BOULEVARD DES CALQUIERES
(AMIRAL-COURBET)

Allant de la place des Carmes au boulevard de l'Esplanade.
Extrait de Nîmes et ses rues de Albin Michel, 1876



"Lors de la délibération du Conseil Municipal de juillet 1885, le nom de Boulevard Amiral-Courbet sera donné au Boulevard des Calquières." N.D.L.R.

Les Cauquières ou Tanneriès étaient situées hors de la ville dans des terrains bas et marécageux qui recevaient toutes les eaux de la Fontaine et des égouts, et comme elles étaient toutes groupées dans ce quartier, celui-ci en reçut sa dénomination .
M. Germer-Durand, dans son étude sur les murs de Nîmes, nous donne sur cette partie de l'enceinte fortifiée du moyen âge, les détails suivants que je crois intéressant de reproduire en leur entier :
"Les tours qui se trouvaient à cet endroit avant de porter le nom de Tour-des-Boeufs à cause du marché aux boeufs qui se tenait dans l'intérieur de la ville vers le collège actuel et la place de la Salamandre, formaient avec les ruines d'une porte romaine qui s'y trouvait et l'arceau pour le passage des eaux, le Castellum Morocipium dont il est question dans le cartulaire du chapitre de Nîmes. Entre la Tour-des-Boeufs et la Tour-du-Temple, il existait une échauguette ancienne bâtie sur les restes de la seconde tour de la porte romaine.
Elle était défendue par quelques arbalétriers et la Tour-des-Boeufs par huit hommes, dont trois arbalétriers. Deyron et Poldo d'Albénas ne parlent pas de cette porte romaine, mais ils indiquent cependant les trois arceaux qui se trouvaient en cet endroit.
Lorsqu'après la bagarre de 1790 on eut démoli la Tour-de-Froment et les remparts, on retrouva le reste de la Porte-des-Eaux.
Dans la Topographie de Nîmes, par Bames et Vincens, ouvrage composé en 1790, mais qui reçut un supplément et fut imprimé en 1802, l'auteur dit qu'on retrouva trois arceaux de construction romaine , dont deux servaient de passage et le troisième laissait les eaux s'écouler dans la fossé.
Dans un essai publié en 1849, M. Auguste Pelet dit avoir vu cette porte vingt-ans auparavant, lors des réparations faites à cette partie du lycée. Elle se composait, dit-il, de deux arcades sans ornements séparées par un piédroit.
La place de la Couronne qui termine ce boulevard était autrefois bien loin de ressembler á ce qu'elle est aujourd'hui. Située sur l'emplacement de l'ancien cimetière des Augustins , elle était moins spacieuse que le square actuel ; de vieilles maisons l'entouraient et á côté du Luxembourg se trouvait une auberge avec grande remise qui fermait presque l'entrée de la rue Notre-Dame ; au milieu il existait une grande fontaine la plupart du temps sans eau et c'était de cette place que partaient généralement toutes les diligences.
Aujourd'hui un très beau square arrosé par une eau abondante qui retombe en gerbe dans un grand bassin animé par un couple de cygnes, vient donner á tout ce quartier l'ombre et la fraicheur si nécessaires aux Nîmois. C'est sous l'administration de M. Duplan, maire de Nîmes que cette transformation a eu lieu."


L'Amiral Amédée Courbet

" Il se montrait très avare de ce sang français. Ses batailles étaient combinées, travaillées d'avance avec une si rare précision que le résultat, souvent foudroyant, s'obtenait toujours en perdant très peu des nôtres; et ensuite, après l'action qu'il avait durement menée avec son absolutisme sans réplique, il redevenait un autre homme, très doux, s'en allant faire la tournée des ambulances, avec un bon sourire triste. Il voulait voir tous les blessés, même les plus humbles, leur serrer la main, et eux mouraient plus contents, plus réconfortés par sa visite "
Pierre Loti
 
(qui fut son enseigne de vaisseau)


D'après l'agenda Marine de 1997
 (Edition Coeur de France 29, rue de Versailles 78150 Le Chesnay)

Né à Abbeville le 26 juin 1827, le futur amiral Courbet entra dans la Marine à sa sortie de Polytechnique en 1849, après avoir été secrétaire d'Annand Marrast pendant la Révolution de 1848.

