L’Hôtel de la Prévôté

par le Lt Colonel Blanchard, 1938


figure 2

 

 

NDLR : C’est en 1306 que Philippe le Bel expulse les Juifs du royaume de France, et donc de Nîmes, expulsion qui provoque alors un grand désarroi dans la population juive nîmoise, qui trouvent refuge pour une grande part, dans le Comté de Provence voisin.

Une ancienne Synagogue, probablement l’une des premières à Nîmes, existait alors sur l’emplacement actuel de l’Hôtel de la Prévôté, elle sera confisquée et vendue comme tous leurs biens, leurs livres de compte et leurs créances…

Le 16 août 1306 un mandement ordonne aux surintendants dans l'affaire des juifs et aux sénéchaux de mettre en vente les immeubles saisis. Ce document recommandait expressément d'enjoindre aux acheteurs de révéler les trésors qu'ils pourraient trouver dans lesdits immeubles.

Cette synagogue n’a pas pu exister lors du retour « temporaire » des juifs à Nîmes quelques années plus tard, elle se serait retrouvée en dehors du quartier Juif compris entre la rue de l’étoile et la rue Fresque.

 

 

Que de gens, circulant chaque jour entre la rue et la place du Chapitre. passent devant l'Hôtel de la Prévôté, dont le nom est inscrit sur une plaque de marbre, et ignorent tout des souvenirs que cette mention est destinée à évoquer !

 

Et pourtant ce bel immeuble a été, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, la demeure du personnage ecclésiastique, le plus important du diocèse après l'évêque.

 

C'était là, en effet, qu'habitait le Prévôt du Chapitre, placé à la tête des chanoines de la cathédrale de Nimes. et qui jouissait d'un réel prestige dans le clergé et dans la population catholique de notre ville.

 

-oOo-

 

L'Hôtel de la Prévôté, qui est au Sud de la Cathédrale et à l'Est de l'Ancien palais de l'Evêché, était situé dans le quartier du Vieux Nîmes, désigné jusqu'à la Révolution française sous le nom de Prat.

 

Il était compris dans ce qu'on appelait jadis l'Enceinte du Chapitre ou « dou Capite », comme on disait en langage populaire.

 

En utilisant les noms de rues tels qu'ils sont actuellement employés, nous signalerons que cette Enceinte, englobant à l'Ouest le bâtiment de la Cathédrale, était bordé au Nord par la rue St-Castor et la place Belle-Croix; à l'Est, par la Grand'Rue; au Sud, par la rue du Chapitre. Dans cette dernière artère, elle s'arrêtait à une maison confontant à l'Ouest la Prévôté, et qu'une rue dite : d'abord, « de la Courtine », puis «de la Prévôté», séparait des dépendances du Palais épiscopal.

 

La place du Chapitre, appelée « la Courtine » ou « Cour du Chapitre » était le centre de cette « isle » ou de ce bloc de maisons.

 

Jadis, un mur continu avait séparé les bâtiments du Chapitre du reste de la ville, avec laquelle ils ne communiquaient que par la rue de la Courtine, dont l'accès était gardé par une conciergerie. Après les troubles religieux de la fin du XVIe siècle et du commencement du XVIIe, cette muraille n'existait plus; on mit sa reconstruction aux enchères, en 1926; mais, ce projet ne paraît avoir comporté aucune suite.

 

L'accès de la Cathédrale était, bien entendu, ouvert au public en tout temps.

 

Ce n'est qu'au cours du XIXe siècle, époque où un marché fort achalandé fut établi sur la place du Chapitre, qu'on songea à lui créer un dégagement en perçant, après 1848, la rue de la Poissonnerie. Le « Tour d'échelle » entre la Cathédrale et l'Ancien palais épiscopal ne fut aménage que plus tard, en 1909. Mais, déjà, la place du Chapitre avait retrouvé son calme d'antan.

 

Le long isolement des bâtiments du Chapitre, situés cependant en plein cœur de la ville et à côté des marchés bruyants qui se tinrent pendant des siècles sur la place aux Herbes et sur celle de la Belle-Croix, permet d'ores et déjà de deviner que, durant un temps considérable, les chanoines de la Cathédrale ont mené une vie claustrale, ou tout au moins « en commun ». Et nous verrons plus loin qu'il en a bien été ainsi jusque vers le milieu du XVIe siècle.

 

Mais, après sa sécularisation qui eut lieu en décembre 1539, après ses nombreuses pérégrinations pendant les troubles religieux qui s'étendirent de 1561 à 1629, le Chapitre de Notre-Dame de Nimes ne reprit plus cette pratique de la « vie en commun ».

 

Un plan de l'Enceinte du Chapitre établi au milieu du XVII° siècle et déposé aux Archives départementales du Gard, nous permet de constater que beaucoup de ses maisons étaient alors louées à des particuliers, notamment le long de la Grand'Rue, dite alors « de la Fusterie », et de la place de la Belle Croix. Des documents figurant dans les mêmes archives départementales, nous montrent que, dans ces deux artères là, la plupart des immeubles -du Chapitre avaient leurs rez de chaussée transformés en boutiques, qui étaient occupées par des marchands (cordonniers, tailleurs d'habits, miroitiers, libraires, etc.), alors que les autres étages étaient loués à des familles nobles ou bourgeoises de la ville.

 

On relève, sur le plan précité, les maisons de quelques hauts dignitaires du Chapitre, dont le Prévôt, celle des curés de la paroisse, celle du maître de musique et des enfants de chœur, et enfin, celles de plusieurs chanoines.

 

D'autres chanoines étaient alors logés en ville, soit dans des maisons appartenant à leur famille, soit dans des appartements qu'ils louaient à leurs frais.

 

Et, à cet égard, l'occupation des bâtiments du Chapitre est restée sensiblement le même jusqu'à la Révolution.

 

-oOo-

 

L'Enceinte du Chapitre, tout entière située dans le quartier de Prat, était séparée, au Nord, du quartier des Correcomaires par la rue Notre-Dame, précédemment rue du Clocher et de la Veille Draperie et de nos jours, rue Saint-Castor, et par la place de la Belle-Croix.

 

Au cours de notre étude sur les hôtels du Vieux-Nîmes, je ne pense pas que nous trouvions souvent l'occasion de parler de ce quartier des Correcomaires ; car, habité principalement par de petits artisans et par des ouvriers, il ne nous a guère laissé d'immeubles présentant un grand intérêt artistique.

 

Il tirait son nom du vieux mot languedocien : correcomaire, qui veut dire: ouvrier tanneur. Par contre la plupart des tanneries, où travaillaient ces ouvriers s'appelaient des : Cauquières, (1) du nom des réservoirs ou bassins, dans lesquels on mettait les peaux à tremper ; elles étaient presque toutes situées dans des terrains marécageux à l'Est de nos anciens remparts; c'est pourquoi il y a eu, pendant un siècle, en cet endroit un boulevard des Calquières, qui a été ensuite appelé: boulevard Amiral-Courbet.

 

(1) NOTA : Cauquières, tiré du patois Coouca qui veut dire patauger ou fouler avec les pieds.

 

La modeste petite rue Corcomaire rappelle seule de nos jours le nom de tout un quartier du Vieux-Nîmes.

 

-oOo-

 

La place de la Belle-Croix n'a pas conservé d'immeubles anciens, présentant, comme ceux de la place aux Herbes, quelque intérêt architectural. Cependant, on y voyait, jusque vers la fin du XIX° siècle, deux édifices curieux pour les amateurs de l’histoire locale, mais qui ont disparu à cette époque.

 

L'un compris dans la partie Nord de l'Enceinte du Chapitre, était l'ancien Réfectoire des chanoines, dont nous reparlerons plus loin.

 

L'autre, qui était appelé au XVIl° siècle le manoir épiscopal, fut démoli pour servir au débouché de la rue Crémieux.

