JULES SALLES
(1814-1900)
extrait des Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1901.



Jules Salles

Jules Salles naquit à Nîmes, le 14 juin 1814. Lorsque sa vocation de peintre l'éloigna du commerce, il entra dans l'atelier de Paul Delaroche. Il épousa Melle Boissier, le 29 décembre 1846 et fut élu à l'Académie de Nîmes, le 13 juillet 1850.
Demeuré veuf en 1859, il épousa à Lyon, en 1865, Mme Wagner, peintre, et tous deux exposèrent avec succès à Amiens, Nîmes, Montpellier. Clermont, Caen et Paris.


Le meunier son fils et l'ane, tableau de Jules Salles, 1855.

En 1891, M. Salles fit construire la galerie des Arts. En 1900, il donna au musée ses derniers tableaux, qui occupent, avec ceux de Mme Salles-Wagner, une salle spéciale.

L'Académie eut la joie de fêter son cinquantenaire académique, en juin 1900.
Il est mort, le 30 décembre 1900, léguant à l'Académie une somme de 10.000 francs dont la rente doit être employée à récompenser l'œuvre d'art ou de littérature, l'invention la plus utile partie, dans le courant de l'année, dans le Gard.

DISCOURS
de M. Georges Maurin, Président de l'Académie,
aux obsèques de M. Jules Salles.

C'est avec une profonde et douloureuse émotion que l'Académie de Nîmes rend les derniers devoirs à son vénéré doyen, et apporte sur son cercueil le suprême tribut de sa tristesse recueillie. L'âge n'avait pas, en effet, comme il arrive trop souvent, relâché les liens qui unissaient notre Compagnie à Jules Salles. Notre regretté confrère avait, au contraire, tenu jusqu'au dernier moment à demeurer parmi nous, et à y faire acte de présence toutes les fois que ses forces lui permettaient de sortir. Alors même qu'il ne pouvait assister à nos séances, nous sentions sa pensée s'intéresser à nos travaux et son cœur battre à l'unisson du nôtre. Et pouvait-il en être autrement ? Dernier représentant d'une génération depuis longtemps disparue, il prolongeait le souvenir de traditions qui nous sont chères, et, par la courtoisie de son abord, l'exquise délicatesse de son esprit, nous rendait le passé respectable et doux à imiter. Tel il nous apparut encore, au mois de juin dernier, dans la séance intime et cordiale tenue à l'occasion de son cinquantenaire. Ce fut; une véritable réunion de famille, d'où toute solennité fut bannie avec un soin jaloux de part et d'autre, où il se sentait parfaitement à l'aise, au milieu d'amis chers, et où, nous-mêmes, nous nous sentions prés de son cœur.

Hélas! Nos vœux ont été bientôt déçus, et notre orgueil de le posséder, rapidement brisé. Et nous sentons que, malgré son âge avancé, sa mort fait un grand vide dans nos rangs. Un chapitre de notre histoire se ferme à tout jamais, et le sceau de clôture s'appose sur toute une période de travaux, de dévouements à la pensée pure, de nobles efforts, qui portèrent notre modeste Académie à l'un des premiers rangs et jetèrent dans notre cité, jusqu'alors plus particulièrement industrielle, la semence féconde dont nous vivons encore. Dans cette pléiade d'hommes distingués, dont hier encore l'un des plus éminents et des plus sympathiques, Henri Révoil, était enlevé à notre affection, Jules Salles marqua tout de suite sa place, et il la fit utile et grande. Il voulut être, il fut, parmi ses confrères, l'initiateur du verbe d'art. Pèlerin amoureux et passionné du beau, il visita la plupart des grands musées de l'Europe. L'Espagne, les Pays-Bas, l'Angleterre, l'Italie surtout, le virent tour à tour, le sac au dos, le bâton ferré à la main, ayant toujours sur lui le cher album où se mêlaient les croquis et les notes de voyage. Quelle riche moisson d'œuvres personnelles il relira des premiers ? Quels tableaux gracieux ils lui ont inspirés ? Ce que gagna son talent de peintre à cette communion si fréquente avec les grands maitres ?

