poudre qu’il recélait.
Ils ont été trompés sur la violation du droit des gens envers ces malheureux, dont on ne cessa de fourvoyer l’asile avec du canon, tandis qu’on les amusait par des paroles de paix.
Ils ont été trompés enfin sur les coups de fusils qu’on dit avoir été tirés le mardi des fenêtres des maisons ; fausseté indigne, qui n’a été imaginée que pour justifier les atrocités de cette journée, où la rage unie au sang-froid outragèrent horriblement l’humanité.
Faut-il rappeler qu’après le désarmement général des Catholiques qui ne s’étaient pas même mis en état de défense, une infinité de Citoyens furent arrachés de leurs retraites & conduits comme des agneaux qu’on mène à la boucherie, à l’Esplanade, au Cours neuf, & dans d’autres Places où ils furent fusillés, massacrés, pendus, où on les hachait vivants avec le sabre & la faux ; où on leur coupait les poignets, les pieds, le nez, les oreilles, le menton ; où on leur ouvrait le ventre & on leur arrachait les entrailles pour leur en battre le visage (1) ; où on exerçait sur eux en un mot les horreurs les plus exécrables ?
 
(1) Que MM. Rabaut, Voulland & autres Signataires de l’avertissement ne prennent pas ces faits pour un Roman ; le Substitut du Procureur de la Commune est chargé d’en offrir la preuve au nom des Veuves de Joseph Brun, Jean Louis Guérin, Jean Vernet, André Boulanger, Pierre Marcellin, & autres ; ainsi que celle de François Guérin, l’un des témoins de l’information, faite dans le mois de Mai.
 
Et sur les plaintes réitérées faites par les veuves & les orphelins, aucune démarche de la part du Procureur du Roi, aucune information, aucun témoin entendu ! Tandis qu’on a la perfide complaisance d’en administrer un grand nombre pour empoisonner les discours les plus simples & les plus indifférents. Et après une pareille conduite, après une partialité aussi révoltante, ose-t’on se flatter que l’Assemblée Nationale aura deux poids & deux mesures (1), & qu’elle adoptera & souffrira même qu’on lui mette sous les yeux l’inique information faite à Nismes, tandis qu’elle a repoussé, sans vouloir en entendre la lecture, celle qui fut faite à Montauban, en vertu d’ordres supérieurs ?
 
(1) Ce ne sera pas sans doute parce que cinq Dragons Protestants ont été tués en combattant à Montauban, tandis qu’à Nîmes, plus de 200 Catholiques ont été massacrés sans se défendre, & sans qu’on ait encore daigné faire aucune information à ce sujet, quoiqu’on ait déjà fait entendre plus de cinq cents témoins.
 
Et qu’on ne dise pas que les atrocités commises n’étaient pas connues ; car ceux même qui sont les plus intéressés à le nier sont forcés d’en convenir (1).
 
(1) On lit page 42 ligne 7 & suivantes de l’Adresse envoyée à l’Assemblée Nationale par le Club de Nismes, le 18 septembre 1790 : « Qui ne fait que dans une émeute horrible qui a duré quatre jours, on s’est livré aux plus criminels excès ? Quel homme oserait répondre de contenir & de maîtriser une foule ignorante, qu’on a livrée au désespoir ? La raison, dans un pareil moment, ne peut-elle se faire entendre de la multitude ? La Municipalité nous annonce, par une note, le détail imprimé de ces atrocités ; nous n’y apprendrons rien, que l’histoire trop connue des passions des hommes.
 
