LE TEMPLE DE DIANE
de la Fontaine de Nîmes
Extrait de "NIMES" de J. Charles-Roux, 1908 - Pages 46 à 51


Intérieur Temple de Diane - Gravure album Clérisseau, 1804
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Auguste, lorsqu'il s'occupa d'embellir la ville de Nîmes, s'empressa d'abord de « romaniser » le culte celtique de Nemausus. Il éleva un sanctuaire à ce Dieu, et les nombreuses inscriptions, découvertes sur l'emplacement de l'édifice; appelé Temple de Diane, font supposer que ce monument était un temple de Nemausus, ou tout au moins une sorte de Nymphée, dans laquelle Nemausus était honoré. L'histoire de ce temple est très bizarre. Délaissé après la chute du paganisme, l'évêque de Nîmes, Frotaire Ier le donna en 991 aux religieuses bénédictines.
« Elles avaient fait leur chœur, dit Ménard, dans le vide placé au-dessus des plafonds, qui couvraient les réduits du fond et de l'aire du temple, où aboutissaient les soupiraux des foyers, et elles avaient pratiqué deux petites fenêtres carrées dans le mur qui est à plomb des colonnes, placées vis-à-vis de la porte d'entrée, telles qu'on les y voit encore. De là elles avaient vue dans l'église. Le bâtiment se soutint et fut conservé tout entier jusque vers le milieu du XVIe siècle: Il essuya depuis tous les revers qu'entraînent après soi les vicissitudes du temps et les troubles des guerres civiles. Les religieuses furent obligées de l'abandonner en 1562. Ce temple fut alors livré à des fermiers qui s'en servirent à différents usages. Rulman rapporte qu'un d'entre eux y serra en 1576, une quantité considérable de bois d'olivier que la rigueur de l'hiver avait fait mourir cette année-là. Mais un ennemi de ce fermier y mit nuitamment le feu, ce qui causa un incendie si violent que toute la partie du devant de l'édifice fut extrêmement endommagée. Les grosses pierres du cintre de la porte d'entrée éclatèrent toutes, on en voit encore les, traces sur ce qui en reste. L'année suivante, l'édifice reçut encore une bien plus rude dégradation. Le maréchal de Bellegarde étant venu à la tête des troupes catholiques bloquer Nîmes du côté de la plaine, les habitants se hâtèrent de lui ôter les moyens de se porter dans le temple de la Fontaine, très propre, par la solidité de ses murs et de sa structure, à être fortifié. Ils en renversèrent toute la partie méridionale et abattirent plus de la moitié de la voûte. Enfin, au commencement de l'an 1622, ceux qui avaient le prix fait du revêtement des bastions de la ville, continuèrent à le dégrader, et le mirent en l'état où nous le voyons aujourd'hui... »
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Intérieur des bains - Gravure album Clérisseau, 1804
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Les ruines ne furent déblayées que vers 1750. Telle est la destinée de ce monument. Le sort s'acharnait après le malheureux Dieu des Fontaines et, au XVIIIe siècle, on baptisait ces ruines du nom de Temple de Diane, par concession sans doute au style Pompadour ?
La construction de ce temple romain présente d'intéressantes particularités. Sa façade est formée de trois arceaux irréguliers. « L'intérieur est un rectangle de 14m80 de longueur sur 9m55 de largeur, entre les parements des murs. Une grande niche carrée, placée dans l'axe du temple, accompagnée de deux niches latérales plus renfoncées, formaient la décoration du fond de la cella ; cinq niches latérales ornaient les deux côtés et enfin une autre était placée à droite et à gauche de la porte d'entrée. Chacune d'elles était accompagnée de deux pilastres d'ordre corinthien, en marbre blanc, orné d'arabesques, portant une corniche et un fronton alternativement triangulaire, et en portion d'arc. Celles que l'on voit près de la porte étaient couronnées d'un demi-fronton triangulaire, en regard l'un de l'autre. Les tableaux des niches étaient ornés de bas-reliefs en marbre blanc. L'ordonnance générale du monument était formée par seize colonnes détachées d'ordre composite, élevées sur des bases formant saillie, sur le stylobate ; une colonne était placée entre chaque niche, et dans les angles du temple. La grande niche du fond était ornée de quatre pilastres (1). »
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(1) Grangent, Durand et Durant, Description des Monuments antiques du Midi de la France, tome 1. Département du Gard, page 93.
Cf. André Palladio, Di Architectura: Livre IV, chapitre XXIX, et les études de Deyron, Fléchier et Ménard.