 

Dans un numéro précédent de la revue « Le Vieux-Nîmes », nous avons parlé de ce dernier immeuble, qui servit de résidence aux évêques de Nîmes sous le règne de Louis XIII et pendant une grande partie du règne de Louis XIV. Nous y revenons cette fois; car, nous avons eu tout récemment la chance de découvrir à l'Hôtel de Balincourt une gravure ancienne reproduisant, sans nul doute, la façade principale de cet édifice au milieu du XVIIe siècle (Voir fig. 1).

 

 

Figure 1, le Manoir Episcopal, aujourd’hui disparu

 

Il s'agit d'une gravure hollandaise qui porte le titre suivant:

« Oproer Tegens de Bischop van Nimes int jaar 1650 ».

 

Ce qui signifie:

« Sédition causée par l'évêque de Nimes en 1650 ».

 

Elle rappelle un épisode de notre histoire locale, dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs dans le numéro du «Vieux Nimes», consacré à l’Hôtel de Régis qui appartint longtemps à la famille de Baudan.

 

En 1650, le ministre Henri de Baudan, à la tête d'une bande de calvinistes armés, pénétra de vive force dans le manoir épiscopal, malmena les domestiques de l'évêque dont trois furent blessés grièvement, et enleva le jeune Pierre Coutelle, dont il était, dit-on, l'oncle.

 

Cet adolescent, qui appartenait à une famille protestante, s'était converti au catholicisme et résidait au manoir épiscopal de son plein gré, suivant les constatations officielles de l'époque, et il y était élevé sous les yeux de Mgr. Hector d'Ouvrier.

 

L'évêque eut beau protester contre ce coup de force et se retirer momentanément à Beaucaire avec les chanoines de la Cathédrale, II n'obtint que des excuses qui lui furent présentées, d'ordre du gouvernement royal, par les consuls de la ville de Nîmes pour n'avoir pas su empêcher cette petite sédition.

 

La gravure hollandaise représente le jeune Coutelle, descendant les marches de l'escalier du manoir, et soutenu par deux des membres de l'expédition. Autour de lui et aussi, à droite, des calvinistes, transportés de joie, lèvent leur chapeau en l'air et acclament le ministre de Baudan qui, vêtu de noir, est arrêté en tête du cortège, et montre de la main droite le ciel.

 

Derrière ce pasteur, on aperçoit une chapelle qui devait être celle de l'évêque, puis, plus loin dans le fond, le clocher carré de la Cathédrale, et un autre clocher pointu qui a disparu depuis cette époque.

 

Tout à fait à gauche sur la gravure sont représentés des gens qui paraissent être des curieux plutôt que des manifestants,

 

Le manoir épiscopal avait été formé avec deux maisons contiguës :

 

L'une assez grande, achetée en 1636 par Mgr. Cohon pour la somme de 8.500 livres à un bourgeois de notre ville, appelé Claude Combes ; l'acte de vente avait été dressé par le notaire Antoine Liboud. Cet immeuble avait été accru de quatre pièces voisines, acquises en 1658 et 1660 de Pierre Faucon.

 

L'autre maison, plus petite, avait été achetée en 1662, pour la somme de 3.497 livres, par Mgr Cohon à un nommé Pierre Carrière.

 

Les deux immeubles furent vendus par Mgr. Séguier : le plus petit, en 1684, aux Administrateurs de l'oeuvre du Refuge, pour le prix de 3.000 livres, le plus grand, pour la somme de 11.000 livres aux Bénédictins de la Chaise-Dieu; ceux-ci l'échangèrent, en 1770 avec la famille Teissier de Marguerittes pour un immeuble, situé dans la rue portant maintenant le nom de Rouget de l’Isle et qui abrite, à son tour, l'oeuvre du Refuge.

 

Ce fut notre vieille connaissance, le notaire Borrelly, qui dressa ces deux derniers actes de vente.

 

-oOo-

 

La place, où s'érigeait le manoir épiscopal, a dû son nom à une Croix.

 

A cet endroit, il en existait jadis une, à laquelle on prêtait, au Moyen-Age, des vertus miraculeuses. Sur la demande des habitants voisins, le Conseil de Ville, c'est-à-dire le Conseil Municipal, la fit couvrir d'une petite toiture, en 1528, pour la mettre à l'abri des intempéries.

 

Mais, en 1561, lors des premiers troubles religieux, elle fut abattue et ses débris en furent dispersés.

 

Cent ans plus tard, le 2 octobre 1661, avec le concours des chanoines de la cathédrale et des deux consuls catholiques Jean de Rozel et Antoine Lombard, Mgr Cohon fit procéder, sur cette même place, à l'érection d'une magnifique croix en marbre blanc, plantée sur un piédestal en pierre de taille.

 

Au temps de la Révolution française, cette belle Croix connut exactement le même sort que sa devancière; comme celle-ci, elle fut renversée et ses débris disparurent.

 

Sous la Restauration, il en fut érigé là une nouvelle ; elle a bien été abattue en 1831 comme les deux précédentes; mais, plus heureuse qu'elles, elle a échappé à la destruction. Transportée dans la Cathédrale, on l'y voit de nos jours se dressant dans le bas de la chapelle du Saint-Sacrement.

 

-oOo-

 

Rendons nous de la place Belle-Croix à l'Hôtel de la Prévôté en passant par la Grand'Rue, la rue de la Poissonnerie, la place du Chapitre et la rue de la Prévôté.

 

La Grand'Rue, à laquelle on ajoutait au XVIIe siècle le nom : de la Fusterie, c'est-à-dire : de la menuiserie était percée, jadis, dans toute sa longueur d'un canal à ciel ouvert, appelé « le gruin » ou « le grun ».

 

Ce canal servait à évacuer dans les fossés du rempart oriental de la ville une partie du cours de la rivière de la Fontaine ainsi que les eaux usées des maisons voisines. Il dégageait de si mauvaises odeurs qu'en 1744 le Conseil de Ville décida de le faire couvrir.

 

Mais, il arriva ce qui se produit de tout temps quand une municipalité bien intentionnée entame de grands travaux de voirie dans l'intérêt du bien public: il se produisit une réclamation.

 

Le Chapitre de la Cathédrale, qui possédait toute une rangée de maisons depuis la place Belle-Croix jusqu'à la rue actuelle du Chapitre, se plaignit de ce que la surélévation de la nouvelle chaussée refoulait les eaux de pluie dans le rez-de-chaussée de ses immeubles; et il fit signifier, en 1745, par voie d'huissier aux Consuls s'ils eussent à prescrire à l'entrepreneur de mieux arranger les travaux de pavage de la Grand'rue; ceux-ci n'eurent qu'à s'incliner.

 

-oOo-

 

Nous n'avons rien d'intéressant à signaler concernant la rue de la Poissonnerie, qui n'a pas encore cent ans d'existence.

 

Il n'en est pas de même de la place du Chapitre, qui évoque de nombreux souvenirs.

 

Située, jadis, en plein cœur de l'Enceinte du « Capite », elle servit de cimetière aux chanoines de la Cathédrale.

 

Elle était entourée d'un cloître qui était orné de plusieurs chapelles ; c'est dans celles-ci que se trouvaient les tombeaux de deux des fils d'Alphonse Jourdain, comte de Toulouse : l’un Raymond V, qui, ayant arraché au dernier des Bernard Aton la vicomte de Nîmes, décéda dans le palais épiscopal en 1193, l'autre, Pons, qui ne succéda point à son frère comme comte de Toulouse, et qui mourut en 1203.

 

II se trouvait aussi là une église, St-Jean de la Courtine, démolie en 1567, et dont l'ancien emplacement n'a pas été retrouvé.

 

Bien que le cimetière, dont il est question ci-dessus, fût la propriété exclusive du Chapitre, on y enterrait aussi les bienfaiteurs de l'église Notre-Dame, ainsi appelait-on, jadis, de préférence notre Cathédrale. Et deux fois par an, pendant l'Avent et le Carême, un chanoine à l'issue d'une messe anniversaire, venait donner l'absoute sur leurs tombeaux.