Le récit des Électeurs se fait sur tous ces faits, de même que sur les excès auxquels les Officiers Municipaux furent en butte ; de même que sur les pillages & dévastations du Collège ; du Séminaire ; du Couvent des Récollets ; de celui des Jacobins ; de l’Hôpital général ; des maisons de M. Bragouse, Curé ; de M. Cabanel, Prêtre ; de la Métairie de MM. Les Abbés Paulian, & de tant d’autres ; la maison de campagne de M. Desponchès, Archidiacre, & de plus de cent maisons de Citoyens Catholiques. Mais les Électeurs ont encore trompé sur cela, de même que sur un très grand nombre de faits qu’il serait trop long de rapporter.
Le Directoire conviendra que s’il n’est pas permis de contrarier un récit où chaque phrase & chaque mot furent sévèrement discutés, il doit l’être de relever avec moins d’art, & d’apprêt, si l’on veut, ce qu’il a sans doute omis à dessein.
Il s’est contenté de dire que des maisons suspectes furent fouillées, & que les perquisitions que l’on fit devinrent pour quelques bandits une occasion de pillage.
Mais ces bandits avaient des listes, des Guides, des Chefs, & il est du devoir & de l’honneur du Département, du District, de la Municipalité & des Magistrats de réunir leurs soins & leurs efforts pour parvenir à les connaître. Ce serait engager une querelle de plume qui deviendrait inépuisable.
La vérité ne peut être que d’un côté : pour terminer tous ces débats, il faut donc qu’une Procédure faite devant des Juges libres & impartiaux, composée de Témoins Catholiques & Protestants, pris indistinctement dans tous les quartiers de la Ville, & dans tous les lieux de la contrée, fasse connaître de quel côté l’agression est partie, & surtout l’époque du rassemblement & du départ des Troupes arrivées avec armes & bagages, dans un court intervalle, & presque à la même heure, d’une très-grande distance ; sur quelles réquisitions elles sont venues ; quels sont les Électeurs qui crurent pouvoir rester sans danger, & ceux qu’on réussit à disperser (1)
 
(1) Il résulte du Procès-verbal de l’Assemblée électorale, que le nombre des Électeurs, qui était de 526 dans le principe, fut réduit à 205 le lundi 14, & ce n’est qu’après cet éloignement forcé que le tiers des Administrateurs du Département & tous les Administrateurs du District ont été nommés, cependant le Récit, où chaque mot & chaque phrase furent sévèrement discutés, suivant l’Adresse du Directoire du Département du Gard qui l’adopte, ainsi que les cinq Députés du Département du Gard qui l’on fait imprimer à l’Imprimerie de l’Assemblée Nationale & distribuer à domicile, dit page 37, lignes 10 & 11 : l’Assemblée électorale poursuit les Scrutins avec courage, conservant plus des deux Tiers de ses Membres. Et le Procès-verbal, page 4, ligne dernière, le nombre des Électeurs était de 526. Est-ce que le Directoire du Département croirait par hasard que le nombre de 205 forme plus des deux tiers de celui de 526 ? Non sans doute : mais il fallait en imposer sur ce fait comme sur tant d’autres, pour légitimer l’Élection illégale du quart des Membres du Département & de l’entier District de Nîmes. La Municipalité se réserve le droit de relever sans avoir besoin de discuter séparément chaque mot & chaque page de la Réponse générale aux prétendus faux-fuyants de la Municipalité de Nîmes.
 
Cette procédure doit porter non seulement sur les troubles des mois de Mai & de Juin, mais encore sur les causes qui les ont produits, sur la conduite respective des Protestants & des Catholiques avant ces émeutes, depuis l’époque des Délibérations, manifestant les mêmes vœux pour la réformation des abus de l’ancien Régime, & prises de concert dans les mois de Novembre & de Décembre 1788, jusques à ces derniers temps ; & elle doit embrasser le détail de ce qui s’est passé dans le Conseil permanent, des manœuvres & des provocations de toutes espèce qui ont aigri & divisé les Citoyens, & amené les malheurs de Nismes.
C’est l’unique moyen de parvenir à la découverte de la vérité & à la conviction des vrais coupables, qui, s’ils échappent au glaive des Lois, ne doivent pas échapper à l’opprobre.
Après cette conviction, il sera permis de parler d’amnistie, d’abolition & d’oubli du passé ; mais ce n’est qu’alors qu’on pourra, comme les Directoires du Département & du District, solliciter la grâce des coupables.
Une amnistie, quelque générale qu’elle puisse être, ne pouvant pas abolir les réclamations de ceux qui ont des indemnités à prétendre, & les Directoires du Département & du District ayant cru pouvoir les rejeter sur la Ville, & même personnellement sur les Officiers Municipaux de l’un desquels on a fait saisir & déplacer des meubles, dont même on a annoncé la vente, il est de l’intérêt de la Ville & de ces Magistrats de constater par des preuves quels sont les véritables auteurs des maux de la patrie, afin que si les coupables ne payent pas de leur tête, ils soient forcés de payer de leur fortune les dévastations & les pillages dont ils seront prouvés les auteurs .
On a beau présumer que la manifestation de la vérité n’est propre qu’à réveiller les haines, & qu’à exciter la fermentation des esprits sur les évènements dont on voudrait anéantir jusqu’à la mémoire.
Mais quoi de plus propre à aigrir les esprits que de masquer continuellement la vérité, que de rejeter sur une ville opprimée & sur les Officiers Municipaux, des pertes causées par des étrangers & par leurs conducteurs qu’il est essentiel de connaître & de rechercher ?
Quoi  de plus propre à exciter l’indignation,  que d’offrir un pardon à des opprimés qui ont droit aux vengeances de la Loi ?
Quoi de plus propre à réveiller les ressentiments que d’imposer silence à la justice, après avoir dévoué à l’exécration publique des Citoyens assassinés & des Magistrats intègres qu’on a maltraités & excédés de coup & qu’on n’a cessé de diffamer dans mille journaux vendus à l’iniquité, & de soustraire à cette même exécration ceux qui sous le voile du patriotisme se sont souillés de mille abominations préméditées & réfléchies, dont le tableau si redouté & qu’on voudrait anéantir, effrayer l’Europe.
Quoi de plus propre à entretenir les dissensions & les haines que de retenir dans les cachots des prisonniers qu’on à décrétées avec aussi peu de justice que de raison, & de refuser constamment de les admettre à leurs faits justificatifs, malgré les actes de déni de Justice qu’ils font donner ? (1)
 