Aspirant sur la Capricieuse, il fit campagne dans les mers de Chine, l'océan Indien et dans le Pacifique. Enseigne de vaisseau en décembre 1852, il fut remarqué par l'amiral Jacquinot et promu lieutenant de vaisseau en novembre 1856.
ll leva le plan de la rade de Biarritz où Napoléon III songeait à créer un grand port. Embarqué en 1858 sur le Suffren puis en 1860 sur le Montebello, il fut instructeur à l'école de canonnage et s'attacha à perfectionner les matériels d'artillerie et les méthodes de tir.
Capitaine de frégate en août 1866, chef d'état-major de la division cuirassée de la Manche, il commanda en 1870 le Talisman aux Antilles et donna la chasse aux navires ennemis. Revenu en France, il fut chargé de rédiger un cours de tactique navale.
Capitaine de vaisseau en août 1873, il commanda en 1874 l'école des torpilles de Boyardville dans l'Ile d'Oléron et se passionna pour cette arme nouvelle. Membre du Conseil des travaux, chef d'état-major de l'escadre de Méditerranée, il fut nommé en juin 1880 gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et en septembre contre-amiral.
Son passage à Nouméa fut marqué par une oeuvre administrative importante; il s'efforça de développer l'agriculture en luttant contre la spéculation foncière ; il lutta aussi contre la spéculation minière en obligeant les concessionnaires à exploiter leurs découvertes au lieu de les revendre avec profit.
Commandant, à son retour en France, une division navale d'essais constituée à Cherbourg, il fut nommé en 1883 à la tête de l'escadre des mers de Chine, renforcée à la suite de la mort de Francis Garnier. Il allait, dans ce poste, donner la mesure de son énergie et de son audace. En août 1883, il bloqua Hué et emporta d'assaut la citadelle, obligeant l'empereur d'Annam à la paix (Traité de Hué, août 1883). Commandant en chef interarmées, il battit les Pavillons Noirs et occupa Son-Tay et une partie du delta du Tonkin.
Promu vice-amiral en mars 1884, il dirigea les opérations décidées contre la Chine à la suite de l'affaire de Langson, attaqua les forts de Fou-Tchéou, força les passes de la rivière Min et fit détruire par ses torpilleurs une partie de la flotte chinoise (février 1885), puis débarqua à Formose et s'empara de Kelung, de Makung et en mai de l'ensemble des îles Pescadores.
Epuisé physiquement, et sans doute aussi moralement, par une campagne dont il n'avait pas tenu à lui qu'elle fut plus intelligemment menée et qu'elle aboutit à de meilleurs résultats, Courbet mourut à bord de son navire-arniral, le Bayard, en rade de Makung, le 11 juin 1885.
Le sabre de l'amiral Courbet fut déposé dans la chapelle "Marine" de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre. Dans son testament, il léguait "ses économies en espèces et ses valeurs mobilières" à la Société de sauvetage en mer en baie de Somme
La France, avec la participation du Souvenir Français, entretient deux lieux de mémoire de cette épopée à Taiwan.
Le premier est le cimetière de Keelung, ou ont été transférés en 1947 les restes de 6 à 700 marins français, morts tant des combats que des fièvres. Ce cimetière est entretenu par la communauté française de Taiwan, qui s'y rend régulièrement.
Le second est une stèle "à la mémoire de l'amiral et des marins français", qui se trouve à Makung. Cette stèle, en centre ville, est régulièrement entretenue....

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L’Amiral Amédée Courbet au Tong-Kin

Par Edouard Petit, professeur au Lycée Janson de Sailly, 1892.

L'amiral Courbet dirige seul les opérations au Tong-Kin. – Prise de Son-Tay en décembre 1883.