D'autres, plus compétents que moi le diront. Mais ce qui nous appartient pleinement, ce sont ces notes de voyage écrites dans un style si simple et si intelligent, avec une correction et une sobriété vraiment admirables, toutes frissonnantes cependant d'une émotion contenue, quand l'artiste se trouvait en présence du beau et que le critique se taisait. Ces pages obtinrent, au moment de leur lecture, le plus vif succès ; elles furent, pour la plupart des confrères de Jules Salles, une véritable révélation, et le plus bel éloge qu'on en puisse faire, c'est que telles d'entre elles, la description des Murillos de l'Escurial ou de l'Alhambra de Grenade, instruisent et intéressent, même après Théophile Gauthier ; heureux privilège d'un esprit sagace et loyal, d'une intelligence sans cesse en travail pour mieux comprendre et acquérir de nouvelles connaissances ! Jules Salles était d'ailleurs le contraire d'un dogmatique; il répugnait à s'enfermer dans l'étroite formule d'une école ou d'une mode. Il a lui-même écrit dans cette langue simple et forte qui était la sienne : « Le premier et plus important caractère de l'artiste est de savoir découvrir le beau là où il est ». Ce fut le but qu'il avait assigné à sa vie et comme le mot d'ordre qu'il s'était donné à lui-même. Il ne concevait pas autrement les devoirs de l'homme que ceux de l'artiste profondément attaché à sa foi spiritualiste, il ne séparait pas le bien du beau, et les entrevoyait confondus dans la rayonnante splendeur de l'idéal suprême. Et de même qu'il travaillait sans cesse pour atteindre le beau, il s'efforçait aussi d'être toujours bon. Ceux qui l'ont approché plus particulièrement savent qu'il fallait le défendre contre lui-même, contre sa générosité naturelle, son inquiétude de ne pas faire assez de bien. Aussi la foule recueillie qui se presse autour de son cercueil témoigne de la sympathie qu'il avait conquise et des regrets qu'il laisse après lui, concert d'autant plus touchant qu'à côté de l'éclatant témoignage de la gratitude publique, se font entendre les reconnaissances privées, déliées aujourd'hui du serment de discrétion que la modestie du bienfaiteur leur imposait. Nous, ses confrères, nous ne pouvons oublier qu'il nous laisse un grand exemple de courage et de loyauté dans le travail ; nous honorons l'éducateur, nous pleurons l'ami sincère.

Inauguration du buste de Jules-Salles
Séance publique du 23 mai 1901
Allocution de M. le Marquis de Valfons, président.


Mesdames, Messieurs,
Avant de vous raconter comment voyageaient nos anciens et leur mode de locomotion, permettez-moi de vous rappeler que ce fut un grand voyageur que le confrère regretté, M. Jules Salles, dont nous inaugurons le buste, qui attire vos regards et que nous devons à la générosité de son héritier, M. Addi.
De toutes les manières de voyager, il avait adopté celle qui aura toujours la préférence des artistes et des amateurs de la belle nature.
Ses récits sont consignés dans les Mémoires de notre Académie ; ils sont écrits avec esprit, avec une éloquence qui lui était familière et dont nous ressentons encore le charme.

Nous ne saurions oublier, en ce jour, que la générosité de son cœur égalait et surpassait même son intelligence ; la Galerie où se tient cette séance et qu'il a donnée à la municipalité vient s'ajouter aux legs qu'il a donnés à notre Académie.
Nous saluons donc avec émotion ce buste qui perpétuera ici son souvenir ainsi que ses traits sympathiques. Au nom de l'Académie, je veux remercier M. Addi, l'héritier sympathique, bienveillant, qui continue la personnalité de M. Jules Salles et prolonge ainsi son amour des arts et sa générosité pour les ouvres artistiques de Nîmes.
Dans sa dernière séance, l'Académie a, par acclamation, décerné le titre de membre honoraire à M. Addi. Je tiens à le proclamer aujourd'hui en séance publique pour montrer à notre nouveau confrère combien nous nous réjouissons de le compter parmi les nôtres.

