..

BOMBARDEMENTS DE NÎMES

ET RESISTANCE GARDOISE

Article www.nemausensis.com

par Philippe Ritter et Georges Mathon


Groupe B24 Libérator
..

Ce samedi matin du 27 mai 1944, une importante flotte aérienne de près de 700 appareils, appartenant à la 15eme US Air Force, composée de B24  « les Libérator », de chasseurs P-38, « les Lightning » et de P-51 « Mustang », part d’Italie et passe par la Corse avec pour objectif les agglomérations situées entre Nice et Montpellier : c’est la préparation de l’opération Anvil (enclume). Son but est de déstabiliser les défenses Allemandes en multipliant les objectifs, gares de triage, ateliers ferroviaires ainsi que les infrastructures pour préparer le débarquement de Provence du 15 août 1944, ce nom sera changé en Dragoon à partir du 1er août pour dépister les services de renseignement allemands.

 

Quatre vagues de Bombardiers B24 fondent sur Nîmes vers 10h, 2 dans l’axe route de Sauve, gare des marchandises et 2 dans l’axe route de Montpellier, gare des marchandises, elles volent entre 6000 et 6600 mètres, elles seront forcément imprécises. Elles larguent plus de 450 bombes (1000 celon certaines sources), près de 100 impacts seront recensés en zone urbaine. Le bilan sera lourd pour les civils, 271 morts, 289 blessés, 443 immeubles détruits et 5000 sinistrés, une morgue provisoire sera installée au Lycée Daudet.


Chronologie des événements tirée de la « main courante » du corps des pompiers de Nîmes dressée par le lieutenant Domergue. Le corps comprenait  près de 60 officiers, sous officiers et sapeurs sous le commandement du capitaine Paul Ritter.

10h 05 : Alerte aérienne.
10h 18 : Chute des premières bombes.
10h 20 : Une bombe tombe au 24 Rue Colbert, sur le Poste des pompiers. Une autre tombe sur l’annexe de la « Chambre d’Apprentissage », section coupe, donnant sur la cour de la caserne, 23 Rue Notre-Dame. Une troisième enfin, tombe place de l’Ecluse, sur laquelle les pompiers ont une remise où se trouvent quelques véhicules et du matériel. Sauvetage de 13 personnes, au 1er étage de l’Ecole d’Apprentissage, de 5 personnes à la Rue Colbert, et de 12 Sapeurs blessés à la caserne. Le sapeur Marius Bouquet est transpercé par un chevron de la toiture, il décède dans les bras du sapeur Charles Ritter, avant d’avoir pu être conduit à l’hôpital.
10h 30 : Recherche de victimes au 3 Rue de la Samaritaine. (Appel du Poste de Commandement de la Défense Passive, basé aux Arènes).
10h 32 : Recherche de victimes Rue Raymond Marc.
10h 40 : Recherche de victimes Rue Richelieu.
10h 40 : Idem Rue Enclos-Rey.
10h 40 : Idem 36 bis Rue Villars. Sauvetage de Mr Castagnier.
10h 40 : Dégagement de chaussée, Rue Notre-Dame.
10h 50 : Rue Sully : Incendie des « Grands Moulins de Nîmes », de l’usine Jaumes et de la boulangerie allemande.
10h 50 : Epuisement des abris des troupes d’occupation, impasse Papin.
10h 50 : Incendie de l’immeuble Montaut-Valz, rues Robert et Porte d’Alès.
10h 50 : Incendies Rue Séguier et Rue Flamande.
11h 00 : Recherche de victimes Rue d’Uzès.
11h 50 : Le P.C de la D.P des Arènes appelle en renfort les pompiers d’Alès. Accord de Mr Farger, maire d’Alès.
15h 00 : Arrivée des pompiers d’Alès, avec 2 équipes complètes, 2 fourgons-citernes et 2 motopompes, sous le commandement du lieutenant Roche et de l’adjudant Varenne, soit un total de 22 officiers, sous-officiers et sapeurs.
15h 00 : Relève des postes en action.
18h 00 : Démolition de l’immeuble 36 Bd Gambetta.
19h 50 : Arrivée spontanée des pompiers et civils volontaires d’Uzès, soit 15 personnes, sous le commandement des sergents Ranchon et Maurice.
20h 00 : Relève des postes en action, pour la nuit.

20h 00 : Epuisement de caves Rue Raymond Marc, pour dégagement de victimes.


Le Sapeur Marius Bouquet

.

- Les premiers bilans de la presse du lendemain : Marseille 500 morts, 1200 blessés ; Avignon 300 morts, 600 blessés ; Nice 316 morts ; Nimes 200 morts, 150 blessés

Les premiers moments de stupeur et d’affolement passés, aussitôt les équipes des secouristes constitués du personnel de la défense passive renforcés de bénévoles se dirigeaient vers les divers points de chute. Les pompiers d’Alès et d’Uzès arrivés en renfort sont déjà opérationnels dans la ville à 11h30 et renforcent les équipes en place.

.

Les causes de ce terrible bilan sont multiples, des erreurs d'appréciation des cibles et des choix de bombardements stratégiques situés trop près des zones habitées. Mais encore, une population qui ne croyait plus aux bombardements à cause de multiples alertes sans suites. 

Le courrier du Commissaire Principal de Nîmes au Préfet du Gard, quelques heures seulement après le bombardement est très lucide : "Dans l'ensemble la population a fait preuve de calme et de sang-froid, elle reste actuellement maîtresse d'elle-même, mais prend les précautions qu'elle avait négligé jusqu'ici et dont l'épreuve d'aujourd'hui, lui rappelle l'opportunité."  

De multiples exemples dans les témoignages recueillis auprès des survivants confortent cette hypothèse : Après le début de l'alarme, certains regardaient des gens courir pour se mettre à l'abri, comme un spectacle, mais continuaient à se déplacer sans se mettre à l'abri eux-mêmes ; une classe complète, profs et élèves reste dans la salle sans réagir, au mépris de toutes les consignes de sécurité, résultat 20 morts ! d'autres se protègeaient sommairement lorsqu'ils entendaient une explosion, en oubliant qu'ils n'entendront pas celle qui leur tombera dessus ; des populations tardaient à se protéger en ne rejoignant pas l'abri le plus proche, ils préféraient traverser la ville, pour se mettre dans leur abri, avec leur famille. ... que dire de la communication trop sommaire des autorités, avec l'expérience vécue, nous étions dans la quatrième année de guerre, tous ces travers de comportements étaient archi connus, l'expérience de Londres et Berlin bombardés à mort aurait du servir de leçon, et ce bilan eut été divisé par 2 voire par 3 ! 

Pour preuve, le bombardement du 12 juillet n'a fait aucun mort, certes il était mieux ciblé, mais ce n'est pas tout... un pavillon de l'hôpital, des locaux professionnels et des maisons ont tout de même été touchés !

.

Philippe Ritter et Georges Mathon

 

Plan de Nîmes, annoté par le capitaine Paul Ritter

cliquez sur le plan pour l'agrandir


En bleu les impacts du 27 mai 1944, en rouge celui du 12 juillet 1944.
..

Plan de Nîmes avec impacts, origine Archives Municipales

cliquez sur le plan pour l'agrandir


.
.
Les rapports officiels se succèdent

.

Source : Commissaire Central

au Directeur Régional du SIPEG et au Directeur de la Défense Passive à Vichy.

.

Premiers renseignements transmis par téléphone le 27 juin 1944 à 14h30.

Nîmes - 27 mai 1944 - Bombardement Aérien.

Commencement d'alerte               : 10 h 07

Bombardement                                : 10 h 27

Fin de bombardement :                  : 10 h 39

Fin d'alerte                                       : 12 h 50

Points de chute                               : 30 approximativement

Nature du bombardement             : explosifs incendiaires - bombe à retardement.

Victimes                                            : 60 morts environ

                                                           : 150 blessés environ, don 50 graves.

Quartiers atteints                            : tous les quartiers de la ville.

Genre d'immeubles détruits          : Maisons à un ou deux étages.

Destruction d'école                        : Une

Autres services les plus atteints  : Hôpital Gaston Doumergue

                                                           : Caserne des Pompiers

                                                           : Dispensaire

                                                           : Service annexe de la Préfecture

                                                           : Dépôt des machines

                                                           : Gare de triage P.V.

