JEAN REBOUL
le poète boulanger
 
    
 
Jean Reboul, poète boulanger, est né à Nîmes le 23 janvier 1796, fils d’un serrurier, dans cette maison qui fut aussi plus tard sa boulangerie et où il y vivra jusqu’à sa mort le 29 mai 1864.
 
Jean Reboul qui, tout en pétrissant son pain a publié « l’Ange et l’enfant » en 1828. Certains chroniqueurs de l’époque affirmaient que nul chant n’avait trouvé autant d’admirateurs, la peinture, la musique et la sculpture s’en étant inspirés. Parmi ses autres productions, son poème « le dernier jour » fut de ceux qui assurèrent sa réputation. Il avait su se faire, à son époque, une place des plus honorable dans la ronde des poètes.

 

Oublié de nos jours il fut reconnu par ses pairs, pour preuve... Le mardi 24 juillet 1838, Chateaubriand passa quelques heures dans notre ville et rendit visite à Jean Reboul, le poète boulanger, cette entrevue nous value cette anecdote savoureuse : 

« Lors d'une précédente visite à Nîmes (en 1802), les Arènes et la Maison-Carrée n'étaient pas encore dégagées. Cette année 1838, je les ai vues dans leur exhumation. Je suis allé chercher Jean Reboul. Je me défiais de ces ouvriers-poètes, qui ne sont ordinairement ni poètes ni ouvriers. Réparation à M. Reboul. Je l'ai trouvé dans sa boulangerie ; je me suis adressé à lui sans savoir à qui je parlais, ne le distinguant pas de ses compagnons de Cérès. Il a pris mon nom, et m'a dit qu'il allait voir si la personne que je demandais était chez elle. Il est revenu bientôt après et s'est fait connaître. Il m'a mené dans son magasin ; nous avons circulé dans un labyrinthe de sacs de farine, et nous sommes grimpés par une espèce d'échelle dans un petit réduit comme dans la chambre haute d'un moulin à vent. Là, nous nous sommes assis et nous avons causé. J'étais heureux, comme dans mon grenier à Londres, et plus heureux que dans mon fauteuil de ministre à Paris. M. Reboul a tiré d'une commode un manuscrit et m'a lu des vers énergiques d'un poème qu'il a composé sur le Dernier Jour. Je l'ai félicité de sa religion et de son talent. »

D’autres personnages considérables de l’époque parmi lesquels, Lamartine, visitèrent aussi le poète nîmois. En 1852, le gouvernement impérial voulut décorer Jean Reboul « comme on aurait décoré les Arènes », Jean Reboul répondit qu’il ne croyait pas être passé à l’état de monument, et pour la seconde fois, il écarta de la main le ruban.

 

Peu après sa mort, le décret impérial du 17 juin 1865, homologuant la délibération du Conseil Municipal du 11 juin 1864 donnera le nom de rue Jean Reboul à l’ancienne rue Carreterie.

 

En 1866, l’évêque de Nîmes Mgr Plantier fit placer sur la façade de sa maison, rue Jean Reboul un médaillon commémoratif représentant le poète de profil et avec ce texte :

 

JOANNI REBOVL

HENRICVS. PLANTIER. EPISC

ANNO MDCCCLXVI

 

Précédemment, le père d’Alzon, alors vicaire général, avait déjà érigé une modeste plaque au dessus de la porte latérale, donnant sur la rue des Trois Maures, avec ce texte :

 

 

HIC

JOANN. REBOUL

VIXIT-ET-OBHIT (a vécu et s'en est allé)

(1796-1864)               Et. d’Alzon, P.

 

Nîmes honorera sa gloire en faisant de la mort de Jean Reboul un deuil public et en transformant ses funérailles en une sorte d’enthousiasme et de triomphe.

Ces honneurs, si solennels ne furent qu’un simple prélude, des manifestations solennelles seront organisées à l’occasion de l’inauguration de sa statue au jardin de la Fontaine.

L’œuvre était due au ciseau de Bosc, et avait été transportée à la place qui lui était réservée dès le mois de novembre 1875. Le maire de Nîmes Adolphe Blanchard et, avec lui son Conseil municipal voulurent célébrer par une fête l’érection de cette statue. Il fut convenu que ces fêtes auraient lieu le 17 mai 1876.

 

 

 

Ce fut à la cathédrale que débutèrent ces cérémonies solennelles. Les autorités s’y rendirent en cortège accompagnée par le corps des sapeurs pompiers et précédées de la musique municipale.

Dans l’après midi le cortège se reforma à nouveau à la mairie et se rendit à la Fontaine. La corporation des boulangers de la ville ouvrait la marche suivit des parents de Reboul, du Préfet, du Maire et de l’évêque de Nîmes, Mgr Besson, ainsi que l’évêque de Montpellier Mgr de Cabrières.

Le soir un grand spectacle organisé par la municipalité fut donné au grand théâtre, Roumanille, le chef des félibres, prononça un discours en patois.

 

Les fêtes ne s’arrêtèrent pas là, le jeudi 18 mai, un grand banquet présidé par le comte Jules de Bernis, était offert à l’hôtel Manivet (brasserie des fleurs) aux parents de Jean Reboul ainsi qu’aux félibriges.

Pour clore ces festivités, le dimanche 21 mai après un spectacle gratuit donné dans les arènes, le soir eurent lieu des illuminations générales et une retraite au flambeaux, qui parcourut la rue Jean Reboul, stationna devant la maison du poète et fit le tour des boulevards.

 

Cependant dans certains rangs républicains, on avait vu d’un mauvais œil, ce qui pour eux était  manifestement excessif. En effet cet hommage grandiose en l’honneur de la mémoire de Jean Reboul, « le catholique et le royaliste », de la part des représentants du peuple et de la religion avait un côté provoquant et revanchard pour les militants de la troisième république.

 

Les républicains s’employèrent à manifester leur désaccord par des contre-manifestations. Ils se groupèrent à partir du square de la Bouquerie, espace républicain ou pousse l’arbre de la liberté, descendirent les boulevards en chantant la Marseillaise et le chant du départ, vinrent devant la demeure de Jean Reboul en continuant leurs chants révolutionnaires et clamèrent des « Vive la République ».

 

Le cortège continua vers le chemin de Montpellier et revint en ville jusqu’à la place des Carmes, sur le parvis de l’église St Baudile. Cette manifestation ne dégénéra point, elle ne fut qu’un avertissement gratuit à la municipalité d’Adolphe Blanchard, royaliste, qui refusait d’adopter la neutralité envers la religion et retardait dans sa ville de Nîmes la pleine application des principes républicains.

En 1880 son refus de fêter le 14 juillet en tant que fête nationale, donnera un bon prétexte au Préfet pour le révoquer.

Médaille éditée lors de l'inauguration de la statue au Jardin de la fontaine, le 17 mai 1876

Collection Gérard Taillefer

 

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En savoir plus sur Jean Reboul avec l'Académie de Nîmes

> Notice sur la vie de Jean Reboul, par J.P.G. Nicot et L. Maurin

Extrait de Mémoires de l'Académie de 1864/65, pages 70 à 95.

> Oeuvres inédites de Jean Reboul par M. le Comte de Balincourt  

Extrait de Mémoires de l'Académie de 1902, pages 53 à 80.