La baie d'Halong

L'amiral Courbet avait besoin de tout son talent et de toute son énergie pour lutter contre les ennemis qui surgirent au Tong-Kin, plus acharnés après le traité de Hué qu'auparavant. Le 25 octobre, l'amiral Courbet avait pris en main tous les pouvoirs civils et militaires. Il n'eut pas à goûter un long repos après sa nomination. Le 12 novembre, Haï-Dzuong fut attaqué par les Chinois. Le 17, la ville fut envahie par les Pavillons-Noirs (1). La canonnière la Carabine fut obligée de reculer devant les balles ennemies. Sans l'arrivage du Lynx qui dégagea la garnison, la citadelle aurait été prise. Enfin le 17 novembre l'amiral Courbet apprenait que le marquis Tzeng, ambassadeur de Chine à Paris, se décidait à déclarer officiellement la présence des forces impériales au Tong-Kin. Il fallait combattre les Chinois en même temps que le parti dissident de l'Annam.

(1)Les Pavillons Noirs étaient à l’origine une armée rebelle de paysans agissant à la frontière du Kouangtong et du Kouangsi, au temps des Paiping  ; refoulés par l’armée impériale, ils s’étaient déplacés après 1867 pour venir dans la région de Paocheng (aujourd’hui Lao Cay) à la frontière du Yunnan et du Vietnam où ils avaient défriché des montagnes boisées et s’étaient regroupés pour la culture et l’élevage. Ils étaient au départ pleins d’une haine farouche à l’égard des violences des troupes françaises. N.D.L.R.

L'amiral Courbet reprit alors le plan de Francis Garnier, de Rivière et de Bouet. Il songea à marcher sur Son-Tay qui avait échappé à tous ses prédécesseurs. Mais il avait besoin d'opérer par grandes masses. En décembre 1883, il reçut de puissants renforts amenés par le Bien-Hoa, le Tonkin et la Corrèze (transports de troupes maritimes). Il eut ainsi sous ses ordres 9500 hommes, sans compter 3000 auxiliaires tonkinois et la flotte qui comprenait 3 cuirassés, 6 croiseurs, 2 avisos. Il prit un mois pour organiser les préparatifs de l'expédition. Il ne mit en mouvement que 6800 hommes et 7 canonnières, quand il donna le signal du départ, le 13 décembre 1883.

M. Rollet de l'Isle, dans son récent ouvrage : Au Tonkin et dans les mers de Chine (1), résume la prise de Son-Tay en quelques lignes qui ont un relief tout militaire.
 (1) 1 vol. in-8°, chez Plon, 1886.

 « 21 décembre : Baie d'Honegac. - Le 13 , départ de Hanoï dans un tel secret que les officiers n'ont su que l'on allait à Son-Tay, et non pas à Bac-Ninh, que par la route qu'on leur à fait prendre. Arrivée le 14 au confluent du Day avec le fleuve Rouge. Débarquement pour éviter « d'attaquer de front les défenses accumulées par les PavilIons-Noirs entre le fleuve Rouge et la ville qui en est très rapprochée. Attaque des premières positions par les turcos (tirailleurs algériens), l'infanterie de marine et les tirailleurs annamites.
Combat, toute la soirée du 14, dans lequel les turcos perdent énormément de monde, ainsi que dans un retour offensif, de l'ennemi dans la soirée. Cette tentative est repoussée. Mais le combat, qui a lieu presque toujours à l’arme blanche dans un angle formé par deux digues, est excessivement meurtrier ; une compagnie entre autres perd 4 officiers sur cinq. Le 15, attaque de la Porte du nord de Son-Tay, simultanément par les marins du commandant Laguerre et la légion étrangère. Pendant le combat, l’amiral s’est tenu à trois cent mètres des remparts, sous le feu des assiégés, qui l’ayant reconnu, avaient planté dans la place, en face lui, trois grands pavillons noirs. Les troupes l’ont acclamé avec enthousiasme. »