                                                           : Poste auxiliaire

Observations générales : service d'ordre local suffisent.


-oOo-

Source : Commissaire Central 

au Préfet du Gard, daté du 27 mai 1944

.

Bombardement de la ville de Nîmes.

Ce jour à 10 heures 05, l'alerte aérienne a été donnée à Nîmes après un fonctionnement normal des sirènes.
Dix minutes après, les premières bombes tombaient sur le quartier de la rue d'Uzès, rue d'Avignon, les installations ferroviaires de la ville : Gare des marchandises, ateliers de Courbessac, voies de triage de Courbessac, paraissant l'objectif choisi avec le terrain d'aviation situé également à Courbessac.
L'agglomération a été atteinte en plusieurs points éloignés de ces objectifs et c'est ainsi que le Centre de Nîmes a été atteint de plein fouet, ainsi qu'un grand nombre d'établissements privés et de maisons d'habitation.
Le terrain d'aviation, les chantiers "Rolland" (réparation de wagons) à Courbessac et le dépôt des machines, rue d'Avignon ont subit d'importants dégâts.
Par contre, aucun des établissements occupés par les Troupes d'opérations n'a été sérieusement atteint.
En dehors des installations et ateliers ferroviaires, 33 points de chute ont été dénombrés sur des constructions dans toute l'étendue de la ville.
Quarante immeubles environ ont été détruits, le nombre des morts s'élève actuellement à 119 dont une vingtaine non identifiés et le nombre des blessés approchent la centaine.
Il y a lieu à craindre que de nombreuses victimes soient encore sous les décombres, dont le déblaiement se poursuit avec activité.
L'identification des cadavres s'est effectuée normalement par les soins de Monsieur Le Chef de la Section de Sureté et de Messieurs les Commissaires de Police des 3 arrondissements.
Dans l'ensemble des services de la défense passive ont fonctionné normalement, faisant les uns et les autres preuves de la plus louable émulation, bien secondés par les Troupes d'opérations.
Les effectifs de la Police Régionale d'État de leur coté se sont parfaitement comportés et les jeunes éléments, bien encadrés par les fonctionnaires plus éprouvés ont donné les meilleures preuves de leur cran et de leur esprit de discipline et de dévouement.
Ils ont été durement éprouvés par la mort de trois Gardiens de la Paix du C.U. de Nîmes : Hygounnet Sylvain et Roux Armand tués en service au Centre Médical où  ils étaient préposés à la garde des détenus et Besson Flavien tué à son domicile. Un quatrième Gardien, Dejean Louis, a été par ailleurs grièvement blessé en rejoignant son poste.
Dans l'ensemble la population a fait preuve de calme et de sang-froid, elle reste actuellement maîtresse d'elle-même, mais prend les précautions qu'elle avait négligé jusqu'ici et dont l'épreuve d'aujourd'hui, lui rappelle l'opportunité.
Les obsèques des victimes sont fixées en principe au lundi 29 mai 1944.
Points de chute des bombes sur les immeubles :
- Immeuble 36 Bd Gambetta détruit : 5 ou 6 blessés légers.
- Avenue de la Camargue, 17 bis, chaussée défoncée.
- Rue Isabelle, Angle rue des Tilleuls, maison effondrée.
- Rue St-Agnès, 18, 2 maisons effondrées
- Rue Tilleuls 26, 3 maisons écroulées
- Rue Florian 32, Atelier détruit.
- Rue Deparcieux 1, immeuble.
- Rue Ruffi 10, point de chute dans un jardin, pas de victime.
- Rue Charles-martel n°10, immeuble effondré.
- Rue Guillemette, face à la maison Juvenel 1 immeuble écroulé.
- Rue Colbert n°24, 1 immeuble démoli, 5 ou 6 personnes seraient sous les décombres.
(c'est l'ensemble d'immeubles comprenant, la caserne des pompiers et la maison d'apprentissage de la chambre des métiers ou se passait le CAP  de couture, il  y aura un pompier décédé pour l'un, 18 élèves et 2 enseignants décédés pour l'autre)
- Place de l'Ecluse, 1 bombe non éclatée sur la chaussée.
- 21 bis, rue Séguier immeubles en partie détruits, on suppose qu'il y a des victimes.
- 5, rue Turgot, on ignore s'il y a des victimes.
- 6, place des Casernes "Bar Guichet", 3 personnes ont été retirées vivantes des décombres. La propriétaire de cet établissement a été tuée.
- 1, rue Richelieu, une dame et sa fillette (Mme Puymarin) ont été retirée vivantes de la cave où elles étaient ensevelies. Le cadavre d'une femme a été trouvé à cet endroit.
- 24, rue d'Uzès, trois ou quatre personnes se trouveraient sous les décombres.
- 27 rue d'Uzès, on ignore s'il y a des victimes.
- Rue Jean Chiappe, les immeubles n° 24, 26, 28, 30, 40 sont détruits. On ignore s'il y a des victimes.
- Centre Médical (salle Bouet) il y aurait plusieurs victimes. (Les gardiens de la Paix Hygounnet Sylvain et Roux Armand ont été tués)
- Impasse Papin, dans une boulangerie allemande, où un incendie s'est déclaré.
- Gare PV et dépôt des marchandises, plusieurs bombes auraient causé des dégâts assez importants. Deux morts et quelques blessés.
- Rue Sully, minoterie "Les Grands Moulins où un incendie s'est déclaré. 
- Rue Notre Dame (Couvent des Carmélites).
- Rue Villars, 36 bis.
- Rue d'Avignon n° 41, 43 et 53, on ignore s'il y a des victimes.
- Boulevard Gambetta, près de la poste.
- Rue Turgot, un immeuble détruit.
- Boulevard Talabot, 43 bis.
- Rue Adolphe François, n° 6 et 8 immeubles détruits, il y aurait dix blessés.
- Rue de Grézan, 45
- Chemin bas d'Avignon.
- Rue d'Uzès, angle de la rue Jean Bouin.
- Rue Jean Bouin 5 bis.(c'est le bâtiment des Franciscaines)
- Citée Caisse d'Epargne, route d'Avignon, nombreux immeubles détruits.
- Dégâts très importants et des victimes aux ateliers ROLLAND.
- Dépôt des Machines et au Camp d'Aviation à Courbessac, il y aurait eu de nombreuses chutes de bombes.

-oOo-
.
Source : Service des Renseignements Généraux de Nîmes
EXTRAIT : Dans son rapport adressé à sa hiérarchie régionale à Marseille, et Nationale à Vichy, daté du 30 mai 1944, le commissaire Principal, chef du Service des Renseignements Généraux de Nîmes, nous donne des détails sur les dommages occasionnés, sur la ville, et sur le secteur ferroviaire :
 
"Le 27 mai 1944, l'aviation anglo-américaine en trois vagues successives, dont la plus basse volait à 600 (1) mètres, a bombardé NIMES, à 10 h 27, vingt minutes après le signal d'alerte.
On estime qu'au cours du bombardement qui a duré neuf minutes, 450 à 500 bombes ont été lancées étant en moyenne entre 50 et 250 kg. 99 points de chute ont été dénombrés en ville en dehors des objectifs militaires.(2)
Les autres bombes sont tombées dans l'objectif qui semble avoir été formé par le camp d'aviation de Courbessac - le nœud ferroviaire Grézan - Courbessac - Nîmes et le dépôt des machines. Les dégâts sont importants. La circulation ferroviaire est interrompue avec Marseille via Tarascon et Lyon via le Teil. Les installations du dépôt sont sérieusement atteintes. Plusieurs jours sont nécessaires pour une remise en état partielle. L'atelier de levage une rotonde ainsi que 25 locomotives ont été endommagées."

(1) Il s'agit là probablement d'une coquille, il faut lire 6000 mètres, le plan de vol des 4 groupes de bombardiers B24, prévoyait une altitude minimale de 6000 mètres, hors zone d'efficacité de la FLAK.
(2) L'estimation du nombre et caractéristiques des bombes reste très apprimative, les RG étant plus habillités à compter les nombres de personnes dans une manif plutôt que les volumes et caractéristiques d'un bombardement, cette dernière estimation étant en principe réservée aux militaires.   
 