 

Après les troubles de la Michelade il arriva à plusieurs reprises que la ville se vidât presque complètement de catholiques; les protestants s'approprièrent alors tous les cimetières de Nîmes.

 

Dix ans environ avant la révocation de l'Édit de Nantes, le syndic du Chapitre expliqua dans une requête adressée à Mgr. Séguier qu'à un moment donné il n'y avait pas plus de trente catholiques dans la ville, alors que leur nombre est actuellement de dix mille ; que pendant longtemps, les chanoines, absents de Nîmes, n'avaient pas vu d'inconvénients à laisser enterrer des catholiques dans leur ancien cloître. Mais le nombre des inhumations étant venu à se multiplier et la place manquant, il en résultait de graves risques d'infection pour la population de la ville.

 

De suite après, et le 5 Août 1674, Mgr. Séguier (*) interdit toute sépulture nouvelle dans le cloître du Chapitre et ordonna aux Consuls de «donner incessamment une autre place dans « le lieu le plus commode que faire « se pourra pour servir de cimetière aux catholiques. » Mais, il fallut attendre l'année 1688, pour que cette ordonnance fut exécutée.

 

(*) ne pas confondre avec J.F. Séguier (1703-1784) l’homme des sciences, Nîmois lui aussi.

 

Ce fut le cimetière de la place de la Couronne (actuellement square du même nom), qui fut désigné par nos magistrats. De nombreux ossements y furent alors transportés. Néanmoins, il est arrivé à plusieurs reprises au cours des temps que la pioche des terrassiers mette à jour, sur la place du Chapitre de funèbres débris.

 

-oOo-

 

Sur cette place, et faisant vis-à-vis au chevet de la Cathédrale, s'élève la partie Nord de l'Hôtel de la Prévôté, c'est la moins intéressante de l'immeuble.

 

On y voit, séparés par un rez de chaussée surmonté d'une terrassa, deux corps de bâtiment, l'un de trois étages avec mansardes, l'autre de deux étages. Le bas de l'édifice comporte un atelier et un garage, récemment aménagés.

 

Mais quittons la place et pénétrons dans la rue de la Prévôté; l'Hôtel, qui nous intéresse, change immédiatement d'aspect.

 

Franchissons la porte monumentale, qui donne dans cette rue; nous nous trouvons alors dans une cour d'honneur, flanquée sur ses quatre côtés de bâtiments, qui ne datent pas tous de la même époque.

 

Les parties les plus anciennes de l'hôtel ont été construites au XVIIe siècle ; ce sont celles qui donnent : à l'Ouest, sur la rue de la Prévôté, et au Sud, sur la rue du Chapitre.

 

A l'Est, au fond de la cour d'honneur, se dresse un beau bâtiment, le plus grand de l'immeuble; il est de style Empire et est séparé par une petite cour des immeubles voisins, situés plus au Levant.

 

Quant à la façade Nord de l'hôtel, que nous venons de voir sur la place du Chapitre, elle ne servait jadis qu'aux communs de la Prévôté. Surélevée par endroits, et remaniée à travers les temps, elle est de style disparate et ne présente pas, répétons-le, d'intérêt architectural.

 

-oOo-

 

Sortons de la cour d'honneur et revenons dans la rue de la Prévôté.

 

Nous remarquons sur la façade de l'Hôtel un motif principal, très légèrement en saillie au centre duquel est aménagée une haute porte cochère cintrée de style Louis XIV et dont les piédroits sont à bossages. Ces bossages se prolongent à droite et à gauche sur tout le motif principal (Voir figure 2).

 

  

Au haut de la porte se trouve une clef fort simple, dominée par une corniche se continuant des deux côtés sur le motif principal.

 

Cette corniche soutient, au dessus de la porte, un fronton courbe.

 

Plus haut encore, et cachant la toiture, une balustrade discontinue couronne le motif principal.

La porte cochère est flanquée de deux petites fenêtres, un peu haut placées, peut-être, pour bien éclairer le rez-de-chaussée; du reste, il faut ajouter que celle de droite est aveugle Ces deux fenêtres ont, chacune, une corniche et un appui moulurés.

 

Toujours dans la rue de la Prévôté et à gauche du motif principal, deux: petites fenêtres au rez-de-chaussée e! une plus grande au 1er étage, ne donnent lieu à aucune remarque.

 

A droite de ce même motif, on voit l'extrémité du bâtiment de l'hôtel qui donne sur la rue du Chapitre et qui présente ici sa toiture en pignon. On aperçoit là trois fenêtres superposées, une par étage; celle du centre est aveugle, celle du rez-de-chaussée, par sa corniche, offre quelque intérêt.

 

-oOo-

 

Passons maintenant de la rue de la Prévôté dans celle du Chapitre.

 

Ici, nous voyons une façade un peu dissymétrique et se reliant à la précédente par un pan coupé (Voir figure 3).

 

figure 3

 

Elle se compose d'un rez-de-chaussée surélevé et de deux autres étages, dont le plus haut se présente un peu en forme d'attique.

 

A peu près au centre nous remarquons une jolie porte de style Louis XIII avec des réminiscences de l'époque Henri II. (Voir figure 4).

 

figure 4

 

L'encadrement de cette porte est en pierre de taille ouvragée; les piédroits sont à bossage. Le linteau est clavé et présente la même décoration à bossages. Au-dessus, une corniche est supportée par deux élégantes consoles. L'ensemble est surmonté d'un couronnement au centre duquel une petite ouverture grillagée a été installée. Un fronton cintré et brisé termine ce motif.

L'huisserie de la porte est tiercée à deux vantaux, et ornée de tables saillantes et de cadres moulurés, formant de gracieux médaillons.

 

Au rez-de-chaussée, la porte est encadrée, à gauche, de deux grandes fenêtres dont l'une est dans le pan coupé, et à droite d'une grande fenêtre et d'une autre moins large.

 

A chacun des deux étages supérieurs se trouvent cinq fenêtres dont une dans le pan coupé.

 

Au bas des fenêtres du rez-de-chaussée se déroule sur toute la façade un cordon. Au dessus, nous voyons un bandeau, puis plus haut un nouveau cordon, orné d'un appui ouvragé au bas des fenêtres.

 

Cette répétition d'un bandeau alternant avec un cordon se retrouve le long du mur entre le 1er et le 2e étage.

 

Les fenêtres du 1er étage comportent un chambranle mouluré; celles du 2e étage n'ont pas toutes la même hauteur.

 

Signalons, en passant, que toutes les ouvertures de cette façade, ainsi que les moulures et corniches, présentent une caractéristique bizarre; elles sont toutes taillées en oblique par rapport à la façade.

 

Sous la toiture, nous apercevons une jolie corniche à denticules.

 

Plusieurs œils de bœuf, dont quelques-uns sont aveugles, ont été aménagés dans cette façade.

 

-oOo-

 

Revenons maintenant sur nos pas, et pénétrons à nouveau dans la cour d'honneur, pour en examiner en détail les diverses façades.

 

A l'Ouest, vers la rue de la Prévôté, nous voyons deux parties voûtées : l'une servant de passage vers la grande porte cochère, l'autre abritant un modeste lavoir; à droite, la loge du concierge; à gauche, la porte d'un escalier donnant accès au 1er étage.

 

Entre le rez-de-chaussée et le 1er étage apparaissent superposés, un bandeau mouluré puis un cordon avec appuis au bas des fenêtres du 1er étage, qui sont au nombre de quatre et comportent chacune un chambranle moulurée.

 

Au dessus de ces fenêtres une balustrade discontinue dissimule aux yeux la toiture, comme sur la façade du même bâtiment donnant sur la rue de la Prévôté.

 

Au Sud, vers la rue du Chapitre, une façade en harmonie avec la précédente et certainement construite à la même époque, présente un étage de plus. Elle est d'un pur style Louis XIV et a vraiment un fort bel aspect. Nous en donnons, à la figure 5, la vue des 1ers et 2e étages.

