Le Temple de Diane.
Le culte des anciens habitants de
Nismes pour les divinités païennes, leur fit autrefois ériger dans cette
ville plusieurs temples en leur honneur. Celui de la Fontaine était un des
principaux. L'édifice est aujourd'hui extrêmement dégradé. Cependant ce qui
en a échappé à l'injure des temps et à la fureur des guerres, porte encore
assez de lumières avec soi pour pouvoir former une description exacte du
monument entier, et pour bien juger de sa première magnificence. Ce temple
fut bâti sur les bords clé la fontaine, et au pied d'un rocher qui était
anciennement enclavé dans l'enceinte de la ville. Sa situation ne pouvait
être plus heureuse. On sait que, selon l’usage des anciens, les temples
étaient ordinairement placés près des fontaines et des étangs, ce qui
facilitait les ablutions des prêtres et les purifications des païens. L'édifice est d'une belle
structure et de forme carrée, comme l'étaient la plupart des temples de
l'antiquité. Considéré en dedans, il forme un vaisseau de sept toises trois
pieds de longueur, de quatre toises cinq pieds trois pouces de largeur, et de
six toises un pied six pouces de hauteur. Il est voûté en forme de tonne,
avec des arcs doubleaux, dont les uns sont rentrants et les autres saillants.
Il était couvert de tuiles ou de dalles, enclavées l'une dans l'autre avec
tant de justesse, que l'eau ne pouvait y trouver passage. La porte d'entrée
est à plein cintre et regarde le levant. Elle a trois toises deux pieds trois
pouces de hauteur, et une toise cinq pieds trois ponces de largeur. Il y
avait au-dessus une grande ouverture ou fenêtre carrée, qui servait à
éclairer le temple. Cette ouverture avait deux toises deux pieds trois pouces
de largeur. L'intérieur du temple était orne
de seize colonnes qui supportaient une corniche dentelée qu'on avait fait
régner tout autour, et sur laquelle porte la voûte. Le fust de ces colonnes
est tout uni et sans aucune sorte de cannelure. Le long de chacun des deux
murs latéraux, on avait pratiqué cinq niches carrées avec des tympans
au-dessus, qui étaient successivement l'un triangulaire et l'autre cintré. Il
y avait aussi de chaque côté de la porte d'entrée une pareille niche carrée,
dont le tympan était à demi triangulaire, de manière due les deux tympans
semblent être faits pour se joindre et s'en former qu'un. Chaque niche a une
toise deux pieds deux pouces de hauteur, quatre pieds onze pouces de largeur,
et un pied onze pouces six lignes de profondeur. L'usage de ces douze niches
n'est pas douteux. Elles furent tontes destinées pour y placer des statues de
divinités. Je n'en excepte pas même les deux niches qui sont aux côtés de la
porte d'entrée. Quant au pavé du vaisseau de
l'édifice, il paraît qu'il était de mosaïque, ainsi qu'on l'a reconnu en le
déblayant au mois de mai de l'an 1745. On y trouva un ciment de petites
pierres tout semblable à celui des pavés de mosaïque, qui ne permet pas de
douter de la dualité de celui-ci. Au fond de l'intérieur du temple,
et dans l'endroit le plus noble, vis-à-vis de la porte d'entrée, ce qui
serait à notre égard la place du maître autel, il y a une espèce de réduit ou
de chapelle, d'une toise neuf pouces de largeur, et de neuf pieds de
profondeur. C'était ici qu'on plaçait la principale divinité, avec un autel
au bas, Ce réduit est formé par quatre pilastres, dont deux regardent
l'entrée, et les deux autres sont sur le derrière. De l'un à l'autre de
ceux-ci, il y a trois pieds de distance. Outre cela, il y a, deux autres
pilastres sur la même ligne que ceux de face, et aux deux extrémités; de
sorte qu'il y en a quatre vis-à-vis la porte d'entrée, qui forment en cet
endroit une division particulière. Contre chacun de ces quatre pilastres
alignés, était adossé une colonne, de la même forme que les autres, et qui
entre dans le nombre des seize. Le plafond de ce réduit ou le soffite, appelé
par les anciens Lacunar, est orné de cieux sortes de parquets ou
compartiments de roses, très-proprement travaillés, d'une seule pierre
chacun, qui porte d'un pilastre à l'autre. Celui qui est le plus près de
l'aire du temple est plus élevé que l'autre d'environ trois pieds. De chaque côté de ce réduit, il y
en avait tan autre d'une toise un pied trois pouces de largeur, et d'une
toise quatre pieds onze pouces de profondeur. Au fond de ceux-ci était pan
foyer, avec un soupirail en demi-cercle, pratiqué dans l'épaisseur du mur, et
bâti de petits moellons carrés, qui avait son ouverture par le haut, le foyer
a quatre pieds un pouce d'ouverture, et cinq pieds deux polices de
profondeur. Il parait que ces foyers devaient servir à brûler les victimes,
et les soupiraux à faire sortir la fumée au-dehors. Le plafond de ces deux
réduits était également orné par un compartiment d'une seule pièce. Rulman
estime que tous ces parquetages ont été dorés. Il en jugeait par quelques
traces d'étain qui y paraissaient de son temps, ce métal étant le premier
appliqué dans les dorures sur pierre, afin d'y retenir l'or moulu. Quoi qu'il
en soit, ces divers compartiments sont d'une beauté achevée. Ils sont remplis
de roses, d'oves, de feuillages et d'autres ornements, selon la fantaisie de
l'ouvrier, traités avec la dernière délicatesse. Aux deux côtés et sur chaque aile
du temple, régnait une allée ou galerie couverte, l’une au septentrion et
l’autre au midi, de même longueur et de même fabrique due le reste de
l’édifice. Ces allées avaient une porte à plein cintre, exposée au levant
contre la principale, mais d'un moindre diamètre et d'une moindre élévation.