Ces trois paragraphes du rapport interne démontrent, ci besoin l'était, l'efficacité de cette opération. Toutefois, il faut souligner que des dommages collatéraux importants ont terni gravement l'image des "Libérateurs", dommages exploités par la propagande de l'occupant avec la terrible formule "Libéra...tueurs".
.
> Version intégrale du Rapport des RG du 30 mai 1944
.
-oOo-
.
EXTRAIT DU PLAN DE VOL SUR NÎMES DU 15 th USAAF

Sources : Archives USAAF.

..

EXTRAIT : "Ce matin du 27 mai 1944, 4 groupes de la 15th USAAF, composés de B-24 Liberator, décolleront depuis plusieurs bases en Italie du Sud avec pour mission, bombarder Nîmes :

Ordre d’organisation par groupe :

- 460th BG (basé à Spinazzola, Italie) composé de 33 B-24 sur 36 prévus, attaqueront l’extrême Ouest de la gare, soit les ateliers de réparation et la rotonde à l'altitude de 6600 mètres.

- 465th BG (basé à Pantanella, Italie) : présentant 29 avions sur 35 prévus, bombarderont l'Est de la gare, là où les voies se séparent pour rallier Avignon et/ou Tarascon, à une altitude variant de 6300 à 6400 mètres

- 464 BG (basé à Pantanella, Italie) : 28 avions, devront détruire le centre du triage aux altitudes de 6000 et 6500 mètres.

- 485 BG (basé à Vénoza, Italie): avec 37 avions, auront à charge d'attaquer le quart Est de la gare à l'altitude de 6000 mètres.

Pour escorte, le 55 ème Wing aura à ses côtés les P-38 Lightning et P-51 Mustang du 306 ème Fighter Wing devant prendre place au sein de la formation à vue du Cap Roux sur les côtes françaises de l’Estérel.

Chaque appareil emporte 2 tonnes de bombes de 500 pounds (environ 226 kgs, soit 8 bombes par quadrimoteur).

Après avoir traversé la Méditerranée, les avions américains dépassent les côtes françaises, puis s'enfoncent dans les terres. Le survol d'Avignon effectué, le mont Ventoux est laissé sur tribord tandis que la formation entame un large virage en direction du Sud/Ouest, vers leur I.P (initial point)."

.
.
Analyse des points d'impacts et propagande

.

Un B24 largue ses bombes simultanément
.
Sur le bombardement du 27 mai, nous avons pointé 76 impacts en ville dans un secteur délimité par la Carte ayant servi au pointage réalisé par le Commandant des Sapeurs Pompiers (archives personnelles Ritter), ce pointage est identique à celui réalisé par la défense civile déposé aux Archives de la ville. Une trentaine de ces impacts, éloignés du secteur de bombardement, représentent le largage d'un maximum de 4 appareils B24, erreur vraisemblable des officiers bombardiers, quant aux autres impacts sur des objectifs civils, hôpital, quartier Richelieu... ils sont situés au maximum à 300 mètres des cibles, c'est la tolérance de précision donnée par ce type de bombardement en haute altitude.
Dans ce dernier cas le choix des cibles stratégiques était trop près d'une zone dence d'habitations, la suite des événements donnera partiellement raison aux stratèges américains. Lors du bombardement du 12 juillet, en voulant éviter à tout prix le quartier Richelieu, atteint cruellement lors du bombardement précédent, toutes les bombes tomberont dans un cimetière situé à l'opposé du quartier Richelieu, mettant ainsi en total échec la destruction de cet objectif.

D'autres renseignements, donnés après la guerre par des sources américaines, nous précisent que 125 bombardiers B24 de la 15th, dotés de 8 bombes chacun, se sont retrouvés sur zone pour lâcher leurs bombes, cela ferait 1000 bombes au total.
Si nous intégrons, d'autres maisons touchées par les bombes, situées dans le secteur des voies ferrées à l'est de la ville, en tout, cela n'excède pas les 10 pour cent du tonnage des bombes larguées ce jour-là. C'est trop, mais cela ne place pas la population ouvrière en cible principale des alliés, argument que la propagande a diffusé à l'époque avec la distribution et l'affichage de nombreux tracts. Repris par la presse ce slogan "Les Libéra-tueurs  ...sont passés" tentera de marquer les esprits en retournant la population contre les alliés.
Après ce bombardement désastreux pour l'image des alliés, mais tout de même efficace, les américains vont lâcher des tracts sur la ville donnant des consignes de sécurité.
Ci-dessous, tract de propagande, AVIS de l'Armée de l'Air Américaine et presse locale des jours suivants.

     

.
L'Eclair, du 28-29-30 mai 1944.
cliquer sur l'image pour agrandir et avoir la pleine page.

.
L'Union, hebdo du samedi 3 juin 1944.
cliquer sur l'image pour agrandir et avoir la pleine page.

.

Ci-dessous, un plan du Quartier Rue Raymond-Marc et Rue Charles-Martel, avec 7 impacts isolés, d'un largage hors zone. Erreur vraisemblable d'un officier bombardier.

Un B24 possédait 8 bombes dans ses soutes, la bombe qui manque a surement un impact jumelé avec une autre bombe, ce type de dispersion des bombes est classique,  100mx200m pour un lâché à plus de 6000m. 
.

 


Ci-dessous
plan du Quartier compris entre le Cadereau et l'Avenue Jean-Jaurès, un autre exemple d'erreur du chef bombardier avec encore seulement 7 impacts.


 .

Ci-dessous plan des impacts, Quartier Richelieu, gare des marchandises et rotondes. Le  rectangle rouge marque une zone d'impacts intense sur le quartier  Richelieu de 200m de large. Le rectangle bleu délimite une autre zone de 200m située à seulement 200m de la zone rouge, c'est la cible. A 380 km/h, 200m représentent seulement 2 secondes. Les américains ne renouvelleront pas ce type de bombardement sur Nîmes, le bombardement du 12 juillet réalisé à basse  altitude grâce, aussi, à une défense allemande diminuée, évaluée et repérée, ne fera aucune victime.

.

.

.

Le Bombardement de l'hôpital

Ce samedi de Pentecôte, quelques minutes après le début de l'alerte survenue à 10h05, les premières bombes tomberont sur Nîmes, les personnes présentes à l'hôpital sont inquiètes, mais pensent être protégées, l'hôpital ne peut pas être la cible des alliés. 

Au début de l'attaque, trois séries d'impacts vont se succéder, la première à 10h18 rue Ruffi et quartier Cadereau, la seconde à 10h20 se rapprochera, rue Notre-Dame, place de l'écluse, cinq minutes plus tard c'est une quinzaine de bombes qui s'abattront sur le quartier, l'hôpital ne sera pas épargné, le pavillon de Chirurgie sera soufflé par une bombe.

D'autres attaques vont encore se succéder mais à l'hôpital c'est l'enfer, les malades courent dans tous les sens, le personnel ne sait plus ou donner de la tête. Dans un bâtiment voisin, l'hospice d'humanité, fort heureusement épargné par les bombes, le personnel ne réalise pas que l'hôpital vient d'être touché, ce sont des personnes couvertes de poussière qui viendront demander du secours.

L'hôpital devra faire face à d'autres problèmes, des blessés touchés par les bombardements afflueront de toute part, comment faire face à tous ces problèmes ? Le personnel soignant passera plusieurs nuits blanches, l'arrivée de renforts et de bénévoles facilitera la création de plusieurs équipes, permettant ainsi au personnel de se reposer.

Autre problème, on ne pouvait accéder aux services par l'entrée rue Hoche, cette dernière étant encombrée par les ruines du pavillon de chirurgie, provisoirement, le portail de la rue de la Biche deviendra l'accès de remplacement, créant ainsi un surcroit de panique, car tout le monde se présentait à l'entrée principale.

Le bilan sera lourd, 44 victimes, dont 24 membres du personnel.

Une réflexion s'impose, l'hôpital est placé trop près des cibles alliées, casernes, triage et gare de marchandises. Il faut disperser les services pour les rendre moins vulnérable. D'autres établissements placés dans des zones à risques concernés par ces mesures.