« 29 décembre, à bord du Bayard. – Baie d’Halong. – Quelques détails complémentaires sur Ton-Tay, qui fait ici le fond de toutes les conversations. À l'attaque des forts du Phu-Sa, à l’angle des deux digues, le 14, les turcos ont donné avec tant d'impétuosité que leurs officiers n’ont pu les retenir. Aussi se sont-ils fait ramener une fois ; mais en voyant l'infanterie de la marine qui allait les dépasser, ils sont repartis comme des fous. Il y a eu dans cette première attaque 250 hommes hors de combat, sur 358 dans les deux affaires, et surtout une forte proportion d’officiers. De plus quand, après avoir été repoussé, les turcos sont pénétrés dans les retranchements ennemis, ils se sont livrés à un carnage effroyable, exaspérés en voyant décapités les cadavres de ceux de leurs camarades qui étaient tombés dans la première attaque. La Légion étrangère s’est admirablement conduite ; et l’on a beaucoup remarqué le calme et la bravoure du bataillon des tirailleurs annamites. Sous le feu des remparts, il a exécuté une série de feux de salve qui a frappé nos officiers.
On a trouvé dans la ville de nombreux approvisionnements : riz, argent et munitions, et quelques canons rayés. Les retranchements étaient formidables et, s’ils avaient eu plus d’artillerie, on aurait eu de la peine à les approcher. »


Canonnière l'éclair (1)

Canonnière la Fanfare (1)

