Visite de Napoléon III, dans le midi en 1852.

Extrait de : Histoire Populaire Contemporaine.


Ferrade dans les Arènes de Nîmes en présence du Président Louis Napoléon, en 1852

Toulon - A trois heures eut lieu, dans le champ de manoeuvres, une revue à laquelle on se porta en foule. Les vieux soldats de l'Empire y étaient, tambour en tête, et furent présentés au Président. Partout on n'entendait retentir que le galoubet, tambour très-allongé sur lequel on ne frappe que de la main droite : de la main gauche le musicien tient un sifflet à trois trous. Le galoubet, instrument national de la Provence, fait le charme de toutes les fêtes. Après une visite à l'exposition horticole et agricole, le Prince reçut, à la préfecture maritime, les diverses autorités de l'arrondissement. Le soir, au moment des illuminations, une telle foule se pressait à la préfecture pour acclamer le Président, qu'il dut se montrer plusieurs fois au balcon. Les aigles, paraît-il, étaient hors de prix. Un vieux brave portait à son shako de jeune garde un aigle gros comme un poulet, suspendu par une ficelle.
Un décret, rendu le lendemain, augmenta encore, si c'était possible, l'enthousiasme des Toulonnais. Le Président fit une longue sortie à cheval : il visita les fortifications et surtout le Petit-Gibraltar (fort Napoléon en 1865), où le capitaine d'artillerie Bonaparte eut tant de peine á faire comprendre à l'incapable Carteaux que là était la clef de la ville. Le Président s'occupa de la question de l'agrandissement de la place, et au retour de cette visite, rendit un décret qui ordonnait le reculement de l'enceinte. Puis il alla visiter l'arsenal, et de là, montant en canot, se rendit à bord des magnifiques vaisseaux de l'escadre qu'il examina dans le plus grand détail. Passant ensuite en revue l'équipage de chaque vaisseau il distribua croix et médailles. Le soir il y avait, au théâtre, représentation gratuite. On l'interrompit un moment pour lire à la population le décret signé par le Président, et cette nouvelle fut accueillie par d'inexprimables transports d'enthousiasme et de reconnaissance.
Louis-Napoléon, retourna à Marseille par mer, ne fit que traverser cette ville et se rendit à Aix, où on avait préparé, en son honneur, une fête moyen âge. Le Prince fit son entrée par la porte de Marseille et passa sous plusieurs arcs de triompha élevés le long du Cours, belle promenade qui offre la physionomie d'un de nos boulevards et que décore une statue du roi René d'Anjou. Il se rendit tout d'abord á l'église Notre-Dame Saint-Sauveur, où l'attendaient quatre prélats. Après le Domine salvum, il reçut les autorités dans les salons de l'archevêché. Le soir, dans la ville illuminée, eut lieu la cavalcade du Guet, suivie de la légende en action du Prince d'Amour et de l'Abbé de la jeunesse. On avait réveillé toutes les splendeurs et tous les divertissements du moyen âge. Ces jeux bizarres avaient pour objet de célébrer le triomphe du christianisme sur le paganisme; de là leur caractère à la fois sacré et mythologique, la quantité de dieux, de déesses, de saints, d'anges, de diablotins qui en faisaient l'ornement.
Le Président, en quittant Aix, alla visiter l'aqueduc de Roquefavour, magnifique ouvrage qui se rapproche du célèbre pont du Gard, et qui conduit à Marseille les eaux de la Durance, en réunissant deux rochers séparés par une vallée de 400 mètres. A Beaucaire, le maire de la ville prononça un discours dans lequel il conviait Louis-Napoléon "à prendre un titre qui manquait à sa gloire."
 
Nîmes - A trois heures, le 30 septembre, le Prince arrivait à Nîmes, ville toute romaine comme le maire eut soin de le rappeler. Le Prince, faisant sans doute allusion aux troubles qui avaient souvent agité Nîmes, répondit qu'il espérait "que de son arrivée dans ses murs daterait une nouvelle époque d'union et de conciliation, et que son gouvernement s'efforcerait toujours d'effacer les traces des divisions des partis."
Après une visite à l'exposition des produits de l'industrie nîmoise et une station dans la cathédrale, où le Domine salvum fut chanté par deux cents voix, le Prince se rendit au jardin public de Nîmes, superbe promenade qui a quelque chose de la splendeur même de Versailles, et où est enclavé le temple de Diane, un des beaux débris de l'architecture romaine.
Après le mystère d'Aix, un autre spectacle tout local attendait le Président á Nîmes, la ferrade des taureaux de la Camargue dans les célèbres Arènes. Ferrade vient de ferrer, opération de marquer avec un fer rouge les boeufs quasi sauvages de la presqu'île du Rhône, afin qu'ils puissent être distingués par leurs propriétaires respectifs. Cette opération, qui se renouvelle tous les deux ou trois ans, serait la plus simple du monde, si le hardi Languedocien ne saisissait cette occasion de briller dans les jeux du cirque, et de signaler sa bravoure et sa dextérité dans une lutte souvent périlleuse contre le ruminant farouche. Les toréadors d'Arles et de Nîmes prennent le nom de rajétaires ou de marquaires, suivant leur fonction spéciale dans l'accomplissement théâtral de cette façon de comptabilité bovine. Les uns ont pour mission de renverser le taureau, et les autres de le marquer. A un signal donné, les portes du toril s'ouvrent; l'animal effaré s'élance dans l'arène, les rajétaires l'entourent, le harcèlent, le piquent avec un épieu ou un trident de fer. Après l'avoir ainsi agacé, émoustillé, quelquefois rendu furieux, il s'agit de le terrasser. Le plus alerte et le plus vigoureux de la confrérie marche au taureau et, de côté ou de front, le saisit par les cornes; puis, pesant tant qu'il peut d'un seul côté sur la lourde tête de l'animal, il lui fait perdre l'équilibre, non sans avoir été souvent entraîné bien loin dans le cirque, et le renverse sur le sable aux applaudissements furibonds de l'assistance, échelonnée comme le peuple-roi sur les gradins massifs de l'amphithéâtre romain, laquelle n'acclame pas moins frénétiquement le taureau, si c'est d'aventure l'homme qui est foulé aux pieds ou qui reçoit un coup de corne. Les autres rajétaires viennent alors prêter main-forte á leur compagnon et maintiennent le taureau dans cette position humiliante, jusqu'à ce que le marquaire lui ait, de son fer brûlant, appliqué le double stigmate de la défaite et de la domesticité. On le renvoie alors honteusement dans sa niche, en le sifflant et le huant. Pour compliquer la chose et augmenter le danger qui fait l'intérêt de la lutte, on plante, en le lâchant, à l'une des cornes d'un taureau jugé redoutable, une cocarde rouge, que le beau du métier est d'aller lui ravir entre les deux cornes...