Seront évacués à :

l'Institut Pédagogique de jeunes Filles, rue Meynier-de-Salinelles (École Normale de filles) :

- Maternité, crèche ;

- Service de Médecine infantile ;

- Service de Médecine adultes (Dr Flaissier).

- Service de Chirurgie adultes (Dr Cabouat).

 au collège d'Uzès (annexe de l'Hôpital d'Uzès) :

- Hôpital Sanatorium ;

- Hospice d'Humanité :

au Lycée de Garçon (rue Tédenat) :

- Laboratoire ;

- Service Médecine adultes (Dr Vincent) ;

- Service de Chirurgie adultes (Dr Delord) ;

- Spécialités : Radiologie, Vénéréologie, Dermatologie, Neurologie.

.

Le bâtiment de chirurgie soufflé par les bombes

.

en bleu les impacts du 27 mai 1944, en rouge les impacts de 12 juillet 1944.

.

Quartier de l'hôpital - Dans le document ci-dessous, on ne décompte pas moins de 14 impacts pour la journée du 27 mai. Sachant qu'un B24 larguait 8 bombes de 224 kg, c'est probablement deux B24 qui ont lâché 16 bombes dans ce secteur. Deux bombes n'ont pas été comptabilisées, d'après un témoignage, une bombe supplémentaire serait tombée dans la rue Damians, l'autre a très certainement été oubliée dans un double impact.

.

 

.

Documents et photographies

23, rue Notre Dame, la caserne des Pompiers
collection Philippe Ritter

.

.

.

Impacts sur la caserne des pompiers et le centre d'apprentissage

La bombe tombée place de l'écluse n'a pas explosé.


.

6, rue Raymond-Marc

collection Gérard Taillefer

                 

 

.

10, rue Raymond-Marc

collection Gérard Taillefer

.

13, rue Raymond-Marc

collection Gérard Taillefer

..

.

10, rue Charle-Martel

collection Gérard Taillefer

..

La rotonde de la gare rue Sully, après le bombardement 

Collection A. Vielzeuf

.

.

Une erreur dupliquée !

Contrairement à ce qu'a publié A.Vielzeuf, la rotonde n'a pas été touchée le 12 juillet. C'est lors du bombardement du 27 mai que 3 bombes tomberont dans l'enceinte de la gare Est, dont une sur la rotonde (ce faux renseignement fut repris par la suite par plusieurs historiens et au moins une exposition)

Pour preuve : La reconstitution détaillée des impacts ci-dessous (bleu 27 mai, rouge 12 juillet), les 2 plans d'origine différentes (pompiers et archives) publiés en début d'article et le rapport des Renseignements Généraux de Nîmes daté du 30 mai publié en début d'article, "L'atelier de levage une rotonde ainsi que 25 locomotives ont été endommagées".

..

.

Bombardement de Nîmes, le 12 juillet 1944.



Deuxième bombardement de Nîmes, le 12 juillet 1944.

.

Début d'alerte à 11h04 et fin d’alerte à 12h29, le largage des bombes opéré à plus basse altitude, sera plus précis et épargnera les zones urbaines, à l’exception : du cimetière Saint-Baudile ; l’hôpital Gaston Doumergue bombardé à nouveau sa Maternité touchée par une bombe, heureusement un plan de dispersion des services ayant été mis en place après le bombardement du 27 mai, ce service avait été déménagé dans les bâtiments de l'école Normale de Filles, rue Meynier-de-Salinelles ; des bombes tomberont aussi sur le quartier Bruyère. 

Ce bombardement sera moins dommageable pour la population civile avec seulement 23 blessés, et aucun mort.

Pourtant, l'alerte ne fut donnée que 8 mn avant les premiers impacts, soit 5 mn de moins que le 27 mai.

Les erreurs du 27 mai ne se reproduiront pas, avec moins d'impacts dans les zones habitées, et l'avertissement américain diffusé par tracts aériens pris au sérieux par les autorités, avec les bâtiments publics dispersés hors zones stratégiques et une population nîmoise appliquant à la lettre les consignes de sécurité.

.

De fausses alertes avaient précédé ce bombardement : le 16 juin de 1h à 3h du matin ; le 17 juin de 14h à 14h40 ; le 18 juin de 11h à 11h25 ; le 25 juin de 9h à 11h15 ; le 5 juillet de 13h45 à 14h45.

Après le bombardement du 12, alerte le 14 juillet de 9h30 à 11h ; le 17 juillet de13h à 14h ; le 28 juillet de 12h40 à 13h ; le 2 août de 11h à 12h ; 3 août fausse alerte, panique rue d'Avignon ; 6 août pas moins de 4 alertes 9h10 à 10h10 ; 10h15 à 11h30 ; 11h30 à 12h50 ; 18h10 à 19h10 ; le 7 août de 9h10 à 10h40 , le 8 août 2 alertes de 9h30 à 10h20 et de 18h à 18h40 ; le 10 août de 12h30 à 13h40 ; le 11 août de 17h30 à 18h40 ; deux alertes le 12 août 10h à 12h30 ; 18h20 à 19h ; le 13 août  journée éprouvante avec 5 alertes de 7h30 à 7h50 ; de 9h30 à 11h30 ; de 13h à 14h20 ; de 18h40 à 19h40 ; de 20h40 à 21h30.

Après cette date la personne relevant scrupuleusement ces alertes ne sera plus sur Nîmes. 

.

Nous n'avons que des renseignements partiels sur la mission des groupes de la 15th USAAF qui ont participé au bombardement de Nîmes, nous savons que le 461st BG (voir le bandeau ci-dessus) en faisait parti, qu'il était basé à Torréta en Italie, et qu'il avait entre'autre pour pilotes  les lieutenants, William J. Barnes, Richard S. Fawcett, Chester A. Ray Jr., Frédéric L. Dunn., que ce même groupe a effectué diverses missions en Roumanie avant et après le 12 juillet. Le 25 juillet il participera au bombardement de Linz en Autriche. Nous le voyons dans cette brève description, ces Américains tant décriés par certains risquaient tous les jours leur vie pour libérer l'Europe de l'oppression nazie, les traiter de lâches comme l'a fait une certaine presse française est tout simplement ignoble.  

.

LE REPLUBICAIN DU GARD

Jeudi 13 juillet 1844

Cliquer sur l'image pour lire la première page.

 .

-oOo-

.

Opérations des Sapeurs Pompiers de Nîmes

suite au bombardement du 12 juillet 1944

.

Rapport du Capitaine Commandant le Corps des Sapeurs-Pompiers de Nîmes

Période 12 au 14 juillet 1944

Le 12 juillet à 11 heures 4 minutes, les sirènes annoncent l'alerte. Dès onze heures 12 commencent les premières chutes de bombes sur la partie Est de la Ville.

Pendant plus d'une demi-heure, les éclatements se poursuivent sans interruption, causant de graves dégâts aux installations ferroviaires, aux Ateliers de la S.N.C.F. à Courbessac 2 ainsi qu'aux habitations en bordure de ces installations.

A la hauteur du Mas de la Costette, la route de Beaucaire est entièrement coupée par la chute de huit bombes et la deuxième conduite d'alimentation en eau de la ville est détruite sur une longueur de 150 mètres.

Le cimetière St-Baudile a été particulièrement atteint; d'autre part, quelques bombes sont tombées dans la garrigue Ouest, Nord-Ouest et Nord-Est de la ville.

Malgré l'intensité du bombardement, ayant à son actif 1400 points de chûtes connus, une trentaine de blessés seulement ont été enregistrés, mais les dégâts matériels sont extrêmement importants et la ville est privée d'eau pour plusieurs semaines.

La fin de l'alerte est donnée à 12 h 29.

A 13 h.30 le Poste Central de Défense Passive nous signale plusieurs incendies dans les dépendances de la S.N.C.F.

A la gare P.V. plusieurs convois brulent.

Après la reconnaissance d'usage, l'adjudant Courenet avec son équipe d'incendie, deux camions-citernes et 1 moto-pompe restera sur les lieux du sinistre jusqu'à l'extinction totale ; à 20 heures 30 le groupe d'incendie est terminé.

A 15 heures 40 sous les ordres du Lieutenant Boudon, une équipe d'incendie limite un feu d'oliveraies au quartier du Serre-Paradis. A 18 heures 35 l'incendie est maîtrisé.