 

 

figure 5

 

Là, nous voyons, au rez-de-chaussée, à gauche, deux fenêtres; à droite, une porte, dont le linteau est mouluré.

 

Au 1er étage sont aménagées quatre grandes fenêtres à chambranle et appui moulurés. Deux cordons de pierse se déroulent, l'un au dessous, l'autre au-dessus de ces fenêtres.

 

Plus haut, un large bandeau mouluré marque le bas du 2e étage. Celui-ci apparaît en forme d'attique, avec ses quatre fenêtres à chambranle mouluré, au bas desquelles est taillé un large cordon.

 

A l'Est, au fond de la cour, se présente à nos yeux la façade du bâtiment le plus haut et le plus large de l'Hôtel de la Prévôté.

 

Ce beau bâtiment nous paraît être de style Empire avec de grandes réminiscences de style Louis XIV, ainsi que le montre sa jonction, dans la Cour d'honneur, avec la façade précédente (Voir figure 6).

 

 

figure 6

 

Il existe ici 4 étages, dont le plus élevé, en forme d'attique, ne comporte que des mansardes et n'est que fort peu visible de la cour, en raison de sa volumineuse corniche Empire qui le sépare du 2e étage.

 

Au devant de cette façade, s'élève, dans la cour, une terrasse, bordée à ses deux extrémités par une courte balustrade.

 

Au rez-de-chaussée, nous voyons, de gauche à droite, deux fenêtres, une porte, une fenêtre; au 1er étage ainsi qu'au 2e étage, quatre grandes fenêtres à chambranles moulurés.

 

Entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, de même qu'entre celui-ci et le 2e étage, un large bandeau, puis un cordon à hauteur de l'appui des fenêtres décorent la muraille.

 

Au Nord, vers la place du Chapitre, le bâtiment principal, que nous venons de décrire, présente un très petit re-tour d'aile, avec une porte d'escalier au rez-de-chaussée et une fenêtre à chaque étage; la décoration en est la même que celle indiquée ci-dessus. Le reste de la cour d'honneur ne présente, de ce côté, aucun autre intérêt.

 

-oOo-

 

A l'intérieur de l'hôtel de la Prévôté les vestiges du passé sont fort rares. Signalons seulement: au rez-de-chaussée du bâtiment Est, une vaste salle à plafond lambrissé avec une belle cheminée; au 1er étage du bâtiment donnant sur la rue du Chapitre, deux belles cheminées en marbre du XVIIIe siècle ; entre ces deux bâtiments l'escalier l'honneur, avec deux grandes colonnes.

 

II

 

Dans son état actuel, l'hôtel de la Prévôté ne présente aucune construction antérieure au XVIIe siècle.

 

Cependant, il nous paraît intéressant de remonter bien avant dans l'examen du passé et de rechercher ce qui exista jadis sur son emplacement.

 

Nous avons déjà parlé, dans notre étude sur l’Ancien palais épiscopal, d'une charte du Chapitre de Notre-Dame de Nîmes, datée de l'an 1009, par laquelle le prévôt Pons IIIe de ce nom, « baille à achept », c'est-à-dire : afferme, suivant le droit féodal, à un certain Bernard un champ sur lequel devait se bâtir, plus tard l'Enceinte du Chapitre. Ce terrain était, d'après la charte, limité au Sud par la Synagogue des Juifs.

 

Le savant Germer-Durand, qui a publié ce document dans le cartulaire du Chapitre allant de l'an 834 à 1141, et, après lui, l'auteur d'une «  Histoire des Juifs de Nîmes », M. Joseph Simon, n'ont pas hésité à fixer l'emplacement de cette Synagogue, là où se trouve l'Hôtel de la Prévôté.

 

Dans la rue adjacente qui porta un certain temps, d'après Germer Durand, le nom de : rue de la Synagogue, avant de prendre celui: du Camp-nau supérieur, et de nos jours celui de rue du Chapitre, il y avait plusieurs immeubles appartenant à des Juifs.

 

A notre époque, il peut sembler bizarre qu'une communauté Israélite se soit installée ainsi « à l'ombre d'une cathédrale ».

 

Il n'en était pas de même au Moyen-Age, ou les juifs se groupaient volontiers autour des églises, pour y rechercher la puissante protection du clergé.

 

Le 23 Juillet 1306, le roi Philippe le Bel prescrivit l'expulsion de tous les juifs de France; leurs biens furent confisqués et vendus. En l'absence de tout document à ce sujet, nous pouvons être certains que la propriété des locaux, de la Synagogue nîmoise changea alors de mains.

 

Après plusieurs vicissitudes, les Juifs revinrent en France sous le règne de Jean le Bon. A Nîmes, cette fois, nos Consuls les séparèrent de la population chrétienne de la ville, en leur attribuant pour résidence exclusive la rue de l'Etoile, qui portait alors le nom de Corrégerie vieille, du mot languedocien : Corréjarié, qui signifie: fabricant de courroie ou bourrelier.

 

A partir du début du XIVe siècle, que devint l'ancienne Synagogue ? A quelle époque ses bâtiments furent-ils transformés ? A quelle date les prévôts du Chapitre vinrent-ils y fixer leur résidence ?

 

Autant d'énigmes auxquelles il est difficile de répondre en l'absence de documents probants.

 

Mais, une chose est sûre, c'est que, après la disparition des Juifs, leur Synagogue fut rapidement englobée dans l'Enceinte du Chapitre.

 

Ce fut au cours du XIe siècle que les chanoines, occupant précédemment l'atrium, adjacent à la Cathédrale du coté de la place aux Herbes, s'installèrent au Sud de cette église.

 

Alors que la charte précitée de l'an 1009 est muette à cet égard, une autre charte, daté de 1080, relate que Pierre de Bernard, c'est-à-dire sans nul doute, descendant du bénéficiaire du premier de ces deux actes, restitue à l'église Notre-Dame l’ortal, ou jardin, qu'il tenait en fief et qui s'étendait au couchant jusqu'à l'église St-Jean de la Courtine et au Cloître Neuf. Il s'agissait là, évidemment, d'une partie du terrain inféodé par le chapitre en 1009, l'autre partie ayant été déjà reprise par les chanoines pour y élever des constructions à leur usage.

 

-oOo-

 

Vers la fin du XIe siècle, tout un bloc de maisons, rayonnant autour d'un cimetière et d'un cloître, s'est formé au Sud de la Cathédrale, et a constitué l'Enceinte du Chapitre.

 

Il nous paraît utile de donner ici quelques détails sur l'origine et la réglementation, à travers les temps du Chapitre de la Cathédrale de Nîmes.

 

Après la chute de l'Empire Romain, c'est-à-dire tout au début du Moyen-Age, les évêques s'entouraient, pour l'administration de leur diocèse, d'un « Conseil presbytéral », composé, en général, de douze clercs, sans doute en mémoire des douze apôtres de N.-S. Jésus Christ.

 

Succédant à ces « Conseils presbytéraux », les chapitres cathédraux n'apparaissent que plus tard, dans le courant du VIII°.

 

A Nîmes, c'est au début du IXe siècle, au temps de l'évêque Chrétien, contemporain de l'empereur Louis le Débonnaire, que remonte la création du Chapitre de Notre Dame de Nîmes.

 

La règle de cet organisme religieux fut celle adoptée pour tout l'empire germanique à l'assemblée d'Aix-la-Chapelle tenue en l'an 813.

 

Elle avait prescrit que les chapitres cathédraux se composeraient de clercs ou de chanoines, c'est-à-dire d'hommes vivant sous les canons de l'Eglise, qui, à la différence des moines, pourraient porter du linge, manger « de la chair, donner et recevoir, et posséder des biens propres, tout en jouissant en commun du revenu des fonds ecclésiastiques ». Ils devraient loger dans des cloîtres, où il y aurait « des dortoirs, des réfectoires et autres lieux réguliers. »

(Histoire des l’évêques de Nîmes, par Ménard).

 

C'est conformément à cette règle que vécurent les chanoines de notre cathédrale, depuis le début du IXe siècle jusque vers la fin du XIe.