Il y avait au-dessus une fenêtre carrée, dont les pieds droits étaient ornés
de chapiteaux. Chaque galerie était couverte d'une voûte faite en tonne,
divisée en trois parties qui n'étaient pas toutes d'une élévation égale. La
première qui était sur le devant et la plus longue, allait à fleur et à
niveau de la grande voûte du temple. La seconde était plus basse d'une toise.
La troisième inclinait à peu près autant. Ces deux dernières étaient d'une
même longueur. Il régnait le long des murs une corniche qui servait
d'enrichissement à ces trois parties de voûte. A côté de la galerie
septentrionale, il y avait une espèce de cour de près de cinq toises en
carré. On y entrait par une porte qui était placée du côté de la fontaine. La
cour servait sans doute à faire reposer les taureaux et les autres bêtes qui
étaient destinées pour les sacrifices. Il me reste à parler de la
couverture du temple. Cette couverture formait un dos d'âne, dont une partie
inclinait et jetait les eaux pluviales sur le devant du bâtiment, et l'autre
sur le derrière. Les eaux du frontispice avaient leur chute par deux grandes
ouvertures carrées en forme de créneaux ou de chantepleures, pratiqués dans
l’épaisseur du mur, à chaque côté de la grande porte d'entrée, avec un
chaîneau au bas pour pousser loin au-dehors l'eau qui en venait. Elles ont
au-dessus, dans l'endroit de la chute, un pied huit pouces, sur un pied trois
pouces de large. De la, les eaux qui tombaient sur cette partie étaient
reçues dans un bassin d'environ trois toises en carré, qui était au pied d e
la façade, d'où elles étaient renvoyées clans la fontaine par un aqueduc
particulier. Le fond de ce bassin était; garni de grosses pierres de taille,
et les murs latéraux, de moellons. L'architecture de ce temple est
d'ordre composite. Mais il faut remarquer que les chapiteaux des six
pilastres, quoique composites, sont différents entre eux, car aux quatre
pilastres qui regardent la porte d'entrée, les chapiteaux ont leurs ornements
d'une manière, et les deux qui sont sur le derrière les ont d'une autre
façon, ce qui leur donnait pourtant une élégance qui a fait dire à Palladio
qu'il n'en avait jamais vu de cette espèce, qui lui plussent davantage. Tout l'édifice est bâti de pierres
de taille d'une grosseur considérable. Ces pierres ont près de huit pieds de
long, dix-huit pouces de haut, et trois à quatre pieds de queue. Elles
étaient placées sans le secours d'aucune espèce de ciment, et liées seulement
les unes aux autres par des crampons de fer. Elles avaient été tirées de la
carrière de Lens, qui est la même d'où l'on prit celles des colonnes et de
l'entablement de la Maison-carrée. Le grain en est très uni, et conserve
beaucoup sa blancheur. L'on a d'abord attribué la
dédicace de ce temple à Vesta, mais sa forme carrée, opposée à la
construction sphérique des édifices consacrés a cette déesse, détruit cette
opinion. Ensuite, sur ce qu'il était voisin de la fontaine, et que dans les
environs de la Tour-Magne, il y avait autrefois des bois et des bruyères,
l'on prétendit que c'était Diane que l'on y adorait; mais ce sentiment tombe
par le point même où l'on voudrait le soutenir, puisque les bois voisins de
la Tour Magne auraient été très-éloignés du temple. Palladio l'attribua aux
divinités infernales, supposant que tout le long du frontispice il régnait
une cour formée par un mur contigu qui n'avait point d'ouverture ; ce qui est
faux dans le fait. En commentant l'opinion de Palladio, Rulman soutient que
cet édifice avait été consacré par Adrien aux mânes de Plotine, et que l'on y
sacrifiait aux divinités infernales. Il s'appuye sur ce fait encore aussi
faux que le précédent, ce qui suppose que le temple était bâti bien avant
dans la terre, et que l'on y descendait à la manière des temples infernaux.
Deiron prétendit que ce temple avait été dédié à Isis et à Sérapis, sur un
fragment d'inscription où l'on trouve ces mots : Item
dedicatione templi Isis et Serapis. Mais le commencement même de ce
fragment d'inscription, si l'on veut l'appliquer â ce temple, fait naître
l'opinion qu'il était un Panthéon. On y
trouve : Isis…… Serapis
vestœ Dianœ somni….. Ceux qui veulent que Némausus ait été adoré dans ce temple, se fondent sur ce qu'il est à présumer que la principale divinité de la colonie ait eu la première place dans un temple où toutes les niches que l'on y trouve prouvent que l'on y sacrifiait à tant d'autres. M. Ménard WEBMASTER : Georges Mathon |