Pendant que les premières opérations sont activement poussées, la reconnaissance des lieux aux Ateliers de Courbessac 2 où les incendies font rage, permet de prendre les mesures d'extrême urgence qu'impose la situation.

Les conduites d'eau et les réservoirs sont détruits ; d'autre part, les véhicules ne peuvent aller au-delà du nouveau cimetière ; de tous côtés les chemins sont coupés.

Par le chemin bas de Grézan à travers le cahot des entonnoirs faits par les bombes les débris de ferrailles, les arbres couchés sur le chemin, on arrive avec de grandes difficultés à passer une moto-pompe de 60 m3 jusqu'au mas Peytavin. Celle-ci est mise en action sur le puits qui a lui-même souffert du bombardement. 300 mètres de manche de 70 m/m sont nécessaire pour arriver au bac de relai placé à proximité des Ateliers où brûlent en même temps sur la face Nord, 3 convois importants dont un au centre chargé de munitions, une partie de celles-ci ayant déjà explosé au début de l'après-midi occasionnant des dégâts nouveaux et considérables.

Une deuxième moto-pompe de 80 m3 est amenée avec autant de difficultés que la première à proximité du bac où celle-ci doit prendre son aspiration.

Deux grosses lances sont immédiatement mises en action sur les points les plus sensibles ; plus tard dans la soirée, elles feront place à 4 petites lances.

L'installation du relai est équilibrée en pression et la lutte contre l'incendie commence à 17 heures 40, l'organisation a duré un peu plus d'une heure, mais elle restera en place jusqu'à l'extinction totale par de simples déplacements de garniture coupant transversalement ou ceinturant les bâtiments, grâce à la capacité de la nappe qu'alimente le puits où la première moto-pompe est en aspiration.

Près de 900 mètres de manches sont en service.

Sous les ordres des Lieutenants Reynaud, Domergue, Boudon et Fontanille, de l'adjudant Cournet et du Sergent-major Ollé les équipes se succèdent sans interruption de jour et de nuit et l'extinction ne sera terminée que le vendredi 14 juillet à 9 h 30, l'incendie  ayant duré 40 heures.

Au cours des opérations successives dues au bombardement du 12 juillet 1944, grâce à la surveillance exercée par les Officiers et Sous-Officiers, chefs de service, aucun accident corporel ne fut à déplorer.

En accident matériel, seule la voiture incendie Citroën eut un essieu cassé, en raison des passages difficiles à franchir en des points restés à peu près carrossables.

Le personnel professionnel, bénévole et auxiliaire fit tous les efforts possibles pour faciliter la bonne exécution des ordres donnés.

Il m'est agréable de le rappeler dans le présent rapport dont le détail des opérations fait suite.

..

Corps des Sapeurs-Pompiers de Nîmes

Etat des Opérations du 12 juillet au 17 juillet 1944

.

11 h 04          Alerte aérienne

11 h 12          Chute des premières bombes

12 h 29          Fin d'alerte (incendies graves sur la partie Est de la ville)

12 h 30          Demande d'instructions au P.C. des arènes

13 h 00          Lieutenant Domergue en liaison avec le PC des Arènes pour instructions

13 h 30          Reçu ordre de mission n°52 pour incendie gare P.V.

13 h 31          Départ équipe de renfort n°3 sous les ordres de l'adjudant Cournet avec camion Berliet et moto-pompe Delahaye pour incendie gare P.V.

13 h 31          Capitaine Ritter en reconnaissance gare P.V. et ateliers de Courbessac

13 h 35          Poste de St-Césaire à la recherche d'un blessé route de Sauve

13 h 50          Départ équipe légère n°4 pour incendie rue Nationale n° 4

14 h 30          Retour équipe légère n° 4

14 h 45          Départ arroseuse de Dion pour gare P.V.

14 h 50          Départ camion citerne Favand pour gare P.V.

15 h 40     Départ équipe incendie n°1 sous les ordres du Lieutenant Boudon avec camionnette Renault pour incendie d'oliveraie, quartier serre du Paradis (secteur 3 bis)

16 h 32          Ordre téléphoné du PC des arènes pour incendie ateliers Courbessac 3

16 h 33    Départ équipe d'incendie n°2 sous les ordres du Lieutenant Fontanille avec camionnette Unic et moto-pompe 80 m3, Guinard pour incendie Ateliers de Courbessac 3

16 h 45          Demande d'une camionnette au PC des arènes.

17 h 00          Départ équipe légère n°1 avec moto-pompe Guinard de 40 m3 pour remplissage des camions-citerne au canal de la Fontaine.

17 h 30          Départ équipe d'incendie n°4 sous les ordres du lieutenant Domergue avec camionnette Crégut pour l'incendie des ateliers de Courbessac 3

18 h 30          Départ de l'équipe légère n° 2 au canal de la Fontaine pour relever l'équipe légère n°1 - Remplissage des citernes.

18 h 35          Retour de l'équipe d'incendie n°1 du feu d'oliveraie terminé.

18 h 40          Retour de l'arroseuse de Dion de l'incendie gare P.V.

19 h 00          Retour de l'équipe légère n°1 (remplissage des citernes).

20 h 00          Retour de l'équipe d'incendie n° 3 du feu de la gare PV -terminée-

20 h 00          Retour de la citerne Favand des ateliers de Courbessac 3.

20 h 00          Départ équipe relève sous les ordres du Lieutenant Reynaud pour les ateliers de Courbessac 3

20 h 00          Retour de la Citerne Ricolvi des ateliers de Courbessac 3

20 h 30          Retour de l'équipe légère n° 2 (Remplissage des citernes) -terminé-

21 h 15          Retour des équipes d'incendie 2 et 4, relève des Ateliers de Courbessac 3

23 h 15          Départ des Lieutenants Domergue et Fontanille aux ateliers de Courbessac 3

23 h 50          Retour du Lieutenant Raynaud des ateliers de Courbessac 3.

13 juillet

07 h 00          Départ d'une équipe de relève sous les ordres du Lieutenant Boudon et Adjudant Cournet aux Ateliers de Courbessac 3.

08 h 15          Retour de l'équipe d'incendie des ateliers de Courbessac 3

13 h 00          Départ d'une équipe d'incendie sous les ordres du lieutenant Reynaud aux ateliers de Courbessac 3

14 h 00         Retour de l'équipe d'incendie sous les ordres du Lieutenant Boudon et Adjudant Cournet des Ateliers de Courbessac 3

20 h 00          Départ d'une équipe d'incendie sous les ordres du sergent major Ollé aux ateliers de Courbessac 3

21 h 00          Retour de l'équipe d'incendie sous les ordres du lieutenant Reynaud des ateliers de Courbessac.

14 Juillet

06 h 30       Départ d'une équipe d'incendie sous les ordres du lieutenant Domergue et Fontanille aux ateliers de Courbessac 3.

07 h 30          Retour de l'équipe d'incendie sous les ordres du sergent Ollé.

09 h 30        Retour de l'équipe d'incendie des ateliers de Courbessac 3. L'incendie est terminé, le matériel est rentré.

15 juillet

13 h 45          Départ d'une équipe sous les ordres du Lieutenant Domergue avec moto-pompe Guinard 80 m3 pour épuisement d'eau à la route de Beaucaire

19 h 00          Retour du lieutenant Domergue avec son équipe.

16 juillet

07 h 30     Départ d'une équipe sous les ordres du sergent Mauras avec moto-pompe Guinard 40 m3 pour épuisement d'eau à la route de Beaucaire.

12 h 15          Retour du sergent Mauras avec son équipe

13 h 30          Départ d'une équipe sous les ordres du sergent Mercier avec moto-pompe Guinard 40 m3 pour épuisement d'eau à la route de Beaucaire.

18 h 30          Retour du sergent Mercier avec son équipe.

17 juillet

07 h 30          Départ d'une équipe sous les ordres du caporal Girard avec moto-pompe Guinard 40 m3 pour épuisement d'eau à la route de Beaucaire.

12 h 00          Retour du caporal Girard avec son équipe (épuisement terminé).

.

Nîmes, le 17 juillet 1944

Le Capitaine Commandant Paul Ritter.
..