 

Mais, au cours des temps des abus s'étaient glissés au sein des chapitres cathédraux. Aussi vers le milieu du XIe siècle, les papes publièrent, à deux reprises des ordonnances pour y remédier.

 

Petit à petit, les membres des divers chapitres durent se soumettre à une réforme qui leur était imposée.

 

A partir de 1078, au temps de l'évêque Auphant, les chanoines de Notre-Dame de Nîmes embrassèrent une vie plus austère qu'auparavant, en adoptant la règle dite de St-Augustin qui les assimilait à des moines, avec cette différence qu'ils n'étaient pas astreints à prononcer un vœu de pauvreté: ils portèrent une robe blanche, analogue à celle que prirent plus tard les Dominicains.

 

-oOo-

 

En menant dorénavant une vie claustrale, les chanoines de la cathédrale cessèrent de faire partie de l'entourage immédiat des évêques.

 

Ils eurent des biens propres, appartenant à leur communauté et formant ce qu'on appelait « la manse capitulaire » par opposition avec les biens de l'évêque, dits « manse épiscopale ».

 

Une bulle du pape Adrien IV, publiée en 1156, avait réglé, pour le diocèse de Nîmes, la répartition des biens ecclésiastiques entre ces deux « manses ».

 

Dorénavant, le Prévôt, dont la création remontait à l'an 912, avec le titre de « Père de la Règle », et qui était le président de l'Assemblée des chanoines, eut, sur ses collègues, une prééminence incontestable. Il administrait leurs biens et il était devenu leur chef temporel, tandis que Ï'évêque restait leur chef spirituel comme ce-lui de tout le diocèse.

 

Le Chapitre de Notre-Dame de Nîmes avait toujours été personnellement consacré à la célébration des offices divins dans la cathédrale. Il eut, en outre, à s'occuper de l'entretien du culte dans les bénéfices, ou « prieurés », dont il avait la jouissance, au fonctionnement des hôpitaux et autres œuvres charitables, et à la surveillance de l'enseignement dans les écoles publiques de Nîmes.

 

Dans leur quartier, dit « l'Enceinte du Chapitre », les Chanoines formèrent, jusqu'au milieu du XVIe siècle, une communauté religieuse importante.

 

Leur nombre s'était élevé jusqu'à 80 à partir du XIVe siècle; et auprès d'eux vivaient quelques prêtres, assurant le service de la paroisse dite « de St-Castor », des chantres et musiciens, des enfants de chœur, et aussi, sans nul doute, un personnel domestique assez important.

 

Sans compter l'église de St-Jean de la Courtine et les diverses chapelles du cloître, ils avaient fait construire là, pour leur communauté, de nombreux bâtiments, dont plusieurs étaient fort beaux, au dire des écrivains du XVIe et du XVIIIe siècle.

 

Un seul d'entre eux avait échappé à la destruction totale de ces édifices, qui eut lieu en 1567, lors de la Michelade ; c'était le Réfectoire des chanoines.

 

Cet édifice, qui existait encore au temps de ma jeunesse, était, à proprement parler, plus curieux pour son ancienneté que beau.

 

Aménagé en Halle aux poissons par l'architecte Cler, au cours du XIXe siècle, il a disparu plus tard pour céder son terrain à l'Ecole communale de la place Belle-Croix.

 

-oOo-

 

Dès le début du XVIe siècle, la plupart des chapitres cathédraux du Midi de la France avaient demandé à être affranchis de la règle de Saint-Augustin et à entrer dans le clergé séculier.

 

En décembre 1539, au temps du prévôt Robert de la Croix, ce fut le tour du Chapitre de Notre-Dame de Nîmes d'obtenir sa sécularisation, qui lui fut accordée par le pape Paul III.

 

Dorénavant, nos chanoines renoncèrent à la vie en commun et au port de la robe blanche pour revêtir la soutane et vivre dans les logements qui leur convenaient.

 

Beaucoup continuèrent à habiter dans l'enceinte du Chapitre ; mais ce ne fut pas pour longtemps, car le vent, qui soufflait sur le clergé de Nîmes depuis trente ans, se transforma en tempête au cours de l'année 1567.

 

Dans les journées qui suivirent la Michelade,   les Réformés abattirent tous les édifices religieux de notre ville, à l'exception de l'église Ste Eugénie qui fut transformée en .magasin à poudres,

 

La cathédrale, St-Jean de la Courtine, le cloître et ses chapelles furent abattus ; le palais épiscopal et « les maisons des chanoines » furent rasés.

 

-oOo-

 

Lors de la tourmente de 1567, où se trouvait la maison du Prévôt ?

 

Suivant toute vraisemblance, mais sans que nous puissions l'affirmer, elle devait tout au moins depuis la sécularisation de 1539, être située à peu près sur l'emplacement actuel de l’hôtel de la Prévôté.

 

La publication de « l'Edit de Nantes », en 1598, ayant rétabli le calme dans notre région, l'évêque de Nîmes et les chanoines de la cathédrale qui, à plusieurs reprises, avaient été obligés de quitter notre ville, y revinrent pour s'y installer à nouveau.

 

Les chanoines reprirent possession du terrain qui leur appartenait ; ils commencèrent à y élever de nouveaux bâtiments, mais destinés cette fois exclusivement à l'usage d'habitation.

 

Et, dans un registre des délibérations du Chapitre, nous lisons que Robert Clavel, qui exerça les fonctions de prévôt de 1611 à 1622, avait fait construire antérieurement à cette dernière date qui est celle de sa mort, une maison là où est maintenant l'hôtel de la Prévôté.

 

La façade actuelle de ce bâtiment sur la rue du Chapitre et sa belle porte de style Louis XIII remontent incontestablement à cette époque.

 

De nouveaux troubles éclatèrent dans notre ville en 1621. date où la cathédrale, à peine reconstruite, fut de nouveau démolie; et ils ne se terminèrent qu'en 1629 qu'avec la paix d'Alais.

 

L'évêque et les chanoines, qui avaient encore quitté notre ville, y rentrent à cette dernière date. En attendant que leur ancien Réfectoire, qui avait servi quelque temps de cathédrale, ait reçu les réparations indispensables, les Chanoines aménagent en chapelle à leur usage, le logement des enfants de chœur, qui avait à l'Ouest, pour confront, la Prévôté, bâtie par Robert Clavel ; et, dans cette dernière maison, ils installent leur sacristie et, probablement, leur salle de réunion.

 

-oOo-

 

Dès lors, l'œuvre de reconstruction du quartier, dit « l'Enceinte du Chapitre », se poursuit méthodiquement pour se terminer vers la fin du XVIIe siècle.

 

Après la sécularisation de 1539, le nombre des chanoines de la cathédrale avait été fortement réduit; il avait été ramené à 40, et finalement à 20.

 

En 1609, dans un rapport adressé à l'Assemblée générale du Clergé de France, l'évêque, Mgr de Valernod, rend compte que « l'église cathédrale de Nîmes est composée d'ung prévost, trois archidiacres (dont le premier portait le titre de grand archidiacre), ung précenteur (qui avait la direction du chœur, et qui nommait et surveillait les maîtres des écoles publiques), ung trésorier et quatorze chanoines ».

 

Cette composition du Chapitre resta la même jusqu'à la Révolution française.

 

Dorénavant, on peut constater, d'après les documents conservés aux Archives départementales que les chanoines de la cathédrale se recrutaient presque exclusivement parmi les membres de la noblesse ou de la haute bourgeoisie de Nîmes et des environs; les prévôts seuls, qui étaient nommés directement par le roi depuis 1539, ne provenaient pas tous de notre région.

 

La plupart des chanoines appartenaient donc à des familles riches, et disposaient, en dehors des prébendes qui leur étaient allouées, de ressources personnelles assez considérables.

 

Ceci fut mis à profit par le Chapitre pour la reconstruction d'un certain nombre de maisons qui avaient appartenu à son Enceinte.