(1) Voyez dans les pièces justificatives, ces actes & la réponse du juge, qui d’après les faits avancés par sieur Descombiès, détenu en prison, déclare lui-même qu’il doit s’abstenir.
 
Quoi de plus propre à armer le Citoyen, que de s’obstiner à vouloir traiter en criminels ceux qui ont toujours été opprimés & n’ont jamais été coupables ?
Vainement on s’est flatté d’anéantir des faits graves & d’en arrêter plus longtemps la preuve. (1)
 
(1) C’est dans cette vue que les Directoires du Département & du District s’opposent à une nouvelle information, & s’en tiennent à celle faite sous leurs yeux, dont chaque déposition leur est connue, appert les notes insérées dans la réponse aux prétendus faux-fuyants de la Municipalité, laquelle déclare n’avoir jamais pu obtenir la moindre connaissance de cette information.
 
Croit-on en imposer, en avançant que la Municipalité oppose à la procédure juridique l’information qu’elle assure avoir faite elle-même, tandis que toutes les demandes de cette même Municipalité ne tendent que depuis six mois qu’à faire informer par devant tels juges qu’il plaira à l’Assemblée Nationale d’indiquer ? Tandis  que depuis  le 15 mai le Procureur du Roi au Présidial n’a voulu faire entendre que des Membres du Club & les témoins indiqués par les Clubistes ; qu’il a constamment refusé d’administrer ceux qui lui ont été désignés par les Représentants de la Commune, & qu’il a eu la barbarie de repousser le grand nombre de veuves & d’orphelins qui portaient plainte de l’assassinat de leurs maris & de leurs pères ; fait décisif pour que l’Assemblée Nationale ordonne une nouvelle information.
Croit-on en imposer par ce rassemblement affecté de mots, Citoyens, Procureur du Roi, Juges, Témoins, Administrateurs, Électeurs, Commissaires du Roi, Municipalités voisines, Gardes-Nationales, tous sont les ennemis des Officiers Municipaux de Nismes ?
Une simple observation sur chacun de ces mots en fera connaître la juste valeur.
Et d’abord, Citoyens ! N’y a-t-il donc à Nismes que les Membres du Club & leurs adhérents ? Ne sait-on pas que 40 000 habitants de Nismes sont justement indignés contre les calomniateurs de la Municipalité ? Ne sait-on pas qu’après avoir désarmé les Catholiques (1) on étouffé par la terreur leurs nombreuses réclamations, & qu’on a cherché même à détruire leur crédit & leur fortune. (2)
 