Le cimetière Saint-Baudile touché lors du bombardement du 12 juillet 1944 - 9 impacts

.

 -oOo-

.

Un autre bombardement aurait eu lieu sur le territoire nîmois dans la nuit du 23 au 24 août, mais nous n'avons rien trouvé de précis sur le nombre de bombes, l'objectif et le groupe de bombardiers. Il reste, même, une incertitude sur la date précise, les sources les plus fiables étant muettes sur ce sujet. 

Pour comprendre cette absence d'information, il faut savoir qu'au petit matin du 24, les autorités ayant collaboré avec l'occupant, ont été chassées, voire arrêtées, que leurs dossiers en cours n'ont pas été traités et que la presse n'est pas parue les 3 ou 4 jours autour de cet événement, les rédactions en place ayant été limogées (pour l'Eclair imprimé avec une rédaction collabo le 24 à Montpellier encore occupé, il sera mis sous séquestre et détruit, car il arrivera en gare de Nîmes, déjà libérée.)  

La Libération de la région sera le seul sujet traité dans les premières éditions parues après le 24, pas celui du dernier bombardement allié. Ensuite, un sujet chassant l'autre, la presse quotidienne avait d'autres actualités à traiter. 

.

 -oOo-

..

Photos aériennes prisent par l'aviation américaine le 25 août 1944

.


..

.

L'année 1944

.

Concrètement l'opération "Anvil Dragoon" fut un succès stratégique, par la destruction des ponts sur le Rhône elle va empêcher le XIe Panzer cantonné sur la rive droite du Rhône de rejoindre le lieu du débarquement de Provence. Elle sera bloquée sur la rive droite jusqu'au 14 août, elle se repliera en évacuant le Sud de la France le 17 août sur ordre d'Hitler.

 

Après les bombardements, les résistants emprisonnés seront contraints de déterrer les bombes non explosées.

Quoi qu’il en soit la période qui a précédé ces bombardements aura vue dans tout le département et à Nîmes en particulier un grand nombre de résistants ou otages, faits prisonniers, torturés, fusillés ou pendus, les nîmois ayant vécus le terrible évènement du mois de mars "les pendus de Nîmes" étaient devenus insensible à la propagande de l’occupant.

   

Au cours de la période précédant le débarquement en Méditerranée, de janvier à août 44, la résistance renforcera son action militaire.

Tout au début de l’année 1944, des résistants du maquis de Bir-Hakein font une descente dans les entrepôts d’une fabrique de vêtements militaires Allemands à St Jean du Gard, ils soustraient ainsi plusieurs milliers de vêtements d’hiver destinés aux divisions allemandes du front de l’est.  Quand nous voyons des images documentaires de soldats allemands en déroute et grelottant de froid par manque d’habits chauds, une petite pensée pour les exploits de nos résistants cévenols s’impose.

 

En ce début d'année 1944 le maquis recevra de nombreux volontaires et multipliera ses actions, mais la réaction de l'occupant sera brutale et barbare.

 LES PENDUS DE NIMES
 

route d'Uzès

route de Beaucaire

Boulevard Jean-Jaurès

 

« Suite à des actions de la résistance, les Allemands les traquent vainement, ils prennent 15 otages le 2 mars 1944 « pour l’exemple », ils leur font faire le tour de la ville, ils pendent 6 premiers otages au pont de chemin de fer de la route d’Uzès, une des 6 cordes casse l’otage est achevé d’une balle de revolver (la plaque apposée sur cet emplacement indique 7 pendus ?). Ensuite au viaduc route de Beaucaire, 3 hommes seront pendus, les six derniers seront pendus aux arbres de l'avenue Jean Jaurès non loin du  pont de l'ancien chemin de fer de la Camargue. Les victimes ainsi exposées au public portaient accroché au coup une pancarte avec l’inscription « Ainsi sont traités les terroristes. » Les cordes resteront en place, pour marquer les esprits, jusqu’à la libération de Nîmes le 24 août 1944. »

 

Le 10 mars 1944, le comité Syndical des cheminots appelle au sabotage des voies de communication et de transport. Le lendemain 11 mars le dépôt des machines de Nîmes saute, endommageant 8 d’entres elles. Des ouvrages de chemin de fer et routiers sont touchés, le Viaduc de St Julien, situé entre Alès et le Teil, le Pont de Gagnières, entre Robiac et St Paul le Jeune (3 mois d'interruption de trafic). Des lignes hautes tension et des transformateurs sont plastiqués, des attaques ciblant des entreprises stratégiques seront menées. Des machines permettant l’extraction des puits de mines seront sabotées, et rendront ces derniers inexploitables pour plusieurs jours. Le 8 juin, des hommes du maquis CFL détruisent, trois pompes de l’usine chimique de Salindres, provoquant un arrêt de production de plusieurs semaines.

 Des détonateurs et de la dynamite seront récupérés dans les entrepôts des mines de St Jean de Valériscle et St Félix de Pallières, ils permettront par la suite de saboter des objectifs stratégiques et les mines sans ces produits seront forcés au chômage technique pour plusieurs jours.

SAINT-EXUPERY

Au matin du 31 juillet 1944, dans le cadre de l'opération Anvil , Saint-Exupéry décolle de Bastia direction Annecy pour une mission de reconnaissance à bord de son Lightning P-38, il est 8h45, le ciel est dégagé, ce devait être sa dernière mission. Ce sera son dernier voyage, il sera porté disparu...

Lighning P-38

 

Après la libération d’Alès le 21 août, les Allemands évacuent Nîmes dans la journée du 22, ils utilisent tous les moyens de fortunes qu'ils peuvent réquisitionner, chevaux, charettes. Ce jour là et pour la dernière fois les alliés bombarderont la ville.

 

Nîmes sera libérée le lendemain, le 23 août 1944, par des résistants FTP et MOI (Main d'Oeuvre Immigré) Arméniens, quelques engagements isolés auront lieu avec des fuyards Allemands qui se dirigent vers la vallée du Rhône, le lendemain des FTP venus d’Alès entrent dans la ville avec des drapeaux tricolore. 

 

La ville est en liesse, désormais les Allemands évitent Alès et Nîmes dans leur repli.

 

Le 29 août 1944, 14 jours après le débarquement de Provence, les éléments de la Ier division Française Libre arrivent sur la Place des Arènes, c'est un véritable soulagement.

 

Le moment de la reconstruction est arrivé, de longs mois de restrictions et rationnements vont accompagner la mise en route de la production nationale.

 Article Georges Mathon avec Philippe Ritter, mai 2005.

TEMOIGNAGES

 

Jean Guibal, ancien réfractaire au STO. (Service du Travail Obligatoire en Allemagne)

Etant dans la clandestinité depuis 1940, je me réfugiais avec de faux papiers chez des sympathisants, par sécurité mes parents n’avaient que rarement de mes nouvelles.

Le lendemain des pendus de Nîmes, une personne croyant n’avoir reconnu parmi les victimes s’empresse de dire à ma mère « Jeannot a été pendu au rond point du Jean Jaurès ». Malgré un démenti rapide de ses proches qui étaient allé reconnaître les corps, elle en sera malade pendant plusieurs semaines.

 

Paul Ritter, Commandant des Pompiers de Nîmes.

« Quelques jours après les pendaisons de mars 1944, les allemands me téléphonent et me demandent d’envoyer une équipe décrocher les pendus sous les ponts d’Uzès, de Beaucaire et de Montpellier, j’ai naturellement refusé en leur disant ceci ne faisait parti de notre mission.  Sous le coup de la colère, j’ordonne à mon interlocuteur de finir le travail lui-même, puis je raccroche brusquement. Je suis fier de ma réaction mais inquiet de la sienne.

Effectivement 3 heures plus tard, une traction noire arrive en trombe devant mon bureau, rue Ménard, 3 hommes de la milice en descendent, claquent la portière, et me demandent de les suivre.

Là, je me lève d’un bond et leur dit : Je suis officier, chef du corps des Pompiers de Nîmes, vous ne pouvez m’arrêter, et dans tous les cas je ne me rendrai qu’à un officier de la Wehrmacht !

Mon aplomb les a offusqués, ils sont partis en claquant la porte, l’un d’entre eux m’a dit « on se reverra ! » et la traction a redémarrée sur les chapeaux de roues.