 

Tel chanoine, qui voulait bien faire réédifier à ses frais un immeuble, en obtenait la jouissance sa vie durant ; après sa mort, le Chapitre en conservait la propriété.

 

C'est ainsi qu'avait procédé Robert Clavel, pour construire l’hôtel de la Prévôté.

 

C'est ainsi qu'agirent, vers 1612 et 1674, les archidiacres de Maridat et de Fabrique, pour édifier les deux immeubles, actuellement situés,   le premier, à l'angle de la place Belle-Croix et de la Grand'rue ; le second, adjacent au précédent dans la Grand'rue.

 

Enfin, c'est dans les mêmes conditions que fut bâtie en 1682, dans la rue St-Castor, par l'archidiacre Causse, la maison dite : du Grand Archidiacre. Ce dernier immeuble appartenait au XIXe siècle à la famille Démians, dont un membre fut maire de Nîmes de septembre 1870 à janvier 1871; il fut démoli en même temps que l'ancien Réfectoire des Chanoines pour céder le terrain à l'Ecole de la place Belle-Croix.

 

-oOo-

 

Après Robert Clavel, le chapitre de la Cathédrale reçut  successivement comme prévôts :

 

- En 1622, César de la Croix.

- En 1631, Gabriel de Beavau

- En 1635. Nicolas Hallay.

- En 1658, Louis de la Baume de Suze.

- En 1666, Armand de la Baume de Suze.

- En 1669, Anthime Denis Cohon.

 

Dés de la Croix, nous ne dirons que fort peu de chose, ayant déjà parle de cette famille au cours de notre étude sur l’hôtel Rivet, dont elle fut propriétaire au XVIe siècle. Contentons-nous de rectifier, d'après feu le docteur Albert Puech, deux dates erronées, que nous avions   puisées dans « les Successions chronologiques », insérées par Ménard dans son « Histoire de Nîmes ».

 

Pierre de la Croix fut prévôt de 1601 à 1611, et non à 1618; et César de la Croix, de 1622 à 1631, et non de 1630 à 1634.

 

Après César de la Croix, trois prévôts sur quatre n'ont dû faire que de courtes apparitions à Nîmes; l'un était angevin, M. de Beavau; les deux autres, MM. de Suze, étaient dauphinois ; ils furent nommés évêques, le premier à Nantes, le deuxième à Viviers, le troisième à Tarbes.

 

L'usage était, en effet, sous l'Ancien Régime, de recruter les évêques parmi les prévôts des chapitres, et non, comme aujourd'hui, parmi les vicaires généraux ou les grands vicaires, comme on disait jadis.

 

Le souvenir de Nicolas Hallay se rattache à un de ces épisodes tumultueux, qui ont marqué notre histoire locale.

 

Ce dignitaire du Chapitre appartenait à une modeste famille de l'Anjou, et il était le cousin de l'évêque de Nîmes, Mgr Cohon, qui l'avait fait nommer prévôt de notre cathédrale.

 

A un moment donné, des difficultés surgirent dans notre ville pour l'élection des consuls et le renouvellement du Conseil de Ville (ou Conseil municipal).

 

Deux partis s'étaient formés : l'un dit « de la Grande Croix », qui suivait les directives de l'évêque, et où les catholiques étaient en grande majorité; l'autre appelé : « de la Petite Croix », où les protestants étaient en plus grand nombre, et dont l'un des chefs était l'avocat Jean Magne, appartenant à une famille, si honorablement connue encore dans notre ville.

 

Des indications ci-dessus nous pouvons tirer la conclusion que nos pères n’hésitaient pas, jadis, à contracter, entre eux, des alliances politiques, malgré des différences de religion, lorsque la nécessité leur  paraissait s'en faire sentir.

 

Le parti de la Grande Croix avait l'appui de la Cour ; celui de la Petite Croix, le soutien du Parlement de Toulouse.

 

Sur l'ordre du Roi, le 31 décembre 1657, le comte de Bioule, lieutenant général commandant les troupes de la province, et M. de Bezons, intendant du Languedoc, vinrent à Nîmes pour procéder à l'installation des Consuls, choisis par le parti de la Grande Croix Accompagnés du Sénéchal, le marquis de Montfrin, de l'évêque, Mgr Cohon, du prévôt du Chapitre, M. Hallay, et d'une petite escorte, ils se rendirent devant l'hôtel de ville, qu'ils trouvèrent barricadé et gardé par des habitants armés.

 

Une altercation se produisit: quelques coups de feu furent tirés de part et d'autre; le marquis de Montfrin fut atteint de trois balles et le prévôt, M. Nicolas Hallay, reçut une si grave blessure à la cuisse qu'il en mourut trois jours après.

 

Si peu d'années avant la révocation de l'Edit de Nantes, on ne se serait pas attendu à une fin aussi tragique pour le prévôt de la Cathédrale de Nîmes.

 

-oOo-

 

En 1669, est placé à la tète du Chapitre un autre parent de l'évêque : Il était son neveu et peut-être même son filleul, puisqu'il portait les mêmes nom et prénoms : Cohon Anthime-Denis.

 

C'est au temps de ce haut dignitaire que remontent de nouveaux travaux importants qui furent faits à l'hôtel de la Prévôté.

 

Le plan de l'Enceinte du Chapitre, qui date du milieu du XVIIe siècle, et dont nous avons parlé au début de cette étude, nous montre qu'à l'époque la « maison du prévôt » n'était pas contiguë à la rue, dite actuellement : de la Prévôté; mais, qu'elle en était séparée par la « maison du 3e archidiacre ».

 

Or, dans les Archives départementales, nous trouvons la preuve que suivant acte passé le 20 Octobre 1682 par le notaire Borrelly, l'évêque de Nîmes, Mgr Séguier, se fit vendre, sur l'autorisation du Chapitre, par le 3e archidiacre, Messire Jean Scipion de Lagarde de Chambonas, la maison qu'il habitait et qui confrontait du côté de l'Est celle du Prévôt.

 

Cette acquisition était faite par l'évêque pour accroître le terrain du futur palais épiscopal, qui allait être bâti entre 1684 et 1685.

 

Nous pouvons conclure de ceci que, postérieurement à 1682 :

 

1°) La rue de la Prévôté, qui s'appelait précédemment rue de la Courtine, a dû être déplacée légèrement vers l'Est;

2°) On a ensuite bâti sur émette artère la façade monumentale de l'hôtel qui existe actuellement.

 

Comme le bâtiment de la Prévôté, donnant sur cette rue présente, sur la cour d'honneur, une autre façade en harmonie parfaite avec celle du bâtiment, dont la façade antérieure est située sur la rue du Chapitre, il est ionique d'en déduire que l'ancienne maison de Robert Clavel a dû subir, vers la fin du règne de Louis XIV, des transformations qui se sont perpétuées jusqu'à nos jours.

 

Le style de ces deux façades sur la Cour d'honneur est plus beau et plus majestueux que celui de la façade de la Prévôté sur la rue du Chapitre ; au point de vue architectural, il appartient à une meilleure époque.

 

Ainsi que nous l'avons vu dans notre étude sur l’hôtel Rivet, qui appartenait à la fin du XVIIe siècle au président de Montelus, le duc de Noailles était venu à Nîmes en 1686, pour présider, comme commissaire du Roi, la session des Etats du Languedoc.

 

Alors que Louis XIV, lors de son passage dans notre ville en 1660, s'était contenté de ce seul immeuble pour logement, le duc, qui aimait le faste, réclama trois maisons pour s'installer avec sa nombreuse suite. Il lui fallut l'hôtel de Montelus, la maison d'Aguilhonet qui lui était contiguë au Sud, et au Nord, de l'autre côté de la rue de la Monnoye (devenue plus tard : rue du Chapitre), l'hôtel de la Prévôté pour qu'il pût y coucher mieux à, l'écart du bruit.