Réponse de M. Addi

Monsieur le président, Messieurs,
En rendant hommage à la mémoire de votre collègue, M. Jules Salles, en faisant revivre parmi nous l'image de celui qui s'associa si longtemps à vos travaux, votre honorable Compagnie affirme une fois de plus son caractère et son but. Au milieu de l'éternel mouvement qui emporte les hommes et les choses, dans le flux et le reflux incessant où roule l'existence humaine, vous voulez conserver le culte pieux du souvenir, et, si ailleurs les morts vont vite, vous ne voulez pas oublier : vous vous faites un devoir et un honneur de garder la mémoire du cœur.
C'est que vous n'ignorez pas quelle profonde affection, quelle respectueuse sympathie M. Jules Salles éprouvait pour vous tous : vous n'étiez pas simplement ses collègues, vous étiez ses amis.
Il aimait avec sa belle âme d'artiste son pays natal, sa chère ville de Nîmes ; il en aimait le ciel pur, ses monuments antiques qui font de Nîmes une ville unique en France ; il aimait votre Compagnie où toutes les nuances viennent se fondre dans un harmonieux ensemble, où règne la seule passion du vrai, du beau et du bien. Il se plaisait dans le souvenir des hommes célèbres qui ont jeté tant d'éclat sur votre Académie, et il éprouvait un vrai bonheur, mêlé comme d'un vague effroi, en pensant au jour où ses fonctions l'appelèrent à présider la séance à jamais mémorable où devait se faire entendre votre illustre collègue, M. Guizot.
Il était fier d'appartenir à votre Compagnie, reconnaissant du respect et de la sympathie dont vous l'entouriez ; et un des plus beaux jours de sa vie fut celui où vous avez célébré en son honneur sa cinquantième année de membre de l'Académie de Nîmes. Avec quelle gratitude il se souvenait de ce touchant témoignage de votre affection !
Vous avez voulu, comme me le disait un de vos collègues les plus chers, dorer des reflets de votre chaleureuse amitié les derniers jours de ce vieillard, de ce grand artiste qui était aussi une grande âme.
En me faisant l'honneur insigne de me nommer membre honoraire de votre Compagnie, vous avez voulu prolonger son souvenir parmi vous, le souvenir de l'homme de bien qui a trouvé en vous, dans votre société, cette amitié exquise qui donne tant de charme à la vie parce qu'elle unit dans le même culte l'amour de l'art et de la nature !
En son nom, au nom de sa mémoire, je vous remercie en vous disant : si, comme l'artiste dont vous célébrez le souvenir, je n'apporte pas à votre Compagnie l'éclat d'un nom, le prestige du talent, je lui apporte l'expression de ma vive reconnaissance et le désir sincère de m'inspirer des nobles exemples de travail, d'amour du beau et du vrai que je trouve dans votre passé et dans votre présent.

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Photo datée du 50eme anniversaire de l'entrée de Jules Salles à l'académie le 13 juillet 1850

La Galerie Jules Salles

En 1894, le 5 mai, inauguration de la Galerie des Arts, construite sur le Bouvard Amiral Courbet, elle sera léguée à la municipalité le 5 juillet suivant par le peintre Jules Salles, cette galerie portera son nom. Elle fut construite sur les plans de l'architecte Max Raphel. Les deux statues allégoriques de la façade (la peinture et la musique) seront réalisées par le sculpteur Léopold Morice. Jules Salles décèdera en 1901.
L'architecte Max Raphel (1863-1943) réalisera de nombreux ouvrages à Nîmes, le Kiosque à musique de l'Esplanade en 1889, l'école Belle-Croix en 1897, le Musée de Beaux-Arts en 1902, la stèle de Bermard Lazare au jardin de la Fontaine en 1908, et la Bourse du  travail en 1925.















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