La prise de Son-Tay fut un admirable fait d'armes, que nos troupes accomplirent glorieusement. Le détail de la journée est donné avec une grande précision par le correspondant du Temps. Il est intéressant de connaitre le récit de la mémorable victoire remportée par l'amiral Courbet :
«.Toutes les troupes étaient réunies, le 14 au matin, à l'ouest du Day. Le même jour, à huit heures du matin, le signal de l'action est donné par un coup de canon tiré sur les retranchements établis sur une des digues de protection du fleuve. L'engagement se dessine sur toute la ligne de Dai-Dong à Coc, les canonnières escortant le corps expéditionnaire ; mais l’élan du côté des tirailleurs algériens est tel, que, malgré les instructions de l’amiral recommandant de leur ouvrir la route à coup de canon, la flottille reste toujours en arrière. Cependant, forçant de vapeur, elle arrive devant la batterie de Phu-Xa ou Phuce-Tha, où elle est reçue par une violente canonnade. L’ennemi a de nombreuses pièces en batterie, mais heureusement un seul canon – il est d’assez fort calibre – manœuvre bien et touche légèrement la Fanfare et l’Éclair.
Depuis le matin, les tirailleurs annamites, que l’un des transports a jeté à terre, sont aux prises avec l’ennemi : ils gagnent lentement du terrain ; mais à une heure, les turcos viennent leur prêter main-forte pour enlever les Fortin et les lignes barricadées qui sont en avant de PHU-XA, et desquels l’ennemi, bien abrité, envoie une fusillade des plus meurtrières.
C’était la deuxième colonne, commandée par le lieutenant-colonel Belin, du régiment de marche, qui arrivait à l’heure prescrite à l’emplacement désigné par l’état major. Pendant sa marche, la colonne avait fouillé les bois et les villages autour de la digue qui servait de route. Le commandant Jouneau, en tête de la colonne avec le 2° bataillon du régiment de marche du 19° corps (3° tirailleurs), avait rempli cette mission avec succès, en se servant avec habileté des feux de section et d’escouade ; mais, dans cette marche de 7 à 8 kilomètres, il n’y eut aucun engagement sérieux, l’ennemi battant en retraite à mesure que les tirailleurs gagnaient du terrain.
Arrivé au point fixé par l’état-major, on forme les faisceaux, ce qui ne faisait pas l’affaire des turcos. Ceux-ci commencèrent à murmurer et à se plaindre qu’on ne faisait pas cas d’eux, qu’ils ne pourraient se mesurer avec l’ennemi. Il fallut l’intervention des officiers pour les calmer et les convaincre que, jusqu’à ce moment, il y avait eu en réalité qu’un engagement d’artillerie.
À midi et demi, ils reprennent les armes : la colonne se met en mouvement et peu après elle recevait l'ordre d'enlever, avec l’infanterie de marine, les fortifications qui sont échelonnées du fleuve à la citadelle. L’infanterie de marine était massée à l’abri d’une digue très voisine du fleuve, et les canonnières dirigeaient un feu très violent sur toutes les positions. Les turcos étaient satisfaits.
Le terrain qu'il s'agissait de franchir était entièrement découvert, battu par des, feux croisés et inondés presque en entier. Le commandant Jouneau fait mettre la baïonnette au ­canon, les trois premières compagnies de turcos s'élancent de front, tandis que la quatrième tente un mouvement de flanc. En un instant, malgré un feu des plus vifs, les tirailleurs abordent le fortin et les, barricades en bambous qui le flanquent, enlèvent l'ouvrage avec un entrain irrésistible. Tout cela en un éclair de temps.
La redoute était, défendus par neuf canons en bronze d’ancien modèle et de gros calibre. Pas une des pièces n'avait été entamée par la canonnade ; toutes étaient sur leurs affûts, prêtes à faire feu.
Le bataillon avait laissé beaucoup des siens sur le terrain. L'infanterie de marine, qui avait participé au combat et soutenu énergiquement les tirailleurs, était aussi très éprouvée. L'ennemi fortement ébranlé, tente cependant un retour offensif et, profitant de sa connaissance du terrain, aborde, tandis que le gros de la colonne continue sa marche ; un détachement d'arrière-garde, qui est forcé de se replier, lui blesse quelques hommes, se jette sur les blessés que l’on retrouve plus tard les mains coupées et mutilés de la plus horrible façon, si horrible que la plume refuse de le dire.
La deuxième colonne avait continué sa route, en enlevant, sur une distance de 1800 à 2000 mètres ; barricade sur barricade, jusqu'à 150 mètres du mirador de Son-Tay. La résistance était énergique, les Chinois ne lâchaient qu'au dernier moment.
Turcos, infanterie, de marine, tirailleurs annamites luttaient d'entrain et de bravoure. L'amiral avait donné l'ordre à la flottille de cesser le feu pour ne pas gêner le mouvement, dans la direction de la citadelle, et en même temps il faisait évacuer les blessés sur le Rumiramu.  Ils étaient déjà nombreux. La flottille avait tiré depuis le matin plus de trois cents coups de canon, coulé plusieurs jonques et démonté plusieurs pièces à l’ennemi.
A sept heures, l’engagement est général. La plupart des ouvrages avancés de la citadelle sont enlevés, mais nos pertes sont grandes ; les tirailleurs algériens, les héros de la journée, ont eu leur commandant blessé à la tête de ses troupes, à l'attaque d'un des nombreux Fortin. Sur quatre officiers d'une de leurs compagnies, trois sont hors de combat ; il ne reste qu'un lieutenant pour la commander.
Pendant la nuit, l'ennemi tente un retour offensif, mais, malgré son, énergie, il est repoussé. La Fanfare, qui garde la rive gauche du fleuve Rouge, est, également attaquée par les Pavillons-Noirs ; qu'elle disperse par quelques feux de salves . La fusillade continue jusqu'au jour. La différence de son des fusils Remington et de nos armes nous permet de distinguer facilement les positions de l'ennemi, qui paraît se retirer sur la citadelle.
Le 15 à sept heures du matin , l'amiral et son état-major vont se rendre compte de la position de Phu-Xa, sur notre droite, qui était observée depuis la veille par les tirailleurs annamites.
A quatre heures du soir, l’infanterie de marine, les turcos et la Légion étrangère s'élancent sur le fort, baïonnette au canon, malgré une vive canonnade, des bordées à mitrailles et une fusillade des plus nourries, la position est conquise.
L'ennemi était décidément refoulé dans la citadelle ; mais il ne voulait pas s'avouer vaincu ; ses troupes fraîches tentent encore de reprendre les positions. Feux de peloton, coup de canon, résonnent toute la nuit sans une seconde d'intervalle. En moyenne, les Français tirent quinze coups contre un tiré par l'ennemi.
Le 16, les troupes avancent, par un mouvement circulaire sur la citadelle, À dix heures, les fusiliers marins et la Légion étrangère emportent d’assaut la grande pagode située à 200 mètres de la porte ouest de la citadelle. À sept heures du soir, l'amiral signale par télégraphe : « Marins fusiliers et Légion étrangère ont bravement emporté à la baïonnette la première enceinte de la porte ouest. Grâce au terrain accidenté, nos pertes D’aujourd’hui sont minimes. »
Une grande, tranquillité règne pendant la nuit. Le 17 décembre, l'Éclair remonte le fleuve, pour prendre position afin ; de contre-battre la citadelle- elle-même, tandis que la Trombe descend jusqu'au Day pour barrer le passage aux renforts qui arrivent à l'ennemi. Mais, à neuf heures du matin, le corps expéditionnaire en entier reçoit le télégramme suivant du poste optique installé sur la tour, de Son-Tay, « Pavillon français salue l’amiral. »
Pendant la nuit, l’ennemi avait évacué la citadelle, et, le matin, le capitaine de frégate Laguerre, commandant le bataillon de marins fusiliers, en était avisé par un espion.
Les marins étaient entrés dans Son-Tay le fusil sur l'épaule. - La veille, avec la Légion étrangère, ils avaient fait un terrible massacre, dans la grande pagode, où ils avaient réussi à cerner l'ennemi, auquel ils n'ont pas fait de quartier. - Les braves turcos mutilés par ces sauvages étaient vengés !
On trouva dans la citadelle une centaine de chevaux, non dressés pour la plupart, des armes, munitions, etc., et de grandes richesses dans la grande pagode qui est au centre de l’ouvrage fortifié. »