 

Pour cela, on jeta un pont surmonté d'une solide galerie de façon à mettre le duc à l'abri du froid, lorsqu'il circulerait, entre la Prévôté et l'hôtel de Montelus; le tout ne fut démoli que 7 ou 8 ans plus tard.

 

Aux frais des contribuables de la ville, les Consuls remirent 200 livres à M. le prévôt Cohon pour avoir cédé une partie de sa maison au duc de Noailles pendant cette session  des Etats du Languedoc.

 

A voir de nos jours la position respective des deux immeubles en question, on a du mal à se rendre compte du point où fut installée cette passerelle. Mais, il est bon de rappeler ici que l’hôtel de Montelus fut en grande parti démoli à la fin du XVIIIe siècle pour céder la place à l'hôtel Rivet, et que ce dernier immeuble a pu ne pas s'étendre aussi loin que le précédent dans la direction de l'Ouest.

 

-oOo-

 

Le 4 janvier 1703, le prévôt Cohon s'éteignit à l'âge de 65 ans et fut enterré dans la cathédrale de Nîmes, comme l'avait été quarante-cinq ans auparavant, son parent, Nicolas Hallay. Mais, plus heureux que lui, et bien qu'ayant aussi exercé ses fonctions dans une période très troublée de notre histoire locale, il n'avait été mêlé personnellement à aucun événement tragique.

 

Après lui, on vit se succéder comme prévôts, au cours du XVIIIe siècle :

 

Philippe Robert, 1703; Pierre Philippe Causse 1730; Antoine des Georges des Laugnac, 1750 ; Guillaume Ignace de Mérez, 1765; Dornac de St-Marcel, 1776.

 

MM. Robert et Causse appartenaient tous deux à la bonne bourgeoisie de notre ville; le premier est bien connu pour les longs démêlés qu'il eut avec son évêque, Mgr de la Parisière. Le motif principal en fut, sans doute, que ce nouveau prélat lui avait retiré les fonctions de grand vicaire et d'official (chef du tribunal ecclésiastique), qu'il cumulait avec celles de prévôt avant le décès de Mgr Fléchier, survenu le 16 février 1710.

 

MM. de Laugnac et Dornac de St-Marcel appartenaient à des familles de notre région mais qui ne paraissent pas avoir habité Nîmes.

 

Par contre, M. de Mérez était issu d'une famille qui a laissé un nom dans nos annales locales.

 

Nous avons parlé d'elle, dans notre étude consacrée à l'hôtel de Régis, à l'occasion d'une pierre tombale, actuellement déposée dans la cour d'honneur de cet immeuble.

 

Les de Mérez étaient originaires de St Péray, près Crussol, dans le diocèse de Valence, et prouvaient leur filiation depuis l'an 1479. Mais, bien avant, ils avaient eu un de leurs ancêtres qui s'était illustré lors de la prise d'une tour de Damiette par les troupes de Saint-Louis, en 1248, au cours de la 7e Croisade.

 

D'après le savant Prosper Falgairolle, ils avaient perdu, au cours des temps, leur noblesse pour un motif inconnu; mais, elle leur fut rendue par lettres patentes de Louis XIV, en l657 et 1662.

 

Dans le courant du XVIe siècle, un membre de cette famille, Etienne Demérez, avait quitté la région de Valence, pour venir s'installer à Nîmes, où il acheta une étude de notaire ; il devint aussi viguier de la baronnie de Manduel. Il testa en 1594 et mourut peu après, laissant deux fils,  Antoine, qui fut avocat, et Jacques. qui devint chanoine de notre cathédrale.

 

La pierre de l'hôtel de Régis était celle qui fermait jadis le tombeau de Jacques de Mérez dans une chapelle de Notre-Dame de Nîmes, que ce chanoine avait fait aménager et orner a ses frais.

 

En effet, après la reconstruction définitive de la cathédrale en 1641, et en vue de diminuer les frais qui lui incombaient, le Chapitre permit aux représentants de quelques familles de la ville, de décorer et d'entretenir certaines chapelles; en retour, ces familles obtenaient l'autorisation d'y ensevelir leurs morts.

 

Le frère du chanoine, Antoine de Mérez fut 1er Consul de Nîmes en 1637. Il eut un petit fils, portant le même prénom, qui fut conseiller au présidial de notre ville et mourut en 1689.

 

Deux descendants de ce dernier, Joseph-Marie et Jacques de Mérez furent premiers consuls, l'un en 1714, l'autre en 1724.

 

Un membre de la même famille, portant les mêmes prénoms que le futur prévôt de la cathédrale, dont il était l'oncle, mourut à Nîmes en 1721. Prédicateur et théologien distingue, il avait été le grand vicaire de l'évêque d'Alais, et, à la mort de ce dernier, il avait refusé le siège épiscopal devenu vacant.

 

François de Mérez, fils du consul de 1724, et qui décéda à Nîmes le 18 Avril 1791, fut le dernier membre de cette noble famille, à laquelle il avait ajouté, en son vivant, un nouvel éclat. Chevalier de Saint-Louis, ancien lieutenant des vaisseaux du Roi, il avait eu le très grand honneur d'être maire électif et premier consul de notre ville de 1779 à 1783.

 

-oOo-

 

Lorsque la Révolution française survint, c'était M. Dornac de St-Marcel qui habitait l'hôtel de la Prévôté.

 

Un nouvel ordre de choses se créait, qui allait le jeter hors de l'immeuble, où avaient si longtemps vécu ses prédécesseurs.

 

La loi du 5 Novembre 1790 vint déclarer « tous les biens du ci-devant Clergé, propriété nationale, et susceptibles d'être vendus ».

 

Momentanément, le « ci devant prévôt du ci devant chapitre fut laissé en jouissance de la maison ci-devant prévôtale ».

 

Ce ne fut pas pour longtemps. « Le 26 prairial de l'an 4e de la République française une et indivisible », (14 juin 1796) les administrateurs du département du Gard, qui étaient « les citoyens « Troupel, Lugarde, Boyer-Devillas et Jean Pieyre fils », ainsi que le Commissaire du Directoire exécutif « Rabaut le jeune » vendirent en bonne et due forme la maison de la Prévôté au « citoyen Barthélémi Barnier, vitrier de la commune de Nismes » pour la somme de 18.000 francs, dont le receveur des domaines nationaux du bureau de Nîmes, Montferrand, accusa réception sur l'acte de vente.

 

Il résultait de cet acte, ainsi que du procès-verbal d'estimation qui l'avait précédé, que « la ci-devant maison prévôtale » couvrait, y compris la cour, un terrain de « cent soixante-six toises deux pieds quarrées », et qu'elle se composait de « un corps de logis au Sud, ayant caves, rez-de-chaussée, premier et second étages; à l'Ouest, d'un rez de chaussée et d'un premier étage; à l'Est, d'un rez-de-chaussée seulement ; et au Nord, d'un rez-de-chaussée où se trouvent la cuisine, une remise, une petite cour à fumier, une écurie et « le logement du palefrenier ».

 

Les confronts étaient : « au Sud, la rue du Chapitre; à l'Ouest, la rue qui va à la cour du Chapitre; au Nord, la même cour, et à l'Est, la maison du citoyen Hébert ».

 

Très peu de temps après, « le cinquième messidor de l'an 4 de la République française » (23 juin 1796), « la maison ci-devant prévôtale » était vendue par Barthélémi Barnier à son frère Jacques Barnier, commissaire des guerres, domicilié à Nîmes, et qui n'avait peut-être pas été désireux d'être le premier à acheter cet immeuble. Le prix en fut fixé cette fois à 20.000 livres ; et ce fut le notaire Espérandieu, qui dressa l'acte de vente.

 

Le « ci devant prévôt », M. Dornac de St-Marcel, fut invité peu après à retirer ses meubles, qu'il avait jusque là laissés dans son ancienne demeure.