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De tous ces gracieux ornements il ne nous reste hélas ! que des débris, trop souvent informes; de quoi exercer la sagacité des archéologues et exciter les rêveries des artistes. Canonge nous a laissé sous le titre de Térentia ou le Temple de Diane et les Bains de Nîmes sous les empereurs romains, un ouvrage évoquant de jolies traditions locales. M. André Godard s'exalte devant les bronzes votifs et les inscriptions des anciens nîmois: « J'évoque, dit-il, leurs prières parmi les ronces fleuries du Temple de Diane dont les voûtes écroulées, si charmantes encore, proches des bassins, revoient aux nuits bleues, les divinités des fontaines, fées celtiques et naïades, et les ombres des Orantes qui, les bras étendus, imploraient le ciel, après s'être humecté les yeux et le front. Ils jetaient quelques sesterces au creux sacré de la source, et de ces offrandes s'est constitué le trésor numismatique qu'on montre à la Maison Carrée. »
A côté du Temple de Diane, coule la fontaine de Nîmes. La statue d'Auguste, découverte près de cette source, porte une inscription permettant de fixer à l'an 25 avant J.-C. l'époque où furent installés les bains romains. Au début, les Nîmois se plongement simplement dans la source, à l'endroit même où elle jaillit du sol. Les Romains construisirent des thermes somptueux et groupèrent autour des bains d'élégantes décorations. Les bassins furent creusés en contrebas de la source, on y descendait par un double escalier semi-circulaire, orné de colonnes et de statues.
Au XVIIIe siècle, ces fontaines et ces sculptures, tombées dans le plus grand abandon, furent restaurées. Un architecte de Nîmes, nommé Mauric, « ayant fait son plan, trouva moyen par l'intermédiaire de son neveu Natoire, qui résidait à Paris, - qui s'est si bien distingué dans la peinture.- de le faire parvenir à M. Orry, alors contrôleur général des Finances »:..
Le travail fut commencé en 1738, sous la direction de Guiraud (1), puis de Clapiés, et enfin pour la plus grande partie, sous la direction de Jacques-Philippe Mareschal.
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(1) Cf. Le mémoire de Guiraud, sur les différents projets d'un réservoir pour la fontaine de Nimes.
Pour tout ce chapitre on consultera avec profit le travail d'Auguste Pelet, intitulé Essai sur les anciens thermes de Nemausus et les monuments qui s'y rattachent. 1845, in-8°.
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Mareschal a conservé le dessin des bassins mais il a tout à fait modifié le caractère des ornements. Loin de nous donner une reconstitution antique, son œuvre est du pur Louis XV. Là où se trouvait une statue colossale de l'empereur Auguste, en bronze doré, une nymphe aujourd'hui mollement s'étire, et les anciennes colonnes décoratives ont été remplacées, aux quatre angles, par des vases et des génies étendus sur des gerbes de blé. Ces vases de marbre et plusieurs des statues n'ont pas été créés pour la circonstance, mais proviennent du château de la Mosson, non loin de Montpellier.
Quant au théâtre qui était près des bains, seuls les soubassements subsistent. Par contre, les fouilles pratiquées sur cet emplacement, ont fourni une magnifique moisson de sculptures. L'architecte Dardalhan, qui dressa, en 1735, un plan de la Fontaine, dit : « On trouva dans les bains, le long des petits canaux, qui règnent tout autour de la Nymphée, une statue colossale de marbre d'une beauté parfaite, quoique mutilée et brisée en plusieurs pièces, qui étaient auprès de la statue, dont les unes étaient des bras, des mains, des jambes et des pieds. On trouva dans le même endroit, à diverses distances, des colonnes cannelées et d'autre forme, des chapiteaux de l'ordre corinthien, plusieurs corniches du même ordre, des tasses et autres pièces de marbre d'un ouvrage parfait, plusieurs inscriptions grecques et latines. Il s'est encore trouvé, parmi les déblais, une grande quantité de beaux marbres de toutes couleurs, taillés à compartiment. »
Ces splendeurs sont perdues pour nous. Au XVIIIe siècle, nous venons de le voir, on a voulu les reconstituer, mais l'œuvre charmante de l'architecte Mareschal est aussi éloignée que possible du goût romain et nous paraît seulement un travestissement gracieux.
Malgré les dégradations nombreuses et quelques restaurations inexactes, nous retrouverons bien plus exactement les vrais édifices antiques, en allant visiter la Maison Carrée et les Arènes.
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J. Charles-Roux, 1908
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