L'amiral Courbet félicita aussitôt les troupes de leur belle ,conduite :« Soldats et marins ,
Les forts de Phu-,Xa et la citadelle de Son-Tay sont désormais illustrés par votre vaillance. Vous avez vaincu un ennemi redoutable et montré une fois de plus, au monde entier que la France peut toujours compter sur ses enfants. Soyez fiers de vos succès, ils annoncent la pacification du Tong-Kin.
Au quartier général de Son-Tay, 17 décembre l883.
Courbet. »
 

M. Paul Bourde, l'auteur de Paris au Tonkin, visita Son-Tay, au mois de février 1884. Il a tracé la description suivante de la ville telle que l'avait faite la guerre :
« La citadelle est aujourd'hui pleine du bruit et du mouvement de la garnison , mais la ville proprement dite ; ces quartiers, où les balafres de la gue sont encore toutes fraîches, restent aussi mornes qu'au lendemain de l'assaut ; nous y avons erré quelques heures à respirer la tristesse des ruines. Les toits, défoncés par les obus, éventrés, bâillent par de béants  
trous noirs ; les maisons que personne n’a ouvertes à l’étranger ferment leur porte avec une obstination farouche ; un silence de mort pèse dans les rues ; il semble qu’on y sente encore l’hostilité de ceux qui les peuplaient. La partie du village nord, entre la seconde enceinte et le fleuve, a été complètement détruite. Les bassins cimentés où l’on recueillait l’eau du ciel témoignent seuls de l’emplacement où furent des habitations ; les briques mêmes ont été enlevées pour construire deux blockhaus, dont les tours rouges dominent cette plaine si bien rasée qu’on pourrait, suivant l’usage antique, y semer du sel.
La grande pagode de Phu-Gni, qui s'élevait près de là, n'est plus qu'un monceau de décombres ; les tables des offrandes laquées de rouge et réchampis d'or, les panneaux couverts d'inscriptions, les boiseries, ouvragées, broyées sous le talon, des soldats, gisent mêlés aux briques des murailles. Une sorte de charnier de dieux était amoncelé dans une cour où, les débris de statues de bois de la pagode avaient été jetés. Au milieu des membres rompus et des troncs mutilés, nous retrouvâmes intacte la tête de Bouddha, éclairés de cet ineffable sourire de détachement que les sculpteurs hindous ont inventé ; et cette vue nous fit faire un retour sur ces doctrines qu'on nous avait enseignées à Ceylan. Quelle chose chétive et insignifiante dans la mâchoire du néant que l'individu au milieu de ces grandes catastrophes ! Notre établissement au Tong-King sera certainement marqué comme un progrès au bilan de l'humanité, et le malheur des pauvres gens dent nous inspections les demeures à demi détruites est le prix de cette transformation. Mais qui leur tiendra compte de leurs souffrances ? Ils ont passé obscurément sous la meule du destin, et personne ne les a même entendu crier
. »