-oOo-

Visite du Prince Président

Louis Napoléon Bonaparte à Nîmes en 1852

Extrait de l'Histoire de Nîmes de Adolphe Pieyre, 1886

En 1852, le 30 septembre, lendemain de la St Michel la ville doit recevoir le prince Président Louis Napoléon Bonaparte.
La municipalité se multipliait pour hâter les préparatifs d’une fête publique qui devait marquer l’histoire locale. Une exposition industrielle était organisée dans les salles de la gare. Il fallait que la municipalité organise de son mieux les dispositions à prendre pour faire face à l’affluence énormes des visiteurs qui devaient envahir la ville.
Le programme des réjouissances prévoyait qu’un bal serait donné à l’hôtel de ville. Ce dernier était remis à neuf ; l’escalier refait pour la circonstance et peint en faux marbre de couleurs, les salles avec leurs nouveaux plafonds à corniches dorées, leurs riches tentures, leurs ameublements somptueux contribuaient à le rendre méconnaissable. Au dehors, des ouvriers en grand nombre avaient envahi les voies publiques, réparant et ratissant avec ardeur. Sur plusieurs points de la ville étaient dressés plusieurs arcs de triomphe. Il y en avait un à l’entrée de la rue de la Couronne, c’est par cette porte que rentrèrent la plupart des souverains qui visitèrent Nîmes. D’autres étaient construits sur les grands boulevards qui contournent le cœur de la ville, actuellement, Victor Hugo, Alphonse Daudet, Gambetta, Amiral Courbet. Sur la nouvelle Avenue Feuchères et sur tout le pourtour de l’Esplanade étaient plantés des mats portants des oriflammes aux couleurs nationales. Les vieilles Arènes étaient pareillement décorées sur leur couronnement.
Le prince arriva à Nîmes le jeudi 30 septembre à deux heures et demie de l’après-midi. A peine entré dans le département du Gard, le train qui transportait le prince circulait entre deux haies continues de fantassins, de gendarmes à pied et à cheval, échelonnés de distance en distance jusqu’à la gare de Nîmes. Dès que l’auguste visiteur eu mis le pied sur le quai de la gare, le maire, Frédéric Vidal, entouré des adjoints et du Conseil municipal, lui adressa des paroles en lui déclarant …que la cité toute entière déposait à ses pieds de respectueux hommages… le prince répondit et dit qu’il était heureux de visiter une ville où est empreint à un si haut degré le sentiment du respect de l’autorité…
 Du haut de la gare le prince admirât le splendide spectacle de la marée humaine couvrant l’avenue Feuchères et au loin l’Esplanade.
La première visite du Président fut pour la Cathédrale à laquelle il se rendit en parcourant l’Avenue Feuchères, l’Esplanade, le boulevard Victor Hugo (nom actuel). Toutes les maisons étaient ornées de guirlandes de verdure entremêlées de fleurs. Outre les arcs de triomphe élevés par les soins de la mairie, des particuliers en avaient construits, témoins celui qui se trouvait adossée à la maison qui après la fin du second Empire avait en ses murs le café de l’Ile d’Elbe. (à l’angle de la rue Plotine et du square Antonin). La voiture du prince pouvait à peine avancer au milieu de la foule enthousiaste. Du square Antonin jusqu’à la rue de Lombards des compagnies de pompiers venues de tous les points  du département (celle du Vigan avait fait 77 kilomètres à pied !) faisaient la haie.
 Sous le porche de la Cathédrale, l’évêque Mgr Cart le reçut en lui adressant une allocution, ensuite après la bénédiction, le prince parcourut de nouveau la ville pour se rendre à la Fontaine où il était attendu par de nombreuses délégations.
 Le soir eut lieu à l’hôtel de ville, le bal organisé par les commissaires, il était richement décoré, ensuite il se rendra  à la préfecture pour passer la nuit, situé à l’époque dans l’ancien hôtel Rivet, Grand’rue.
 Le lendemain matin après le parcours des grands boulevards il se rendra sur l’emplacement où l’on allait construire l’église Ste Perpétue. Il participa à la cérémonie de la pose de la première pierre en présence de l’évêque Mgr  Cart, du curé de la paroisse et des membres du clergé. Quelques discours furent prononcés par des personnalités locales.
Ensuite il descendit en voiture l’avenue Feuchères pour se rendre à la gare, au moment ou il allait disparaître sous ses voûtes des cries « Vive l’empereur » se firent entendre.
 Quelques semaines plus tard, le 20 novembre 1852, le plébiscite restaure l'Empire par 7.390.000 oui et 253.000 non, la deuxième république est remplacée par le second Empire et son président deviendra Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

-oOo-

>  Contact Webmaster