 

Enfin, cette même maison est revendue une troisième fois, le 13 floréal An 13 (3 mai 1805), par Jacques Barnier, toujours Commissaire des guerres, mais domicilié cette fois à Paris, à « M. François Honoré Barthélemy « Auguste Fornier-CIausonne, juge en la Cour d'appel séant à Nîmes ». Le prix d'achat resta fixé à 20.000 francs, dont 19.000 pour la maison et 1.000 francs pour les meubles qui s'y trouvaient.

 

L'acte de vente, qui fut établi par M. Jean Jacques Novy, notaire à Nîmes, porte pour en-tête le texte suivant qui nous paraît assez savoureux:

« Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de la République, « Empereur des Français à tous présents et à venir, Salut ».

 

Dans ce nouvel acte, on peut constater la même description des bâtiments et des confronts que dans l'acte initial du 26 prairial An 4 (14 mai 1796).

 

-oOo-

 

A partir de 1805, l'ancien hôtel de la Prévôté est resté, pendant un siècle, entre les mains du dernier acquéreur et de ses descendants, et a été souvent désigné sous le nom de : maison de Clausonne.

 

Le nouveau propriétaire appartenait à une famille nîmoise, celle des Former, déjà connue et estimée au XVIIe siècle. Au cours des temps, elle s'était partagée en plusieurs branches, dont les plus marquantes furent : les Fornier de Clausonne et les Fornier d'Albe.

 

Les premiers, qui sont les seuls à nous intéresser ici, possédaient, avant la Révolution, des terres nobles sur le territoire de « la communauté » de Meynes.

 

A quelle époque prirent-ils le nom de Clausonne et le titre de baron de Lédenon ? Je l'ignore.

 

Avant eux, le nom de Clausonne avait été porté par une vieille famille nîmoise, qui a fourni des conseillers au Présidial de Nîmes, les de Roques, qui se firent appeler ensuite : de Roquesi de Clausonnette, et qui possédaient aussi des terres nobles à Meynes ; le dernier marquis de Clausonnette est décédé dans son château de Vendargues, près de Bouillargues, au début de la 3e République.

 

Quant au titre de baron de Lédenon, il était encore porté dans le courant du XVIIle siècle, par la famille de Georges d'Aramon, qui a joué, elle aussi, un rôle dans nos annales locales.

 

Quoi qu'il en soit, les Fornier de Clausonne ont toujours tenu un rang important dans la société nîmoise.

 

Celui qui acheta la maison prévôtale en 1805, mourut en 1826, étant président de chambre de la Cour d'appel de Nîmes.

 

Après lui, son fils, Gustave Fornier de Clausonne, baron de Lédenon, fut également président de chambre à la même Cour; il mourut en 1873, étant secrétaire perpétuel de l'Académie du Gard.

 

A la mort, de ce dernier, l'immeuble de la rue de la Prévôté échut à sa fille, Françoise, qui avait épousé M. Henri Gervais de Rouville, tandis que le nom de Clausonne se continuait en la personne de son fils, Emile, avocat et propriétaire à Nîmes.

 

Ce dernier eut trois fils ; l'un mort en bas âge ; un autre, Alfred, ingénieur des mines qui mourut en 1908, et le troisième, qui était l'aîné de tous, et qui est décédé à Paris en 1934. Il s'appelait François, fut Conseiller d'Etat, et il a été le dernier baron de Clausonne.

 

L'épouse de Henri Gervais de Rouville mourut en 1881; et son mari, qui était conseiller à la Cour de Nîmes, décéda, à son tour, en 1885.

 

Les Gervais de Rouville sont originaires de Saint-Jean du Gard, où ils étaient déjà connus au XVIIe siècle.

 

M. Henri Gervais de Rouville a eu trois enfants, dont Mme Alfred Maroger et un fils Amédée.

 

Il avait un frère, M. Paul de Rouville, homme tort distingué, qui est mort il y a quelques années, après avoir été le doyen de la Faculté des Sciences de Montpellier.

 

M. Amédée de Rouville est décédé, il y a trois ou quatre ans, après avoir té Conseiller d'Etat; un de ses enfants. André, qui est ingénieur des phares, a épousé la fille de notre concitoyen, M. Gerard-Lavergne, le doyen actuel de l'Académie de Nîmes.

 

-oOo-

 

Ce fut la fille de M. Henri Gervais de Rouville, Mme Maroger, qui hérita, à la mort de ses parents, de l'ancien hôtel de la Prévôté.

 

Elle en conserva la propriété jusqu'au 21 Septembre 1899, date à laquelle elle le vendit pour 65.000 francs, par-devant Me. Renouard, notaire à Nîmes, à Me Edouard Rebuffat, également notaire dans notre ville, qui transféra là son étude et son logement.

 

A la suite de cet achat. Me Rebuffat s'est trouvé cumulant entre ses mains deux anciens biens ecclésiastiques du diocèse de Nîmes : l'un, ayant appartenu à la « manse capitulaire », l’hôtel de lu Prévôté, l'autre, à « la manse épiscopale », le château de Garons, qui avait été, pendant de longs siècles, la propriété de nos évêques.

 

Dans l'acte de vente de 1899, la maison de la Prévôté est décrite comme « élevée sur rez-de-chaussée et caves, pour partie d'un premier étage, et pour Je reste d'un deuxième étage avec mansardes et terrasses au-dessus ». La superficie, y compris la cour, est estimée à 6 ares 84 centiares.

 

Signalons ici qu'il n'est plus question ci-dessus d'un seul rez-de-chaussée pour le bâtiment Est, qui confrontait en 1796 la maison Hébert, qui appartient cette fois à la famille Perchinat, et qui deviendra au XXe siècle, la maison Donnarel.

 

La comparaison des divers actes notariés nous permet de constater que le bâtiment Est, le plus élevé et le plus important de l’hôtel de la Prévôté, a été construit seulement entre 1805 et 1899.

 

A quelle époque fut-il fait ? Sans doute, sous le Premier Empire, dont il rappelle le style, ou sous la Restauration. En tout cas, il est antérieur a 1850; car la digne Mme Maroger, qui vit encore et qui est âgée de plus de 80 ans ne l'a pas vu bâtir.

 

-oOo-

 

M" Edouard Rebuffat décéda le 26 Novembre 1935 ; sa femme l'avait précédé de treize ans dans la tombe.

 

Il avait désigne pour son légataire universel, son neveu, Nîmois comme lui, M. Emmanuel Rebuffat, qui mit en vente, par adjudication publique l'hôtel de la prévôté.

 

Ce furent deux notaires de notre ville; MMes Flaissier et Durand, qui dressèrent le cahier des charges, puis le procès-verbal d'adjudication.

 

Cette dernière opération eut lieu le 25 Juin 1936; et ce furent deux habitants de, noire ville, MM. Louis Armand, originaire de Goudargues, et Marcel Lufiacre, natif de Lille, qui acquirent « conjointement et indivisément entre eux à concurrence de moitié chacun » l’hôtel de la Prévôté pour la somme de 175.000 francs.

 

Rappelons qu'en 1796, l'hôtel, moins grand, il est vrai, avait été vendu pour la somme de 18.000 francs. A cette même époque, les droits du fisc s'étaient élevés à 1.002 francs, ils sont montés, en 1936, à 19.320 francs.

 

Les nouveaux propriétaires de l'immeuble n'ont pas hésité à consacrer des sommes tort importantes pour le restaurer et le transformer en une belle maison de rapport.

 

Mais, que les amateurs du Vieux-Nîmes ne se chagrinent pas ! Les travaux,  qui viennent d'être exécutés dans l'ancienne maison prévôtale, ont été fort intelligemment préparés et dirigés par un de nos concitoyens, M Garnero, architecte et géomètre. Ce dernier, vraiment soucieux du passé, s'est montré tout à fait à la hauteur de la tâche qui lui était échue.

 

Plaise au Ciel que d'autres vieux hôtels de notre antique cité tombent à leur tour, entre les mains d'hommes aussi éclairés que ceux qui viennent de restaurer l’hôtel de la Prévôté !

 

Extrait du vieux Nîmes par le Lt-Colonel Blanchard – Juin 1938.

 

> Contact Webmaster