Persuadé que je suis allé trop loin, je traverse la rue, préviens ma femme, prépare une valise et retourne à mon bureau attendre la suite.

Finalement je n’ai eu aucune représailles, mon attitude a due être convaincante.»

.

Témoignage de Gérard Jolivet.

Il parle de sa tante qui travaillait au Centre d'apprentissage de la rue Notre Dame, située dans le même pâté de maisons que la caserne des pompiers.

Ma tante faisait passer le CAP de couture et sa copine faisait passer le CAP de repassage.

Elles avaient convenu que celle qui finirait la première attendrait l'autre.

Ma tante ayant fini la première, donne congé à ses élèves et va rejoindre sa copine dans sa classe.

Soudain, les sirènes donnent l'alerte. Le directeur de l'établissement réagit immédiatement, il monte à l'étage où l'examen se passait, et leur conseille de ne pas aller aux ponts où se trouvent les abris, car disait-il  s'ils bombardent ce sera les ponts de chemin de fer. Il continue son déplacement et quand il se trouve ou milieu de la cour, une bombe tombe sur l'immeuble où se trouvait la classe.

Les deux enseignantes et les 18 élèves de 17 à 18 ans seront tués.

 

Deuxième témoignage de Gérard Jolivet.

J'avais un copain qui était garçon de café à l'Industrie, il s'appelait Reyès, il était d'origine espagnole. Il me racontait que sa sœur Dolorès ayant fait sa communion en mai 44, était au bloc chirurgical de l'hôpital le matin du 27 mai pour subir une opération de l'appendicite. C'est à ce moment-là qu'une bombe est tombée sur le bâtiment. La petite sera enterrée au cimetière Saint-Baudile. C'est dans son carré qu'une bombe tombera lors du deuxième bombardement du 12 juillet 44. Projetée par l'explosion, on l'a retrouvé dans un arbre habillée en communiante.

.

Témoignage de Pierre Neveu, 7 ans en 1944.

Ce Samedi 27 mai 1944, il faisait un temps superbe, ma mère et moi étions partis vers les 9 heures aux halles de Nîmes. Les "courses" effectuées, nous retournions chez nous, au n°6 de la rue Damians, dans le quartier de la rue de la biche. Il devait être dix heures, lorsque, passant derrière l'église des Carmes, nous avons entendu l'alerte. A cet instant, nous avons vu sortir de la Caserne Montcalm, un groupe de soldats en tenue de gymnastique traversant l'avenue pour se réfugier dans les caves de l'église St Baudile qui faisaient abri.

Ce n'était pas la première alerte que nous subissions, mais ce coup-là, en entendant le  bruit sourd des forteresses volantes au-dessus de nos têtes, nous avons eu conscience qu'il allait se passer quelque chose. L'hôpital Gaston Doumergue, voisin de notre domicile, dont l'un des pavillons était occupé par l'armée allemande possédait un grand portail métallique plein donnant dans la rue Sully à cet instant, nous avons entendu le crépitement sec d'une batterie anti-aérienne située derrière le portail dont personne dans le quartier ne soupçonnait la présence. Au pas de course cette fois, nous entrons chez nous, ma mère me dit : "vite, à la cave!" pendant qu'elle referme la porte d'entrée. Je descends dans notre cave qui "faisait abri" pour une classe de l'école religieuse de la Valsainte. Je retrouve là une vingtaine d'écolières apeurées et en pleurs avec leur institutrice et mes deux camarades de jeux, Bernadette et Marie-Ange Auzan avec leur mère. Ma mère, qui m'a suivi, arrive enfin dans un nuage de poussière, littéralement portée par le souffle d'une bombe.

Les bombes continuent à tomber, il devait être 10h30 peut-être, et toujours le vrombissement des bombardiers, puis une secousse plus violente fait vaciller le sol et les murs. Nous avons eu très peur, quiconque n'a pas connu cela ne peut l'imaginer.

.

Témoignage de Madeleine G.
Ma mère venant de me mettre au monde à l'hôpital de Nîmes, nous devions sortir ce matin du 27 mai 1944. Surpris par le bombardement de l'hôpital et la panique générale qui s'en suivit, mon père accompagné d'un ami pour venir nous chercher, nous escorte au milieu des gravats, du personnel et des malades qui courraient dans tous les sens. Nous embarquons immédiatement sur un vélo, équipé d'une petite remorque découverte, en direction de Boisseron, village où la famille s'était réfugiée, situé juste après Sommières dans l'Hérault, ... au cours du trajet, à chaque sifflement de bombes, tout le monde s'abrite dans des fossés.
A son retour, le copain de mon père trouvera sa maison détruite par une bombe et entièrement pillée par des "voleurs", qui avaient été d'une rapidité fulgurante...

Témoignage de Gérard Vanel.

Ce jour là, âgé de presque 11 ans, j'étais à l'école de la rue d'Avignon. C'est ainsi que l'on appelait cette artère devenue à la libération , rue Pierre Semard. (NDLR  27-09-1945) Elle est située au N°60 de la rue Pierre Semard. Elle abrite UFOLEP-FALEP etc... Donc, lorsque la sirène a retenti (l'alerte disait-on) les instituteurs nous ont conduit au sous-sol, dans la cave. On y accédait, côté rue par une petite porte en bois brut. Elle est toujours en place, mais en fer. Dans la cave, 2 soupiraux avec barreaux donnaient dans la cour de l'école. Soudain nous entendirent des explosions, c'étaient les bombes lâchées par les avions. Les instituteurs nous maintenaient dans un coin de la cave, en faisant rempart avec leur corps. Nous n'avions pas peur. Au bout d'un certain temps fin de l'alerte. On nous dit que nous devions attendre que les parents viennent nous chercher, car des bombes à retardement pouvaient se trouver dans les ruines. Mon père fut l'un des premiers à venir me prendre. Il accompagne chez leurs parents 2 autres élèves qui habitaient sur notre chemin, route de Beaucaire. C'est le dépôt des machines et les voies de triage situées au début du Bd Talabot, comme aujourd'hui qui étaient visés. Notre école de garçons fut endommagée. L'école des filles située dans la même rue aux n° 52-54 qui abrite aujourd'hui l'école élémentaire Pierre Semard, était intacte. Pendant quelque temps nous avons alterné, la classe le matin pour les garçons, l'après-midi pour les filles. La mixité n'existait pas à l'époque.

Anecdote 1 : Des wagons contenant des sacs de farine furent endommagés lors de ce bombardement. Mon père, résistant de l'ombre, un peu fou peut-être a pu dérober des sacs de farine à la barbe des Allemands et avec un charreton les amener chez nous. C'était en cette période de disette, un trésor inestimable.

La farine était dans des sacs de toile avec la croix gammée imprimée en noir. Un de ces sacs a servi à me faire des culottes, teintées en marron, que j'ai porté jusqu'au jour ou la teinture de mauvaise qualité s'est fanée, laissant apparaître un morceau de croix gammée sur mes fesses.

Anecdote 2 : Un deuxième bombardement eut lieu à Nîmes (NDLR 12 juillet 1944). Il visait je croix l'état-major allemand qui était dans le château Lacoste, route de Beaucaire. Il y eut un seul mort, c'était l'âne de notre voisin qui paissait dans les prés. Il a sauvé la vie de son propriétaire qui s'était abrité derrière la bête.


Témoignage de Jean-Claude Susini.

Le jour du bombardement, j'étais à l'école de l'Oratoire. Dès que les sirènes ont retenti, nos maîtres nous ont rangés sur le trottoir avant de nous conduire aux abris, situés sur la place du Temple. Nous étions tous passablement excités (plus peut-être qu'inquiets) et les conversations allaient bon train dans les rangs.

C'est là que l'histoire émerge de l'anecdote. Je me souviens (et il ne s'agit pas du tout d'un souvenir au second degré) que le bruit avait couru parmi nous que ce jour-là l'aviation alliée allait cibler les centres ferroviaires importants du Midi de la France. Etrange, d'autant plus étrange que nous, les gosses, n'avions pas une vision très nette de ce que pouvait être un bombardement ni surtout de ses enjeux stratégiques. Je me demande même si nous savions clairement que les Alliés avaient débarqué en Normandie. Alors, d'où venait ce bruit ? D'autres élèves mieux renseignés ? Du personnel de l'école qui nous encadrait sur le trottoir ? Je ne saurais le dire.