La citadelle de Hanoï, porte de Son-Tay (1)

La prise de Son-Tay eut un retentissement considérable dans tout l'Orient. La cour de Hué, qui venait d'être le théâtre de graves désordres, rentra dans le calme. L'empereur Hap-Hoa, successeur de Tu-Duc, avait été empoisonné parce que nous le protégions ; il fut remplacé par un parent du ministre des finances dans l'Annam, un certain Kien-Phuoc ou Taï-Phu, qui, se hâta d'obéir aux conseils du résident français, M. de Cham­peaux, des que Son-Tay se fut rendu.
Cependant, l'amiral Courbet voulait compléter son succès et achever la guerre par la prise de Bac-Ninh, ville située à cinq kilomètres du Son-Koï, au N.-E. de Hanoï. Il avait demandé des renforts ; il les attendait pour remporter une seconde et brillante victoire, quand il apprit que l'honneur de donner l'assaut à Bac-Ninh n'était pas réservé à la marine, mais à l’armée de terre. Près de 3000 hommes furent envoyés avec des canons, des télégraphistes, des aérostatiers ; leur chef était le général de division Millot, assisté des deux généraux de brigade : Brière de l'Isle et Négrier. Parmi ses officiers d'ordonnance, le général , Millot comptait Hautefeuille, devenu lieutenant de vaisseau, l'ancien compagnon de Francis Garnier. Du moins, Courbet fut élevé au grade de vice-amiral et maintenu, à la tête de la division navale. L'armée de terre et l'armée de mer vont rivaliser de courage et de gloire.

 La mort de l’Amiral Courbet.