(1) Non-seulement on a désarmé les quinze Compagnies qui n’ont pris aucune part aux troubles des 13, 14, 15, 16 & 17 juin, fait avéré & constaté ; mais on a donné leurs armes à des volontaires Protestants Etrangers (à la ville) qui les ont emporté chez eux, appert le Procès-verbal des Officiers Municipaux d’Aubais ; mais on a supprimé toutes ces Compagnies, & l’on a refusé même d’en recevoir les Volontaires dans les vingt-quatre Compagnies conservées ; mais on compte à peine six cents Catholiques dans la Légion composée de deux mille quatre cents hommes, quoique les Catholiques forment les quatre cinquièmes de la population. Tout décèle donc dans les protestants la fureur de dominer. Qu’on en juge par l’empressement qu’ils mirent à désarmer les Catholiques dès l’instant qu’ils furent les forts, au moyen de 15 000 étrangers qu’ils avaient fait venir (des villages voisins, principalement de la Vaunage protestante). Qu’on en juge par la manière dont ils composèrent, en contravention des Décrets de l’Assemblée Nationale, la Légion Nimoise. Elle avait été formée, jusqu’au massacre du mois de juin, de 43 Compagnies. Dès l’instant, que cet exécrable projet eut été mis à exécution, & que les Catholiques furent subjugués, & en grand nombre assassinés, la Légion fut réduite à 24 Compagnies. Et ce qui prouve que l’unique but des Protestants n’était que de s’emparer de tous les pouvoirs, c’est que sur 24 Capitaines qu’ils élurent, ils en nommèrent 22 Protestants ; & cela dans une ville  où les Protestants ne forment que le cinquième de la population. Ce fait est tiré d’un Mémoire que la Garde, se disant Nationale de Nîmes vient de publier. Le style de ce nouveau Libellé & les odieux mensonges qu’il renferme, ne nous permettent pas de nous abaisser jusqu’à le réfuter.
 
(2) Entre autres faits, voyez le Procès-verbal dressé le 22 octobre dernier à la requête des sieurs Maigron, Vignal & Compagnie, Négociants Catholiques de Nismes, qui se plaignent qu’on leur a suscité une avanie qui leur coupa la vente un jour de marché, qui fit naître la répugnance des Pratiques qu’ils ont  dans la contrée à continuer de s’approvisionner chez eux ; qui donna atteinte à leur crédit, par l’apparence de la saisie de leurs effets & de l’arrestation de leurs personnes ; faisant arrêter par la Garde Nationale le reste des Marchandises que lesdits sieurs Maigron, Vignal & Compagnie rapportaient de la Foire d’Uzès ; & en faisant circuler dans le Peuple ces assertions incendiaires ; là Nation est trahie… On introduit des armes, de la poudre, M. d’Artois, le sieur François Froment… Ils sont dans les malles, on en est sûr, on a été averti. Les Boutiques & Magasins de ces Négociants sont investis, & Le Procès-verbal est joint aux Pièces.
 