Il n'en reste pas moins qu'il semble y avoir eu ce jour-là une très forte présomption d'attaque aérienne. Vivant à quelques centaines du viaduc de chemin-de-fer, 15 bis rue Raymond-Marc, j'étais assez mûr pour comprendre que mes « aïeules », qui assuraient mon éducation en ces temps orageux, se retrouveraient aux premières lignes.

Cependant, c'est notoire, beaucoup de Nîmois avaient fini par se désintéresser des sirènes d'alerte, contrairement aux mois précédents où le danger était vraiment pris au sérieux : je me souviens par exemple d'avoir remonté la rue Briçonnet, avec quelques dizaines de mes voisins, en pleine nuit, pour gagner les Arènes ? un abri de surface qui présentait tout de même beaucoup plus de garanties que les pauvres caves d'immeubles où les résidents risquaient de se trouver prisonniers puis asphyxiés, comme cela a été le cas dans une d'entre elles, au moins, située entre chez moi et la rue Guillemette. Mes trois « grands-mères », comme je les appelais alors, la vraie, Marie-Louise Guitard, sa mère, Alphonsine Roche et la sœur de cette dernière, Mathilde Bourelly, s'étaient donné une marge et ne sont descendues dans la rue qu'après les premiers impacts ... pour se retrouver dans une nuit noire. La suite est connue ...

Quand ma grand-mère Guitard est venue me récupérer place de l'Oratoire, aux portes de l'abri (souvenir très clair lui aussi, car chacun d'entre nous avait alors compris l'ampleur de la catastrophe et se demandait si quelqu'un viendrait même le chercher), je me suis retrouvé rue Raymond-Marc sur mon balcon du second étage, au coins des rues Raymond-Marc et Court-de-Gébelin, un poste d'observation incomparable. Mes « grands-mères » m'avaient littéralement oublié là pour commencer à déblayer les plâtres et les éclats de verre, sans se douter que j'allais assister à des choses « intéressantes » (je l'avoue sans fausse honte : quel spectacle inouï pour un enfant de huit ans !)  J'ai assisté à l'évacuation des corps. Il y avait si peu de civières qu'on avait parfois disposé deux cadavres sur la même, en « repliant » les membres et pas toujours dans le sens convenu ... J'en passe. C'est le côté « Jeux interdits » de mon souvenir.


Témoignage Jean-Jacques Jacob.

C'était une belle matinée d'un samedi de Pentecôte, nous habitions, j'habite encore, dans l'impasse François Granier qui n'était encore dénommée ainsi à cette époque. Notre propriété est mitoyenne du terrain de sport du club sportif des personnels de la SNCF et je  précise qu'à peine 100 mètres nous séparent du réseau ferroviaire. La situation est à peu près identique à celle de mai 44.

Notre famille, mes parents et ma sœur aînée y habitaient depuis 1928. J'y suis né en 1937.

Suivant les recommandations de la défense passive et autres organismes, il nous était recommandé en cas d'alerte de nous éloigner rapidement des voies ferrées et au plus loin.

Le plus loin, pour nous c'était au-delà de la route de Courbessac, à 150 mètres  au nord où commençait la garrigue  peu urbanisée mis à part quelques masets.

Mon père assez fataliste, ayant fait la guerre de 14/18 et connaissant l'effet des obus de gros calibre avait creusé un abri assez profond entouré d'un départ de murs coffrés, le tout recouvert d'un plancher de bois très épais et d'une hauteur conséquente de fagots de bois sur le devant à l'entrée de notre maison.

Sa philosophie en la matière étant qu'en cas d'alerte sérieuse nous nous réfugions toute la famille dans l'abri et que si par un malheureux hasard une bombe tombait pile sur nous, l'affaire s'arrêtait là !

À partir du printemps 1943, une compagnie ou bataillon de l'armée allemande s'était installée  sur l'espace du terrain de sport des cheminots et avait installé plusieurs canons à longue portée au nord du terrain.

A la lisière d'un terrain libre et d'une olivette, là où se trouve actuellement les bâtiments de la société un « Toit pour tous » les Allemands avaient creusé une tranchée en dent de scie de » 80 cm de large et de 1 mètre 20 de profondeur prévue pour abriter des individus accroupis. La tranchée présentait par endroits des obstacles  par manque de finition et n'était pas continue.

Par la suite ce corps militaire fut relevé et remplacé en janvier 44 par 5 à 6 véhicules blindés légers servis par une quinzaine de Waffin SS qui  ne se trouvaient plus sur les lieux depuis le début mai.

Revenons au matin du 27 mai

Vers 9 h et demi 10 heures lorsque l'alerte sonne nous nous trouvions ma mère relevant d'une congestion pulmonaire, ma sœur et moi sur le devant de notre maison ne sachant que faire, se réfugier dans notre abri eut été le bon choix, mais voilà que dans le voisinage immédiat il y avait des enfants entre seize  et six ans dont les parents étaient au marché, en ce temps-là la nourriture était un souci permanent et incontournable.

Ces jeunes étant désemparés  et la pression des ouvriers travaillant sur les voies de la SNCF voisine, qui criaient «  ne restez pas là, ne restez pas là !! » firent que nous nous sommes acheminés en courant vers ces maudites tranchées.

Après le passage de la première vague nous étions tous indemnes, l'air sentait le souffre et l'atmosphère était devenue trouble.

Le drame survint avec la deuxième vague : un carnage, ma première vision de la mort, ma sœur intacte étendue morte par la dépression causée par l'explosion d'une bombe à proximité, ma petite copine décapitée, ses deux sœurs déchiquetées une autre voisine coupée en deux, des corps d'inconnus atrocement mutilés et projetés à plus de 50 mètres.

L'horreur qu'il faut avoir vécue  pour comprendre et détester la guerre.

Par la suite nous avons appris que dans ce petit espace d'à peine un hectare on avait dénombré une quinzaine de morts dont un membre de la défense passive, quelques jours après tenant dans ses bras une fillette morte qu'il avait tenté d'évacuer, alors que blessée durant la première vague. Je revois encore l'hébétude des survivants, de mes parents, des voisins ayant perdu trois enfants sur quatre, ramassant leurs restes éparpillés.

L'ironie abominable de l'histoire est que le soir même j'ai vu les trains circuler comme à l'habitude alors que le réseau des voies ferrées était vraisemblablement la cible.

Témoignage de Irène Pey,

Ce matin du 27 mai 1944, j'étais à l'école. Elle était située rue de la garrigue et adossée au Mont-Duplan

Nous étions en classe lorsque la sirène a sonné, aussitôt l'institutrice nous a conduits dans dans la cave sous la maison de la directrice. Nous étions là depuis un moment quand, dans un bruit assourdissant, nous avons été projetés les uns contre les autres en recevant des pierres, des morceaux de fer, passés par le soupirail. Une bombe venait de tomber sur le tilleul qui était devant la maison, à 4 mètres 50 de la cave.

Un peu plus tard mon père est venu à bicyclette me chercher. Mes parents habitaient place de la cathédrale, nous avons parcouru une partie du Boulevard Gambetta. J'étais sur le porte-bagage du vélo et je regardais, apeurée, cette ville totalement déserte, recouverte d'une épaisse fumée, avec partout, des morceaux de mur, des pierres. Le silence était impressionnant.

Le même jour, mon père et mon grand-père ébénistes, travaillaient dans un atelier, et au moment où les bombes sont tombées sur la ville, ils ont été tous les deux projetés contre un mur.

> Version imprimable PDF  


Conférence sur le Bombardement de Nîmes, du  27 mai 1944
par Philippe Ritter et Georges Mathon.

Le 24 mai 2014 à 14h, Auditorium du 2e étage de Pablo Néruda,
sous l'égide de la SHMCNG (Société d'Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes et du Gard).

A cette occasion, une version complète du sujet, photos et texte, est proposée gracieusement en version imprimable téléchargeable.

> Texte de la conférence du 24 mai 2014, version imprimable PDF  
.

EN SAVOIR PLUS

> Article Midi Libre du 22 mai 2005  

 

> Contact Webmaster