La Chine fut plus malaisément soumise. Il fallut deux années de succès ininterrompus pour l'amener à une complète soumission. Il n'entre pas dans le cadre d'un exposé relatif au Tong-Kin de suivre les marins et les fusiliers de la flotte dans leurs brillantes campagnes et de les raconter dans le détail. Mais, en raison de l'influence que les exploits de l'amiral Cour­bet ont exercée sur l'expédition même et sur la conquête définitive du Tong-Kin, il convient de les résumer en quelques traits, dans leur héroïque ensemble.
L'amiral Courbet s'était proposé un double but : s'emparer de Kélung et de Tam-Sui, ports situés au nord de l'île Formose, importants à cause de leurs mines de houille ; mettre la main sur l'arsenal de Fou-Tchéou, à l'embouchure de la rivière Min. Il se chargea de la seconde opération. Il franchit tout d'abord les passes du Min, laissant derrière lui les fortifications établies par les Chinois, pour interdire l'accès de la rivière. Il était contraint ou de périr ou de vaincre. Le 23 août, il ouvrit le feu sur les 23 bâtiments chinois, en rade de Fou-Tchéou ; à 2 heures de l'après-midi, torpilleurs et corvettes, agirent simultanément; une demi-heure plus tard, 22 navires chinois avaient coulé à fond, ainsi que 42 jonques de terre : 2000 marins et officiers environ avaient péri. Le 24 l'amiral bombarda l'arsenal. Le 26 il descendait la rivière, détruisait les batteries de la passe Min­gan, qui n'étaient pas construites en vue d'empêcher la sortie d'une flotte victorieuse. Le 27 et le 28, le reste des passes était franchi, le reste des défenses détruit. Le 29, les navires français avaient regagné la haute mer, après avoir causé à la Chine une perte de 30 millions.
A l'île de Formose, le succès était moins complet. Le 5 août, l'amiral Lespès avait bombardé Kélung et détruit une partie des fortifications ennemies. Quand les bâtiments de l'amiral Courbet, après la destruction de l'arsenal de Fou-Tchéou, rallièrent les navires de l'amiral Lespès, l'on agit avec vigueur. Le 2 octobre, l'amiral Courbet s'empara des fals qui dominent Kélung, et enleva la place. Il est vrai que, le même jour, l'amiral Lespès échouait devant Tam-Sui. Il fallut se contenter de garder Kélung, malgré de fréquentes attaques, malgré les épidémies, malgré la mousson du nord-est.
Bien que les Anglais, inquiets de nos succès dans les mers d'Orient, eussent promulgué le Foreinq enlistment act, loi qui empêchait Français et Chinois de se ravitailler en vivres, munitions et charbons dans les dépôts des ports britanniques, l'amiral Courbet put continuer de lutter, car on lui envoya du charbon d'Obock, de Mahé et de Pondichéry. Le 13 janvier 1885, il rejoignit une division navale chinoise sortie du Yang-tsé­-Kiang. Trois navires sur cinq parvinrent à s'échapper, les deux autres se réfugièrent dans le port de Sheipou. Dans la nuit, deux canots porte-torpilles, commandés par le capitaine de frégate Gaudon et le lieutenant de vaisseau Duboc, et conduits par le lieutenant de vaisseau Ravel, qui connaissait l'entrée de la rade, s'élancèrent sur les navires chinois et les firent sauter. Il ne restait plus rien au Céleste-Empire de sa magnifique flotte.
La Chine ne céda pourtant pas. L'amiral Courbet conçut alors l’ingénieuse idée d'empêcher dans le nord de l'immense- empire arrivée du riz qui nourrit ces formidables agglomérations humaines et que l'on tire du sud. Affamer les habitants, c'était, terminer la guerre. Il commença le blocus de la côte et le conduisit avec un rare talent. De plus, entre le 29 et le 31 mars, il les îles Pescadores, situées à l'avant de Formose, qui devaient fournir une excellente base d'opération à la flotte. L'effet des nouvelles opérations ne tarda pas à se faire sentir. La Chine, qui avait dédaigné les attaques tentées contre son territoire soit continental, soit insulaire, trembla quand ses intérêts vitaux furent en jeu. Elle demanda à traiter. Le 4 avril, les préliminaires d’une paix sérieuse furent signés. Le 16 avril, l'amiral Courbet dut lever le blocus, puis évacuer les Pescadores, sa dernière conquête. Le 9 juin, la seconde paix de Tien-Tsin était signée. Malheureusement l'homme qui avait le plus contribué à l'imposer à la Chine, le vainqueur de Fou-Tchéou et de Kélung, l'amiral Courbet était mort le 10 juin, enlevé par la maladie sur son vaisseau le Bayard.
C'était le troisième grand marin qui succombait pour la patrie après Garnier, Rivière ; après Rivière, Courbet : glorieuse , trinité de héros !
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BOULEVARD AMIRAL-COURBET
Collection de Cartes Postales anciennes
de J.P. Descout - G. Taillefer - G. Mathon


Café Peloux, ensuite magasin nouveautées Bloch puis meubles Renvier, actuellement fast-food Quick


Nouveautées Bloch, bâtiment  de type néo-hausmanien construit dans les années 1920.


Actuellement à droite à l'emplacement du coiffeur, le café du Printemps


Ce bâtiment du Café Tortoni sera démoli en 1929, il deviendra plus tard un Prisunic et ensuite le Monoprix.




Bâtiment réalisé par l'architecte nîmois, Max Raphel.


Actuellement au 9, à la place du Bar Français, Le Mazurier


La Galerie Jules-Salles, architecte Max Raphel..


Le café de France, au 21 boulevard Amiral-Courbet.




Le bar de la porte Auguste, au 25 boulevard Amiral-Courbet





Actuellement de part et d'autre du passage Guérin, l'établissement Lacour.




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