Procureur du Roi ! La conduite qu’il a tenue depuis le commencement de cette affaire sans égard pour les ordres du Chef de la Justice, dispense de toute réflexion.
Juges ! N’ont-ils pas été menacés ? La vie du Lieutenant-Criminel n’a-t’elle pas été en danger pour avoir rendu la liberté au sieur Vigne, Négociant, & Capitaine d’une Compagnie Catholique, contre lequel il n’y avait aucune preuve ? Ce Magistrat ne vient-il pas de déclarer qu’il s’abstient & cesse d’être Juge dans l’affaire du sieur Descombiès au moment de l’admettre à ses faits justificatifs ?
Témoins ! Un grand nombre est membre du Club, & a signé l’Adresse du 4 mai ; en sorte que ces MM. sont à la fois dénonciateurs & témoins.
Administrateurs, Électeurs, Commissaires du Roi ! Ignore-t’on que les Directoires du Département & du District de Nismes sont en grande partie formés de Membres du Club ? Ignore-t’on que les Directoires du Département & du District de Nismes sont en grande partie formés de Membres du Club ? Ignore-t’on  que le Club qu’on dit composé de Catholiques & de Protestants, sur quatre cents dix-sept membres, compte seulement soixante troix catholiques ? Ignore-t’on que les Electeurs avaient été circonvenus à l’avance, & que les Commissaires du Roi se sont toujours concertés avec le Club ?
Municipalités voisines ! Ne devaient-elles pas s’opposer au départ de leurs Gardes Nationales, puisqu’il n’existait aucune réquisition de la Municipalité de Nismes ? Cet oubli de devoir ne les rend-elles pas parties dans cette affaire, & dès lors comment peut-on s’appuyer de leur témoignage ?
Garde Nationale ! À l’exception de celle de Montpellier, qui s’est couverte de gloire en arrêtant dès son arrivée le massacre & les atrocités, que de regrets doivent avoir la plupart des autres, témoins & tranquilles spectatrices des excès que leur devoir était d’empêcher ; & combien de reproches ont à se faire celles qui non-contentes d’avoir coopéré au pillage, se sont encore enrichies des dépouilles des infortunés qu’elles devaient protéger & secourir ?
Les Officiers Municipaux persistants dans leur Adresse supplient donc l’Assemblée Nationale & tous les gens de bien de ne se décider ni sur des récits pleins d’erreurs, ni sur des informations dont la suspicion est sensible & a été démontrée ; mais de suspendre leur jugement jusqu’au moment où le temps, la vérité, l’impartialité auront rassemblé & mis au jour toutes les preuves dans des informations dignes de foi.
Il supplie en outre l’Assemblé Nationale de prononcer sur la démission qu’ils ne cessent d’offrir de leurs fonctions, & de ne pas perdre de vue que M. Viellard, Rapporteur de l’Affaire de Montauban, lui disait :
« En remettant trop légèrement certains délits, il peut résulter de leur impunité l’ébranlement de la Constitution. Il est facile, sans doute, à des vainqueurs de dire : Nous sommes en paix quand leurs ennemis chassés ne peuvent revenir chez eux que pour y subir la Loi qui leur est imposée… Ce n’est pas dans une ville où l’esprit de parti s’est si violement manifesté qu’on peut se flatter que les informations ont été faites avec impartialité… Dans ces circonstances, votre Comité de Rapport à l’honneur de vous proposer le Décret suivant. (Ce décret fut adopté.)
L’Assemblé Nationale, après avoir entendu son Comité de Rapports, déclare que l’Information commencée devant les Juges de Montauban relativement aux événements arrivés dans cette Ville le 10 mai, demeure comme non avenue… L’Assemblée Nationale décrète qu’il sera informé devant les Officiers Municipaux, Juges ordinaires en matière criminelle, à Toulouse, à la diligence de la Partie publique, de tous les événements arrivés à Montauban, tant antérieur que postérieur à ladite époque, circonstance & dépendances ; à l’effet de quoi les Pièces déposées au Comité des Rapports seront incessamment adressées à la Partie publique, &. »
Dans certaines circonstances semblables, & d’après ces considérations, les Soussignés ont l’honneur de représenter à l’Assemblée Nationale que les Officiers Municipaux de Nismes ont demandé, que pour le plus grand nombre, leur démission à plusieurs reprises ; qu’ils sont chaque jour inquiétés dans leurs fonctions qu’il est au-dessus de leurs forces de continuer ; que plusieurs d’entre eux se trouvent absents par une suite de vexations qu’ils ont éprouvées, & que d’ailleurs le renouvellement d’une partie de la Municipalité doit avoir lieu à l’époque présente ; c’est pourquoi l’Assemblée Nationale est suppliée de vouloir bien ordonner que, vu la démission d’une partie des Officiers Municipaux & et l’absence des autres, la Commune de Nismes sera incessamment convoquée, & qu’il sera procédé à la nomination & renouvellement de la Municipalité de Nismes ; & comme il importe à ces Magistrats de constater par des preuves & une information juridique & impartiale, quels sont les véritables auteurs des assassinats, pillages & dévastations commis à Nismes, ils supplient de nouveau l’Assemblée Nationale d’ordonner, conformément aux Décrets rendu pour Montauban le 26 juillet, & Schelestradt le 14 août dernier, que l’information commencée devant les Juges de Nismes relativement aux troubles qui ont eu lieu dans cette ville pendant les mois de mai & juin, demeure comme non-venue, & qu’il sera informé devant les juges de Montpellier ou autres, étrangers au Département du Gard, & à la diligence de la Partie Publique, de tous les événements arrivés à Nismes les 2, 3, 4 mai, 13, 14, 15 16, 17 juin, ainsi que tous ceux qui y sont relatifs, tant antérieurs que postérieurs aux dites époques, & notamment de ceux contenus dans les Détails circonstanciés ; à l’effet de quoi les pièces déposées au Comité de Recherches seront incessamment adressées à lad. Partie Publique. Ils la supplient enfin de décréter que toutes les armes de la Légion Nîmoise, même celle des Compagnies qui ont été désarmées, seront habituellement déposées dans la Maison Commune, & dans une Salle disposée à cet effet ; & sans s’arrêter aux changements survenus dans ladite Légion pendant & depuis les troubles, ordonner que les Légionnaires, conformément aux Décrets de l’Assemblée Nationale, seront exclusivement pris parmi les Citoyens actifs qui se sont fait inscrire, défendant à tous autres de se réunir en Troupes armées & de porter l’Uniforme National.
 
Signé,

Teissier-Marguerittes, Maire
Boyer, Substitut du Procureur de la Commune.
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